Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00304

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Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00304

ARRET N° .

N° RG 22/00304 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKMA

AFFAIRE :

S.C.S. LEROY

C/

S.A.S. BRICORAMA FRANCE

S.A.S. COREAL, S.A.S. TRAVAUX SPECIAUX BTP SEFA FRANCE

GS/LM

Demande en revendication d’un bien mobilier

Grosse délivrée

aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 01 JUIN 2023

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Le UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.C.S. LEROY, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me DUBOIS-MARET avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’une décision rendue le 10 FEVRIER 2022 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LIMOGES

ET :

S.A.S. BRICORAMA FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL ELIGE LIMOGES – CABINET VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES, Me James DUPICHOT de la SELARL DLBA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. COREAL, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le numéro 497 579 716, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social., demeurant Centre commercial Belle Epine – 140, tour Europa – 9, avenue de l’Europe – 94320 THIAIS

non représentée

S.A.S. TRAVAUX SPECIAUX BTP SEFA FRANCE immatriculée au Registre de Commerce et des Société de Bobigny sous le numéro 511 590 960, prie en la personne de son représentant légale en exercice en cette qualité au siège social., demeurant Centre commercial les Fauvettes – [Adresse 3]

non représentée

PARTIES INTERVENANTES FORCEES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 09 février 2023 puis renvoyée au 06 avril 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2023.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 01 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

En décembre 1983, la société Lionel Leroy et Cie (la société Leroy) a donné à bail commercial à la société Negoce bricolage, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Bricorama France (la société Bricorama) un immeuble à usage commercial situé à [Localité 4] (87).

Un litige ayant opposé les parties sur l’entretien des lieux loués, le tribunal de grande instance de Limoges, par jugement définitif du 4 octobre 2012, a condamné la société Leroy à payer à sa locataire des sommes au titre de travaux.

Le 9 octobre 2013, les parties ont conclu un accord transactionnel.

Le 2 juin 2016, la société Bricorama a donné congé pour le 31 décembre 2016 et un état des lieux de sortie a été dressé par huissier de justice.

Reprochant à son ex locataire la mauvaise exécution des travaux de remise en état, la société Leroy a saisi, le 20 avril 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges qui a ordonné, le 21 juin 2017, une expertise confiée à M. [V] [Z] laquelle a été étendue le 6 décembre 2017 aux entreprises étant intervenues sur le chantier, à savoir la société Coreal et la société Travaux spéciaux BTP Sefa France (la société Sefa).

L’expert a déposé son rapport le 28 février 2019.

Au vu de ce rapport, la société Leroy a assigné, devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Limoges, la société Bricorama qui a appelé en cause les sociétés Coreal et Sefa.

Par jugement du 19 novembre 2019, le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Limoges après avoir retenu qu’il n’existait pas de problème d’exécution.

Par ordonnance du 12 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de la société Bricorama tendant à voir déclarer nulle l’assignation de la société Leroy par laquelle cette dernière lui réclamait paiement de dommages-intérêts en réparation de ses fautes commises lors de sa gestion d’affaires tenant en la mauvaise exécution ou l’absence d’exécution de travaux de remise en état.

Par jugement du 10 février 2022, le tribunal judiciaire a :

– déclaré recevable l’action de la société Leroy après avoir rejeté les fins de non recevoir de la société Bricorama tirées du défaut d’intérêt et de qualité à agir, de l’autorité de chose jugée et de l’expiration de la garantie de parfait achèvement;

– débouté la société Leroy de son action après avoir retenu l’absence de gestion d’affaire.

La société Leroy a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société Leroy conclut à la condamnation de la société Bricorama à lui payer une indemnité de 189 134,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres sur le fondement de l’article 1732 du code civil, en lui reprochant d’avoir dégradé les lieux loués. Subsidiairement, la société Leroy se fonde sur la gestion d’affaires en soutenant qu’en prenant l’initiative de faire exécuter des travaux dans les lieux loués, la société Bricorama s’est comportée en gérant d’affaires et qu’elle doit répondre des désordres consécutifs à sa faute dans cette gestion.

La société Bricorama conclut à l’irrecevabilité de l’action de la société Leroy qui est dépourvue d’intérêt à agir, dont la demande est non seulement prescrite par application de l’article 1792-6 du code civil mais se heurte également à l’autorité de la chose jugée attachée au protocole transactionnel du 9 octobre 2013. Subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’absence de gestion d’affaires, et en tout état de cause au rejet de la demande en l’absence de toute faute de sa part. Très subsidiairement, elle demande à être relevée indemne de toutes condamnations par les sociétés Coreal et Sefa.

Les sociétés Coreal et Sefa n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action engagée par la société Leroy, contestée par la société Bricorama.

1) La qualité à agir de la société Leroy.

Le défaut de qualité à agir de la société Leroy -non retenu par les premiers juges- n’est plus soutenu en cause d’appel, cette société ayant justifié être propriétaire de l’immeuble concerné par le litige.

2) L’autorité de la chose jugée.

La société Bricorama soutient que l’action de la société Leroy se heurte à l’autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 4 octobre 2012 par le tribunal de grande instance de Limoges, devenu définitif, et au protocole d’accord du 9 octobre 2013.

Le jugement du 4 octobre 2012 tranche le litige qui opposait la société Bricorama, locataire, à son bailleur, la société Leroy, au sujet des travaux d’entretien de l’immeuble loué et à leur prise en charge. Après avoir constaté la défaillance de la société Leroy dans l’exécution de son obligation d’entretien, ce jugement condamne notamment cette société, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à payer à la société Bricorama, locataire, la somme de 366 560,65 euros HT, avec indexation, correspondant au coût des travaux, ainsi que le coût de la maîtrise d’oeuvre (sur justificatifs), ces fonds devant permettre à la locataire de faire procéder aux travaux nécessaires.

Le tribunal de grande instance a expressément envisagé, dans les motifs de son jugement, l’hypothèse d’un litige entre les parties sur l’exécution des travaux, puisqu’il précise qu’il appartiendra, le cas échéant, à la société Leroy, ‘en tant que propriétaire, de faire constater que les travaux n’ont pas été réalisés ou qu’ils ont été mal exécutés et d’en tirer toute conséquence qu’il lui appartiendra’.

La société Bricorama a fait procéder, sur la base de ce jugement assorti de l’exécution provisoire, à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société Leroy, laquelle a formé un recours contre cette mesure tout comme elle a relevé appel du jugement précité.

Les parties se sont finalement rapprochées et elles ont signé un protocole d’accord le 9 octobre 2013 au terme duquel la société Leroy a versé à la société Bricorama une somme correspondant au coût des travaux et elle s’est désistée de son appel formé contre le jugement du 4 octobre 2012, ainsi que de ses recours formés contre les mesures d’exécution de cette décision.

Même si les parties ont stipulé que ce protocole mettait fin à leur litige, cet acte ne pouvait envisager la survenance d’un différend entre elles sur l’exécution des travaux, puisque ceux-ci n’avaient pas encore débuté, étant ici rappelé que cette hypothèse avait été expressément envisagée dans les motifs du jugement du tribunal de grande instance qui prenaient soin de préciser qu’il appartiendra à la société Leroy, en sa qualité de propriétaire, de faire constater les fautes d’exécution et d’en tirer toute conséquence.

Or, tel est bien l’objet de la présente instance engagée par la société Leroy puisque celle-ci tend à obtenir la condamnation de la société Bricorama à l’indemniser des désordres consécutifs à la mauvaise exécution des travaux qu’elle a fait réaliser sur l’immeuble loué. Il s’agit donc bien d’un litige distinct de celui qui a été tranché par le tribunal de grande instance et par le protocole transactionnel. Dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non- recevoir tirée de l’autorité de chose jugée.

3) L’intérêt à agir de la société Leroy.

La société Bricorama expose qu’elle a notifié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 février 2014, à la société Leroy l’achèvement des travaux en l’invitant à formuler ses réserves dans les huit jours, ‘à défaut nous considérerons ce dossier clos’. N’ayant reçu aucune réserve dans ce délai de la part de la société Leroy, elle en déduit que cette dernière est dépourvue d’intérêt à agir.

Cependant, le silence de la société Leroy ne saurait constituer une acceptation claire et non équivoque des travaux réalisés dans son immeuble. Il s’ensuit que cette société conserve un intérêt à agir en réparation de son préjudice consécutif à la mauvaise exécution des travaux.

4) La prescription.

La société Bricorama soutient que l’action de la société Leroy est prescrite en vertu de l’article 1792-6 du code civil qui limite à une année, à compter de la réception de l’ouvrage, la garantie de parfait achèvement due par un entrepreneur.

Cependant, l’action de la société Leroy n’étant pas fondée sur la garantie de parfait achèvement, le délai d’action d’une année n’est pas applicable. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette fin de non- recevoir.

Sur le fond.

La société Leroy fonde sa demande indemnitaire :

– à titre principal, sur l’article 1732 du code civil, en reprochant à la société Bricorama d’avoir dégradé les lieux loués,

– à titre subsidiaire, sur la gestion d’affaire en soutenant que la société Bricorama s’est comportée en gérant d’affaire et qu’elle doit répondre des désordres consécutifs à sa faute dans cette gestion.

Il convient à ce stade de rappeler que le litige trouve son origine dans la défaillance de la société Leroy, bailleresse, dans l’exécution de son obligation de procéder aux travaux d’entretien des lieux loués, défaillance que le tribunal de grande instance a constatée dans son jugement du 4 octobre 2012 qui déclare cette société responsable des désordres relevés par l’expert judiciaire, M. [Z], dans son rapport du 11 décembre 2009. Prenant acte du manquement de la société Leroy à son obligation d’entretien, cette juridiction, usant de la faculté offerte par l’article 1144 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, a autorisé la société Bricorama à effectuer les travaux d’entretien aux dépens de la société Leroy qui a été condamnée à payer à la locataire les sommes correspondant au coût de ces travaux, avec indexation, y compris le coût de la maîtrise d’oeuvre.

Cette solution, destinée à pallier la défaillance du bailleur dans l’exécution de ses obligations, ne créé, à la charge de la société locataire, que la seule obligation d’effectuer les travaux pour lesquels elle a reçu de la société Leroy paiement du prix. Il est constant que la société Bricorama a satisfait à cette obligation puisqu’elle a fait réaliser les travaux par deux entreprises, les sociétés Coreal et Sefa qu’elle a réglées avec les fonds remis par la société Leroy en exécution du protocole d’accord du 9 octobre 2013, cette dernière étant informée de l’achèvement du chantier par une lettre recommandée du 12 février 2014 qui l’invitait, le cas échéant, à faire valoir ses réserves.

Même si les parties étaient liées par un bail commercial, les difficultés nées des travaux d’entretien des lieux loués réalisés par des entrepreneurs tiers à l’initiative de la société locataire, substituée dans les droits du bailleur afin de pallier la carence de celui-ci, sont étrangères à ce contrat et ne peuvent relever de l’article 1732 du code civil.

L’action indemnitaire de la société Leroy ne peut pas davantage prospérer sur le fondement de la gestion d’affaires pour les motifs pertinents retenus par les premiers juges qui ont relevé, à bon droit, que la société Bricorama n’avait pas spontanément pris l’initiative de la réalisation des travaux d’entretien des lieux loués, mais qu’elle avait agi conformément à l’autorisation judiciaire d’y procéder qui lui avait été donnée par le jugement du 4 Octobre 2012.

La société Bricorama a été autorisée judiciairement à faire réaliser les travaux d’entretien qui incombaient à son bailleur pour pallier la carence de ce dernier. Cette autorisation, limitée à la seule réalisation des travaux, n’a pas eu pour effet de conférer la qualité de maître de l’ouvrage à la société Bricorama, même si cette dernière a commandé le chantier aux sociétés Coreal et Sefa. D’ailleurs, dans son jugement du 4 octobre 2012, le tribunal de grande instance a pris soins de préciser dans sa motivation qu’en cas de difficulté, comme en l’espèce, sur l’exécution du chantier, il appartiendra, le cas échéant, à la société Leroy, en sa qualité de propriétaire, de faire constater que les travaux ont été réalisés ou qu’ils ont été mal exécutés et d’en tirer toute conséquence, consacrant ainsi que cette société demeurait maître de l’ouvrage. Par suite, il incombait à la société Leroy d’agir à l’encontre des sociétés Coreal et Sefa, ce qu’elle n’a pas fait.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la société Leroy de son action dirigée contre la société Bricorama.

Sur l’appel incident de la société Bricorama dirigé contre le chef de décision la condamnant à payer à la société Coreal une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Bricorama n’a pas été condamnée aux dépens. Elle ne peut être considérée comme une partie perdante puisque la société Leroy est déboutée de son action dirigée contre elle. En outre, le tribunal de grande instance a retenu que la société Bricorama était fondée à appeler en garantie la société Coreal. Dès lors, il ne saurait lui être infligé une condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour d’appel statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 10 février 2022 par le tribunal judiciaire de Limoges, sauf en sa disposition condamnant la société Bricorama France à payer à la société Coreal une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau de ce chef,

REJETTE la demande de la société Coreal fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société Leroy à payer à la société Bricorama France la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société Leroy aux dépens.

LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,

Line [I]. Corinne BALIAN.

 


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