Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/02275

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/02275

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/02275 – N° Portalis DBVS-V-B7G-F2HG

Minute n° 23/00201

[R], [D]

C/

Etablissement BANQUE CIC EST, S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

Ordonnance , origine Conseiller de la mise en état de METZ, décision attaquée en date du 08 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 20/00707

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE – TI

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANTS :

Monsieur [I] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

Madame [U] [D] épouse [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

BANQUE CIC EST, en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

A cette date le délibéré a été prorogé au 22 juin 2023 et les parties en ont été avisées.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller

Monsieur KOEHL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AHLOUCHE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER, Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement du 4 février 2020, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a rejeté les demandes de la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD en annulation du contrat d’assurance, remboursement de l’indu et fin de non recevoir pour défaut d’unanimité des indivisaires, condamné la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD à verser à M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] les sommes de 574.460,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamnée aux dépens dont ceux du référé et de l’expertise judiciaire et a déclaré le jugement commun à Mme [H] [G] [N].

Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 16 mars 2020, la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions hormis celle ayant déclaré le jugement commun à Mme [N] et n’a pas intimé cette dernière.

L’appelante a déposé ses conclusions au fond le 29 mai 2020.

La SAS Banque CIC Est a déposé des conclusions d’intervention volontaire le 5 août 2021.

M. [R] et Mme [D], intimés, ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident par conclusions du 6 juillet 2020 et au dernier état de la procédure ils ont demandé au conseiller de la mise en état de :

– concernant la SAS Banque CIC Est : déclarer l’action prescrite, l’intervention volontaire du 5 août 2021 irrecevable et la condamner à leur verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– concernant la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD : déclarer irrecevables les demandes nouvelles au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, déclarer recevable leur demande d’irrecevabilité des demandes nouvelles, débouter l’appelante de ses demandes, lui enjoindre de récapituler dans le dispositif de ses conclusions ses seules prétentions et la condamner aux dépens.

La SA Assurances du Crédit Mutuel IARD a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes des intimés, subsidiairement les rejeter, déclarer M. [R] et Mme [D] irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité à agir et les condamner à lui verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident.

La SAS Banque CIC Est a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer M. [R] et Mme [D] irrecevables pour défaut de qualité à agir à soulever l’irrecevabilité de son intervention volontaire et la prescription de son action, les débouter de leur incident et les condamner à lui verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription et sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles, par ordonnance du 8 septembre 2022, le conseiller de la mise en état :

– a déclaré recevables les conclusions d’incident de M. [R] et Mme [D]

– a rejeté la demande de prescription de l’action de la SAS Banque CIC Est et celle tendant à l’irrecevabilité de son intervention volontaire pour défaut d’intérêt et de qualité à agir

– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles présentées par la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD tendant à :

« – dire et juger qu’en vertu des termes du contrat d’assurance, seuls M. [R] et Mme [N] sont recevables à solliciter l’indemnisation du sinistre quant aux dommages immobiliers et chacun pour moitié

– déclarer Mme [R] irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes d’indemnisation du sinistre quant aux dommages immobiliers

– dire et juger que M. [R] ne pourra prétendre qu’à la moitié de l’indemnisation en sa qualité

de propriétaire indivis

– fixer l’indemnité due solidairement à M. et Mme [R] à la somme mensuelle de 1 200 euros

et ce pendant 12 mois soit 14 400 euros »

– a rejeté la demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes suivantes de la SA Assurances du crédit mutuel IARD :

« – fixer l’indemnisation due par la SA Assurances du crédit mutuel IARD au titre des dommages affectant l’immeuble à la somme de 269 247,69 euros au titre des travaux immobiliers augmentée de 1 870 euros au titre des frais de déblais et de démolition et de 4 468 euros au titre des frais de maîtrise d’oeuvre et SPS

– constater, dire et juger que M. [R] ne justifie d’aucun mandat de Mme [N], copropriétaire indivise, pour percevoir la part d’indemnité à laquelle cette dernière peut prétendre

– condamner solidairement M. et Mme [R] à payer à la SA Assurances du crédit mutuel IARD une somme de 2500 euros par instance », comme n’ayant pas été présentées dès les premières conclusions

– a rejeté la demande d’injonction à la SA Assurances du crédit mutuel IARD de récapituler

dans le dispositif des conclusions ses seules prétentions

– a renvoyé la procédure à une audience de mise en état

– a condamné M. [R] et Mme [D] aux dépens de l’incident et à payer à la SA Assurances du crédit mutuel IARD et à la SAS Banque CIC Est une somme de 800 euros à chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état a dit que les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile sur la concentration des demandes n’étaient pas applicables aux conclusions adressées au conseiller de la mise en état et que les conclusions sur incident de M. [R] et Mme [D] étaient recevables.

Sur la prescription de l’action de la banque, il a considéré que l’action du CIC est liée à l’exercice d’un droit propre à l’encontre de l’assureur, que cette action ne peut s’exercer qu’à compter du moment où un paiement est envisagé ou fixé ce qui constitue le point de départ de la prescription de l’action, qu’en l’espèce l’indemnité n’a pas été payée et la décision de condamnation n’est pas définitive de sorte que l’action n’est pas prescrite.

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire, au visa de l’article L.121-3 du code des assurances, il a dit que la banque dispose d’un droit propre contre l’assureur, qu’elle justifie d’une condamnation définitive pour le paiement du solde du prêt immobilier et d’une hypothèque judiciaire sur l’immeuble concerné, démontrant ainsi avoir intérêt à agir pour voir l’assurance condamnée à lui verser une somme correspondant au solde du prêt et qualité à agir comme étant titulaire d’une créance hypothécaire.

Le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées par l’assurance, fondée sur l’article 564 du code de procédure civile. Sur l’irrecevabilité des autres demandes fondée sur l’article 910-4 du code de procédure civile, il a considéré que la demande d’indemnisation n’est pas nouvelle, que l’absence de mandat de Mme [N] est un moyen et non une prétention et que la demande au titre des frais irrépétibles n’a pu être formée dans les premières conclusions, et a déclaré recevable l’ensemble de ces demandes

Enfin, il a rejeté la demande d’injonction relative au dispositif des conclusions de l’assurance et celle tendant à l’irrecevabilité des demandes de M. [R] et Mme [D] par application des articles 910-1 et 954 du code de procédure civile.

Par requête du 22 septembre 2022, M. [R] et Mme [D] ont déféré cette ordonnance devant la cour. Aux termes de leurs dernières conclusions du 27 février 2023, ils demandent à la cour de :

– déclarer irrecevable pour l’avoir présentée hors délai, la demande de la SAS Banque CIC Est de « réparation d’une omission de statuer, dire que M. et Mme [R] sont irrecevables pour défaut de qualité à agir » pour soulever les fins de non-recevoir contre lui

– en tout état de cause débouter la SAS Banque CIC Est de ses demandes

– infirmer l’ordonnance

– concernant la SAS Banque CIC Est : déclarer prescrite son action et irrecevable son intervention volontaire du 5 août 2021 et la condamner aux entiers dépens et au paiement de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– concernant la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD : déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur les demandes d’irrecevabilité fondée sur l’article 910-4 du code de procédure civile des demandes nouvelles de l’assurance et les renvoyer à en saisir la cour

– débouter la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens et au paiement de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’intervention du CIC, ils exposent qu’elle est irrecevable aux motifs que l’action du créancier hypothécaire prévue à l’article L. 121-13 du code des assurances se prescrit par 5 ans, que le point de départ est le jour de l’incendie du 25 août 2014 et que l’intervention volontaire de la banque datée du 5 août 2021 est prescrite. Ils contestent l’absence d’information du sinistre ou de connaissance de la procédure de première instance invoquée par la banque au regard des mails versés aux débats et rappellent que la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD est une filiale du CIC. Sur le défaut d’intérêt et de qualité à agir de la banque, ils soutiennent que la compagnie d’assurance était tenue par le contrat de les indemniser sans attendre une décision de justice, que l’action de l’article L. 121-13 n’est ouverte qu’au créancier titulaire d’une hypothèque sur le bien assuré, que le fait que la banque soit titulaire d’une créance hypothécaire est insuffisant et qu’elle ne justifie d’aucun intérêt à agir sur ce fondement, ajoutant qu’elle n’a pas qualité à agir comme n’étant pas partie au contrat d’assurance.

Sur la recevabilité de leur fin de non recevoir, ils exposent que le conseiller de la mise en état a tacitement rejeté la demande d’irrecevabilité en statuant sur leur demande, que la banque n’a pas formé de déféré contre l’ordonnance et que sa demande présentée sur incident est hors délai et irrecevable. Ils soutiennent avoir qualité et intérêt à s’opposer à l’intervention volontaire de la banque, que l’action de l’article L.123-13 (sic) ne concerne que la créance hypothécaire alors que la banque invoque un autre prêt personnel, que le montant de la créance est contesté, que la banque n’a aucun droit propre sur l’indemnité due à Mme [D] qui n’est pas concernée par le prêt immobilier et qu’ils ont donc qualité et intérêt à exposer ces moyens, ajoutant pouvoir opposer au créancier hypothécaire les exceptions que peut opposer l’assurance, ce qu’elle ne fait pas.

Sur la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD, M. [R] et Mme [D] admettent que le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la demande d’irrecevabilité des demandes nouvelles fondée sur l’article 564 du code de procédure civile. Au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile, ils contestent l’ordonnance déférée ayant déclaré recevables les demandes de l’assurance présentées dans ses conclusions du 2 octobre 2020 qui ne figuraient pas dans les conclusions précédentes et soutiennent que le conseiller de la mise en état est incompétent pour statuer sur cette fin de non recevoir. Enfin, ils s’opposent aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et forment une demande à ce titre.

Par conclusions du 3 novembre 2022, la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD demande à la cour de :

– rejeter le déféré de M. [R] et Mme [D] comme étant irrecevable et subsidiairement mal fondé

– maintenir les dispositions de l’ordonnance d’incident du 8 septembre 2022

– débouter M. [R] et Mme [D] de leurs demandes y compris celle présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– les condamner solidairement ou in solidum à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle expose que le conseiller de la mise en état a exactement relevé son incompétence pour statuer sur les demandes d’irrecevabilité des demandes nouvelles, que l’attitude de M. [R] et Mme [D] est dilatoire et qu’ils doivent être condamnés à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 28 novembre 2022, la SAS Banque CIC Est demande à la cour de :

– dire qu’en statuant sur déféré elle a les pouvoirs pour statuer sur l’omission de statuer du conseiller de la mise en état

– dire en conséquence que M. [R] et Mme [D] sont irrecevables pour défaut de qualité à agir, à soulever l’irrecevabilité de son action par voie d’intervention volontaire

– les débouter de leurs demandes

– maintenir les dispositions de l’ordonnance sur incident

– condamner solidairement M. [R] et Mme [D] à lui verser 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle expose avoir accordé à M. [R] et Mme [N] en août 2002 un prêt immobilier pour l’achat d’un terrain et la construction d’une maison, en garantie duquel l’immeuble a été hypothéqué, et un prêt personnel le 28 mars 2007 pour lequel, par arrêt confirmatif du 8 octobre 2014, les emprunteurs ont été condamnés au règlement du solde du prêt. Elle précise que l’hypothèque prise sur le bien immobilier est toujours en cours au vu du Livre Foncier, que si les emprunteurs ont divorcé le partage de communauté n’a pas été réalisé, que Mme [D] n’est pas propriétaire du bien, que l’immeuble a été incendié le 25 août 2014 et qu’elle a régulièrement fait opposition au jugement ayant condamné l’assurance à verser à M. [R] et Mme [D] la somme de 574.160,64 euros en sa qualité de créancier hypothécaire par application de l’article L. 121-13 du code des assurances, ajoutant qu’elle justifie d’une créance certaine liquide et exigible et ne peut être privée de l’attribution prévue par cet article. Elle précise que la procédure d’exécution forcée diligentée par les époux [R] a fait l’objet d’une décision du juge de l’exécution qui a reconnu que son opposition régulière rend la créance saisie indisponible à son profit. Elle en déduit qu’elle justifie d’un intérêt à intervenir à la cause et à agir.

Sur l’omission de statuer, la banque soutient que le conseiller de la mise en état n’a pas statué sur sa demande tendant à l’irrecevabilité pour défaut de qualité de M. [R] et Mme [D] à soulever l’irrecevabilité de son intervention et de la prescription et reprend cette fin de non recevoir devant la cour, affirmant que les intimés n’ont pas qualité pour contester son intervention volontaire qui a pour objet l’exercice d’un droit entre l’assurance et le créancier hypothécaire. A défaut, elle expose que son intervention volontaire est parfaitement recevable puisqu’elle agit en qualité de créancier hypothécaire au visa de l’article L121-13 du code des assurances et justifie d’un intérêt à agir. Elle ajoute que les intimés n’ont pas qualité à soulever la prescription de son droit propre puisqu’ils sont étrangers à sa relation avec l’assureur et que ses prétentions ne sont pas dirigées contre eux. A défaut elle fait valoir qu’elle n’a eu connaissance de la condamnation de l’assurance par jugement du 4 février 2020 que lorsqu’elle a été attraite à la procédure d’exécution forcée devant le juge de l’exécution le 30 juillet 2020, de sorte que son action n’est pas prescrite.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du déféré

Il est constaté que si la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD demande à la cour de rejeter le déféré comme étant irrecevable, elle n’expose aucun moyen à l’appui de cette demande, étant observé que le déféré a été formé dans les formes et délai de l’article 916 du code de procédure civile. En conséquence la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD est déboutée de sa demande d’irrecevabilité.

Sur la recevabilité de la demande de rectification d’une omission de statuer

La cour d’appel, saisie d’un déféré contre une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant statué dans les cas prévus aux alinéas 2 et 3 de l’article 916 du code de procédure civile, examine, si la demande lui en est faite, les autres demandes soumises au conseiller de la mise en état que celui-ci n’aurait pas tranchées, y compris en raison d’une omission de statuer, dès lors qu’elles ont été formulées dans les conclusions soumises au conseiller de la mise en état et que celui-ci n’a pas réservé sa décision sur celles-ci. Il est en outre rappelé que le défendeur au déféré peut étendre la critique de l’ordonnance du conseiller de la mise en état à d’autres chefs de la décision déférée, sans être tenu par le délai de 15 jours de l’article 916 du code de procédure civile.

En conséquence, M. [R] et Mme [D] doivent être déboutés de leur demande d’irrecevabilité de la demande de la SA Banque CIC Est aux fins de rectification d’une omission de statuer.

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire

Sur l’omission de statuer, la SA Banque CIC Est soutient à juste titre que le conseiller de la mise en état n’a pas statué sur sa demande d’irrecevabilité pour défaut de qualité de M. [R] et Mme [D] à soulever l’irrecevabilité de son intervention volontaire, qui avait été formée dans ses conclusions sur incident déposées devant le conseiller de la mise en état.

S’il est exact que la banque, titulaire d’une créance hypothécaire, peut opposer à l’assureur son droit propre au paiement de l’indemnité d’assurance, institué par l’article L. 121-13 du code des assurances, les bénéficiaires de cette indemnité ont qualité pour exposer des moyens de droit et soulever un incident de procédure afin de contester l’intervention volontaire de la banque qui peut avoir des incidences sur leur indemnisation. En conséquence la fin de non recevoir invoquée par les intimés est recevable.

Sur le bien fondé, c’est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le conseiller de la mise en état a relevé que la banque justifie d’un intérêt et d’une qualité à agir en intervention volontaire puisqu’elle justifie être titulaire d’une créance hypothécaire sur l’immeuble incendié, objet de l’indemnisation, et avoir formé opposition au versement de l’indemnité par l’assurance.

C’est tout aussi pertinemment que le conseiller de la mise en état a dit que l’action de la banque fondée sur les dispositions de l’article L.121-13 du code des assurances est une action directe contre l’assureur qui peut notamment s’exercer par voie d’intervention volontaire devant une juridiction, à partir du moment où un paiement est envisagé et avant le règlement de l’indemnité ce qui est le cas d’espèce. Il résulte des pièces produites que la banque a formé opposition au dédommagement direct des assurés par mail adressé à l’assurance dès qu’elle a eu connaissance de l’incendie de l’immeuble hypothéqué et qu’elle a eu connaissance du jugement du 4 février 2020 allouant une indemnité aux assurés par la procédure d’exécution forcée à laquelle elle a été attraite le 30 juillet 2020, de sorte que son intervention volontaire n’est pas prescrite.

En conséquence l’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a débouté M. [R] et Mme [D] de leur fin de non recevoir.

Sur l’irrecevabilité des demandes de la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD

Le conseiller de la mise en état s’est déclaré compétent pour statuer sur l’irrecevabilité invoquée par M. [R] et Mme [D] sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, des demandes de la SA Assurances du crédit mutuel IARD tendant à :

« – fixer l’indemnisation due par la SA Assurances du crédit mutuel IARD au titre des dommages affectant l’immeuble à la somme de 269 247,69 euros au titre des travaux immobiliers augmentée de 1 870 euros au titre des frais de déblais et de démolition et de 4 468 euros au titre des frais de maîtrise d’oeuvre et SPS

– constater, dire et juger que M. [R] ne justifie d’aucun mandat de Mme [N], copropriétaire indivise pour percevoir la part d’indemnité à laquelle cette dernière peut prétendre

– condamner solidairement M. et Mme [R] à payer à la SA Assurances du crédit mutuel IARD une somme de 2500 euros par instance ».

Or seule la cour d’appel est compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées de l’article 910-4 du code de procédure civile. En conséquence, la cour statuant sur déféré dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état doit se déclarer incompétente pour statuer sur la fin de non recevoir tirée de l’article 910-4 du code de procédure civile, cette demande relevant de la compétence de la cour statuant sur le fond du litige. L’ordonnance est infirmée.

Sur les autres demandes

Il est constaté que les parties ne critiquent pas l’ordonnance et ne forment aucune demande relativement aux dispositions ayant déclaré recevables les conclusions d’incident de M. [R] et Mme [D], dit que le conseiller de la mise en état est incompétent pour statuer sur les demande nouvelles de la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD au visa de l’article 564 du code de procédure civile et rejeté la demande d’injonction relative au dispositif des conclusions de l’assurance. Ces dispositions sont donc confirmées.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions de l’ordonnance sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

Il convient de condamner M. et Mme [R], qui succombent principalement en leurs demandes, aux dépens de la procédure de déféré et à verser à la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et la SA Banque CIC Est la somme de 800 euros à chacune et de rejeter leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE recevable le déféré formé par M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] ;

DEBOUTE M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] de leur demande d’irrecevabilité de la demande de la SA Banque CIC Est aux fins de rectification d’une omission de statuer ;

DECLARE recevable la fin de non recevoir formée par M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] tendant à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la SA Banque CIC Est ;

CONFIRME l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

– déclaré recevables les conclusions d’incident de M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R]

– rejeté la demande de prescription de l’action de la SAS Banque CIC Est et celle tendant à l’irrecevabilité de son intervention volontaire pour défaut d’intérêt et de qualité à agir

– déclaré le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles présentées par la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD tendant à :

« – dire et juger qu’en vertu des termes du contrat d’assurance, seuls M. [R] et Mme [N] sont recevables à solliciter l’indemnisation du sinistre quant aux dommages immobiliers et chacun pour moitié

– déclarer Mme [R] irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes d’indemnisation du sinistre quant aux dommages immobiliers

– dire et juger que M. [R] ne pourra prétendre qu’à la moitié de l’indemnisation en sa qualité

de propriétaire indivis

– fixer l’indemnité due solidairement à M. et Mme [R] à la somme mensuelle de 1 200 euros

et ce pendant 12 mois soit 14 400 euros »

– rejeté la demande d’injonction à la SA Assurances du crédit mutuel IARD de récapituler

dans le dispositif des conclusions ses seules prétentions

– condamné M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] aux dépens de l’incident et à payer à la SA Assurances du crédit mutuel IARD et à la SAS Banque CIC Est une somme de 800 euros à chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes suivantes de la SA Assurances du crédit mutuel IARD :

« – fixer l’indemnisation due par la SA Assurances du crédit mutuel IARD au titre des dommages affectant l’immeuble à la somme de 269 247,69 euros au titre des travaux immobiliers augmentée de 1 870 euros au titre des frais de déblais et de démolition et de 4 468 euros au titre des frais de maîtrise d’oeuvre et SPS

– constater, dire et juger que M. [R] ne justifie d’aucun mandat de Mme [N], copropriétaire indivise pour percevoir la part d’indemnité à laquelle cette dernière peut prétendre

– condamner solidairement M. et Mme [R] à payer à la SA Assurances du crédit mutuel IARD une somme de 2500 euros par instance », comme n’ayant pas été présentées dès les premières conclusions et statuant à nouveau,

DIT que la cour statuant dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état est incompétente pour statuer sur l’irrecevabilité des demandes fondée sur l’article 910-4 du code de procédure civile;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] à verser à la SA Banque CIC Est et à la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 800 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [I] [R] et Mme [U] [D] épouse [R] aux dépens du déféré;

DIT que la procédure de fond RG 20/707 est renvoyée à l’audience de mise en état de la 1ère chambre civile du 14 septembre 2023 à 15h00.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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