Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04162

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Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04162

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 01/06/2023

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N° de MINUTE :

N° RG 22/04162 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UO5V

Ordonnance de référé (N° 21/00303) rendue le 11 août 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

SARL Le Gilbreu, prise en la personne de son représentant légal domicilé en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 3]

représentée par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉS

Monsieur [T] [G]

né le 16 octobre 1979 à [Localité 4], de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

Madame [X] [P]

née le 03 novembre 1992 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 24 janvier 2023 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023 après prorogation du délibéré du 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 janvier 2023

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié des 20 et 23 décembre 2013, [F] [E], aux droits de laquelle viennent M. [G] et Mme [P], a donné à bail commercial à Mme [H] une maison à usage de commerce et d’habitation et le terrain en dépendant situés [Adresse 3].

Le bail a été conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er mars 2010, le loyer d’origine s’élevant à 12 444 euros par an, payable par mensualités de 1 037 euros.

Par acte notarié du 14 août 2015, auxquels sont intervenus M. [G] et Mme [P], Mme [H] a cédé à la société Le Gilbreu le fonds de commerce de débit de boissons et de restauration exploité dans les lieux loués.

Le 27 mars 2019, la société Le Gilbreu a demandé le renouvellement du bail, après avoir sollicité et obtenu la désignation d’un expert judiciaire aux fins d’évaluer les désordres affectant les lieux loués. L’expert a déposé son rapport le 25 mars 2020, en constatant notamment que des travaux de réhabilitation avaient été réalisés à l’initiative du bailleur pendant la mesure d’instruction.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception présentée le 18 mars 2021, M. [G] et Mme [P] ont invité la société Le Gilbreu à payer les taxes foncières des années 2015 à 2020 au titre des lieux loués, ce pour un montant total de 9 276,13 euros.

Le 11 juin 2021, la société Le Gilbreu a assigné M. [G] et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d’obtenir réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis en raison des désordres ayant affecté les lieux loués.

Le 15 septembre 2021, M. [G] et Mme [P] ont délivré à la société Le Gilbreu un commandement de payer visant la clause résolutoire et portant sur la somme précitée de 9 276,13 euros.

Par exploit du 30 novembre 2021, M. [G] et Mme [P] ont assigné la société Le Gilbreu devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins, notamment, de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion du preneur et condamner celui-ci au paiement d’une somme provisionnelle de 9 276,13 euros ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 15 octobre 2021.

Le 22 avril 2022, la société Le Gilbreu s’est acquittée de la somme de 8 835,66 euros au titre des taxes foncières des années 2016 à 2020, outre les frais du commandement de payer.

‘ Par ordonnance du 11 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque a statué en ces termes :

« Au principal renvoyons les parties à se pourvoir comme elles aviseront,

Mais dès à présent :

Déboutons Madame [X] [P] et Monsieur [T] [G] de leurs demandes de condamnation provisionnelle au titre des loyers, charges et taxes impayées ;

Constatons à compter du 15 septembre 2022 la résiliation du bail portant sur l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] ;

Autorisons, passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société Le Gilbreu et de celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique ;

Disons qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans le délai d’un mois non renouvelable à compter de la signification de l’acte, à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

Fixons à titre provisionnel le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation due par la société Le Gilbreu, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu’à la libération complète et définitive des lieux désignés ci-dessus, au montant mensuel de 1 037 euros HT HC ;

Condamnons la société Le Gilbreu aux entiers dépens de la présente instance ;

Condamnons la société Le Gilbreu à payer à Madame [X] [P] et Monsieur [T] [G] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.»

‘ Par déclaration du 30 août 2022, la société Le Gilbreu a relevé appel de l’ensemble des chefs de l’ordonnance.

‘ Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, la société Le Gilbreu demande à la cour de :

« DIRE BIEN APPELE ET MAL JUGE l’ordonnance prononcée par le juge des référés du Tribunal Judiciaire de BOULOGNE-SUR-MER le 11 août 2022 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

DECLARER IRRECEVABLE la demande présentée par Monsieur [T] [G] et Madame [X] [P] correspondant au règlement de la taxe foncière de l’annee 2015 ;

REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par Monsieur [T] [G] et Madame [X] [P] ;

SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire et préciser que la clause résolutoire ne jouera pas dans la mesure où le locataire s’est acquitté de l’ensemble des sommes dues aux bailleurs ;

CONDAMNER Monsieur [T] [G] et Madame [X] [P], solidairement, in solidum, à verser à la SARL LE GILBREU la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile. »

‘ Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022, M. [G] et Mme [P] demandent à la cour de :

« CONFIRMER l’ordonnance de référé du 11 août 2022 en ce qu’elle a :

CONSTATÉ le jeu de la clause résolutoire du bail ayant lié Madame [P] et Monsieur [G] et la SARL LE GILBREU, et ordonner en conséquence, l’expulsion de la SARL LE GILBREU, ainsi que de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 3], avec si besoin l’aide d’un serrurier et le concours de la force publique ;

DIT que Madame [P] et Monsieur [G] pourront procéder à l’enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux, soit dans l’immeuble, soit chez un garde-meubles au choix de Madame [P] et Monsieur [G] aux frais, risques et périls de la SARL LE GILBREU ;

CONDAMNÉ la SARL LE GILBREU à régler par provision à Madame [P] et Monsieur [G] une indemnité d’occupation à compter de la date de constatation du jeu de la clause résolutoire soit à compter du 15 octobre 2021 et jusqu’à parfait délaissement, équivalente au montant du loyer actuellement réglé, outre les indexations à venir ;

CONDAMNÉ la SARL LE GILBREU au paiement d’une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens de première instance ;

REFORMER l’ordonnance de référé du 11 août 2022 en ce qu’elle a :

DEBOUTÉ Madame [P] et Monsieur [G] de leur demande de voir condamner la SARL LE GILBREU à leur payer une provision d’un montant en principal de 610,15 € au titre de la taxe foncière de 2015 visée au commandement ;

DEBOUTER la SARL LE GILBREU de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la SARL LE GILBREU au paiement d’une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel

CONDAMNER la SARL LE GILBREU en tous les frais et dépens en cause d’appel. »

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour l’exposé de leurs moyens.

‘ L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

De jurisprudence constante, le juge des référés a, sur le fondement de ce texte, le pouvoir de constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial et d’ordonner l’expulsion du preneur.

L’article 835 du code de procédure civile dispose pour sa part que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Aux termes de l’article L145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges, saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Selon le premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, le bail commercial comporte une clause résolutoire stipulant expressément qu’à défaut d’exécution d’une seule des clauses, charges et conditions du bail, celui-ci sera résilié de plein droit un mois après la délivrance au preneur d’un commandement lui enjoignant vainement d’exécuter ses obligations.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 15 septembre 2021 à la société Le Gilbreu et celle-ci ne s’est pas acquittée, dans le délai légal d’un mois, de l’obligation contractuelle litigieuse, soit le paiement de la taxe foncière au titre des années 2015 à 2020 représentant un montant total de 9 276,13 euros.

Ainsi que l’a justement retenu le premier juge, le bailleur ne justifie pas avoir réclamé paiement, avant le 18 mars 2021, de la somme de 610,13 euros au titre de la taxe foncière 2015, de sorte que l’obligation au paiement du preneur au titre de cet exercice est sérieusement contestable comme étant manifestement prescrite.

Aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut en revanche être opposée pour les années postérieures et il ressort suffisamment des pièces produites qu’à l’invitation du preneur, le bailleur a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 juin 2021, dûment justifié que l’impôt réclamé correspondait bien au local donné à bail.

Il apparaît en outre que le recouvrement simultané de six années d’imposition ne témoigne d’aucune intention malicieuse, mais de circonstances liées au décès de l’auteur des donneurs à bail. Il n’est ainsi pas démontré par l’appelante que la clause résolutoire n’aurait pas été mise en oeuvre de bonne foi par les intimés.

L’application de la clause résolutoire aurait toutefois pour effet de faire perdre à la société Le Gilbreu le fonds de commerce qu’elle exploite depuis bientôt huit ans, tandis que M. [G] et Mme [P] ne font état d’aucun besoin particulier au sens de l’article 1343-5 du code civil.

Aussi convient-il d’autoriser, de manière rétroactive, le preneur à s’acquitter de sa dette avant le 30 avril 2022 et de suspendre ainsi le jeu de la clause résolutoire jusqu’à cette date.

Le paiement des sommes dues étant intervenu le 22 avril 2022, la clause résolutoire n’a pas joué et il y a lieu de débouter le bailleur de sa demande de résiliation et de ses demandes subséquentes.

La décision entreprise sera donc infirmée, sauf en ce qu’elle a débouté M. [G] et Madame [P] de leur demande de condamnation provisionnelle au titre des taxes foncières litigieuses.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a condamné la société Le Gilbreu aux dépens de première instance et au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le sens de la présente décision commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel et de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de leur frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a débouté M. [G] et Mme [P] de leur demande de condamnation provisionnelle au titre des taxes foncières litigieuses ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Constate l’existence d’une contestation sérieuse au titre de la taxe foncière 2015 ;

Accorde, de manière rétroactive, à la société Le Gilbreu un délai jusqu’au 30 avril 2022 pour s’acquitter de sa dette au titre des taxes foncières 2016 à 2020 ;

Suspend le jeu de la clause résolutoire ;

Constate que la société Le Gilbreu s’est acquittée de sa dette dans le délai ;

Dit que la clause résolutoire n’a pas joué ;

Déboute en conséquence M. [G] et Mme [P] de leurs demandes au titre de la résiliation du bail et de ses suites ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

Marlène Tocco Samuel Vitse

 


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