Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21936 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE26E
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/10357
APPELANTE
S.A. BANQUE CIC EST
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier DE RYCK de l’AARPI A.S.A. – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R018, avocat plaidant
INTIME
Monsieur [C] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Ayant pour avocat plaidant Me Hadrien DEBACKER de la SELARL OSTEN DEBACKER AVOCAT, avocat au barreau de LILLE, toque : 0289
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président et par MME Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 décembre 2021, la société Banque CIC Est a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 12 novembre 2021 rendu dans l’instance l’opposant à M. [C] [G], jugement dont le dispositif est rédigé en ces termes :
‘ Rejette les fins de non-recevoir soulevées par monsieur [C] [R] [G] tirées de la forclusion et du défaut d’exigibilité des sommes réclamées ;
Déclare monsieur [C] [R] [G] irrecevable en sa demande tendant à voir ‘déclarer irrecevable toute demande ou action de la Banque CIC Est sur tout bien ou actif commun des époux [G]’ ;
Condamne monsieur [C] [R] [G], en qualité de caution solidaire de la société par actions simplifiée Santenil, à payer à la société anonyme Banque CIC Est la somme de 4 299,72 euros avec intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2018 ;
Déboute la société anonyme Banque CIC Est du surplus de sa demande en paiement ;
Ordonne que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles, conformément aux dispositions de l’article 1342-2 du code civil ;
Déboute la société anonyme Banque CIC Est et monsieur [C] [R] [G] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
Dit n’y avoir lieu à distraction ;
Ordonne l’exécution provisoire.’
***
À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 21 février 2023 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 août 2022 l’appelant
en ces termes, demande à la cour :
‘Vu les dispositions de l’article 2288 du Code Civil,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné Monsieur [C] [R] [G], en qualité de caution solidaire de la société par actions simplifiée Santenil, à payer à la société anonyme BANQUE CIC EST la somme de 4 299,72 euros avec intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2018 ;
– débouté la société anonyme BANQUE CIC EST du surplus de sa demande en paiement;
– débouté la société anonyme BANQUE CIC EST de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
– dit n’y avoir lieu à distraction ;
Statuant à nouveau :
CONDAMNER Monsieur [C] [R] [G] à payer à la société BANQUE CIC EST la somme principale de 186 241,63 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018 date de la mise en demeure ;
En tout état de cause,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées par M. [G] tirées de la forclusion et du défaut d’exigibilité des sommes réclamées ;
– déclaré Monsieur [G] irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer irrecevable toute demande ou action de la Banque CIC EST sur tout bien ou actif commun des époux [G] ;
DEBOUTER Monsieur [C] [R] [G] de l’intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;
CONDAMNER Monsieur [C] [R] [G] à payer à la société BANQUE CIC EST une indemnité de 7 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
DIRE que les intérêts courus pour une année entière seront capitalisés et produiront intérêts au même taux ;
CONDAMNER Monsieur [C] [R] [G] aux entiers frais et dépens qui pourront être recouvrés par Me DE RYCK.’
Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 1er juin 2022, M. [G], intimé,
en ces termes, demande à la cour de :
‘Vu l’article 1134 du Code civil,
Vu l’article 2290 du Code civil,
Vu l’article 2292 du Code civil,
Vu les articles L. 631-14 et L. 622-29 du Code de commerce,
Vu l’article L. 341-2 du Code de la consommation,
À titre principal,
REFORMER le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par Monsieur [G] tirée de la forclusion et du défaut d’exigibilité des sommes réclamées par la banque CIC EST ;
JUGER que la forclusion de l’action engagée par la banque CIC EST est acquise, celle-ci ayant été engagée par la banque CIC EST au-delà du terme extinctif de l’engagement de caution donné par Monsieur [C] [G] ;
DEBOUTER la banque CIC EST de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
À titre subsidiaire,
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a limité le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de Monsieur [G] à la sommme de 4 299,72€;
JUGER irrecevable les demandes formées par la banque CIC EST au titre de la part non exigible de la créance s’inscrivant dans la période de couverture et en conséquence réduire le montant dû par Monsieur [G] au titre de son engagement de caution à la somme de 4 299,72 € ;
À titre infiniment subsidiaire,
REFORMER le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré Monsieur [G] irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer irrecevable toute demande ou action de la banque CIC EST sur tout bien ou actif commun des époux [G] ;
JUGER que l’acte de caution objet de la présente procédure est inopposable aux biens et actifs communs des époux [G] ;
En tout état de cause :
CONDAMNER la banque CIC EST à payer à Monsieur [C] [G] la somme de
7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
CONDAMNER la banque CIC EST aux entiers frais et dépens de l’instance.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Par acte sous seing privé en date du 8 février 2010, la société Banque CIC Est a consenti à la société Santenil un prêt professionnel d’un montant de 1 050 000 euros destiné à l’acquisition d’un fonds de commerce et au financement de travaux d’agrandissement, d’une durée de 7 ans, remboursable au taux fixe de 4,10 % l’an.
Aux termes du même acte, M. [C] [G] s’est porté caution solidaire de la société Santenil, dans la limite de la somme de 630 000 euros incluant principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 84 mois.
Le prêt était également garanti par la société Oséo, à hauteur de 50 %.
Par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Santenil. La banque a déclaré sa créance le 12 octobre 2015 et le juge commissaire l’a admise le 25 janvier 2017, pour un montant total de 313 866,51 euros.
Les échéances du plan étant impayées, la banque, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 7 mai 2018, a mis en demeure M. [G], en sa qualité de caution, de lui payer la somme de 186 241,63 euros correspondant, conformément à son engagement, à la moitié des sommes dues par le débiteur principal.
La procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 27 juin 2018.
La mise en demeure adressée à M.[G] étant restée vaine, la banque l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d’huissier de justice daté du 28 août 2018.
***
I – Le premier juge a statué ainsi :
‘La clause litigieuse a en réalité pour objet de définir la portée de l’engagement de caution de monsieur [G], en définissant les limites de la garantie ainsi consentie en termes de montant et de durée.
Ainsi, la durée de 84 mois ne constitue pas une simple référence à l’obligation cautionnée, qui permettrait de considérer que la caution reste tenue jusqu’au complet paiement de la dette du moment que l’obligation de remboursement du débiteur est née dès la remise des fonds ; en stipulant expressément une durée dans l’acte de cautionnement du 8 février 2010, les parties ont en réalité entendu définir une limite temporelle à l’obligation de monsieur [G], ce qui signifie que le cautionnement conclu en garantie du remboursement du prêt remboursable par échéances successives, ne couvre que les échéances antérieures à l’expiration du délai de 84 mois.
Il importe donc, en l’espèce, que les sommes dont la banque sollicite le paiement aient été exigibles avant le terme de l’engagement de M. [G], cette condition participant du bien-fondé de la demande en paiement de la banque dirigée contre la caution et non de sa recevabilité.
En l’occurrence, les parties s’accordent sur le fait que la somme de 305 267,06 euros due par la société Santenil, n’est devenue exigible qu’à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 27 juin 2018, soit après l’expiration du délai de 84 mois, contrairement à la somme de 8 599,45 euros correspondant à des échéances impayées déjà échues dans ce délai.
Il en résulte qu’au terme de l’engagement de caution de monsieur [G], le 8 février 2017, seule la somme de 8 599,45 euros était exigible. Il ne peut donc être tenu qu’au remboursement de la somme de 4 299,73 euros, les parties s’accordant sur le fait que M. [G] s’est engagé à garantir 50 % des sommes dues par la société Santenil.’
Aucune des parties n’adhère à la décision du tribunal :
– L’appelant critique cette analyse en ce que le premier juge a estimé que la créance de remboursement de la Banque CIC Est devait être exigible pour être couverte par l’acte de cautionnement de M. [G] conclu pour une durée de 84 mois à compter du 8 février 2010, alors qu’il convenait de déterminer si la créance de la banque était née au moment de la signature de l’acte de cautionnement et pendant la période de couverture du cautionnement, peu important sa date d’exigibilité.
– M. [G] quant à lui fait valoir que son engagement de caution a été conclu pour une durée de 84 mois à compter du 8 février 2010 pour prendre fin au 8 février 2017, et que l’assignation qui lui a été délivrée le 28 août 2018 est intervenue postérieurement à l’expiration du terme de son engagement de caution, pour en déduire que l’action de la Banque CIC Est à son encontre serait forclose.
M. [G] ajoute qu’il appartient aux juges du fond de déterminer le sens précis que les parties ont entendu donner à un acte de cautionnement, par une appréciation souveraine de l’engagement de la caution, afin de savoir si la durée mentionnée s’applique à l’obligation de couverture ou à celle de réglement. La jurisprudence a posé comme principe que le doute ou l’ambiguité quant à l »étendue de l’engagement doit profiter à la caution (cf. Cass. Com, 12 juin 2019).
Ensuite, les parties présentent à la cour les développements suivants, de première part sur la recevabilité de l’action en paiement, et de seconde part, sur l’exigibilité de la créance de la banque.
Sur la recevabilité de l’action en paiement de la Banque CIC Est :
La banque appelante écrit que M. [G] confond obligation de couverture et obligation de paiement. La Cour de cassation a décidé à maintes reprises que la date limite d’un cautionnement ne désigne, sauf stipulation expresse contraire, que le terme de l’obligation de couverture et non celui de l’obligation de paiement : autrement dit, à compter de la date limite le défendeur ne cautionne plus les dettes nées postérieurement, mais reste tenu de celles nées antérieurement.
Au cas présent, l’acte de cautionnement signé par M. [G] ne prévoit pas que la caution sera libérée à l’issue de la durée de 84 mois ni qu’elle ne pourra plus être appelée après cette date pour les créances nées antérieurement.
En l’espèce, la dette personnelle de M. [G] à l’égard de la Banque CIC Est en sa qualité de caution est née antérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 22 septembre 2015 et la créance de la Banque CIC Est à l’égard de la société Santenil cautionnée par M. [G] a été admise par décision du juge-commissaire du 25 janvier 2017 soit pendant la période de validité du cautionnement donnée par M. [G].
La Banque CIC EST disposait ensuite pour agir contre M. [G], du délai de prescription quinquennale courant à compter de la clôture de la procédure collective, et l’assignation délivrée le 28 août 2018 a interrompu cette prescription.
L’arrêt de la Cour de cassation rendu le 12 juin 2019 invoqué par M. [G] dans ses conclusions, n’est pas pertinent en l’espèce car il a été rendu dans une affaire où les termes de l’acte de cautionnement étaient ambigus ce qui n’est pas le cas présentement. Il ne peut y avoir aucune ambiguïté dans l’acte de caution signé par M. [G] : la mention manuscrite apposée par le défendeur correspond à la formule légale, laquelle limite la durée de l’obligation de couverture de la caution, et non la durée du droit d’action du créancier. D’ailleurs, la durée de 84 mois mentionnée sur l’acte de caution ne pourrait constituer le délai d’action de la banque, puisque supérieur au délai de prescription quinquennal légal.
M. [G] s’est porté caution personnelle et solidaire de la société Santenil pour sûreté et garantie du paiement par l’emprunteur de toutes sommes dues au titre du prêt consenti pour une durée de 84 mois identique à la durée du prêt consenti par la Banque CIC Est à la société Santenil. Il est évident que cette durée de 84 mois est la période de couverture par la caution des sommes impayées par la société emprunteuse. Dans l’hypothèse où la société aurait réglé 82 mensualités et serait défaillante pour les deux dernières, le délai d’action de la Banque CIC Est à l’encontre de M. [G] n’aurait pas été limité à deux mois….
M. [G] est tenu des dettes de la société Santenil nées au cours de la période de validité de son engagement de caution. Les premiers juges ont fort bien analysé l’acte de caution en estimant qu’il ne pouvait donner lieu à interprétation et que la durée de 84 mois se rapporte à l’engagement de caution de M. [G] et non au délai d’action de la banque. Le jugement devra être confirmé sur ce point. L’action engagée par la Banque CIC Est est donc parfaitement recevable.
Sur l’exigibilité de la créance de la Banque CIC Est :
La banque appelante critique la décision du tribunal en ce qu’il a suivi l’argumentation de M. [G] et jugé que les sommes dont la banque sollicitait le paiement devaient être exigibles avant le terme de l’engagement de caution, alors qu’afin de déterminer quelles sont les dettes couvertes par l’engagement souscrit par M. [G], il convient de rechercher leur date de naissance et non leur date d’exigibilité, l’obligation de règlement du débiteur et de la caution étant sans incidence sur la détermination des dettes cautionnées. En l’espèce, les dettes nées avant le 8 février 2017, date limite de l’obligation de couverture sont garanties.
M. [G] a soutenu en première instance, et soutient encore devant la cour, que la Banque CIC Est est irrecevable à réclamer la part de sa créance admise à échoir à hauteur de la somme de 305 267,06 euros au motif que cette créance à échoir ne serait devenue exigible qu’à compter de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Santenil soit le 27 juin 2018, date postérieure à l’expiration de la période de couverture des dettes de la société Santenil par la caution de M. [G].
La banque appelante fait valoir qu’en matière de prêt à durée déterminée comme en l’espèce, le fait générateur de la créance est la date de conclusion du contrat et la créance de remboursement naît au jour de la remise des fonds ; aussi il convient de déclarer au passif l’intégralité de la créance de prêt dès lors que les fonds ont été remis avant le jugement d’ouverture, comme en l’espèce. L’article L. 622-25 du code de commerce prévoit les modalités de la déclaration de la créance qui doit préciser les sommes à échoir et les sommes échues au jour du jugement d’ouverture. En l’espèce, le prêt tout entier est couvert par le cautionnement en principal, intérêts et indemnité, peu important les avatars liés à la procédure collective. La créance déclarée à hauteur de la somme totale de 31 278,27 euros, dont 8 599,45 euros échus et 303 267,06 euros à échoir, correspond à la situation au jour du jugement d’ouverture.
En outre, par ordonnance du 25 janvier 2017 (soit antérieurement à l’expiration de la durée du cautionnement de M. [G]), le juge commissaire du tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l’admission de la créance de la Banque CIC Est sur la société Santenil à hauteur de la somme totale de 313 866,51 euros (soit 8 599,45 euros en échu et 305 267,06 euros à échoir) après avoir constaté que la société Santenil acceptait l’intégralité de la créance de la Banque CIC Est. L’admission définitive de la créance totale tant échue qu’à échoir de la Banque CIC EST au passif de la société Santenil confirme l’existence de la créance à échoir de la Banque CIC EST au jour du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et partant son inclusion aux dettes couvertes par le cautionnement de M. [G].
L’ouverture de la procédure de redressement judicaire de la société Santenil a suspendu l’exigibilité des créances non échues de même qu’elle a suspendu les poursuites contre les cautions et co-obligés. La créance était née et le report de son exigibilité n’a pas d’incidence sur l’obligation de règlement qui pèse sur la caution. La créance de la Banque CIC Est était incontestablement née au cours de la période de validité et de couverture de l’acte de cautionnement de M. [G].
Il convient en conséquence de condamner M. [G] au paiement de la somme principale de 186 241,63 euros.
Ceci étant exposé,
Il est de règle que la caution est tenue des dettes nées avant que le cautionnement ne prenne fin.
En droit, en l’absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, le fait que la caution soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur l’obligation de la caution portant sur la créance née avant cette date.
Force est de constater qu’au cas présent les parties ne sont pas convenues d’une date butoir ou d’un délai avant l’expiration duquel le créancier serait tenu, le cas échéant, d’exercer son droit de poursuite à l’encontre de la caution, que l’on rencontre parfois, par exemple, formulée ainsi : ‘Le présent cautionnement prendra effet au jour de la signature du contrat de prêt objet du cautionnement et pour autant que les autres sûretés prévues au contrat de prêt aient été recueillies par l’établissement bénéficiaire. Il prendra fin, en tout état de cause, au plus tard … mois après la date de signature susvisée. Au-delà du délai ci-dessus défini, le présent cautionnement sera de plein droit caduc et aucun appel en garantie ne pourra dès lors être formulé à l’encontre de la caution.’ .
Au cas présent, en l’absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, il importe donc peu que les poursuites en paiement aient été exercées à l’encontre de la caution postérieurement à la date du 8 février 2017, à laquelle s’est terminée la période de couverture, puisque la dette de la caution, était née antérieurement, comme dit, à bon droit, par l’appelant.
Est sans emport le fait mis en évidence par M. [G], qu’il y ait contradiction entre d’une part la stipulation (6.’ DEFINITON DE GARANTIES’, ‘6-1 CAUTION SOLIDAIRE personne physique’) selon laquelle ‘La caution est engagée pour le montant et la durée indiquée aux conditions particulières du cautionnement de la présente convention’, c’est à dire au point 5-1 indiquant ‘caution personnelle solidaire de M. [G]’ : ‘Le montant garanti pour le présent cautionnement est de 630 000 euros (…) sa durée est celle du prêt principal majorée de 24 mois’, et d’autre part la mention manuscrite apposée par M. [G] en application des dispositions de l’article L. 331-1 du code de la consommation, qui indique une durée de cautionnement de 84 mois. En effet, cette contradiction est indépendante de la question – que pose M. [G] – de savoir si cette durée de 84 mois correspond à la durée de l’obligation de couverture ou à l’obligation de réglement, puisque comme exposé précédemment, au cas présent, clairement, les parties ne sont pas convenues d’une date butoir ou d’un délai avant l’expiration duquel le créancier serait tenu, le cas échéant, d’exercer son droit de poursuite à l’encontre de la caution, et qu’en toute hypothèse, la dette est née pendant la période de couverture et peu important la date, postérieure, de son exigibilité.
En tout état de cause, le contrat de prêt inclus à l’acte de cession de fonds de commerce prévoit en ses Conditions générales, au n°10 : ‘EXIGIBILITE IMMEDIATE’ que ‘La banque aura la faculté, sans formalité ni mise en demeure préalable, de rendre immédiatement exigibles les sommes dues au titre des présentes, nonobstant les termes et délais fixés, dans un des cas suivants : (…) Nomination d’un administrateur judiciaire, jugement de liquidation judiciaire (…). Ainsi, si de par la loi l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’a pas pour effet de rendre la dette exigible, les parties en l’espèce en sont convenues autrement, comme il leur était loisible de le faire.
Or, par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Santenil et désigné en qualité d’administrateur judiciaire la Selarl Bauland [X] Martinez & Associés, la mission étant conduite par Me [M] [X].
Par suite, et en application des stipulations contractuelles régulièrement consenties entre les parties, la créance de la banque à l’égard de la société Santenil est devenue exigible au 22 septembre 2015, pendant la période de couverture du cautionnement de M. [G], laquelle n’a pris fin qu’au 8 février 2017.
Par conséquent, le jugement déféré devant être infirmé en ce qu’il a limité la condamnation de M. [G] au paiement des sommes exigibles à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire sans considération des prévisions contractuelles, M. [G] doit être condamné à payer en sa qualité de caution, à la société Banque CIC Est, la somme de 186 241,63 euros qu’elle réclame, correspondant, en vertu des termes de l’engagement de caution de M. [G], à la moitié de la créance admise de la banque sur la société Santenil.
II – S’agissant de l’étendue de la garantie, M. [G] prétend que l’acte de caution qu’il a signé ne peut engager que ses biens propres puisque Mme [G] n’a pas donné son consentement exprès au cautionnement, qui n’a pas été sollicité par la banque.
La Banque CIC Est expose que MMme [G] étaient mariés initialement sous le régime de la séparation de biens, aux termes de leur contrat de mariage reçu par Maître [T] [V], Notaire à [Localité 5], le 18 mars 1975, mais ont adopté depuis le régime de la communauté universelle de tous biens présents et à venir, aux termes d’un acte reçu par Maître [W], Notaire à [Localité 5], le 27 juillet 2001, homologué par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 2 novembre 2001, mentionné le 3 janvier 2002 en marge de leur acte de mariage. La Banque CIC Est ajoute que l’article 1526 du code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
La Banque CIC Est rappelle ensuite que MMme [G] ont vendu le bien dont ils étaient propriétaire sis [Adresse 1], et en contrepartie de la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite sur ce bien, accordée par la Banque CIC Est, ont accepté de prélever sur le prix de vente et de séquestrer entre les mains de Me [F] [L], notaire, à la Caisse des dépôts et consignations, la somme de 200 000 euros. MMme [G] ont tous deux accepté d’affecter à titre de gage et de nantissement au profit de la Banque CIC Est la somme de 200 000 euros. M. [G] ne saurait désormais soutenir que l’action de la Banque CIC Est serait irrecevable sur tout bien ou actif commun de MMme [G].
M. [G] réplique que cet acte notarié n’a pour fonction que de suppléer la garantie qu’était l’hypothèque, laquelle ne pouvait en tout état de cause être opposée ni à Mme [B] épouse [G], ni aux époux [G].
La Banque CIC Est soutient par ailleurs qu’en tout état de cause, le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit, comme il est dit à l’article L. 231-6 du code de l’organisation judiciaire. Le juge de l’exécution est également juge des contestations portant sur les biens saisis et juge de la saisissabilité des biens. Dès lors, décider si la condamnation de M. [G] au paiement d’une somme au profit de la Banque CIC Est, peut ou non être exécutée sur les fonds séquestrés par le notaire suite à la vente d’un bien commun ressort de la seule compétence du juge de l’exécution, s’agissant de trancher un problème d’exécution et de définir si la somme séquestrée est ou non saisissable.
À cela M. [G] réplique que s’agissant de l’appréciation de la portée du cautionnement, la question relève du juge du fond et non du juge de l’exécution.
Sur ce,
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a relevé que la demande de M. [G] se présente en dehors de tout litige né et actuel concernant les mesures d’exécution forcée qui seront éventuellement entreprises sur le fondement de la présente décision, qui d’ailleurs relèvent des attributions du juge de l’exécution, et en ce qu’il a dit en conséquence irrecevable, la présente demande de M. [G].
***
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [G] qui échoue en toutes ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Banque CIC Est formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
RÉFORME le jugement déféré :
– Le confirme en ce que :
* les fins de non-recevoir soulevées par M. [C] [G] tirées de la forclusion et du défaut d’exigibilité des sommes réclamées sont rejetées ;
* M. [C] [G] est déclaré irrecevable en sa demande tendant à voir ‘déclarer irrecevable toute demande ou action de la Banque CIC Est sur tout bien ou actif commun de MMme [G]’ ;
– L’infirme en ce que :
* M. [C] [G] est condamné, en qualité de caution solidaire de la société par actions simplifiée Santenil, à payer à la société anonyme Banque CIC Est la somme de 4 299,72 euros avec intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2018 ;
* la société anonyme Banque CIC Est est déboutée du surplus de sa demande en paiement ;
et statuant à nouveau de ces chefs infirmés :
CONDAMNE M. [C] [G], en qualité de caution solidaire de la société Santenil, à payer à la société Banque CIC Est la somme de 186 241,63 euros portant intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018 date de la mise en demeure ;
le jugement étant toutefois confirmé en ce qu’il ordonne que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles, conformément aux dispositions de l’article 1342-2 du code civil ;
Quant aux frais et dépens :
CONFIRME le jugement déféré,
en ce que M. [C] [G] est débouté de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
L’INFIRME,
– en ce que la société Banque CIC Est est déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– en ce qu’il dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, et n’y avoir lieu à distraction ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE M. [C] [G] à payer à la société Banque CIC Est la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles de l’instance ;
DÉBOUTE M. [C] [G] de sa propre demande formulée sur ce même fondementau titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [C] [G] aux entiers dépens de l’instance et admet Maître Xavier De Ryck, avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT