Saisine du juge de l’exécution : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05096

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05096

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 21 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05096 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBU5J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance d’EVRY – RG n° 16/08223

APPELANTE

Commune COMMUNE DE [Localité 5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité:

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Me Anne-Hélène CREACH, de la SELARL LAARE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J067, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

Immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° 428 268 023

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège Ayant son siège social:

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Me Gilles HITTINGER-ROUX de la SCP HB &ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, toque : P497, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GIROUSSE, Conseillère, chargée du rapport et Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller

Madame Marie GIROUSSE, Conseillère

Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Mme Laurène BLANCO, greffier, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 25 avril 2008, la Ville de [Localité 5] a consenti une convention d’occupation précaire à la société Multivest France 15, aux droits de laquelle se trouve la société Distribution Casino France, portant sur des locaux sis [Adresse 2]), d’une surface totale de 8 092 m2 et à destination de grande surface de type hypermarché à prédominance alimentaire et ce, pour une redevance annuelle de 50 000 euros HT et HC. 

Cette convention était à durée indéterminée à compter du 1er mai 2008 pour se terminer le jour de la mise à disposition par la Ville de [Localité 5] de locaux à usage de grande surface alimentaire au sein du futur centre commercial du projet « coeur de ville », projet qui n’a finalement pas vu le jour. 

Par acte d’huissier du 30 juin 2016, la société Distribution Casino France a signifié un congé de cette convention à effet du 14 octobre 2016, date à laquelle elle a fait établir un constat d’huissier non contradictoire et a quitté les lieux. 

Par acte d’huissier du 05 octobre 2016, la commune de [Localité 5] a fait assigner la société Distribution Casino France devant le tribunal de grande instance d’Évry aux fins principalement de la voir condamner à lui payer la somme de 231.964,72 euros au titre de l’arriéré locatif au 14 octobre 2016 et celle de 2.624.442 euros au titre de l’arriéré locatif, au motif notamment que le contrat liant les parties s’étant nové en bail commercial, les effets du congé sont reportés au 7 juillet 2019. 

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de grande instance d’Évry a : 

– déclaré irrecevable car prescrite la demande de la commune de [Localité 5] aux fin de requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial par l’effet d’une novation ; 

– condamné la société Distribution Casino France à verser à la commune de [Localité 5] la somme de 231 964,72 euros au titre des loyers, charges et taxe foncière arrêtés au 14 octobre 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation; 

– condamné la commune de [Localité 5] à verser à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, la somme de 171 881,40 euros HT, au titre de la répétition de l’indu ; 

– débouté la société Distribution Casino France de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice de trésorerie ; 

– dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a pu exposer ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ; 

– rejeté le surplus des demandes ; 

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision. 

Par déclaration du 11 mars 2020, la commune de [Localité 5] a interjeté appel partiel du jugement. 

Par conclusions déposées le 28 août 2020, la société Distribution Casino France a interjeté appel incident partiel du jugement. 

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 novembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 novembre 2020, la commune de [Localité 5], appelante, demande à la Cour de : 

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Évry en date du 19 décembre 2019 en ce qu’il :

– a déclaré prescrite la demande de la commune de [Localité 5] aux fins de requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial par l’effet d’une novation ; 

– a débouté la Commune de [Localité 5] de ses demandes tendant à voir jugé que la société Distribution Casino France était titulaire d’un bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 2] qui a pris effet le 8 juillet 2013 pour une durée de 9 années, que les effets du congé signifié le 30 juin 2016 devaient être reportés au 07 juillet 2019, et que la société Distribution Casino France aurait dû respecter l’ensemble de ses obligations locatives et notamment régler les loyers, charges et taxes contractuellement exigibles ; 

– a débouté la commune de sa demande tendant à ce que la société Distribution Casino France soit condamnée à payer la somme de 2 624 442 euros TTC au titre de l’arriéré locatif à parfaire ; 

– a débouté la commune de sa demande de désignation d’un expert ayant pour mission de réaliser les comptes entre les parties et aux frais et honoraires soient partagées pour moitié entre les parties ; 

– a débouté la commune de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; 

– a condamné la commune à verser une somme de 171 881,40 euros HT au titre de la répétition de l’indu ; 

– et plus généralement en toutes ses dispositions lui causant grief ; 

En conséquence :

– juger que la demande de la commune de [Localité 5] en novation de la convention d’occupation précaire en bail commercial est recevable ; 

– juger que la société Distribution Casino France était titulaire d’un bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 2] (lots de copropriété n° 10 038 à 10 044) qui a pris effet le 08 juillet 2013 pour une durée de 9 années ; 

– juger que les effets du congé signifié le 30 juin 2016 à la requête de la société Distribution Casino France ont été reportés au 7 juillet 2019 ; 

– juger que la société Distribution Casino France était tenue de respecter l’ensemble de ses obligations locatives et notamment de régler les loyers, charges et taxes contractuellement exigibles jusqu’au terme du bail ; 

– condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 2 660 446 euros TTC au titre de l’arriéré locatif arrêté à la date du 13 décembre 2018, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ; 

Si la cour d’appel considérait qu’elle n’était pas assez éclairée sur les comptes entre les parties ; 

– désigner tel Expert qu’il plaira à la cour d’appel avec pour mission d’établir les comptes entre les parties ; 

– juger que les frais et honoraires de l’expert judiciaire seront intégralement supportés par la société Distribution Casino France ; 

En tout état de cause, 

– débouter la société Distribution Casino France de l’ensemble de ses demandes incidentes, fins et prétentions ; 

– juger que l’ensemble des condamnations prononcées contre la société Distribution Casino France portera intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ; 

– condamner la société Distribution Casino France à verser à la commune de [Localité 5] une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; 

– condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile. 

La commune de [Localité 5] expose que la réalisation future d’une zone commerciale dans le projet « coeur de ville » constituait le motif de précarité de la convention devant s’appliquer jusqu’à cette réalisation; que ce motif lorsque le permis de construire relatif à ce projet étant devenu caduc le 8 juillet 2013, à compter de cette date, il y a eu une novation du contrat en bail commercial en raison de la disparition du motif de précarité, de la prolongation de l’occupation ainsi que de l’existence des critères de fixité et de solidité de l’article L.145-1, I du Code de commerce au regard des locaux loués ; qu’il ressort du maintien dans les lieux et du paiement du loyer et des charges pendant plus de trois années après la disparition de la cause de précarité, une volonté claire et non équivoque des parties d’accepter la novation de la convention en bail commercial, la société intimée devenant titulaire d’un bail commercial à compter du 8 juillet 2013 ; que la prescription applicable à cette action est la prescription quinquennale de droit commun et non la prescription biennale du statut des baux commerciaux puisqu’il ne s’agit pas de la requalification de la convention initiale mais d’une novation de celle-ci depuis le 8 juillet 3013; que l’action n’est donc pas prescrite; que la société intimée, en sa qualité de preneuse, était tenue de respecter l’ensemble de ses obligations locatives, dont le paiement des loyers, charges, taxes et redevances jusqu’au terme du contrat; qu’elle est débitrice de la somme de 2 660 446,97 € arrêtée à la date du 13 décembre 2018, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ; qu’elle ne conteste pas avoir reçu deux chèques des 1er octobre et 31 décembre 2016 mais qu’ils ne suffisaient pas à apurer le passif ; que les paiements effectués ont été imputés sur la dette définitive; que les stipulations de la convention mettaient les honoraires de gestion du mandataire à la charge du preneur qui les a payés plusieurs annés sans réserves.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 août 2020, par la société Distribution Casino France, intimée, demande à la Cour de : 

– recevoir la société Distribution Casino France en ses demandes et les déclarer bien fondées ; 

Et de, 

Confirmer partiellement le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 : 

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 en ce qu’il a déclaré irrecevable car prescrite la demande de la commune de Grigny aux fins de requalification de la convention d’occupation précaire en bail commercial par l’effet d’une novation ; 

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la commune de [Localité 5] à verser à la société Distribution Casino France, la somme de 171 881,40 euros HT au titre de la répétition de l’indu pour les honoraires d’assistance et gestion; 

Infirmer partiellement le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 : 

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la société Distribution Casino France de sa demande en indemnisation du préjudice de trésorerie ; 

Statuant à nouveau, 

– condamner la commune de [Localité 5] au paiement d’une somme de 117 394,44 € en réparation du préjudice de trésorerie causé à cette dernière du fait de l’absence de facture lui permettant de récupérer la TVA relative au paiement des charges ; 

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Évry du 19 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la société Distribution Casino France à verser à la commune de [Localité 5] la somme de 231 964,72 euros au titre des loyers, charges et taxe foncière arrêtés au 14 octobre 2016 ; 

Statuant à nouveau, 

– condamner la commune de [Localité 5] à verser la somme de 22 417,41 euros au titre de la restitution d’un trop versé à la commune de [Localité 5] par la société Distribution Casino France au titre des loyers indûment perçus au 14 octobre 2016 ; 

En conséquence, 

– débouter la Commune de [Localité 5] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Distribution Casino France ; 

Si la cour d’appel considérait qu’elle n’était pas assez éclairée sur les comptes entre les parties et qu’elle désignait tel expert qui lui plairait : 

– dire et juger que les frais et honoraires de l’expert judiciaire seront intégralement supportés par la société Distribution Casino France ; 

En tout état de cause, 

– condamner la Commune de [Localité 5] à payer à la société Distribution Casino France une somme de 15 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; 

– condamner la Commune de [Localité 5] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la société HB & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. 

La société Distribution Casino France expose que l’action en requalification d’une convention en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat; que la convention a été signée le 25 avril 2008 alors que l’action n’a été introduite que le 5 octobre 2016, soit six ans après l’acquisition de la prescription ; que l’action serait de toute façon prescrite si le point de départ de la prescription était la date de la caducité du permis de construire survenue le 8 juillet 2013; qu’il ne résulte pas de la convention que les parties aient voulu procéder à sa novation, ces dernières ayant exclu expressément la conclusion d’un bail commercial; que le motif de précarité perdure en ce que le permis de construire peut encore être sollicité ; que la Commune de [Localité 5] ne s’est jamais prévalue de la caducité du permis de construire pour prétendre à la disparition du motif de précarité avant la délivrance du congé litigieux par la locataire; que la durée de l’occupation n’a aucune incidence sur la qualification de l’acte ; que par application de l’article L.145-5-1 du code de commerce, une convention précaire ne peut être soumise au statut des baux commerciaux ; que les dispositions de la convention permettent d’exclure l’existence d’un bail commercial en ce qu’elles ne remplissent pas ses caractéristiques; qu’elle a payé l’intégralité des sommes qu’elle devait au titre de la convention d’occupation précaire alors que celles-ci ont été irrégulièrement ventilées par l’appelante ; que les sommes réclamées par l’appelante sont indues en ce qu’elles sont postérieures à la prise d’effet du congé du locataire et à la libération des locaux occupés, ce qui a été constaté par la Trésorerie de Grigny et le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Évry ; que l’appelante a commis une erreur d’imputation comptable au titre de la taxe foncière 2015 en ce qu’elle a imputé la somme de 25 545,31 € TTC payée par la concluante le 1er octobre 2016 au règlement de la taxe foncière 2015 déjà intégralement payée par elle le 20 mai 2016 ; que le décompte adverse révèle le paiement de la somme de 576 917,44 € alors qu’elle a payé en réalité la somme de 580 721,17 €; que la somme réclamée de 204 266,21 € est indue en ce qu’elle est postérieure à la date du 14 octobre 2016, soit après la résiliation de la convention ; que les sommes réclamées ont déjà été payées par elle ; que la convention ne prévoit la facturation que des honoraires du syndic et non d’un mandataire de gestion désigné par l’appelante, de sorte qu’une somme globale de 171 881,40 € a été indument perçue par l’appelante au titre d’honoraires de gestion entre le 26 novembre 2014 et le 02 décembre 2016, dont elle sollicite la restitution ; qu’aucune facture incluant la TVA ne lui a été adressée, la plaçant ainsi dans l’impossibilité de récupérer la TVA appelée au titre de ces charges, ce qui constitue un préjudice de trésorerie devant être indemnisé à hauteur de 117 394,44 €.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la prescription de l’action en revendication du statut des baux commerciaux:

L’article L145-60 du code de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.

Avant l’entrée en vigueur, le 20 juin 2014, des nouvelles dispositions de l’article L145-5-1 du code de commerce , il était déjà admis d’écarter l’application du statut des baux commerciaux lors de la mise à disposition d’un local commercial par la conclusion d’une convention d’occupation précaire, à la condition que la précarité soit justifiée par des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties expressément mentionnées dans la convention.

En l’espèce, l’acte intitulé ‘ convention d’occupation précaire’ du 25 avril 2008 expose notamment dans un premier article :’A-les circonstances justifiant la signature d’une convention d’occupation précaire’, qu’un projet de création d’un ensemble commercial au centre ville de [Localité 5] doit être confié à la société Multivest France 6 et précise ‘Afin de pouvoir garantir le maintien d’une exploitation commerciale dans le centre de GrignyII jusqu’à l’ouverture du centre commercial du ‘coeur de ville’, a souhaité conclure une convention d’occupation précaire avec la société MULTI VEST 15. Cette précarité est justifiée parl’absence de perspective quant à la poursuite de l’exploitation de cette surface de vente après l’ouverture du centre commercial ‘coeur de ville’. Celle-ci pourra en effet être réduite de manière significative lors de l’ouverture du nouveau centre commercial’.

Il s’en déduit et n’est pas contesté que l’acte du 25 avril 2008 est une convention d’occupation précaire, la dérogation au statut d’ordre public des baux commerciaux étant justifiée par le motif de précarité lié aux modifications à venir dans la situation des parties devant résulter de l’édification d’un nouveau centre commercial au centre ville de la commune. Il ne s’agit pas d’un bail dérogatoire dont les conditions et effets sont régis par l’article L145-5 du code de commerce, de sorte qu’il est inopérant de se référer aux dispositions législatives relatives au bail dérogatoire et à la jurisprudence relative à la prescription en la matière .

La commune de [Localité 5] soutient que le motif de précarité prévu dans la convention a disparu lorsque les permis de construire consentis pour le projet ‘coeur de ville’ sont devenus caducs faute pour la société MULTI VEST FRANCE 6 d’avoir entrepris les travaux dans le délai de validité de ces permis, puisqu’il s’en déduisait l’abandon du projet de création du nouveau centre commercial par cette société.

Les parties n’ont pas établi d’acte précisant la nature de leurs relations contractuelles depuis la caducité du permis de construire. Il résulte du maintien dans les lieux de la locataire et de la poursuite du paiement des loyers réclamés par la commune de [Localité 5], qu’elles n’ont pas entendu mettre fin à leurs relations contractuelles mais qu’elles ont entendu poursuivre ces relations malgré l’abandon du projet de construction. Toutefois, aucun élément ne permet de démontrer qu’elles ont expressément entendu soumettre leurs relations contractuelles au statut des baux commerciaux en raison de la disparition du motif de précarité, disparition d’ailleurs contestée par la société Distribution Casino. Or, excepté le cas du bail dérogatoire relevant de l’article L145-5 précité, l’action visant à revendiquer le statut des baux commerciaux après l’expiration d’un bail d’une autre nature, est soumise au délai de prescription biennale prévu à l’article L145-60, le point de départ étant la date d’expiration de la précédente convention, et ce, nonobstant la circonstance que cette requalification puisse s’effectuer dans le cadre d’une novation des relations contractuelles, une telle circonstance n’ayant pas pour effet de substituer le délai de prescription quinquennale à celui de la prescription biennale s’appliquant à l’action en revendication du statut des baux commerciaux.

Dès lors que selon la commune de [Localité 5], la caducité du dernier permis de construire relatif au nouveau centre commercial du centre ville, le 8 juillet 2013, a eu pour effet de faire disparaître le motif de précarité et de faire cesser la convention d’occupation précaire pour y substituer un contrat de bail commercial, c’est à compter de cette date que le délai de prescription biennale s’applique à son action en qualification de ce nouveau contrat. Ce délai a expiré le 8 juillet 2015. L’action visant à faire juger que la convention liant les parties relève du statut des baux commerciaux, de même que la demande visant à à en déduire que le congé délivré est irrégulier comme ne respectant pas ce statut, initiée par assignation délivrée le 5 octobre 2016, est donc irrecevable comme prescrite. Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré cette action prescrite.

Sur les demandes en paiement de la Commune de [Localité 5]:

La commune de [Localité 5] étant prescrite en son action en revendication du statut des baux commerciaux, il en résulte qu’elle ne peut se prévaloir des dispositions de ce statut pour dire que le congé aurait dû être délivré pour l’issue d’une période triennale, soit le 7 juillet 2019 ni solliciter les loyers et charges dus jusqu’à cette date.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention et dit que seules les demandes en paiement relatives aux loyers et charges dus au titre de la convention d’occupation précaire seront pris en compte.

Le congé ayant été valablement délivré le 30 juin 2016 pour le 14 octobre 2016, il convient de retenir les sommes dues à cette dernière date.

Il résulte des anciennes dispositions de l’article 1315 du code civil applicables en l’espèce, dont les principes sont repris à l’ article 1353 du même code, que c’est à la commune de [Localité 5] d’établir sa créance et à la société Distribution Casino France de justifier qu’elle s’est acquittée de sa dette ou du fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Les observations de l’intimée relatives aux procédures d’avis à tiers détenteur et devant le juge de l’exécution sont inopérantes dans le cadre du présent litige.

L’examen attentif des pièces du dossier, en particulier des bordereaux de situation et des mémoires de recette émis par la bailleresse dont il n’est ni soutenu ni démontré qu’ils ne seraient pas conformes aux stipulations contractuelles, exceptés les demandes au titre des honoraires de gestion dont il sera traité ci-après, permet de constater que le jugement déféré a considéré à juste titre que les montants figurant dans le tableau ci-dessous sont les montants exacts facturés à la locataire. Il n’y a donc pas lieu de se référer aux montants figurant sur la pièce 15 de la commune dont se prévaut l’intimé, qui omet les redditions de charges URBI/ORBI pour 2015 et 2016,. C’est également a juste titre que le jugement a retenu les correctifs effectués sur les montants trimestriels pour retenir les sommes dues au prorata de l’occupation qui a cessé à la date d’effet du congé soit le 14 octobre 2016 .

Par ailleurs, la société Distribution Casino se contente de soutenir que les charges appelées ne seraient pas justifiées sans préciser en quoi, elles seraient contestables. Or, l’examen des pièces 14-1 à 14-50 de la bailleresse permet de constater qu’elle produit les mémoires de recette repris dans ses bordereaux de situation ainsi que des pièces justificatives correspondant aux sommes réclamées dans ces mémoires, notamment les avis de taxe foncière, les comptes de régularisation de charges annuels deURBI/ORBI pour 2015 et 2016 (pièces 14-8, 14-9, 14-24 et 14-35). Les redditions de charges sont donc justifiées et les montants figurant à ce titre sur le tableau seront maintenus.

Le montant total de 231.964,72 € obtenu au regard de ce tableau, après prise en compte du paiement de 100 650,60 € , sera retenu.

Sommes non

proratisées

Sommes proratisées Au 14/10/16 réglé

Charges URBI/ORBI

4ème trimestre 2016

148.859,38 €

22.652,51 €

Charges AJA

11.359,82 €

1.728,67 €

4ème trimestre 2016

Loyer 4ème trimestre 2016

15.000 €

2.282,61 €

Taxe foncière 2016

361.846,20 €

284.731,€

100 650,60 €

Reddition charges URBI/ORBI 2015 8.255€

8.255,71 €

Reddition charges URB/ORBI 2016

16.475,57 €

12 964,38 €

Par des explications circonstanciées au regard des pièces produites, auxquelles il convient de se référer, le tribunal a relevé à juste titre que les deux chèques litigieux de 25.545,32 € et 293.199,69, € dont se prévaut la locataire pour soutenir avoir payé les sommes figurant au tableau, ont été affectés au paiement d’autres dettes. Ce faisant, la commune de [Localité 5] n’a pas respecté les imputations mentionnées par la société Distribution Casino France dans ses lettres chèques du 1er octobre 2016 et du 29 décembre 2016 émises pour ces montants respectifs. Toutefois, il apparaît que les postes auxquelles ont été affectés ces paiements étaient impayés. Une comparaison attentive de l’ensemble des lettres chèques produites avec les bordereaux de situation permet de constater que tous les paiements dont il est justifié ont été pris en compte par la commune de [Localité 5] contrairement à ce que soutient l’intimée, de sorte que quelles que soient les imputations des paiements effectués par la société Distribution Casino France, elle est débitrice de la somme de 231.964,72 € et ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge qu’elle a réglé cette somme.

Elle sera déboutée de sa demande aux fins de voir condamner la commune de [Localité 5] à lui payer la somme de 22.417,41 €.

La demande aux fins de voir désigner un expert pour faire les comptes entre les parties sera rejetée, une telle mesure n’étant pas nécessaire à la solution du litige.

Sur la demande de la société Distribution Casino France en restitution des sommes facturées au titre des honoraires d’assistance et de gestion

Par des motifs pertinents et détaillés, qu’il convient d’adopter, le tribunal a jugé à juste titre que la convention des parties doit s’interpréter comme ne mettant pas à la charge du preneur les honoraires du mandataire de gestion, le paiement de ces honoraires facturés par la bailleresse ne caractérisant pas une acceptation expresse de les régler et de renoncer à se prévaloir des termes de la convention.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la commune de [Localité 5] à restituer à la société Distribution France la somme de 171.881,40 € TTC qu’elle a payé à ce titre.

Sur le préjudice de trésorerie

La société Distribution Casino sollicite la somme de 117.394,44 € en réparation du préjudice qui résulterait pour elle de l’impossibilité de récupérer la TVA en l’absence de facturation mentionnant cette taxe, mais ne produit aucune pièce justificative notamment comptable et fiscale confirmant qu’elle aurait pu prétendre récupérer cette somme, ni aucune lettre de réclamation à cet égard.

Par ailleurs, ainsi que la justement relevé le jugement, les mémoires de recette notamment pour les redditions de charges des années 2015 et 2016 font apparaître la TVA (pièces 14-8 et 14-35).

La société Distribution Casino ne rapportant ni la preuve de la faute reprochée ni son préjudice, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Le jugement de première instance sera confirmé concernant les dépens et les frais irrépétibles.

La société Commune de [Localité 5] qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Chacune des parties ayant ses demandes partiellement rejetées, il apparaît équitable de les débouter de leurs prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Evry le 19 décembre 2019 en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Casino Distribution France de sa demande aux fins de voir condamner la commune de [Localité 5] à lui payer la somme de 22.417,41 € au titre de la restitution d’un trop versé

Rejette la demande d’expertise,

Déboute les parties de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la commune de [Localité 5] aux dépens de la procédure d’appel dont distraction au profit de la société HB & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x