VS/RP
COPIE OFFICIEUSE
à :
– SELARL AVELIA AVOCATS
– SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT
LE : 08 JUIN 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
N° – Pages
N° RG 23/00006 – N° Portalis DBVD-V-B7H-DQKB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 20 Décembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – Mme [L] [S]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
APPELANT suivant déclaration du 05/01/2023
II – M. [E] [O]
né le 17 Juin 1953 à [Localité 8] (36)
[Adresse 6]
[Localité 5]
– Mme [I] [O]
née le 07 Septembre 1970 à [Localité 7] (36)
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentés par la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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Exposé :
[L] [S] est propriétaire d’une maison d’habitation, avec jardin attenant à l’arrière de celle-ci, située au [Adresse 4] à [Localité 5] (Indre), le tout cadastré section C n° [Cadastre 1].
[E] et [I] [O] sont propriétaires de l’immeuble contigu référencé au cadastre de la même commune section C n° [Cadastre 2].
Se plaignant que la partie jardin de leur propriété était envahie par le lierre provenant de la propriété de la Madame [S], les époux [O] ont saisi le tribunal d’instance de Châteauroux, lequel par jugement en date du 7 décembre 2018, assorti de l’exécution provisoire, a ordonné à Madame [S] de procéder ou faire procéder à la coupe du lierre avançant sur leur propriété, au départ de sa parcelle, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte de 10 € par jour de retard passé ce délai, astreinte provisoire courant pendant un mois.
Considérant que Madame [S] n’avait pas rempli ses obligations, les époux [O] ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux, lequel par décision en date du 10 mars 2020, liquidait l’astreinte à hauteur de 300 €, et fixait l’astreinte définitive d’un montant de 50 € par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la décision.
Par la suite, les époux [O] ont de nouveau saisi le juge de l’exécution, lequel suivant jugement en date du 15 mars 2022, portait le montant de l’astreinte à hauteur de 100 € par jour de retard pendant trois mois, passé un délai de deux mois suivant la signification dudit jugement, cette même décision déclarant irrecevable la demande en liquidation d’astreinte définitive.
Par acte du 26 septembre 2022, Monsieur et Madame [O] ont saisi de nouveau le juge de l’exécution aux fins de liquidation de l’astreinte définitive prononcée par le jugement précité du 15 mars 2022.
Par jugement réputé contradictoire du 20 décembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a :
‘ Liquidé à la somme de 9000 € l’astreinte définitive prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux en date du 15 mars 2022, celle-ci ayant couru pendant trois mois à compter du 30 mai 2022
‘ Condamné Madame [S] à verser à Monsieur et Madame [O] la somme de 9000 € au titre de la liquidation de l’astreinte définitive susvisée, outre une indemnité de 800 € au titre des frais de défense
‘ Rejeté le surplus des demandes
‘ Condamné Madame [S] aux dépens
‘ Rappelé que le jugement est exécutoire de droit.
[L] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 5 janvier 2023 et demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er février 2023, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :
Vu le jugement du Juge de l’exécution de Châteauroux en date du 20 décembre 2022.
Vu encore les dispositions de l’article L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution.
Voir réformer le jugement dont appel.
Statuant à nouveau,
Voir débouter les époux [O] de leur demande de liquidation d’astreinte.
Voir supprimer l’astreinte prononcée.
Voir à titre subsidiaire réduire le montant de l’astreinte liquidée.
Voir en tout état de cause condamner les époux [O] au paiement d’une indemnité d’un montant de 3 000 € du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Voir enfin les intimés condamner aux entiers dépens d’appel.
[E] et [I] [O], intimés, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 27 février 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé en application de l’article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé des moyens, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner [L] [S] à leur verser une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur quoi :
Selon l’article L 131 ‘ 1 du code des procédures civiles d’exécution, « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité ».
En application de l’article L131 ‘ 3 du même code, « l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir ».
Il résulte, d’autre part, de l’article L 131 ‘ 4 du même code que « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ».
En l’espèce, il convient de rappeler que :
‘ par jugement du 7 décembre 2018, signifié le 15 janvier 2019, le tribunal d’instance de Châteauroux a ordonné à [L] [S] ‘ propriétaire de la parcelle cadastrée numéro [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 5] ‘ de procéder, ou de faire procéder, à la coupe du lierre avançant sur la propriété de Monsieur et [O] cadastrée numéro [Cadastre 2] sur la même commune dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 10 € par jour de retard pour une durée d’un mois
‘ par jugement du 10 mars 2020, signifié le 7 juillet 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Châteauroux a, d’une part, liquidé à la somme de 300 € l’astreinte provisoire prononcée par le jugement précité et, d’autre part, assorti l’obligation de procéder ou de faire procéder à la coupe du lierre avançant sur la propriété des intimés d’une astreinte définitive de 50 € par jour de retard pendant trois mois passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement
‘ par jugement du 15 mars 2022, signifié le 30 mars suivant, le juge de l’exécution a notamment assorti l’obligation précitée faite à [L] [S] d’une astreinte définitive de 100 € par jour de retard pendant trois mois passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement.
Monsieur et Madame [O] ayant de nouveau saisi le juge de l’exécution le 26 septembre 2022 aux fins de liquidation de ladite astreinte définitive, il convient de rappeler qu’en application des textes précités le taux de l’astreinte définitive prévu par le jugement du 15 mars 2022 ne peut pas être modifié, et que l’appelante ne peut solliciter la suppression, en tout ou partie, de ladite astreinte que si elle rapporte la preuve que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction qui lui avait été faite provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
Pour solliciter l’infirmation du jugement entrepris, Madame [S] soutient principalement qu’elle a fait réaliser des travaux d’enlèvement du lierre, ainsi que des travaux de reprise d’enduit et de maçonnerie, par la SARL GABILLAUD & Fils ayant donné lieu à une facture du 24 avril 2019, et qu’elle a fait pratiquer à l’abattage des thuyas au pied desquels le lierre s’étendait, installant à la place un brise vue.
Elle concède toutefois ne pas avoir respecté l’injonction qui lui avait été faite en ce que celle-ci portait sur la suppression du lierre recouvrant le cabanon situé sur le fonds voisin, indiquant que l’entreprise précitée a refusé d’exécuter de tels travaux en raison d’un fort risque d’effondrement de l’ouvrage eu égard à son ancienneté et à sa fragilité.
Elle soutient, dans ses dernières écritures judiciaires, que cette circonstance constitue une cause étrangère au sens des textes précités, précisant que l’entreprise GABILLAUD accepterait « peut-être d’intervenir si les époux [O] consentaient à établir par écrit au profit de cette entreprise une renonciation à rechercher sa responsabilité en cas d’effondrement de l’ouvrage » (page numéro 4 de ses dernières écritures).
Le procès-verbal de constat en date du 14 février 2023 de la SAS Huis-Alliance Centre, commissaires de justice associés, permet d’établir qu’il a été satisfait partiellement par [L] [S] aux injonctions judiciaires s’agissant du lierre recouvrant une partie de l’habitation des intimés, le commissaire de justice indiquant à cet égard : « il m’est précisé par les requérants qu’autrefois le lierre en provenance du fonds voisin recouvrait la tour de leur maison et que l’entreprise GABILLAUD est intervenue pour procéder à l’arrachage du lierre. Ils me précisent qu’à cette occasion, l’enduit de leur maison a été abîmé, qu’une gouttière a été déposée et non remontée et un carreau de verre de leur véranda abîmé. Sur la façade de la tour je constate que des résidus de lierre sec sont présents et que des zones sont décrépites laissant apparaître les pierres du mur (‘) » (pages numéros 11 et 12 du procès-verbal de constat produit en pièce numéro 12 du dossier des intimés).
Pour autant, il résulte du même procès-verbal de constat qu’il n’a pas été satisfait par [L] [S] aux injonctions s’agissant du retrait du lierre sur la limite séparative des deux fonds et sur le cabanon se situant au fond du terrain, les constatations du commissaire de justice étant, à cet égard, les suivantes : « (‘) je constate que la clôture est pour partie agrémentée d’un brise-vue de couleur verte. Je constate la présence en proportion non négligeable de lierre sur le grillage en provenance du fonds voisin (‘) Plus bas dans la parcelle, je constate que le grillage a tendance à s’affaisser sous le poids de la végétation. Des branches de lierre en provenance du fonds voisin s’avancent sur la propriété des requérants (‘) Dans le fond de la parcelle des requérants se trouve un cabanon leur appartenant. Je constate que celui-ci est inaccessible et quasi entièrement recouvert de lierre dont certaines branches ont un diamètre large de plusieurs centimètres » (pages numéros 6 à 10 du même constat).
[L] [S] apparaît mal fondée à soutenir que cette inexécution partielle de l’injonction qui lui avait été faite provient, au sens des textes précités, d’une cause étrangère résultant du risque d’effondrement du cabanon en cas de retrait du lierre et du refus de l’entreprise GABILLAUD d’intervenir sans renonciation des intimés à rechercher son éventuelle responsabilité à cet égard, dès lors qu’il résulte des éléments de procédure produits par les parties qu’une telle renonciation a d’ores et déjà été donnée par les intimés, de sorte que l’obstacle ainsi invoqué s’avère inexistant.
En effet, le jugement rendu le 10 mars 2020 par le juge de l’exécution avait déjà considéré : « il apparaît donc que l’enlèvement du lierre sur la dépendance risque d’endommager celle-ci vu son mauvais état (‘). Il apparaît également que la société GABILLAUD accepterait de se charger des travaux à condition d’être déchargée de toute responsabilité quant aux dégradations causées au bâtiment par l’enlèvement, ainsi que l’a rappelé le conseil de [L] [S] au conseil des époux [O], en lui demandant si ses clients acceptaient cette condition, par courrier officiel du 22 août 2019. Par courrier officiel en réponse, le conseil des demandeurs a fait savoir que » Monsieur [O] n’inquiétera pas l’entreprise GABILLAUD qui devra toutefois prendre toutes les précautions utiles pour limiter les dégradations sur l’ouvrage « . Il s’ensuit que depuis septembre 2019, [L] [S] sait qu’elle peut procéder à l’enlèvement du lierre sur la dépendance de ses voisins par l’intermédiaire de la société GABILLAUD même si cet enlèvement cause des dégradations, Monsieur [O] ayant donné son accord aux travaux en connaissance de cause ».
En conséquence, [L] [S] ne pouvant utilement se prévaloir d’une cause étrangère, au sens de l’article L 131 ‘ 4 du code des procédures civiles d’exécution, à l’origine de l’inexécution partielle de l’injonction judiciaire qui lui avait été faite par le jugement du 7 décembre 2018, la décision de première instance devra être confirmée en ce qu’elle a liquidé l’astreinte définitive prévue par la décision du juge de l’exécution du 15 mars 2022 à la somme de 9000 €, soit 90 jours x 100 €.
L’équité commandera, en outre, d’octroyer à Monsieur et Madame [O] une indemnité globale de 1200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont dû exposer en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour
‘ Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
‘ Condamne [L] [S] à verser à [E] et [I] [O] une indemnité globale de 1200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT