Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 21 JUIN 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/07306 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPT2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2023 du Juge de l’exécution de MEAUX – RG n° 22/00079
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Rachel LE COTTY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
Monsieur [S] [U]
[Adresse 4]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/008691 du 17/04/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Représenté par Me Anca LUCACIU, avocat au barreau de PARIS, toque : C552
à
DÉFENDEUR
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Fabrice NORET, avocat au barreau de MEAUX
Et assistée de Me Jennifer MSIKA collaboratrice de Me Paul BUISSON de la SELEURL BUISSON & ASSOCIES – SELARL PAUL BUISSON, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 24 Mai 2023 :
Par jugement du 19 janvier 2023, le juge de l’exécution de Meaux, statuant en matière de saisies immobilières, a ordonné la vente forcée de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 4], appartenant à M. [U] et Mme [C], fixé la date de vente au 4 mai 2023 et fixé la créance du Crédit Foncier de France, créancier poursuivant, à la somme de 233.526,19 euros en principal, intérêts et frais.
Par déclaration du 21 avril 2023, M. [U] a interjeté appel de cette décision et, par acte du 28 avril 2023, il a assigné le Crédit Foncier de France en référé devant le premier président aux fins de sursis à exécution.
Aux termes de son assignation, développée oralement à l’audience du 24 mai 2023, il demande à la juridiction du premier président, au visa des articles R. 121-21 et R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, d’ordonner la « suspension de l’exécution provisoire » du jugement d’orientation du 19 janvier 2023.
Il invoque, d’une part, la caducité du commandement valant saisie du 4 avril 2022 en application des articles R. 311-11 et R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution pour non-respect du délai d’affichage et de publicité de la vente forcée, d’autre part, l’absence de titre exécutoire du créancier en raison de la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement le 12 mai 2022 puis du plan de surendettement établi le 22 septembre 2022, qui interdit toute procédure d’exécution sur ses biens.
Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience, le Crédit Foncier de France demande à la juridiction du premier président de déclarer irrecevable et mal fondée la demande de sursis à l’exécution formée par M. [U], de le débouter de sa demande et de le condamner aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il expose qu’en raison de la présente instance, il a sollicité le report de la vente et que celle-ci a été reportée au 18 janvier 2024.
Il soutient, pour l’essentiel, que les demandes formées en appel par M. [U] sont irrecevables en application de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution comme étant formées postérieurement à l’audience d’orientation, et qu’en tout état de cause, les affiches légale et simplifiée ont bien été publiées dans les journaux d’annonces légales entre le 20 et le 25 mars 2023.
Il ajoute que le bien immobilier litigieux appartient en indivision à Mme [C] et M. [U] et que Mme [C] n’est pas en situation de surendettement, de sorte que la vente forcée est possible la concernant.
A l’audience, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations orales.
SUR CE,
En application de l’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
Il résulte de ce texte que le sursis à exécution des décisions prises par le juge de l’exécution ne peut être accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
En l’espèce, M. [U] invoque la caducité du commandement valant saisie du 4 avril 2022 en application des articles R. 311-11 et R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution pour non-respect du délai d’affichage et de publicité de la vente forcée.
Le Crédit Foncier de France invoque l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution aux termes duquel, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
En l’espèce, l’acte contesté est postérieur à l’audience d’orientation puisqu’il s’agit de la publication de la vente forcée. La contestation est donc recevable.
Néanmoins, le créancier justifie avoir procédé à la publication de la vente dans des journaux d’annonces légales entre le 20 et le 25 mars 2023, soit plus d’un mois avant la date de la vente prévue le 4 mai 2023.
Le délai imparti à l’article R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution, soit « un délai compris entre un et deux mois avant l’audience d’adjudication », a donc été respecté, de sorte que la caducité du commandement de payer valant saisie prévue par l’article R. 311-11 du code des procédures civiles d’exécution ne paraît pas encourue.
En tout état de cause, M. [U] ne produit aucune pièce au soutien de ce moyen, qui viendrait contredire les affirmations et pièces produites par le créancier poursuivant.
Il fait également état de la décision de la commission de surendettement du 29 septembre 2022, qui a adopté un plan de surendettement le concernant, avec report de paiement des dettes de 24 mois. Il argue donc de l’absence d’exigibilité de la créance en application des articles L. 722-2, L. 733-16 et L. 733-1 du code de la consommation.
Aux termes de l’article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur.
Aux termes de l’article L. 733-16 du code de la consommation, les créanciers auxquels les mesures imposées par la commission en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 sont opposables ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures.
L’article L. 733-1 du même code prévoit les mesures que la commission de surendettement peut imposer, dont la suspension de l’exigibilité des créances.
En l’espèce, M. [U] produit la décision de recevabilité de la commission de surendettement de la Seine-et-Marne du 12 mai 2022 ainsi que le plan définitif établi par la commission le 29 septembre 2022, qui prévoit un report de 24 mois des dettes, dont celle à l’égard du Crédit Foncier de France de 236.682,71 euros.
A l’égard de M. [U], la procédure de saisie immobilière est donc suspendue pendant 24 mois et elle l’était déjà à la date du jugement d’orientation, moyen qu’il n’a pu faire valoir, étant défaillant.
Cependant, il est constant que le bien immobilier litigieux a été acquis en indivision avec Mme [C] et que la dette dont le recouvrement est recherché par la banque est une dette solidaire qui engage les biens acquis en commun par les débiteurs, de sorte que, Mme [C] n’ayant pas elle-même été déclarée en situation de surendettement, la procédure de saisie immobilière n’est pas suspendue à son égard, comme le soutient le Crédit Foncier de France (2e Civ., 3 septembre 2015, pourvoi n° 14-21.911).
De même et contrairement à ce que soutient M. [U], la recevabilité de la procédure de surendettement ne prive pas le créancier d’un titre exécutoire et le Crédit Foncier de France dispose d’un titre à son égard, à savoir l’acte notarié du 26 mars 2009 contenant un prêt par le Crédit Foncier de France au profit de M. [U] et Mme [C] d’un montant de 182.800 euros.
Au regard de ces éléments, aucun moyen sérieux de réformation ou d’annulation n’est donc formulé contre la décision du juge de l’exécution, de sorte que la demande de sursis à l’exécution de cette décision sera rejetée.
En toute hypothèse, ainsi que l’a exposé le Crédit Foncier de France, la vente a été reportée au 18 janvier 2024, soit selon toute probabilité après l’arrêt de la présente cour sur le jugement d’orientation frappé d’appel, l’audience de la chambre 10 du pôle 1 étant fixée au 4 octobre 2023.
M. [U], partie perdante, sera tenu aux dépens de la présente instance.
L’équité commande toutefois de le dispenser de toute condamnation au profit du Crédit Foncier de France sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de sursis à exécution du jugement du juge de l’exécution de Meaux du 19 janvier 2023 ;
Condamnons M. [U] aux dépens de la présente instance ;
Rejetons la demande du Crédit Foncier de France formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Rachel LE COTTY, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère