CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Cassation
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 591 F-D
Pourvoi n° U 21-18.340
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Win pneu, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-18.340 contre l’arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d’appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l’opposant à la société Menuiseries quincailleries fermetures [U] [I], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société Win pneu, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Menuiseries quincailleries fermetures [U] [I], et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 1er avril 2021) et les productions, un jugement du 8 septembre 2017 a prononcé la résolution du bail conclu entre la société Menuiseries quincailleries fermetures [U] [I] (la société [U] [I]), bailleresse, et la société Win pneu, preneuse, condamné la société [U] [I] à restituer les loyers versés par la société Win pneu ainsi que le dépôt de garantie, condamné cette dernière à payer à la société [U] [I] une certaine somme trimestrielle au titre de l’indemnité d’occupation due depuis le 1er août 2011 jusqu’à libération complète des lieux, ordonné la compensation entre les sommes dues, dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge des dépens exposés par elles.
2. Par ordonnance du 16 novembre 2018, après avoir constaté que la société Win pneu occupait toujours sans droit ni titre les lieux loués, un juge des référés a ordonné, à défaut de restitution volontaire, son expulsion et l’a condamnée, outre aux dépens, à payer une certaine somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
3. Le 5 avril 2019, la société [U] [I] a fait pratiquer, sur le fondement de ces deux décisions, une première saisie-attribution qui a été annulée par jugement du 8 octobre 2019.
4. La société [U] [I] a fait pratiquer, le 7 novembre 2019, une seconde saisie-attribution, sur le fondement de ces deux décisions, entre les mains du Crédit industriel et commercial au préjudice de la société Win pneu qui a saisi un juge de l’exécution d’une contestation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Win pneu fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de nullité de l’acte de saisie-attribution pratiquée le 7 novembre 2019, alors « que l’acte de saisie-attribution délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires constatant des créances distinctes doit contenir un décompte non seulement détaillé, juste et vérifiable, mais aussi distinct, en principal, frais et intérêts échus, pour chacun des titres ; qu’en l’espèce, la société Win Pneu faisait valoir que l’acte de saisie-attribution du 7 novembre 2019, qui mentionnait deux titres exécutoires (le jugement du 8 septembre 2017 et l’ordonnance du 16 novembre 2018), ne comportait pas de détail individualisé des frais et intérêts pour chacun d’eux (concl., p. 4 et 5) ; qu’en jugeant néanmoins que l’acte était valide en ce qu’il « précis[ait] le montant sollicité au titre des frais et intérêts », sans constater que leur mention avait été faite de manière détaillée et distincte selon chaque titre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution :
6. Il résulte de ce texte que lorsqu’un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, l’acte de saisie doit, en application de l’article R. 211-1, 3°, du code des procédures civiles d’exécution, contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d’eux.
7. Pour débouter la société Win pneu de sa demande de nullité, l’arrêt retient, par motifs propres, que l’acte de saisie du 7 novembre 2019 mentionne que cette saisie est effectuée en exécution de l’ordonnance de référé du 16 novembre 2018 et du jugement du 8 septembre 2017 et contient un décompte précisant le montant en principal, dont l’un au titre du jugement du 8 septembre 2017, permettant facilement d’en déduire que le second montant en principal correspond à l’ordonnance du juge des référés, qu’est annexé à l’acte un décompte du montant en principal demandé au titre du jugement à hauteur de la somme de 105 741,45 euros, que le décompte mentionné par cet acte précise le montant sollicité au titre des frais et intérêts et qu’il est en tout point conforme aux dispositions de l’article R. 211-1.
8. En statuant ainsi, alors que l’acte de saisie ne comportait pas un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chaque créance, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition déboutant la société Win pneu de sa demande de nullité de la saisie-attribution entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Menuiseries quincailleries fermetures [U] [I] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Menuiseries quincailleries fermetures [U] [I] et la condamne à payer à la société Win pneu la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.