Saisine du juge de l’exécution : 20 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05290

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Saisine du juge de l’exécution : 20 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05290

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 4

ARRET DU 20 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05290 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKMA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/00910

APPELANTE

La Société ATRIUM GESTION Société par actions simplifiée au capital de 92 000,00 euros immatriculée au RCS de Paris sous le n°632 018 503, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 13]

[Localité 16]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065 et assistée par Me Dominique DEMEYERE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1291

INTIMES

Monsieur [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 19]

Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1735

Madame [J] [U] épouse [Z]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1735

Madame [N] [U] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1735

Madame [T] [U] Veuve [Y]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1735

Madame [F] [U] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1735

S.A.R.L. AURORE IMMOBILIER, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 11]

[Localité 20]

Défaillant

Assignation devant la cour d’appel de PARIS, en date du 19 mai 2021 selon les modalités prévues à l’article 659 du code de proédure civile.

La Société GROUPAMA PRO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 14]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 et assistée par Me Dominique DELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : J 65

Madame [H] [L]

Mandataire ad hoc de la société AURORE IMMOBILIER

[Adresse 12]

[Localité 18]

Défaillante

Assignée par acte du 21 juin 2021 remis à personne habilitée.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Michel CHALACHIN, Président de chambre, chargé du rapport, et de Mme Marie MONGIN, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Michel CHALACHIN, Président de chambre

Marie MONGIN, Conseiller

Anne-Laure MEANO, Présidente

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

– Par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière chambre 4-4, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [U] était propriétaire de plusieurs appartements.

Par acte du 30 septembre 2004, elle avait confié la gestion de ses biens immobiliers à la société Atrium gestion.

L’un des ses appartements était situé [Adresse 17] à [Localité 20].

Par acte du 5 février 2006, la société Atrium gestion a confié un mandat de mise en location à la société Aurore immobilier, qui était chargée de proposer un locataire pour l’appartement de Mme [U] et de lui faire signer un bail.

Le 29 juin 2006, la société Aurore immobilier a transmis à son mandant le dossier de Mme [X] [G], en indiquant qu’un acte de caution serait établi par le Crédit du nord ; à ce dossier était jointe une lettre d’un conseiller financier précisant que Mme [G] n’était pas salariée mais disposait d’un capital.

Le 27 juillet 2006, elle lui a transmis le contrat de bail à signer accompagné d’une lettre du Crédit du nord indiquant qu’un dossier de caution bancaire était en cours de constitution.

Le 21 août 2006, la société Aurore immobilier a transmis à son mandant une déclaration de gage de compte d’instruments financiers remplie par Mme [G] pour un montant de 20 486 euros.

Le 1er septembre 2006, la société Atrium gestion a signé le bail qui lui avait été communiqué par son mandataire ; le loyer dû par Mme [G] s’élevait à la somme mensuelle de 1 553 euros charges comprises.

Par lettre du 12 septembre 2006, la société Atrium gestion a demandé à la société Aurore immobilier des explications sur le document intitulé ‘déclaration de gage de compte d’instruments financiers’.

Suite au décès de Mme [U] survenu le [Date décès 9] 2012, ses héritiers (ci-après les consorts [U]) sont devenus propriétaires indivis de ses biens, dont l’appartement loué à Mme [G].

Par acte du 19 avril 2013, ils ont confié la gestion de leurs biens à la société Atrium gestion.

Mme [G] ayant cessé de régler ses loyers après le mois de juin 2015, la société Atrium gestion lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail le 16 octobre 2015.

Par acte d’huissier du 16 juillet 2016, les bailleurs ont fait assigner la locataire devant le tribunal d’instance de Courbevoie afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et obtenir le paiement de l’arriéré de loyers.

Par jugement du 20 décembre 2017, le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail, ordonné l’expulsion des occupants du logement et condamné Mme [G] au paiement de la somme de 49 453,31 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation.

Par jugement du 6 avril 2018, le juge de l’exécution a accordé un délai de trois mois à Mme [G] pour se reloger.

Celle-ci a quitté les lieux le 17 septembre 2018, laissant une dette de 69 459,04 euros.

Par acte d’huissier du 21 décembre 2018, les consorts [U] ont fait assigner la société Atrium gestion devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir le paiement de l’arriéré locatif à titre indemnitaire pour fautes de gestion ainsi que le paiement d’une indemnité pour préjudice moral.

Par actes des 18 et 23 avril 2019, la société Atrium gestion a assigné en intervention forcée la société Aurore immobilier et son assureur, la société Groupama pro.

Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– rejeté la demande de mise hors de cause de la société Aurore immobilier et de la société Groupama pro,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et, en conséquence, déclaré les consorts [U] recevables en leur action,

– condamné la société Atrium gestion au paiement de la somme de 39 567,23 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier,

– condamné la société Atrium gestion au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,

– condamné la société Aurore immobilier à garantir la société Atrium gestion des condamnations prononcée à son encontre à hauteur de 50 % des sommes,

– condamné la société Atrium gestion à payer aux consorts [U] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamné la société Atrium gestion aux dépens,

– condamné la société Aurore immobilier à garantir la société Atrium gestion des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 50 % des sommes,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par jugement rectificatif du 9 février 2021, le tribunal a remplacé la somme de 39 567,23 euros par celle de 55 567,23 euros correspondant à 80 % du montant de la dette locative.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mars 2021, la société Atrium gestion a interjeté appel de ces deux décisions.

Entre-temps, par jugement du 4 décembre 2019, la société Aurore immobilier avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 15 avril 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a désigné Me [H] [L] en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurore immobilier avec pour mission de la représenter devant la cour de céans.

La société Aurore immobilier à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 19 mai 2021 établi selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat ; le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

Me [L], à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 21 juin 2021 remis à une personne habilitée à le recevoir, n’a pas non plus constitué avocat.

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2022, l’appelante demande à la cour de :

– infirmer les jugements entrepris en toutes leurs dispositions,

– in limine litis, dire que sa demande de garantie dirigée contre la société Aurore immobilier et son assureur n’est pas une demande nouvelle et débouter la société Groupama pro de sa demande d’irrecevabilité de cette demande,

– à titre subsidiaire, dire que sa demande de garantie dirigée contre la société Groupama pro constitue la conséquence nécessaire de sa demande présentée en première instance contre son assurée, la société Aurore immobilier, et débouter la société Groupama pro de sa demande d’irrecevabilité de cette demande,

– à titre très subsidiaire, dire que sa demande de garantie dirigée contre la société Groupama pro est formulée sur le fondement de l’article 567 du code de procédure civile et la débouter de sa demande d’irrecevabilité de cette demande,

– dire que les demandes des consorts [U] en responsabilité civile sont prescrites sur le fondement de l’article 2224 du code civil et les juger irrecevables,

– sur le fond, débouter les consorts [U] de leurs demandes,

– à titre subsidiaire, limiter le montant de leur préjudice financier à la somme de 18 636 euros correspondant au montant du cautionnement bancaire figurant sur le bail,

– condamner solidairement la société Aurore immobilier et la société Groupama pro à la relever indemne et la garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre, dommages-intérêts, indemnités de l’article 700 du code de procédure civile et dépens de première instance et d’appel,

– à titre subsidiaire, condamner solidairement la société Aurore immobilier et la société Groupama pro à la relever indemne et la garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre, dommages-intérêts, indemnités de l’article 700 du code de procédure civile et dépens de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 566 du code de procédure civile,

– à titre très subsidiaire, condamner solidairement la société Aurore immobilier et la société Groupama pro à la relever indemne et la garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre, dommages-intérêts, indemnités de l’article 700 du code de procédure civile et dépens de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 567 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les parties succombantes au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées aux parties représentées le 13 avril 2023 et signifiées à Me [L] le 17 avril 2023, les consorts [U] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rectifié en toutes ses dispositions,

– condamner l’appelante au paiement de la somme totale de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– condamner la société Aurore immobilier à garantir la société Atrium gestion des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 50 % des sommes.

Par dernières conclusions notifiées aux parties représentées le 3 mai 2023, la société Groupama pro demande à la cour de :

– à titre principal, confirmer le jugement du 8 décembre 2020 à raison de l’irrecevabilité de la demande en garantie formée à son encontre pour la première fois en cause d’appel par la société Atrium gestion et débouter celle-ci de toutes ses demandes dirigées contre elle,

– à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu’il a retenu non seulement un partage de responsabilité par moitié, mais également le principe même d’une responsabilité à la charge de la société Aurore immobilier, et dire que seule la société Atrium gestion doit être déclarée responsable vis-à-vis de son mandant, sans pouvoir se prévaloir de ses propres turpitudes à l’encontre de la société Aurore immobilier,

– débouter la société Atrium gestion de toutes ses demandes dirigées contre la société Aurore immobilier,

– à titre infiniment subsidiaire, juger que le principe de la responsabilité de son assurée ne pourrait être que très résiduel,

– condamner la société Atrium gestion au paiement de la somme de 4 000 euros à raison des frais irrépétibles exposés par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

Par ordonnance du 4 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré les demandes dirigées contre la société Groupama pro recevables devant la cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur les demandes dirigées contre la société Atrium gestion

L’appelante ne conteste pas le fait que le tribunal ait retenu, aux vu des courriels échangés entre les parties, que les consorts [U] n’avaient appris les impayés de loyers que le 3 mars 2016.

C’est à bon droit que le tribunal, faisant application des dispositions de l’article 2224 du code civil, a jugé que la prescription n’avait commencé à courir qu’à cette date correspondant à celle où les titulaires du droit d’agir en responsabilité contractuelle avaient connu les faits permettant de l’exercer.

Dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a jugé que l’action engagée par assignation du 21 décembre 2018 n’était pas prescrite.

Sur le fond, l’appelante oppose deux arguments principaux aux demandes formées contre elle par les consorts [U] : d’une part, elle soutient que Mme [G] n’était pas insolvable puisqu’elle a réglé ses loyers pendant neuf ans sans le moindre incident, d’autre part elle affirme que la société Aurore immobilier est seule responsable de l’absence de garantie bancaire en faveur de la locataire.

Sur le premier point, la société Aurore immobilier, qui avait pour mission de chercher un locataire et de proposer des candidatures à la société Atrium gestion, seule mandataire de la bailleresse, avait adressé à son mandant le dossier de Mme [G] le 29 juin 2006 ; ce dossier contenait une lettre de M. [B], conseiller financier, indiquant que Mme [G] disposait d’une somme de 89 944,92 euros sur un PEP et ne percevait pas de revenus autres que ceux provenant de son capital ; au vu de ces seuls éléments, la société Atrium gestion a accepté de signer le bail le 1er septembre 2006, pour un loyer mensuel de 1 553 euros charges comprises ; même si, dans un premier temps, le capital de Mme [G] devait lui permettre de faire face au paiement de son loyer, un professionnel de l’immobilier aurait dû se douter que, au bout de quelques années, une fois le capital épuisé, la locataire ne serait plus en mesure de régler son loyer, ce qui s’est d’ailleurs produit en 2015 ; au vu de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal a retenu une faute de gestion à l’encontre de la société Atrium gestion, qui ne pouvait ignorer que la situation financière de Mme [G] était trop fragile pour lui permettre de prendre un tel logement à bail.

Sur le second point, la société Atrium gestion ne peut se décharger de sa propre responsabilité sur la société Aurore immobilier, laquelle n’était pas investie d’un mandat de gestion par la bailleresse, mais uniquement d’un mandat de recherche d’un locataire pour le compte de la mandataire de Mme [U] ; la société Aurore immobilier a fait preuve de transparence à l’égard de son mandant en lui adressant le dossier de Mme [G] sans lui cacher le fait qu’elle ne percevait pas de revenus, accompagné de l’annonce d’une garantie bancaire ; le 27 juillet 2006, la société Atrium gestion a reçu le contrat de bail signé par Mme [G] et accompagné d’une lettre du Crédit du nord annonçant qu’une caution bancaire était en cours de constitution ; puis elle a reçu le 21 août 2006 une déclaration de gage de compte d’instruments financiers remplie par Mme [G] ; c’est au vu de ces seuls documents que la société Atrium gestion a pris la décision de signer le bail pour le compte de Mme [U] le 1er septembre 2006.

Ainsi, à la date de signature du bail par l’appelante, celle-ci ne disposait comme garantie que la déclaration de gage de compte d’instruments financiers signée par Mme [G], sans aucun engagement direct d’une banque à ce sujet.

Ce n’est que le 12 septembre 2006, soit après la signature du bail, que la société Atrium gestion a interrogé sa mandataire pour connaître la nature exacte du document signé par Mme [G], ce qui démontre qu’elle a accepté de conclure le bail sans savoir précisément à quoi correspondait le document qu’elle avait reçu le 21 août précédent.

De plus, elle a accepté de signer le bail alors qu’elle n’avait reçu qu’une lettre du Crédit du nord annonçant la mise en place prochaine d’une caution bancaire, et sans la moindre confirmation de l’existence de ce cautionnement, confirmation qui ne lui a d’ailleurs jamais été adressée par la suite.

Pourtant, le bail contenait la mention manuscrite suivante : ‘caution bancaire délivrée par le Crédit du nord à hauteur de 18 636 euros’, ainsi qu’une clause particulière ainsi rédigée : ‘sous réserve de la délivrance de la caution bancaire. En cas de non-production avant l’entrée dans les lieux le bail serait nul et non avenu’.

Malgré ces dispositions contractuelles précises, la société Atrium gestion a accepté de signer le bail pour le compte de sa mandante et de confier les clés du logement à Mme [G] alors qu’elle ne disposait pas d’un acte de cautionnement bancaire définitif conforme aux mentions figurant dans le bail, et alors que la déclaration de gage signée par Mme [G] seule ne correspondait manifestement pas à un acte de cautionnement bancaire.

L’appelante ne peut rejeter cette faute de gestion manifeste sur la société Aurore immobilier qui n’a fait que lui transmettre les documents dont elle disposait, et alors que la société Atrium gestion, en tant que professionnel de l’immobilier, aurait dû juger ces documents insuffisants et refuser de conclure le bail avec Mme [G], qui ne présentait aucune garantie bancaire définitive.

Elle ne peut non plus échapper à sa responsabilité en invoquant le fait que, au moment des premiers impayés, le cautionnement bancaire aurait pris fin, car elle aurait pu exiger de la locataire la reconduction de cette garantie à chaque renouvellement du bail.

L’appelante reproche aux consorts [U] de n’avoir pas tenté de recouvrer leur créance auprès de Mme [G] ; mais, à ce sujet, le tribunal a rappelé à juste titre que l’exercice de voies d’exécution à l’encontre de la débitrice était voué à l’échec puisque, dans son jugement du 6 avril 2018, le juge de l’exécution avait indiqué que, âgée de 70 ans, Mme [G] ne disposait que d’un minimum vieillesse de 706 euros par mois, était sous curatelle renforcée et attendait une place en foyer-logement.

Sur le montant de l’indemnité allouée aux consorts [U] pour réparer leur préjudice financier causé par les fautes de gestion commises par la société Atrium gestion, le tribunal a à juste titre considéré qu’elle ne pouvait se limiter à la somme de 18 636 euros correspondant au montant du cautionnement bancaire figurant dans le bail puisque l’appelante était responsable non seulement du préjudice dû à l’absence de ce cautionnement, mais encore à celui dû à l’absence de prise en compte de la fragilité de la situation économique de Mme [G].

Le tribunal a fait une juste appréciation de la perte de chance subie par les bailleurs d’avoir pu louer leur bien à une personne solvable et bénéficiant d’une garantie bancaire en évaluant cette perte de chance à 80 % du montant total de la dette locative, soit à la somme finale de 55 567,23 euros aux termes du jugement rectificatif.

Il a également justement évalué le préjudice moral subi par les consorts [U] à la somme de 1 500 euros, la confiance que Mme [U] puis ses héritiers avait donnée à ce gestionnaire de biens immobiliers ayant été trahie par ses négligences fautives commises lors de la signature du bail consenti à Mme [G].

Sur la demande de garantie dirigée contre la société Aurore immobilier et son assureur

Le tribunal a condamné la société Aurore immobilier à garantir la société Atrium gestion à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre celle-ci au motif qu’elle avait présenté la candidature de Mme [G] et rédigé le bail alors qu’elle ne bénéficiait pas d’une situation financière suffisamment solide et n’avait pas obtenu une garantie bancaire définitive.

Mais cette société avait pour seule mission de trouver un locataire, de proposer des candidatures à la société Atrium gestion et de rédiger le bail conformément aux directives de sa mandante.

Or, sur tous ces points, elle a respecté sa mission, puisqu’elle a présenté la candidature de Mme [G] à sa mandante en toute transparence, en lui faisant part de sa situation financière et en lui adressant la déclaration de gage signée par la candidate.

La société Aurore immobilier n’est pas responsable du fait que la société Atrium gestion ait accepté de signer le bail dès le 1er septembre en ayant une parfaite connaissance de la fragilité de la situation financière de la candidate, de l’absence de tout cautionnement bancaire définitif et de la seule existence d’une déclaration de gage signée par la locataire seule, dont le contenu échappait à la compréhension de la société Atrium gestion, comme le démontre sa demande d’explications du 12 septembre 2006 postérieure à la signature du bail.

Les fautes de gestion sont imputables à la société Atrium gestion seule, qui n’aurait pas dû accepter de conclure un bail pour le compte de sa mandante avec cette candidate insuffisamment solvable et n’offrant qu’une garantie peu fiable.

Dès lors, la demande de garantie dirigée contre la société Aurore immobilier et son assureur doit être rejetée.

Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande de garantie.

Sur les demandes accessoires

L’appelante, qui succombe en ses demandes, doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer aux consorts [U] la somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de ce texte et de débouter la société Groupama pro de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande de garantie dirigée contre la société Aurore immobilier et la société Groupama pro,

Statuant à nouveau sur ce point :

Déboute la société Atrium gestion de sa demande de garantie dirigée contre la société Aurore immobilier et la société Groupama pro,

Y ajoutant :

Condamne la société Atrium gestion à payer aux consorts [U] la somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Atrium gestion aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

 


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