COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N°2023/437
Rôle N° RG 22/13698 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKFG5
S.A.S. WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY
C/
[Y] [U]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me LADOUCE
Me ATIAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de DRAGUIGNAN en date du 27 Septembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/01378.
APPELANTE
S.A.S. WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame [Y] [U]
née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, chargés du rapport.
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 2 décembre 2021, la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY a acquis de M. [D] [S] une créance que celui-ci détenait sur la SCI ROLINE en vertu d’une ordonnance de référé du 16 novembre 2016 condamnant celle-ci à lui payer une provision d’un montant de 43 300 €.
Le 3 décembre 2021, la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY a pratiqué à l’encontre de la SCI ROLINE une saisie attribution qui s’est révélée infructueuse.
Suivant procès-verbal du 31 janvier 2022, agissant sur le fondement de l’article 1857 du Code civil et en vertu d’une ordonnance sur requête du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 10 décembre 2021 rendue pour garantie d’une créance en principal de 27 804,94 €, la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY a procédé à l’encontre de Mme [Y] [U], associée de la SCI ROLINE, à une saisie conservatoire de créance entre les mains de Me [I], notaire à [Localité 5], sur le prix de parts sociales vendues le 28 janvier 2022 par Mme [U] à la société BLACKBETTY ESTATE.
Par exploit en date du 24 février 2022, Mme [Y] [U] a fait assigner la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de rétractation de l’ordonnance du 10 décembre 2021 et mainlevée de la saisie, outre condamnation de la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY au paiement d’une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts et 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par jugement du 27 septembre 2022 dont appel du 14 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan a :
– Ordonné la rétractation de l’ordonnance du 10 décembre 2021 et la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée le 31 janvier 2022,
– Débouté Mme [U] de sa demande de dommages intérêts,
– Condamné la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY au paiement d’une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– la SCI ROLINE est propriétaire d’un immeuble qu’elle loue, elle présente un actif net au 31 décembre 2020 de 102 935 €, de sorte que le risque d’une défaillance de cette dernière n’apparaît pas démontrée,
– la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY ne peut être par ailleurs considérée comme un tiers à la société ROLINE en ce qu’elle est présidente de la société BLACKBETTY ESTATE, société ayant acquis les parts sociales de Mme [U] dans la société ROLINE et présidée par M. [S], également associé de la société ROLINE,
– Mme [U] ne démontre l’existence ni même la nature du préjudice dont elle sollicite la réparation.
Vu les dernières conclusions déposées le 15 novembre 2022 par la SA WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY, appelante, aux fins de voir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et confirmer l’ordonnance sur requête du 10 décembre 2021 et la saisie conservatoire diligentée le 3 janvier 2022, outre condamnation de Mme [U] au paiement d’une somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SA WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY fait valoir :
– que le juge de l’exécution avait à rechercher seulement l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe contre la société et l’apparence d’une défaillance de celle-ci, or elle justifie bien d’une créance à l’égard de la société ROLINE, de vaines poursuites contre celle-ci avec la saisie attribution infructueuse du 3 décembre 2021 et de la qualité d’associée de Mme [U],
– que le juge de l’exécution a par ailleurs considéré qu’elle n’est pas un tiers à la société ROLINE mais peu importe qu’elle soit dirigeante d’une société associée au capital de la société ROLINE, elle est tierce à celle ci et elle satisfait donc à la condition exigée par l’article 857 du Code civil dès lors qu’elle n’est pas personnellement et en nom propre associée à cette société.
Vu les dernières conclusions déposées le 7 décembre 2022 par Mme [Y] [U], intimée, aux fins de voir confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY au paiement d’une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Mme [Y] [U] fait valoir :
– que la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY agit aux droits de M. [S], qui détenait 49 % du capital de la société ROLINE, qui est président de la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY mais également de la société BLACKBETTY qui a fait l’acquisition des parts de Mme [U] dans la société ROLINE, de sorte que l’ensemble des parts de la société ROLINE est détenu par M. [S] et la société BLACKBETTY qu’il préside, ce dont il résulte que M. [S] pouvait parfaitement procéder au règlement par la société ROLINE des sommes qu’elle doit à la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY,
– que l’existence ou non de poursuites contre le débiteur principal concerne l’ensemble de ses actifs et pas uniquement son actif disponible, or la société ROLINE est propriétaire d’un immeuble donné en location sans qu’aucune action n’ait été engagée sur les loyers,
– que la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY choisit en fait son débiteur parmi les associés pour ne pas gêner M. [S].
Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY, titulaire à l’égard de la SCI ROLINE d’une créance acquise le 2 décembre 2021 de M. [D] [S], a procédé à une saisie conservatoire de créance l’encontre de Mme [Y] [U] en sa qualité d’associée de la SCI ROLINE.
Selon les articles 1857 et 1858 du code civil, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à l’égard des tiers et le paiement ne peut être poursuivi contre eux qu’après préalable et vaines poursuites contre la personne morale.
Or il est relevé que M. [S] a cédé à la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY dont il est le président, la créance qu’il détenait sur la SCI ROLITE dont il est associé à hauteur de 49 % des parts depuis la création de celle-ci le 9 janvier 2013 avec Mme [Y] [U], titulaire également de 49 % des parts sociales, que celle-ci a cédé le 28 janvier 2022 à la société BLACKBETTY dont M. [S] est le président et qui est représentée par la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY, de sorte que la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY ne peut satisfaire à la condition de tiers au sens de l’article 1857 du Code civil vis-à-vis de la société ROLITE.
Et alors que la SCI ROLITE est propriétaire d’un immeuble donné à bail, la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY, qui ne justifie pas avoir pratiqué ou tenté de pratiquer une saisie attribution entre les mains du locataire, ne satisfait pas à la condition de vaines poursuites à l’égard de la personne morale au sens de l’article 1858 du Code civil.
Il doit donc être fait droit à la demande de Mme [U] tendant à la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions, laquelle inclut de ce fait le rejet de la demande de dommages et intérêts, contredisant la demande de condamnation à ce titre reformulée par Mme [U] en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY à payer à Mme [Y] [U] la somme de 3000 € (trois mille euros) ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
CONDAMNE la société WHITCOMB JUDSON WORLD INVEST COMPANY aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE