COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N°2023/439
Rôle N° RG 22/14081 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGV6
[J] [F]
C/
S.D.C. LES TERRASSES DE SAINT AUGUSTIN
S.N.C. AGENCE DU PORT
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me CINELLI
Me SALOMON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 10 Octobre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00507.
APPELANT
Monsieur [J] [F]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6] (ITALIE) , demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laurent CINELLI de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEES
S.D.C. LES TERRASSES DE SAINT AUGUSTIN Représenté par son syndic en exercice, la société AGENCE DU PORT, dont le siège social est
[Adresse 2] , elle-même prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Julien SALOMON de la SELARLU Julien SALOMON, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Clotide MALINCONI, avoacat au barreau de NICE, plaidant
S.N.C. AGENCE DU PORT Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Julien SALOMON de SELARLU Julien SALOMON, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Clotide MALINCONI, avoacat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Monsieur Dominique TATOUEIX, Magsitrat honoraire.
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Faits, procédure et prétentions des parties :
Sur la base des documents établis par le BET [F] missionné dans le cadre de la réfection de l’étanchéité de toiture des garages de la copropriété, le Syndicat des copropriétaires les TERRASSES DE ST AUGUSTIN a conclu un marché de travaux avec l’entreprise 06 ETANCHE qui a informé le syndic, en cours de travaux, qu’une partie de la toiture n’avait pas été prise en compte dans le descriptif établi par le BET [F] donc dans le marché de travaux et qu’il faudrait donc prévoir des travaux supplémentaires pour mettre les garages totalement hors d’eau.
M. [G], expert judiciaire désigné par ordonnance de référé du 10 juillet 2019, a déposé le 15 avril 2020 un rapport aux termes duquel il a constaté des désordres et mis en évidence la responsabilité du BET [F], estimant par ailleurs les travaux complémentaires à environ 130 000 €, travaux auxquels le syndicat des copropriétaires a finalement renoncé par décision d’assemblée générale du 17 juin 2021 qui a également donné mandat à son syndic d’ester en justice à l’encontre du BET [F] pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi.
En novembre 2020, la SARL BT [F] a cédé son fonds de commerce à la SA BET [F] puis en décembre 2020, celle-ci a notamment modifié sa dénomination sociale en SAS LC et le 30 septembre 2021 cette dernière a décidé de sa liquidation amiable en désignant M. [J] [F] en qualité de liquidateur et la clôture immédiate de sa liquidation.
Le Syndicat des copropriétaires les TERRASSES DE ST AUGUSTIN, qui avait saisi le tribunal judiciaire de Nice d’une action indemnitaire à l’encontre du BET [F], a obtenu l’autorisation par ordonnance du juge de l’exécution en date du 14 janvier 2022 de pratiquer une saisie conservatoire à l’encontre de M. [J] [F].
Par exploit en date du 7 février 2022, M. [J] [F] a fait assigner le Syndicat des copropriétaires les TERRASSES DE ST AUGUSTIN et la SNC AGENCE DU PORT aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 janvier 2022 et condamnation de ceux-ci au paiement chacun d’une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts et 2000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
Par jugement du 10 octobre 2022 dont appel du 24 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice a ordonné mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 janvier 2022, a débouté M. [J] [F] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et a condamné le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin et la société Agence du Port aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– si le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin représenté par son syndic en exercice, la société Agence du Port, démontre qu’il dispose d’une créance paraissant fondée en son principe à l’encontre de la SAS BET [J] [F], il n’en est pas de même concernant son liquidateur, M. [J] [F], les menaces de recouvrement n’étant par ailleurs pas établies puisque le BET [J] [F] était assuré auprès d’EUROMAF,
– M. [J] [F] ne caractérise pas l’abus invoqué.
Vu les dernières conclusions déposées le 21 novembre 2022 par M. [J] [F], appelant, aux fins de voir infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre des frais irrépétibles et statuant à nouveau, condamner le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin et la société Agence du Port au paiement chacun d’une somme de 5000 € au titre de la saisie conservatoire abusive et au paiement d’une somme de 5000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [J] [F] fait valoir qu’en faisant opposition sur la vente d’un bien personnel alors qu’il savait déjà que sa société, certes dissoute, était assurée auprès de la MAF pour ses activités professionnelles passées, le syndic, la SNC AGENCE DU PORT, a mis en ‘uvre un stratagème inadmissible qui lui a été très préjudiciable dans la mesure où il comptait sur l’intégralité du prix de vente de son appartement pour acquérir un nouveau logement pour la recherche duquel il avait mandaté un agent immobilier dès la fin de l’année 2021, alors qu’âgé de 65 ans, il ne peut plus compter sur l’emprunt institutionnel et qu’il s’est trouvé obligé d’être hébergé chez des amis.
Vu les dernières conclusions déposées le 13 décembre 2022 par le Syndicat des copropriétaires les TERRASSES DE ST AUGUSTIN et la SNC AGENCE DU PORT, intimés, aux fins de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes indemnitaires, le débouter de l’ensemble de ses demandes et le condamner au paiement à chacun d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le Syndicat des copropriétaires les TERRASSES DE ST AUGUSTIN et la SNC AGENCE DU PORT font valoir :
– qu’ils ne forment pas appel incident mais soutiennent que leur action dirigée à titre subsidiaire à l’encontre de M. [F] n’avait rien d’abusive dès lors que celui-ci aurait nécessairement engagé sa responsabilité, d’une part en qualité de dirigeant en ne souscrivant pas d’assurance dans une matière où elle est obligatoire et en liquidant sa société après le dépôt d’un rapport d’expertise ayant conclu à la responsabilité de sa société et d’autre part, en qualité de liquidateur en omettant d’inclure dans les comptes de liquidation une créance sur la société dont il avait pourtant connaissance et ce, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’une faute séparable de ses fonctions,
– la vente de son appartement par M. [F] quelques mois à peine après la liquidation et la clôture de la société LC laissait peser un doute quant à la solvabilité de celui-ci.
Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les intimés justifient la mesure conservatoire prise à l’encontre de M. [F] à titre personnel par l’éventuelle absence de souscription par ce dernier d’une assurance obligatoire et sur la liquidation de la société après dépôt d’un rapport d’expertise concluant à la responsabilité de celle-ci et sans que soit inclus dans les comptes de liquidation une créance sur la société.
Si le changement de forme sociale, puis de dénomination sociale et finalement la liquidation amiable de la société peu après le dépôt d’un rapport qui ne lui était pas favorable pouvaient éventuellement donner à penser à l’existence de man’uvres destinées à faire échapper la société à sa responsabilité, il n’en demeure pas moins que contrairement à ce que soutiennent les intimés, sans d’ailleurs en justifier, la responsabilité personnelle de M. [F] ne pouvait être engagée qu’en présence d’une faute séparable de ses fonctions de dirigeant et non pour une simple faute ou une négligence dans l’exercice de ses fonctions, ce que constitue l’hypothèse que celui-ci aurait pu ne pas souscrire pour le compte de sa société une assurance obligatoire, sauf alors à en démontrer le caractère intentionnel, ce qui n’est pas le cas.
Et il convient de rappeler que le rapport de M. [G] relève également des manquements de la part du syndicat des copropriétaires, énonçant que le contrat de maîtrise d »uvre indiquait que le maître d’ouvrage devait remettre au BET [F] les documents nécessaires servant de base à l’accomplissement de sa mission, un dossier de plans complets (niveaux, coupes, façades…) mais que cela n’a pas été effectué.
Il est également relevé qu’à l’occasion de la vente par M. [F] d’un appartement dont il était propriétaire dans la copropriété des Terrasses de [Localité 7], le syndic n’a pas craint de détourner de son objet l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 relatif à l’état daté, ce en parfaite connaissance de cause puisque l’établissement d’un tel document relève du monopole des syndics, en y incluant, en toute illégalité, une somme correspondant à la créance alléguée à l’encontre de la société BET [F].
Par ailleurs, si M. [F] argue de ce que le syndicat des copropriétaires savait que la société était assurée auprès de la MAF pour les activités professionnelles antérieures à sa dissolution, il n’en est justifié que par un courrier de EUROMAF daté du 7 février 2022, soit postérieurement au 14 janvier 2022, date de l’autorisation de saisie conservatoire donnée par le juge de l’exécution.
Mais il est relevé que le rapport d’expertise protection juridique du 17 octobre 2018 énonce que le syndic, l’Agence du Port, a établi une déclaration de sinistre au titre du contrat protection juridique souscrit auprès de CFDP et a dans le même temps, saisi EUROMAF, l’assureur du BET [F], de sorte que dès octobre 2018, le syndicat des copropriétaires était au moins en mesure de vérifier auprès d’EUROMAF la souscription de l’assurance obligatoire par le BET [F].
Et alors que le syndicat des copropriétaires savait, à compter a minima du courrier d’EUROMAF du 7 février 2022, que son préjudice serait pris en charge par l’assurance du BET [F], il s’est opposé, dans ses conclusions devant le juge de l’exécution du 27 juin 2022, aux demandes formées par M. [F], retardant ainsi la mainlevée d’une saisie conservatoire qui n’avait pas lieu d’être, jusqu’au jugement l’ordonnant, le 10 octobre 2022.
M. [F] justifie du préjudice résultant de l’immobilisation injustifiée du prix de vente de son bien qui avait vocation à financer l’acquisition d’un autre bien, par l’attestation de l’agent immobilier mandaté en novembre 2021 en vue de la recherche de cet autre bien ainsi que du mandat de recherche formel signé le 3 janvier 2022, M. [F] arguant par ailleurs à bon droit de ce qu’âgé de 65 ans, il ne pouvait recourir au crédit.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de condamnation, mais in solidum, du syndicat des copropriétaires et du syndic au paiement d’une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts, entraînant la réformation de ce chef du jugement dont appel ainsi qu’au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu’il a débouté M. [J] [F] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin et la société Agence du Port à payer à M. [J] [F] une somme de 5000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin et la société Agence du Port à payer à M. [J] [F] une somme de 3000 € (trois mille euros) ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de Saint Augustin solidairement aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE