ARRET
N°
[E]
C/
[F]
VN./MCD
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE DE LA FAMILLE
ARRÊT DU QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/04021 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IF6D
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE SAINT-QUENTIN DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Madame [D] [E]
née le 29 Juillet 1952 à [Localité 8] (02)
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS.
APPELANTE
ET :
Monsieur [A] [F]
né le 11 Août 1951 à [Localité 14] (02)
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représenté par Me Damien DELAVENNE, avocat au barreau de LAON.
INTIME
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L’affaire est venue pour entendre les plaidoiries des avocats à l’audience tenue publique du 12 avril 2023 devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des parties conformément à l’article 805 du Code de procédure civile, qui en a ensuite rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de Mme Marie-Christine LORPHELIN, président de chambre, Mme Marie VANHAECKE-NORET et Mme Sandra LEROY, conseillères.
Le magistrat chargé du rapport était assisté à l’audience de Mme Roxane DUGARO, greffier, et les observations orales de Me WACQUET et Me DELAVENNE y ont été entendues.
Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 juin 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 15 juin 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Marie-Christine LORPHELIN, président de chambre, et Mme Roxane DUGARO, greffier.
*
* *
DÉCISION :
– Rappel de la procédure :
M. [A] [F] (ci-après M. [F]) et Mme [D] [E] (ci-après Mme [E]) se sont mariés le 7 septembre 1974 devant l’officier de l’état civil de la commune de [Localité 8] (Aisne) sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage. De leur union sont issus trois enfants.
L’actif immobilier de la communauté est composé de trois biens situés aux adresses suivantes :
– [Adresse 6] à [Localité 8],
– [Adresse 4],
– [Adresse 3] à [Localité 9].
Par ordonnance de non-conciliation du 5 mai 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Laon a autorisé les époux à introduire l’instance en divorce et statuant sur les mesures provisoires a notamment :
– accordé à l’épouse la jouissance du domicile conjugal sis à [Localité 8], [Adresse 6], et du mobilier s’y trouvant ;
– dit que cette jouissance s’exercerait à titre gratuit au titre du devoir de secours ;
– fixé en accord entre les époux, la pension alimentaire mensuelle que M. [F] devrait verser à son épouse pour ses besoins personnels à la somme de 800 euros ;
– constaté l’accord des parties pour la désignation de Me [H], notaire à [Localité 13], pour qu’il procède à un projet d’état liquidatif ;
– dit que Mme [E] assumerait la gestion des biens communs immobiliers (un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] et une maison sise [Adresse 4]) étant précisé qu’elle reverserait la moitié des revenus nets locatifs, soit environ 2.280 euros par mois à son mari.
La procédure de divorce n’a pas été poursuivie.
Par nouvelle ordonnance de non-conciliation du 12 décembre 2014, le juge aux affaires familiales a notamment :
– accordé à l’épouse la jouissance du domicile conjugal et du mobilier s’y trouvant ;
– dit que cette jouissance s’exercerait à titre gratuit au titre du devoir de secours ;
– attribué à l’époux la gestion des biens immobiliers (l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] et la maison sise [Adresse 4]) ;
– désigné Me [Z] notaire à [Localité 8] afin d’effectuer un projet de liquidation du régime matrimonial des époux sur le fondement de l’article 255-10° du code civil ;
– condamné M. [F] à verser à son épouse la somme mensuelle de 800 euros au titre du devoir de secours.
Par décision du 11 janvier 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Laon a notamment :
– prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal ;
– reporté les effets du divorce au 5 mai 2011;
– ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux ;
– constaté l’accord des époux pour confier la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux à Me [M] [Z], notaire à [Localité 8] ;
– rejeté les demandes d’attribution préférentielle présentées par les époux ;
– condamné M. [F] à verser à Mme [E] une prestation compensatoire sous forme de rente mensuelle viagère de 250 euros ;
– condamné M. [F] aux dépens.
Le 2 mars 2020, Me [Z] a procédé à la conversion du projet de partage en un procès-verbal de difficultés.
Par acte d’huissier en date du 6 août 2020, M. [F] a fait assigner Mme [E] aux fins de procéder à la liquidation de leur régime matrimonial.
Par jugement du 15 avril 2021, le juge aux affaires familiales de Saint- Quentin a notamment :
– rappelé que l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté et de l’indivision a été ordonnée par jugement du 11décembre 2018 ;
– commis Me [S] [Z], notaire à [Localité 8], afin d’y procéder ;
– donné mission au notaire notamment de :
* évaluer les trois biens immobiliers sis à [Localité 8] et [Localité 9] composant l’actif de l’indivision post-communautaire et leur éventuelle moins-value,
* évaluer la valeur locative des trois biens,
* évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due par Mme [E] s’agissant du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8],
* évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due par M. [F] s’agissant du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 9],
* évaluer la part revenant à chacun,
* établir un projet de compte, liquidation et partage de l’indivision ;
– condamné Mme [E] au paiement auprès de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente au bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8] à compter du 25 mai 2018 jusqu’au 1er septembre 2019 ;
– fixé à la somme de 20.804,90 euros la récompense due par la communauté à Mme [E] au titre de l’entretien du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8] ;
– constaté l’accord des parties sur la suppression de la somme de 11.530 euros correspondante aux loyers des biens immobiliers sis à [Localité 9] et [Localité 8] de 2009 à 2011 dans le cadre des opérations de partage de leur régime matrimonial ;
– constaté que l’encaissement du prix de vente perçu par Mme [E] est de 14.136,87 euros ;
– débouté M. [F] de sa demande afférente au paiement de la prestation compensatoire ;
– débouté Mme [E] de sa demande d’inclure dans le passif de communauté la dette contractée auprès des enfants pour la rénovation de l’immeuble sis à [Localité 9] ;
– débouté Mme [E] de ses demandes contradictoires afférentes aux récompenses dues par la communauté à M. [F] ;
– condamné M. [F] à la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [E] à la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par une déclaration transmise à la cour par la voie électronique le 26 juillet 2021, Mme [E] a interjeté appel de cette décision en précisant dans sa déclaration limiter son recours aux chefs suivants : en ce qu’il appartiendra au notaire désigné de dire qu’au titre des récompenses dues par Mme [E] à la communauté la somme de 14.136,87 euros est due au titre de l’encaisse-ment du prix de vente, en ce qu’elle a été déboutée de ses demandes afférentes aux récompenses dues par la communauté à M. [F].
Me Damien Delavenne a déposé sa constitution d’avocat au soutien des intérêts de M. [F], intimé, le 30 août 2021.
Le 30 août 2022, Me Christophe Wacquet s’est constitué avocat aux lieu et place au soutien des intérêts de l’appelant.
Le 17 novembre 2022, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture rendue le 8 novembre précédent et renvoyé l’affaire à la mise en état pour permettre à l’intimé de répliquer aux conclusions signifiées la veille de la clôture.
Les parties ont déposé leurs conclusions dans les délais légaux, l’appelant le 7 septembre 2021, le 8 avril 2022, le 7 novembre 2022 et le 9 février 2023, l’intimé et appelant incident le 6 décembre 2021, le 16 novembre 2022, le 29 décembre 2022 et le 3 avril 2023.
L’affaire a été fixée en cet état à l’audience du 12 avril 2023, la clôture étant prononcée à cette audience, avant l’ouverture des débats.
A l’issue des débats, la décision de la cour a été mise en délibéré au 15 juin 2023.
– Prétentions des parties :
Aux termes de ses dernières conclusions du 9 février 2023, Mme [E] demande à la cour de :
– la dire recevable et bien fondée en son appel, demandes, fins et prétentions ;
– infirmer le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau,
– inclure dans le passif de communauté la dette contractée auprès des enfants pour la rénovation de l’immeuble de [Localité 9], pour 45.478 euros ;
– exclure des sommes dues par Mme [E] à la communauté, les sommes perçues ensuite de la vente d’un immeuble en 2010, pour 14.136,87 euros, antérieurement à la date de report des effets du divorce ;
– dire n’y avoir lieu à récompense par la communauté au profit de M. [F] ;
– fixer le montant des récompenses dues par M. [F] à la communauté à 38.504,45 € au titre des loyers encaissés pour l’immeuble de [Localité 9] (59) ;
– fixer la valeur vénale de l’immeuble sis [Adresse 11] à [Localité 9] (59) à 202.000 euros, soit 182.000 euros hors frais de mutation ;
– condamner M. [F] au paiement de la somme de 10.028,19 euros au titre de l’indemnité d’occupation, selon décompte arrêté au 27 novembre 2021, augmentée de 120 euros par mois (240 euros /2) jusqu’au partage ;
– débouter M. [F] de son appel incident ;
– confirmer le jugement pour le surplus ;
– condamner M. [F] au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens ;
– confirmer le jugement dont appel pour le surplus.
Aux termes de ses dernières conclusions du 3 avril 2023, M. [F] demande à la cour de :
– déclarer Mme [E] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter ;
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
o rappelé l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et de l’indivision subséquente entre M. [F] et Mme [E] ;
o commis Maître [S] [Z] afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et de partage de l’indivision existant entre M. [F] et Mme [E] ;
o donné mission au notaire d’évaluer les biens immobiliers, le montant de l’indemnité d’occupation due par Mme [E] s’agissant du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8], d’évaluer la part revenant à chacun ainsi que d’établir un projet de compte, liquidation et partage de l’indivision ;
o condamné Mme [E] au paiement auprès de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente au bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8] à compter du 25 mai 2018 et ce jusqu’au 1er septembre 2019 ;
o constaté l’accord des parties sur la suppression de la somme de 11.530 euros correspondante aux loyers des biens immobiliers sis [Localité 9] et [Localité 8] de 2009 à 2011 dans le cadre des opérations de partage de leur régime matrimonial ;
o constaté que l’encaissement du prix de vente perçu par Mme [E] est de 14.136,87 euros ;
o débouté Mme [E] de sa demande d’inclure dans le passif de la communauté la dette contractée auprès des enfants pour la rénovation de l’immeuble sis [Localité 9];
o débouté Mme [E] de ses demandes contradictoires afférentes aux récompenses dues par la communauté à M. [F] ;
Sur l’appel incident de M. [F] :
– déclarer M. [F] recevable et bien fondé en son appel incident ;
– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
o donné mission au notaire d’évaluer les biens immobiliers, le montant de l’indemnité d’occupation due par M. [F] s’agissant du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 9] ;
o fixé à la somme de 20.804,90 euros la récompense due par la communauté à Mme [E] au titre de l’entretien du bien immobilier situé sis [Adresse 6] à [Localité 8] ;
o débouté M. [F] de sa demande afférente au paiement de la prestation compensatoire ;
Et statuant de nouveau :
– dire qu’une récompense est due par la communauté à M. [F] pour un montant de 7. 251,78 euros ;
– juger que M. [F] n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation au titre de la jouissance du bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 9];
– condamner Mme [E] à la somme de 4.750 € au titre d’un trop perçu de prestation compensatoire ;
– dire qu’aucune récompense n’est due par la communauté à Mme [E] s’agissant des frais d’entretien du bien situé à [Localité 8] à défaut de justificatifs ;
– condamner Mme [E] à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [E] aux entiers dépens.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
CECI ETANT EXPOSE
Sur la recevabilité des demandes de l’appelante :
M. [F] sollicite au dispositif de ses conclusions que Mme [E] soit déclarée irrecevable en toutes ses demandes sans toutefois articuler au sein de ses écritures de moyens au soutien de cette prétention.
Les demandes de Mme [E] seront donc déclarées recevables étant rappelé qu’en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande constitue nécessairement une défense à la prétention adverse.
Sur les dispositions de première instance relatives à l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux, à la désignation du notaire et à sa mission :
Ces dispositions en ce qu’elles rappellent que l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage a été prononcée par jugement en date du 11 décembre 2018 et commettant Me [Z] pour y procéder ne sont pas contestées. Elles seront confirmées.
D’agissant de la mission impartie à Me [Z], il résulte des moyens débattus que M. [F] ne critique que les dispositions confiant au notaire l’évaluation de l’indemnité due pour l’occupation de l’immeuble commun devenu indivis sis à [Localité 9] dès lors que l’époux s’oppose au principe d’une telle indemnité. Pour le reste de la mission, aucune contestation sérieuse du jugement n’est formulée.
Sur le passif de la communauté (hors récompenses) :
Les parties s’opposent sur l’inclusion dans le passif de la communauté d’une dette contractée auprès de leurs deux fils [C] et [B].
Le premier juge a débouté Mme [E] de sa demande tendant à ce que cette dette d’un montant de 45.478 euros soit incluse dans le passif de la communauté après rappel des dispositions des articles 815-10 et 815-13 du code civil au motif que la demande portait sur des frais engagés auprès de leurs enfants alors même que les époux étaient encore mariés et non de travaux réalisés au cours de la liquidation.
Mme [E] réitère sa demande en cause d’appel en exposant que des travaux de rénovation ont été nécessaires sur l’immeuble commun de [Localité 9] et que les époux ont sollicité des fonds auprès de leurs fils pour les financer, une reconnaissance de dette ayant été établie le 3 mai 2009. Elle considère qu’il s’agit donc d’une dette de la communauté laquelle n’est pas prescrite.
M. [F] oppose que les travaux dont il est question ont été réalisés entre 2003 et 2006 soit bien avant la demande en divorce et l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, que les factures produites ne permettaient pas de démontrer que les biens acquis avaient servi à la rénovation, que la reconnaissance de dette non conforme à l’article 1326 du code civil ne permet pas de prouver l’obligation, que la dette est en tout état de cause prescrite.
Sur ce,
S’agissant de la détermination du passif de la communauté sont applicables les dispositions des articles 1409 et suivants du code civil et non celles relatives à l’indivision.
Aux termes de l’article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement à titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants conformément à l’article 220 et à titre définitif ou sauf récompense, selon les cas, des autres dettes nées pendant la communauté.
Des pièces de Mme [E], il résulte que la ville de [Localité 9] a attrait les époux devant le tribunal d’instance le 7 août 2002 aux fins de désignation d’un expert pour voir constater l’état de péril imminent de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9], que l’expert désigné, après constat de désordres affectant l’enduit appliqué sur la maçonnerie de la façade sur rue, a conclu le 24 février
2003 à l’existence d’un péril grave et imminent pour les habitants de l’immeuble et les piétons exposés à un risque de chute de matériaux et préconisé outre des mesures provisoires de sécurité la réalisation de travaux de réparation de l’enduit de la façade avant.
Des pièces de Mme [E] il ressort également que la caisse d’allocations familiales à la suite d’un signalement d’un des locataires de l’immeuble a conclu après un contrôle opéré en septembre 2005 que les conditions de décence au sens du décret du 30 janvier 2002 n’étaient pas réunies bien que des travaux de réfection de toiture soient alors en cours.
Il est justifié sans que cette analyse ne soit sérieusement contestée de la réalisation des travaux sur et dans l’immeuble par la production de photo-graphies « avant-après », le courrier du maire à la directrice de la CAF du 7 septembre 2007 confirmant que l’immeuble a été entièrement réhabilité, de nombreuses factures et justificatifs d’achats de matériaux au cours de la période considérée.
Il est versé par ailleurs un document dactylographié daté du 3 mai 2009 aux termes duquel les deux époux s’engagent à rembourser la somme de 45.478,06 euros à leurs deux fils [C] et [B] [F] avec cette précision « il est dit que cette somme a permis à M. [F] [A] et Mme [F] [D] de procéder à la rénovation de l’intérieur de leur immeuble sis [Adresse 3] [Localité 9] et donc à la réhabilitation de l’ensemble des logements », il est indiqué que les débiteurs s’engagent à rembourser cette somme aux créanciers dès l’année 2010 en une ou plusieurs fois selon leurs possibilités.
Suivent les signatures respectives de chacun des époux et des fils, étant relevé que M. [F] ne dénie pas sa signature sur ce document dans ses conclusions et que le montant de la somme indiqué dans l’engagement s’il n’est pas mentionné également en toutes lettres coïncide avec le cumul des montants des factures et justificatifs fournis par Mme [E].
Il est acquis aux débats que l’immeuble ayant bénéficié de la rénovation est commun. M. [F] indique lui-même que des travaux ont été effectués entre 2003 et 2006 et ne dément pas factuellement qu’ils ont été financés grâce à des fonds provenant de leurs fils durant la vie commune à hauteur de la somme sur laquelle porte l’engagement de remboursement auquel il a souscrit.
Ces éléments et l’ensemble des pièces versées par Mme [E] précédem-ment évoquées confortent l’existence d’une dette contractée par les époux ensemble lors de la vie commune envers leurs deux fils et résultant d’une opération ayant bénéficié à la communauté. Il n’est pas allégué ni démontré que la dette a été réglée.
Aucune prescription n’est acquise dès lors que l’engagement de rembourse-ment date du 3 mai 2009 soit moins de 5 ans avant la dissolution de la communauté.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de fixer au passif commun la somme de 45.478 euros.
Sur les demandes de récompenses :
Sur les récompenses dues par les époux à la communauté :
L’article 1437 du code civil dispose que « toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense ».
L’article 1469 du code civil précise « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.
Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien ».
En application des dispositions combinées des articles 1437 et 1353 du code civil, il appartient à l’époux qui se prévaut d’un droit à récompense au profit de la communauté de démontrer que l’époux défendeur a tiré profit personnel de deniers ou de biens communs, la présomption d’acquêt posée par l’article 1402 du code civil faisant présumer le caractère commun des biens et deniers. S’il y parvient, l’époux défendeur est redevable d’une récompense à la communauté sauf à démontrer que l’opération en cause a été financée par des deniers personnels.
Sur la récompense due par l’épouse :
Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a constaté que l’encaisse-ment du prix de vente perçu par Mme [E] est de 14.136,87 euros.
Mme [E] expose qu’il résulte du procès-verbal de difficultés établi par Me [Z] qu’elle aurait perçu la somme de 28.273,74 euros au titre du prix de vente d’un immeuble ce qu’elle conteste indiquant que chacun des époux a perçu la somme de 14.136,87 euros le 25 novembre 2010. Elle indique dès lors qu’il n’est pas logique que la dite somme soit « uniquement retenue » à son égard puisque chacun a perçu exactement la même somme.
M. [F] sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris.
Sur ce,
Le procès-verbal de difficultés mentionne au titre de la liquidation des récompenses dues par l’épouse à la communauté la somme de 28.273,74 euros correspondant à l’encaissement du prix de vente selon acte reçu par Me [H] le 20 novembre 2010.
La seule pièce produite aux débats relative à cette vente et le relevé de compte établi par la SELARL [H] Joint fait ressortir, selon acte authentique du 20 novembre 2010, soit durant la vie commune, les époux ont vendu un bien immobilier qu’ils détenaient en indivision avec leur fils [C] et que chacun des époux s’est vu adresser un règlement de 14.136,87 euros à cette occasion.
Il n’est pas contesté que les droits indivis sur ce bien faisaient partie de la communauté.
L’encaissement de partie du prix de vente par Mme [E] n’est pas davantage contesté. Dès lors le jugement qui au dispositif se contente de constater ce fait ne saurait être infirmé.
En revanche, il n’est pas établi que seule Mme [E] ait tiré un profit personnel dès lors que les deux époux ont encaissé à part égale en proportion de leurs droits le produit de la vente qui revenait à la communauté, soit chacun la somme de 14.136,87 euros.
En conséquence, Mme [E] ne doit pas récompense à ce titre à la communauté.
Il sera ajouté en ce sens au dispositif de l’arrêt.
Sur la récompense due par l’époux :
Au cas présent, le premier juge a débouté Mme [E] de ses demandes et n’a fixé aucune récompense qui serait dûe par M. [F].
Mme [E] qui poursuit l’infirmation de ce chef sollicite que la récompense due à la communauté soit fixée à 38.504,45 euros au titre des loyers que l’époux a encaissés relatifs à l’immeuble de [Localité 9], outre les sommes qu’il a perçues de la caisse d’allocations familiales.
M. [F] se reconnaît au sein de ses écritures redevable d’une récompense à hauteur de 29.205,45 euros correspondant aux loyers et prestations servies par la CAF directement au bailleur et ce, à compter de 2017.
Au vu des demandes et pièces produites, la cour constate que les prétentions des parties portent sur la période postérieure à la date des effets patrimoniaux du divorce entre les époux (5 mai 2011) et sont donc relatives à la période d’indivision post-communautaire de sorte que les flux financiers qui concernent deux immeubles communs devenu indivis sont régis par les règles de l’indivision légale et non celles afférentes aux récompenses ce qui induit des dispositions différentes en termes de preuve et d’évaluation.
Il convient dès lors, après avoir restitué aux faits et aux actes leur exacte qualification juridique, d’examiner la demande à l’aune des règles applicables de l’indivision.
En application de l’article 815-10 du code civil « Sont de plein droit indivis, par l’effet d’une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l’ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis. Les fruits
et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise. Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être. Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision ».
En application des dispositions combinées de l’article 815-10 sus-visé et l’article 1353 du code civil, il appartient à l’indivisaire qui se prévaut d’une créance au profit de l’indivision à ce titre de démontrer que son coïndivisaire a perçu les fruits d’un bien indivis, la cour observant à cet égard que l’article 815-8 du code civil fait obligation à l’indivisaire qui perçoit les fruits d’un bien indivis de tenir un état des dits revenus sans assortir la dite obligation de sanction.
Il convient ici de rappeler que l’ordonnance du 12 décembre 2014 a attribué à l’époux la gestion des immeubles indivis sis [Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 9] alors que la précédente décision avait attribué cette gestion à l’épouse.
Mme [E] produit aux débats les bordereaux de paiement à M. [F] des prestations bailleur servies par la CAF du Nord de janvier 2016 au mois de mars 2018 inclus dont il ressort que l’époux a encaissé sur cette période la somme de 16.030 euros et non celle de 13.351 euros comme il l’indique.
Elle verse aussi l’avis d’imposition sur les revenus de 2015 de M. [F] selon lequel ce dernier a déclaré des revenus fonciers nets pour la somme de 5.010 euros ; or il ne fait pas état de ce que ces revenus proviennent de biens n’appartenant pas à l’indivision post-communautaire. Les loyers qu’il a perçus en 2015 apparaissent ne pas avoir été pris en considération dans le décompte de M. [F] ni dans celui de Me [Z] arrêté dans le procès-verbal de difficultés du 2 mars 2020.
En conséquence, et conformément au chiffrage de Mme [E] qu’il convient de retenir, la créance de l’indivision post-communautaire au titre des loyers des immeubles indivis perçus par M. [F] doit être fixée à la somme de 38.504,45 euros selon décompte arrêté au 2 mars 2020.
Sur les récompenses dues aux époux par la communauté :
En vertu de l’article 1433 du code civil, « la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi. Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignage et présomption ».
L’article 1469 du code civil précise « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien ».
En application des dispositions combinées des articles 1433 et 1353 du code civil, il appartient à l’époux qui se prévaut d’un droit à récompense de démontrer d’une part, le caractère propre des deniers ou biens considérés, et d’autre part, que la communauté en a tiré profit.
Sur la récompense due à l’épouse :
Le premier juge a fixé à la somme de 20.804,90 euros la récompense due par la communauté à Mme [E] au titre de l’entretien de l’immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 8].
M. [F] critique ce chef du jugement en contestant en substance la valeur probante des éléments fournis par Mme [E], en faisant valoir notamment qu’il ne peut être vérifié que les dépenses engagées sont relatives à l’immeuble situé [Adresse 12] à [Localité 8].
L’épouse sollicite la confirmation du jugement. Elle dit justifier des frais qu’elle a avancés. Elle relève que, devant le premier juge, M. [F] avait demandé que la récompense en sa faveur soit fixée à 20.804,90 euros, sans toutefois qu’elle n’en tire de conséquences juridiques au dispositif de ses conclusions.
A titre liminaire et au vu des écritures respectives des parties, la cour constate que les dépenses alléguées portent sur la période postérieure à la date des effets patrimoniaux du divorce entre les époux et sont donc afférentes à la période de l’indivision post-communautaire de sorte que les règles de l’indivision légale sont applicables.
Après requalification de la demande conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, il convient d’examiner la demande à l’aune de ces dernières.
En application de l’article 815-13 du code civil, « Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des dits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ».
Les dépenses d’entretien courant et notamment celles liées à l’occupation du bien par un indivisaire ne sont pas susceptibles d’un remboursement par l’indivision à l’indivisaire ayant exposé la dépense.
L’indivision est débitrice envers un indivisaire à raison des dépenses de conservation des biens indivis exposées par ce dernier, même si elles n’ont pas
amélioré lesdits biens, étant précisé que la « dépense nécessaire » est celle qui concourt à la préservation matérielle du bien mais également celle qui concourt à sa préservation juridique.
Enfin, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de l’amélioration à ses frais des biens indivis, eu égard à ce dont la valeur des dits biens se trouve augmentée au jour du partage ou de leur aliénation.
Mme [E] produit au soutien de sa demande plusieurs tickets de caisse et de péage, quelques factures, des appels de cotisations d’assurance, des avis de taxes foncières, des relances et mises en demeure pour le paiement de factures de fournisseurs d’énergie ou d’eau, des justificatifs de frais d’huissier acquittés pour la régularisation de commandements de payer.
Force est toutefois de constater à l’examen des documents produits que la plupart ne sont pas relatifs à l’immeuble sis [Adresse 12] mais afférents à des dépenses qui concernent les deux autres biens indivis ; or Mme [E] sollicite la confirmation de la décision entreprise qui s’est prononcée uniquement sur le bien de la [Adresse 12] et ne forme pas de demande s’agissant des dépenses qui concernent les deux autres immeubles communs devenus indivis. Par ailleurs, certaines factures d’électricité fournies sont manifestement liées à l’occupation du bien par Mme [E] et doivent donc être considérées comme des dépenses d’entretien courant durant l’indivision devant donc rester à sa charge. Enfin les tickets de caisse et de péage n’établissent pas l’engagement d’une dépense relative au bien indivis.
Ainsi, et au vu des seules pièces tenant lieu de justificatifs des dépenses de conservation engagées par Mme [E] relatives à l’immeuble indivis sis [Adresse 12] à savoir les taxes foncières de 2011 à 2014 inclus et les cotisations d’assurance habitation réglées sur la même période, la créance de l’épouse sur l’indivision s’établit à 11.807 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la récompense due à l’époux :
Le jugement a rejeté les demandes formées devant lui considérant que les prétentions de Mme [E] étaient contradictoires dès lors que cette dernière demandait qu’aucune récompense ne soit dûe à l’époux tout en indiquant que la dite récompense soit fixée à 38.504,45 euros.
Au vu de la contradiction manifeste entre les demandes, et M. [F] n’ayant alors formé aucune prétention à ce titre devant lui, c’est à juste titre que le premier juge a ainsi statué.
En cause d’appel, M. [F] sollicite que la récompense due par la communauté à son profit soit fixée à 7.251,78 euros.
Mme [E] sollicite le débouté de cette demande au motif qu’aucun justificatif n’est produit.
La cour relève au vu des pièces soumises à son appréciation que le montant de la demande de M. [F], soit 7.251,78 euros, correspond à l’évaluation faite par Me [Z] dans le procès-verbal de difficultés pour 2019, il s’en évince que la demande de M. [F] dans le cadre de la présente instance est circonscrite à cette seule année qui s’inscrit dans la période de l’indivision post-communautaire. Sont dès lors applicables les règles de l’indivision.
Selon le procès-verbal de difficultés, les frais invoqués sont les cotisations MMA, les factures « Top services », les factures EDF pour « les parties communes », les taxes foncières 2019.
Si les cotisations d’assurance des biens indivis, les taxes foncières et l’électricité pour les parties communes des dits biens participent de dépenses de conservation constitutives d’une créance sur l’indivision dès lorsqu’il n’est pas factuellement démenti que M. [F] les a acquittées, force est de constater que ce dernier ne produit pas les factures « Top services » d’un montant cumulé de 1.810 euros et met ainsi la cour dans l’impossibilité de vérifier leur objet et leur montant respectif.
En conséquence, il sera dit que M. [F] détient une créance sur l’indivision post-communautaire de 5.441,78 euros au titre des dépenses de conservation dont il justifie pour l’année 2019.
Le surplus de la demande sera rejeté.
Sur la valeur vénale de l’immeuble indivis sis [Adresse 3] à [Localité 9] :
En vertu de l’article 829 du code civil, « en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité ».
Le premier juge a confié à Me [Z] pour mission notamment d’évaluer le bien immobilier de [Localité 9] ainsi que l’éventuelle moins-value.
Il s’avère que le notaire a sollicité par lettre reçue au greffe du juge aux affaires familiales compétent le 21 juin 2021 l’adjonction d’un spécialiste pour procéder à cette évaluation. Par décision du 16 juillet 2021, le juge a procédé à la désignation de M. [N] [T] en qualité d’expert immobilier afin de procéder à l’estimation du bien, à son éventuelle moins-value, à sa valeur locative ainsi qu’à l’indemnité d’occupation due par M. [F].
Ces circonstances sont rappelées en préambule du rapport d’expertise versé aux débats par Mme [E] et qui a été établi le 7 février 2022.
Mme [E] sollicite au dispositif de ses conclusions que la valeur vénale de cet immeuble de rapport soit fixée à 202.000 euros soit 182.000 euros hors frais de mutation.
M. [F] n’articule pas de moyen en défense et ne produit aucune évaluation récente et divergente.
En conséquence, eu égard aux caractéristiques du bien, à sa localisation, au contexte du marché immobilier régional, il convient de fixer la valeur du bien conformément aux conclusions de l’expertise soit à 182.000 euros hors frais de mutation.
Sur les indemnités d’occupation :
Aux termes de l’article 815-9 du code civil, « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité ».
En application des dispositions combinées des articles 815-9 et 1353 du code civil, il appartient à l’indivisaire qui sollicite une indemnité d’occupation à l’égard de l’indivision de démontrer que l’indivisaire prétendument redevable de l’indemnité a joui privativement du bien indivis sur la période considérée.
L’indemnité d’occupation visée à l’article 815-9 du code civil est due à la seule condition que l’indivisaire solvens ait la libre disposition du bien c’est-à-dire que ses coïndivisaires se trouvent dans l’impossibilité de droit ou de fait d’user de la chose.
Le fait que l’indivisaire occupant ait effectué des dépenses de conservation ou d’amélioration n’a aucune incidence sur la détermination du montant de l’indemnité d’occupation dont il est redevable à l’indivision.
Sur l’indemnité d’occupation due par l’épouse à l’indivision post- communautaire :
La cour n’est saisie d’aucune contestation du chef du jugement condamnant l’épouse au paiement auprès de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente au bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8] à compter du 25 mai 2018, date à laquelle la décision de divorce a acquis force de chose jugée, et jusqu’au 1er septembre 2019 et confiant au notaire mission d’évaluer cette indemnité d’occupation.
Sur l’indemnité d’occupation de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] :
Le premier juge, retenant dans sa motivation que M. [F] s’était installé dans le bien de manière exclusive et privative, a confié mission au notaire liquidateur de procéder à l’évaluation de l’indemnité d’occupation dûe par ce dernier à l’indivision.
M. [F] conteste ce chef du jugement et le principe d’une indemnité d’occupation en faisant valoir au sein du chapitre de ses conclusions improprement intitulé « Récompense due à la communauté par M. [F] », qu’il n’a jamais résidé dans le bien, qu’il était en effet locataire d’un logement situé à [Localité 7], que le rapport d’expertise ne permet pas de déterminer quel lot est occupé de manière privative, qu’en tout état de cause si le principe d’une indemnité d’occupation était retenu il doit être tenu compte du fait que les surfaces des lots sont différentes.
Mme [E] maintient que l’époux a occupé une partie de l’immeuble à titre privatif où il a résidé à compter de la séparation. Elle indique qu’il s’est domicilié à cette adresse de manière régulière que ce soit dans la requête en divorce et dans les justificatifs adressés au notaire. Elle expose que l’expert a évalué le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle laquelle doit donc être fixée par la cour à hauteur de la somme précisée au dispositif de ses conclusions.
Sur ce,
M. [F] verse aux débats le contrat de bail qu’il invoque et des quittances de loyer.
Cependant il convient de rappeler qu’il s’est vu confier la gestion du bien sis [Adresse 3] à [Localité 9] par l’ordonnance de non-conciliation rendue le 12 décembre 2014 ce qui implique nécessairement qu’il a détenu les clefs à compter de cette date. Il apparaît par ailleurs au vu des pièces soumises à la cour qu’il se domicilie fiscalement à l’adresse du bien ainsi que sur divers documents (facture de téléphonie à compter d’avril 2016, factures de garagiste en 2016, les mandats « cash » de règlement de la pension alimentaire à compter de janvier 2015 jusqu’au mois de décembre 2017) et surtout qu’il règle l’assurance habitation et non pas seulement l’assurance propriétaire non occupant ainsi qu’il résulte des relevés établis par la MMA. Il apparaît aussi qu’au moment de l’évaluation de l’immeuble réalisée le 7 mars 2019 par l’étude Bavière, notaires, (figurant en annexe du procès-verbal de difficultés dressé par Me [Z]) certains des logements n’étaient pas occupés par des locataires et que lors de l’expertise, M. [F] a fait répondre à une demande de pièces justificatives émanant de l’expert qu’il n’était pas en capacité de fournir l’état des loyers, contribuant ainsi à entretenir une certaine opacité.
L’ensemble de ces éléments conforte la position de Mme [E] selon laquelle M. [F] occupe au sein de cet immeuble de rapport un des logements dans des conditions excluant qu’elle puisse en jouir de la même manière et ce depuis le 12 décembre 2014.
L’expert, M. [T], retient pour le calcul de l’indemnité d’occupation due par l’époux une valeur locative de 300 euros soit une indemnité mensuelle, après application d’un abattement de 20 % tenant compte du caractère précaire de l’occupation, de 240 euros. Il convient d’observer que dans son estimation l’étude Bavière relève, pour les logements occupés, des montants de loyer compris entre 280 et 320 euros pour des surfaces comprises entre 14 m² et 20 m². La valeur locative telle que retenue par l’expert se situe donc dans la moyenne des loyers perçus.
En conséquence, il convient d’une part de confirmer le jugement en ce qu’il a initialement donné mission au notaire de procéder à l’évaluation de l’indemnité d’occupation due à l’indivision par M. [F] pour l’occupation du bien sis [Adresse 3] à [Localité 9] dès lors que le principe d’une telle indemnité est établi, et tenant compte de l’évolution du litige avec l’expertise immobilière réalisée par M. [T], de fixer cette indemnité mensuelle due à l’indivision post-communautaire à 240 euros par mois et ce à compter du 12 décembre 2014.
Sur la demande de l’époux relative à la prestation compensatoire :
M. [F], réitérant sa demande en cause d’appel, demande que l’épouse soit condamnée à payer la somme de 4.750 euros au titre d’un trop-perçu de prestation compensatoire considérant que cette créance relève de la compétence du juge liquidateur.
Toutefois, c’est par de justes motifs que le premier juge, après avoir rappelé que le jugement de divorce condamnant l’époux à verser à l’épouse une prestation compensatoire de 250 euros par mois sous forme de rente viagère a été signifié le 25 avril 2018 et est définitif depuis le 26 mai 2018 (à défaut d’appel interjeté dans le délai de recours) et que les parties se sont accordées sur la mise en oeuvre d’une procédure de paiement direct par voie d’huissier, a retenu que la contestation de M. [F] ne relevait pas de la compétence du juge liquidateur mais de celle du juge de l’exécution. En effet ce dernier, conformément aux dispositions de l’article L.213-6 alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire « connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».
Il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Eu égard à la nature familiale du litige, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel comme en première instance. Les dispositions de première instance seront donc infirmées.
Succombant en l’essentiel de ses prétentions, M. [F] sera tenu aux dépens d’appel, les dépens de première instance étant employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
DIT les demandes de Mme [D] [E] recevables ;
CONFIRME le jugement rendu le 15 avril 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Saint-Quentin SAUF :
– en ce qu’il a fixé à 20.804,90 euros la récompense due par la communauté à Mme [D] [E] au titre de l’entretien du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 8],
– débouté Mme [D] [E] de sa demande d’inclure dans le passif de la communauté la dette contractée auprès des enfants pour la rénovation de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] (59),
– en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles ;
L’INFIRME de ces chefs
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
FIXE au passif de la communauté la somme de 45.478 euros au titre de la dette contractée par les époux envers leurs fils [C] et [B] [F] pour les travaux de rénovation de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9] ;
DIT n’y avoir lieu à récompense au profit de la communauté par Mme [D] [E] à hauteur de 14.136,87 euros ;
DIT que M. [A] [F] est débiteur envers l’indivision post- communautaire :
– de la somme de 38.504,45 euros selon décompte arrêté au 2 mars 2020 au titre des loyers et prestations de la caisse d’allocations familiales qu’il a encaissés et relatifs à l’immeuble indivis sis à [Localité 9],
– d’une indemnité d’occupation mensuelle du bien indivis sis [Adresse 3] à [Localité 9] de 240 euros par mois à compter du 12 décembre 2014 et jusqu’au partage ;
DIT que Mme [D] [E] détient une créance sur l’indivision post- communautaire de 11.807 euros au titre des dépenses d’entretien sur le bien indivis sis [Adresse 6] à [Localité 8] de 2011 à 2014 inclus ;
DIT que M. [A] [F] détient une créance sur l’indivision post- communautaire de 5.441,78 euros au titre des dépenses de conservation dont il justifie pour l’année 2019 relatives au bien indivis sis [Adresse 3] à [Localité 9] ;
FIXE à 182.000 euros hors frais de mutation la valeur vénale de l’immeuble indivis sis [Adresse 3] à [Localité 9] ;
DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
CONDAMNE M. [A] [F] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,