Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/13321

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/13321

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

N°2023/436

Rôle N° RG 22/13321 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKECN

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE

C/

[Z] [P]

[H] [F] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me ERMENEUX

Me SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 26 Septembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00380.

APPELANTE

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE Société coopérative à responsabilité limitée à capital variable, immatriculée au R.C.S. de NICE sous le numéro 311 811 327, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE, assistée de Me Marie-christine CAPIA de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5] (TUNISIE), demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Rose-marie FURIO-FRISCH, avocat au barreau de NICE

Madame [H] [F] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1971 à , demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Rose-marie FURIO-FRISCH, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire.

Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties :

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE a consenti 2 prêts professionnels à la SARL MER et NEIGE, le premier, le 8 avril 2002 au taux de 12 % l’an variable et le second, le 13 décembre 2016 d’un montant de 80 000 € remboursable en 60 mensualités au taux d’intérêt de 1,22 % l’an.

M. [Z] [P], gérant de la SARL MER et NEIGE, s’est porté caution solidaire et indivisible du premier prêt par acte séparé du 17 novembre 2017 à hauteur de 18 000 € en capital et intérêts et du second prêt le 13 décembre 2016, par avenant du 7 février 2018 à hauteur de 96 000 € en capital et intérêts.

Par jugement en date du 8 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SARL MER et NEIGE.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE a déclaré sa créance par bordereau du 11 janvier 2019 puis a rappelé à M. [Z] [P] son engagement de caution par lettre recommandée AR du 15 janvier 2019.

Le 5 juin 2019, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien situé à [Localité 8]) dont sont propriétaires M. [Z] [P] et Mme [H] [F] épouse [P], pour avoir sûreté et garantie d’une créance de 71 851,58 € en vertu d’une ordonnance sur requête du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nice du 17 mai 2019.

Par exploit en date du 2 décembre 2020, les époux [P] ont fait assigner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice aux fins de mainlevée de l’hypothèque sous astreinte de 50 € par jour de retard et de condamnation de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE au paiement d’une somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 26 septembre 2022 dont appel du 7 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice a ordonné mainlevée de l’hypothèque sous astreinte de 50 € par jour de retard, courant durant 100 jours passé le délai d’un mois suivant la signification de la décision et a débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE étant par ailleurs condamnée aux dépens.

Le juge de l’exécution énonce en ses motifs qu’au regard des déclarations des demandeurs selon lesquelles ils ont fixé leur premier domicile en France, confirmées par les pièces produites, les époux sont soumis au régime de la communauté légale français malgré la célébration de leur mariage en Tunisie, de sorte qu’il y a lieu d’ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire puisque le cautionnement à l’origine de la créance a été consenti par l’époux seul, sans le consentement de son épouse.

Vu les dernières conclusions déposées le 22 novembre 2022 par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] REPUBLIQUE, appelante, aux fins de voir :

– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

– Déclarer irrecevable l’action des consorts [P] comme étant manifestement tardive,

– Déclarer que le bien immobilier objet de l’inscription d’hypothèque est un bien indivis acquis par les époux [P] mariés sous le régime de la séparation des biens et que l’inscription d’hypothèque provisoire porte sur les droits indivis de M. [P],

– Débouter les époux [P] de l’ensemble de leurs demandes,

– Condamner les époux [P] au paiement d’une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE fait valoir :

– que l’action en mainlevée de l’hypothèque des époux [P] est irrecevable devant le juge de l’exécution car postérieure à l’inscription définitive publiée le 19 octobre 2020, de sorte que le juge de l’exécution ne pouvait ordonner mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire,

– que lors de l’acquisition du bien, les époux [P] ont déclaré devant notaire qu’ils étaient mariés sous le régime légal tunisien qui est celui de la séparation des biens et il était démontré que le régime légal tunisien était celui de la séparation des biens tel qu’il résulte de l’article 7 de la loi tunisienne n° 98-94 du 9 novembre 1998 instituant un régime facultatif de la communauté des biens entre époux, de sorte que le premier juge ne pouvait retenir que le régime applicable était le régime français de la communauté légale,

– que dans un cas similaire à celui des époux [P], la jurisprudence a jugé que le régime matrimonial tunisien est applicable, de sorte que M. [P] ne peut invoquer l’application du régime français de la communauté,

– que les dispositions de la Convention de la Haye invoquées par les époux [P], dont le mariage a été célébré en Tunisie en 1986, n’étaient pas applicables aux ressortissants tunisiens ainsi qu’aux mariages célébrés avant 1992, comme l’a jugé la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 novembre 2009, or le premier juge, qui s’est borné à reprendre l’argumentation des consorts [P], n’a pas répondu à cette argumentation,

– que le créancier d’un indivisaire peut inscrire une hypothèque judiciaire provisoire dans la mesure où elle n’introduit aucune indisponibilité, générant simplement un droit de préférence sur la valeur représentative de la portion indivise,

– que la créance n’est pas contestée, dans son montant comme dans son principe et M. [P] ne justifiant pas de ses ressources et revenus, il existe des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.

Vu les dernières conclusions déposées le 20 décembre 2022 par M. [Z] [P] et Mme [H] [F] épouse [P], intimés, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et y ajoutant, condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE au paiement d’une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les époux [P] font valoir :

– que l’article R 532-6 du code des procédures civiles d’exécution dont l’appelant fait une mauvaise application, n’énonce pas de délai particulier pour introduire une action en mainlevée de l’hypothèque et les époux [P] sont recevables dans leur action par application de l’article 512-1 du même code, seules dispositions applicables,

– que M. [P], qui était déjà résident en France depuis 1983, s’est rendu en Tunisie uniquement pour le mariage en 1986, célébré sans contrat préalable, après lequel le couple s’est installé en France dans le cadre du regroupement familial, pays dans lequel ils ont fixé leur premier domicile matrimonial dont ils sont présumés avoir choisi la loi,

– que la convention de la Haye du 14 mars 1978 ne s’applique qu’aux époux mariés depuis le 1er septembre 1992 et l’acquisition du bien a été faite en communauté et non en indivision ou pour moitié indivise, comme l’acte en aurait alors fait mention, ce qui rend inopérant l’argument selon lequel les époux [P] auraient indiqué dans l’acte qu’ils étaient soumis au régime légal tunisien.

Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Pour obtenir la mainlevée de l’hypothèque inscrite le 5 juin 2019, les époux [P] ont fait assigner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE devant le juge de l’exécution par exploit du 12 décembre 2020.

Mais les demandes de radiation d’inscriptions d’hypothèques judiciaires définitives relèvent de la seule compétence du tribunal judiciaire, or l’hypothèque inscrite provisoirement le 5 juin 2019 a fait l’objet d’une inscription définitive le 19 octobre 2020, de sorte que le caractère définitif de l’inscription litigieuse faisait normalement obstacle à la compétence du juge de l’exécution.

Les demandes formées par les époux [P] devant le juge de l’exécution, sur lesquelles il n’entre pas dans les pouvoirs de celui-ci de statuer en l’état d’une inscription d’hypothèque définitive, se heurtaient donc à cette difficulté.

Il appartient toutefois à la cour d’appel, régulièrement saisie, de statuer par application des articles 561 et suivants du code de procédure civile.

Les époux [P] s’étant mariés en Tunisie en 1986, la loi applicable au régime matrimonial des époux mariés sans contrat, qui ne peut être la convention de La Haye du 14 mars 1978 puisqu’entrée en vigueur le 1er septembre 1992, est celle implicitement choisie par les époux avec une présomption en faveur de la loi du premier domicile matrimonial.

Et arguant, sans être contredits, de ce qu’ils se sont installés en France, où M. [P] résidait et bénéficiait déjà d’un emploi stable depuis trois ans, dans le cadre du regroupement familial, à la suite duquel Mme [P] s’est vu délivrer une carte de résident dès l’année 1987, de ce que leurs trois enfants sont nés en France où ils ont fait leurs études et ont toujours vécu, de ce que le couple y a acquis un bien immobilier en 1988, les époux [P], qui justifient ainsi d’une situation stable et durable en France où ils ont leurs intérêts personnels et pécuniaires, ont implicitement exprimé la volonté d’adopter le régime matrimonial de ce pays et non celui de la séparation de biens prévu par la loi tunisienne.

Pour faire échec à cette présomption en faveur de la loi française, qui reste une présomption simple et donc susceptible d’être combattue, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE argue de ce que lors de l’acquisition de leur bien immobilier, les époux [P] ont déclaré devant le notaire qu’ils étaient mariés sous le régime légal tunisien.

Mais la déclaration mentionnée dans un acte notarié poursuivant un autre objet, à savoir une acquisition immobilière, ne traduit pas la volonté non équivoque des époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle les régissant jusqu’alors.

Il convient en conséquence d’ordonner, sur évocation, la mainlevée de l’inscription.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après en avoir délibéré, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

DIT incompétent le juge de l’exécution sur l’action des époux [P] en mainlevée d’une hypothèque définitive inscrite le 19 octobre 2020 sur le bien situé à [Localité 8] [Adresse 7] Cadastré AR [Cadastre 3], à la suite d’une inscription provisoire du 5 juin 2019 au service de la publicité foncière de [Localité 6] sous le numéro Vol 219V n°945 et rectificatif publié le 19 juin 2019, vol 219V n° 1011, par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE, difficulté relevant du tribunal judiciaire territorialement compétent ;

Vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,

Sur évocation,

ORDONNE mainlevée cette inscription d’hypothèque définitive à l’initiative et aux frais du Crédit Mutuel de [Localité 6] République, sous astreinte de 50 € par jour de retard, courant durant 3 mois passé le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;

CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] RÉPUBLIQUE aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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