COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N° 2023/ 427
Rôle N° RG 22/13111 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDJX
S.A. EUROTITRISATION
C/
[I] [T]
[C] [L] épouse [T]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Serge DREVET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de DRAGUIGNAN en date du 07 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07904.
APPELANTE
S.A. EUROTITRISATION,
en qualité de représentant du fonds commune de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT – CIFD- en vertu d’un contrat de cession de créances en date du 28 décembre 2018,
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
assistée de Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON
INTIMES
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 8] (IRLANDE),
demeurant [Adresse 1] – IRLANDE
assigné à jour fixe par transmission d’un acte de signification dans un état membre le 27.09.19
défaillant
Madame [C] [L] épouse [T]
née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 8] (IRLANDE),
demeurant [Adresse 1] – IRLANDE
assignée à jour fixe par transmission d’un acte de signification dans un état membre le 27.09.19
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.
Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties
En vertu de la copie exécutoire d’un acte reçu le 9 août 2007 par maître [B] [R] [H], notaire à [Localité 7], contenant prêt d’une somme de 244 328 euros au profit de monsieur [I] [T] et de son épouse, madame [C] [L], garanti par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle, le Crédit Immobilier de France Développement (le CIFD) a fait délivrer aux emprunteurs, le 24 août 2017, un commandement de payer valant saisie immobilière pour avoir paiement de la somme de 195 684,05 euros en principal, intérêts et accessoires, emportant saisie des biens et droits immobiliers leur appartenant sur la commune de [Localité 10] (Var), [Adresse 5], plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l’exécution de Draguignan le 2 novembre 2017.
Ce commandement publié le 28 septembre 2017 étant demeuré infructueux, le CIFD a fait assigner M. et Mme [T] à l’audience d’orientation.
Par jugement avant dire droit du 28 mai 2018 le juge de l’exécution a ordonné la réouverture des débats pour :
– recueillir les observations des parties sur le moyen de droit relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de l’exception de nullité de l’assignation soulevée par les défendeurs,
– production de la lettre prononçant la déchéance du terme,
– communication d’un décompte actualisé de la créance du poursuivant tenant compte des règlements perçus dans le cadre de la saisie-attribution des loyers diligentée en 2015.
A l’issue, par jugement du 7 décembre 2018 le juge de l’exécution a rejeté les exceptions de procédure soulevées par les défendeurs et ordonné la mainlevée de la saisie immobilière diligentée par le CIFD qu’il a débouté de l’ensemble de ses demandes.
Pour ordonner la mainlevée de la saisie le premier juge a relevé que le créancier, bien qu’invité à produire un décompte actualisé de sa créance tenant compte des règlements perçus dans le cadre de la saisie attribution des loyers diligentée le 27 mars 2015, afin de lui permettre d’apprécier le bien fondé de l’argumentation des débiteurs saisis quant au caractère abusif de la mesure d’exécution diligentée à leur encontre, s’est abstenu de le faire alors que les époux [T] ont pour leur part justifié que la saisie des loyers était toujours en cours. Le magistrat a considéré, en l’état de cette carence, que les débiteurs établissaient que la saisie immobilière excédait ce qui se révélait nécessaire au paiement de l’obligation.
Par déclaration du 22 juillet 2019 la société Eurotitrisation agissant en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Développement en vertu d’un contrat de cession de créances signé le 28 décembre 2010, a interjeté appel de ce jugement en visant l’ensemble des chefs du dispositif de la décision.
Elle a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance présidentielle du 25 juillet 2019. Les actes datés du 27 septembre 2019 de transmission aux autorités compétentes du Royaume Uni, des assignations délivrées à cette fin aux époux [T] ont été transmis au greffe le 18 octobre 2019.
M. et Mme [T] n’ont pas constitué avocat.
En application de l’article 19 du règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, abrogeant le règlement (CE) n°1348/2000 du Conseil, et de l’article 688 du code de procédure civile, la cour par arrêt du 18 juin 2020 a sursis à statuer sur les demandes et imparti à la société Eurotitrisation ès-qualités de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, un délai de quatre mois pour justifier que l’assignation à jour fixe contenant sa requête, l’autorisation d’appel, sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appel avaient été signifiées ou notifiées aux époux [T] par les autorités compétentes ou, à défaut, qu’elle avait effectué toutes démarches utiles auprès de cette entité en vue d’obtenir un justificatif de remise des actes à ces derniers et dit que l’affaire serait à nouveau examinée à l’audience du 21 octobre 2020.
L’appelante a communiqué le jour de cette audience de renvoi, l’acte du 27 septembre 2019 par lequel l’huissier qu’elle a mandaté, avait transmis à l’entité compétente au Royaume Uni la demande d’assignation des époux [T] domiciliés [Adresse 1] en Irlande, ainsi que sa requête, l’autorisation d’assigner à jour fixe, sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appel, ainsi que les lettres de rappel à l’entité étrangère du 19 juin 2020 et 18 septembre 2020 avec avis de réception correspondant et l’avis de réception de la lettre recommandée adressée à M. [T].
N’ayant toutefois pas satisfait à la demande qui lui avait été faite par la cour selon message du 12 mars 2020, d’avoir à communiquer, ainsi que précédemment réclamé par le premier juge, le décompte actualisé de sa créance, tenant compte des règlements perçus dans le cadre de la saisie attribution de loyers mise en oeuvre le 27 mars 2015, l’affaire a fait l’objet d’une mesure de radiation administrative le 3 décembre 2020.
Par conclusions notifiées le 30 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Eurotitrisation a sollicité le réenrolement du dossier et réitérant ses prétentions initiales elle demande à la cour de :
– dire et juger que la société Eurotitrisation ès-qualités de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest qui vient aux droits du CIFD, dispose d’une créance certaine liquide et exigible,
– dire et juger que la procédure de saisie immobilière est proportionnée au recouvrement de la
créance cédée,
– réformer le jugement dont appel,
– ordonner la vente aux enchères publiques sur saisie immobilière du bien en cause,
– condamner les époux [T] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que les frais et dépens seront tirés en frais privilégiés.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir essentiellement que :
– elle produit un décompte actualisé de sa créance au 30 septembre 2022, soit un solde dû de 189 576,36 euros, tenant compte des versements perçus à compter du 27 octobre 2015 jusqu’au 5 avril 2019 ;
– devant le premier juge les débiteurs ont contesté la saisie pour les besoins de la cause, mais ont reconnu la dette et demandé un report pour trouver un acquéreur, ou une solution avec leur bailleur et que le juge de l’exécution a pris une toute autre décision ;
– la procédure engagée l’a été à la suite d’une période assez longue pour leur permettre d’envisager des solutions, en vain ;
– cette procédure n’ est absolument pas disproportionnée, mais résulte de l’impossibilité d’obtenir un paiement permettant d’apurer la dette dans son intégralité dans un délai raisonnable et vise à recouvrer une dette certaine, liquide et exigible depuis plusieurs années ;
– les versements périodiques effectués ne sont pas au niveau de la dette ;
– les débiteurs n’ont pas à imposer au créancier des délais autres que ceux légaux, qui se limitent à l’article 1224-1 du code civil.
Il n’y a pas eu de constitution des époux [T]. Les intimés n’ayant pas été cités à personne, le présent arrêt sera rendu par défaut.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Selon l’article R.322-15 du code des procédures civiles d’exécution, à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
Aux termes de l’article L.311-2 du même code, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent chapitre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du titre Ier .
Il ressort des termes du jugement entrepris, l’acte n’étant pas produit, que la banque poursuit la saisie immobilière en vertu de la copie exécutoire d’un acte authentique de prêt en date du 9 août 2007 revêtu de la formule exécutoire, qui constitue un titre exécutoire conformément aux dispositions de l’article L.111-3, 4° du code des procédures civiles d’exécution ;
Ce commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré pour le recouvrement de la somme de 195 684,05 euros en principal, intérêts et accessoires, dont le premier juge a retenu l’exigibilité au regard de la lettre de mise en demeure adressée aux débiteurs le 25 mai 2016 par laquelle la banque a fait connaître qu’elle envisageait de se prévaloir de la déchéance du terme, conformément aux stipulations de l’article XI des conditions particulières du prêt annexées à l’acte notarié de prêt ;
Le premier juge a rappelé que le recouvrement de la dette faisait en outre l’objet d’une saisie attribution des loyers versés aux débiteurs par la société Odalys Vacances, leur locataire commerciale, depuis le 27 mars 2015 ;
Un décompte actualisé de créance, vainement réclamé par le premier juge, a finalement été communiqué devant la cour d’appel, tenant compte des paiements par chèques bancaires tirés sur la Caisse des dépôts et consignations en date des 27 octobre 2015 pour un montant de 5500 euros, 18 mai 2016 pour un montant de 9000 euros, 1er août 2016 pour un montant de 3000 euros, 7 novembre 2016 pour un montant de 3300 euros, 16 février 2017 et 14 juin 2017 pour un montant chaque fois de 3000 euros, 24 juillet 2018 pour un montant de 15 000 euros , paiements auxquels s’ajoute un dernier versement le 5 avril 2019 de la somme de 3650 euros;
Le montant de la créance s’établit en définitive à la somme de 189 576,36 euros en principal et intérêts arrêtés au 9 septembre 2022, montant qui sera en conséquence retenu, en application de l’article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose le jugement d’orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires ;
Eu égard au montant de créance restant due, la saisie immobilière mise en oeuvre ne peut être
qualifiée d’abusive ;
Par ailleurs les éléments contenus dans le cahier des conditions de vente permettent de vérifier que le bien immobilier concerné est saisissable ;
Les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles d’exécution, sont en conséquence réunies ;
Il s’en suit la réformation du jugement entrepris, et le rejet des contestations des débiteurs ;
S’agissant de l’orientation de la procédure, en l’absence de demande de vente amiable formulée par les débiteurs saisis, il convient, en application de l’article R.322-26 du code des procédures civiles d’exécution, d’ordonner la vente forcée des biens saisis leur appartenant, sur la mise à prix fixée dans le cahier des conditions de la vente.
Il n’apparaît pas contraire à l’équité que l’appelante qui a tardé à justifier du montant actualisé de sa créance, supporte la charge de ses frais irrépétibles ;
Les dépens de la procédure seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par défaut et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté les exception de procédure soulevées par monsieur [I] [T] et madame [C] [L] épouse [T] ;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE monsieur [I] [T] et madame [C] [L] épouse [T] de leurs contestations ;
DIT que les conditions des articles L 311-2, L.311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles
d’exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions du code des procédures civiles d’exécution relatives à la saisie immobilière ;
MENTIONNE la créance de la SA Eurotitrisation agissant en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Développement, à la somme de 189 576,36 euros en principal et intérêts arrêtés au 9 septembre 2022 sans préjudice des intérêts postérieurs au taux contractuel, jusqu’à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l’article R 334-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
ORDONNE la vente forcée des droits et biens saisis situés sur la commune de [Localité 10] (Var), [Adresse 5] dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 9] cadastré section [Cadastre 6], [Adresse 9] pou 02 ha 45 a 91 ca, soit le lot n°26 consistant en un appartement duplex situé aux niveaux R+1 et R+2 du bâtiment G portant le numéro 26 du plan de niveaux R+1 et R+2 avec les 83/10 000èmes des parties communes, sur la mise à prix fixée dans le cahier des conditions de vente et conformément aux dispositions d’ordre public des articles R.322-39 à. R.322-49 du code des procédures civiles d’exécution ;
RENVOIE les parties devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan pour fixation des modalités de publicité de la vente forcée et de la date de l’audience d’adjudication;
DÉBOUTE la SA Eurotitrisation agissant en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens de première instance et d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE