Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12440

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Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12440

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

N° 2023/401

Rôle N° RG 22/12440 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAXA

[V] [S]

C/

[N] [S]

S.A.S. FLBL NOTAIRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Martine WOLF

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 05 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00341.

APPELANT

Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me David ALLOUCHE de la SELARL DAVID ALLOUCHE AVOCAT, avocat au barreau de NICE,

INTIMES

Monsieur [N] [S]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 4]

représenté et plaidant par Me Martine WOLFF, avocat au barreau de NICE

S.A.S. FLBL NOTAIRES

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Hélène BERLINER de la SCP SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 29 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Autorisé par ordonnance sur requête du 25 octobre 2021, monsieur [N] [S] a fait pratiquer une saisie conservatoire à l’encontre de monsieur [V] [S], son fils adoptif, pour avoir garantie et paiement d’une somme de 672 000 euros, entre les mains de Me [P], notaire à [Localité 8]. Le requérant exposait qu’il entendait révoquer une donation consentie sur la nue propriété d’un immeuble [Adresse 7], et [Adresse 12], en raison de l’ingratitude de son fils. Ce bien ayant été vendu courant décembre 2021, il a demandé la restitution de son prix, correspondant à la valeur de la nue propriété, soit 672 000 euros, par assignation devant le tribunal judiciaire de Nice délivrée le 23 novembre 2021.

Sur contestation de cette mesure, le juge de l’exécution de Nice, le 5 septembre 2022 a :

– débouté monsieur [V] [S] de ses contestations,

– dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles,

– condamné monsieur [V] [S] aux dépens.

Il retenait que la créance était établie en son principe et que monsieur [V] [S] était sans emploi et certes propriétaire de deux immeubles mais qui avaient été financés lors de leur acquisition, par monsieur [N] [S].

La décision a été notifiée par le greffe le 6 septembre 2022 et monsieur [V] [S] en a fait appel par déclaration à la cour le 15 septembre 2022.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 8 novembre 2022 auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [V] [S] demande à la cour de :

– Le déclarer recevable en son appel.

Vu l’article R511-5 du Code des Procedures Civile d’exécution,

Vu les pièces produites au débat,

– Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– Ordonner la main-levée de la saisie conservatoire pratiquée par monsieur [N] [S], entre les mains de la SAS F.L.B.L., notaires associés située [Adresse 3] à [Localité 8],

– Ordonner l’attribution des fonds saisis à hauteur de 672 000 € au profit de monsieur [V] [S],

– Condamner monsieur [N] [S] au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procedure Civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SCP Badie Thibaud Juston, du Barreau d’Aix en Provence.

Il conteste les motifs de révocation de la donation, présente son père adoptif, monsieur [N] [S] comme atteint d’instabilité psychologique et de dépression, lequel depuis son divorce d’avec sa mère prononcé en novembre 2021, madame [J] [B], le traite comme le ‘mouton noir’ de la famille, s’étant rapproché de son autre fils, [T], qu’il rejetait jusqu’alors. Il serait aujourd’hui sous nouvelle influence celle de [T] et [G], ses deux enfants naturels. Les apparences de créance doivent être convaincantes, une seule assignation en justice ne peut suffire. L’ingratitude n’existe pas, les éléments produits sont fortement contredits. Il va d’ailleurs demander au fond, une expertise médicale sur l’état de sanité de son père. Aucun risque n’est caractérisé sur le recouvrement tandis qu’il est propriétaire de deux appartements à [Adresse 9] et [Adresse 11], valant respectivement 400 000 euros en 2011, et 265 000 euros en 2017, lors de leur acquisition, dont le second est loué 1 011 euros par mois de sorte que le fait qu’il n’ait pas d’emploi n’est pas un critère suffisant pour retenir le péril de non recouvrement comme l’a fait le premier juge. Il convient donc de lui attribuer les fonds saisis.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 21 novembre 2022 auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [N] [S] demande à la cour de :

– Vu l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’article R.511-5 du même code,

– Confirmer le jugement du juge de l’execution du tribunal judiciaire de Nice en date du 5 septembre 2022, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– Condamner monsieur [V] [S] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de 1’artic1e 700 du Code de Procedure Civile et aux entiers dépens d’appe1 distraits au profit de Me Sylvie Martin, cabinet MVD associés du Barreau de Nice.

A la suite d’un AVC et de son retour chez lui, [Adresse 6], son fils adoptif, monsieur [V] [S] s’est installé chez lui avec sa femme et leurs enfants, cohabitation qui a été très difficile car son fils l’a terrorisé et frappé à deux reprises. C’est son autre fils [T], qui l’a tiré de cette situation et l’a fait sortir de son domicile, [V] s’y étant maintenu jusqu’à sa vente alors qu’il en était nu propriétaire. L’ingratitude est établie et justifie la révocation de la donation sur l’immeuble en l’état des attestations produites et des mauvais traitements subis. Son fils [V] ne travaille pas et les biens dont il est propriétaire ont été financés par son père d’ailleurs dans le cadre, pour la route de Bellet, d’un prêt à taux zéro0 avec inscription d’hypothèque au profit de monsieur [N] [S] sur lequel rien n’a été payé. Il y a donc risque d’insolvabilité.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 1er décembre 2022 auxquelles il est ici renvoyé, la SAS FLBL Notaires demande à la cour de :

– Lui donner acte de ce qu’elle détient en sa comptabilité la somme de 673 716,74 euros y compris les fonds saisis à hauteur de 672 723,21 euros,

– Statuer ce que de droit quant à l’appel de monsieur [V] [S] et la validité ou la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de la concluante,

– Donner acte à la SAS FLBL de ce qu’elle remettra les fonds litigieux à qui de droit, en cas de

mainlevée, ce qui la déchargera de sa mission de tiers saisi,

– Condamner monsieur [V] [S] ou tout succombant au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj ‘ Montero ‘ Daval Guedj sur son offre de droit.

La SAS Notariale s’en remet à justice sur le sort de la saisie et reversera donc les fonds à qui de droit en cas de mainlevée. Dès lors qu’elle n’a été assignée qu’en qualité de tiers saisi, il serait inéquitable de laisser à sa charges les frais irrépétibles de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

L’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Il revient à la partie qui sollicite le bénéfice d’une mesure conservatoire, d’établir d’une part le principe de créance, d’autre part, un risque pour le recouvrement de celle-ci.

Monsieur [N] [S] expose avoir épousé en seconde noces, madame [J] [B], le 25 février 1997, dont il a adopté le fils, [V] né le [Date naissance 5] 1989, selon jugement du tribunal de grande instance de Nice le 14 mars 2001. Il affirme sans être démenti, avoir consenti à ce fils des aides financières et donations conséquentes. Ainsi avait il fait donation de la nue propriété d’un immeuble de valeur, situé [Adresse 7], et [Adresse 12] qui a été vendu au prix de 1 015 000 euros sur lequel, en raison de cette donation il revient en principe la somme de 672 000 euros au titre de la nue propriété à monsieur [V] [S].

Mais monsieur [N] [S] dénonce aujourd’hui l’ingratitude de cet enfant, qui se serait montré violent envers lui, il a entrepris à son encontre une action en révocation de la donation ainsi consentie par assignation délivrée devant le tribunal judiciaire de Nice, le 23 novembre 2021.

Le dossier établit que monsieur [V] [S] a pu se montrer violent sur sa compagne, ayant été condamné par le tribunal correctionnel de Nice le 12 mai 2021 à ce titre. Il a été qualifié de colérique dans un message adressé à monsieur [T] [S] par madame [W] en décembre 2020, laquelle auditionnée par les services de police de [Localité 8] (PV 2021-3463) déclarait le 5 février 2021 qu’il se montrait régulièrement violent avec elle, consommait de la cocaïne, s’alcoolisait et avait également été violent avec sa mère, son père, raison pour laquelle celui ci était parti de son logement pour vivre en maison de retraite.

Monsieur [T] [S], dans une attestation non signée mais accompagnée d’une photocopie de sa carte d’identité affirme que les relations entre [V] et son père se sont détériorées, et qu’il faisait régner la terreur, maltraitant sa femme, hurlant sur son père, inspirant la peur à sa compagne [Y], laquelle avait affirmé qu’il se droguait. Il aurait lui même, été pris à partie par [V] [S], le menaçant de lui casser les dents après avoir appris qu’il envisageait une procédure pour rétablir son père dans ses ressources et droits financiers, insultant tant [T] que [N] [S] dont il utilisait indûment durant plusieurs mois la carte de crédit.

Madame [G] [S] décrit les difficultés à faire entendre à monsieur [V] [S] qu’il était important de protéger son père de toute contamination par le Covid et avoir perçu que ce dernier était terrorisé par ce fils qu’il pensait violent.

Le principe de créance est démontré par les éléments qui précèdent même s’il reviendra au juge du fond de statuer sur l’ingratitude invoquée et le mérite de la révocation des donations.

Concernant les risques de non recouvrement, il ressort du dossier que monsieur [V] [S] n’a pas d’activité professionnelle mais perçoit le loyer d’un appartement situé [Adresse 11] entièrement financé à l’époque par son père et sa mère (acte du 30 novembre 2007 indiquant l’origine des fonds) soit environ 1000 euros par mois. Il vit dans un logement [Adresse 2] également financé par monsieur [N] [S], par un prêt à 0 %, sur lequel il n’a rien remboursé…ce qui constitue une créance supplémentaire de son père à son égard, lequel bénéficie d’un privilège. Son patrimoine immobilier n’est donc pas, bien au contraire, un élément de solvabilité de monsieur [V] [S]. Le climat et le relationnel difficile existant au sein de la famille, risque d’encourager la dissipation de la somme si elle était perçue, étant souligné que monsieur [V] [S] apporte également plusieurs éléments pour établir que son père a eu des comportements criticables voire violents sur le plan psychologique avec son fils [T], son ex-épouse [J] [B] qui le dénonçait au commissariat de [Localité 8] en juin 2020 et février 2021 et que madame [W] affirme aujourd’hui dans un courrier du 23 décembre 2021 avoir fait de fausses déclarations auprès des services de police qui certes est présenté vis à vis de ses filles en tout cas, comme un père attentionné et responsable ce qui ne suffit pas à lever les graves comportements dénoncés par sa fratrie vis à vis de son père, monsieur [N] [S].

En conséquence de quoi, la confirmation de la décision de première instance se justifie.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l’instance, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à frais irrépétibles,

LAISSE les dépens d’appel à la charge de monsieur [V] [S] avec droit de recouvrement direct des frais dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision préalable au profit de la SCP Cohen Guedj ‘ Montero ‘ Daval Guedj et de Me Sylvie Martin, cabinet MVD, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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