Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/05245

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/05245

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/05245 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOMT

Décision déférée à la cour

Arrêt du 24 février 2022-cour d’appel de Paris-RG n° 21/07231

APPELANTE

Madame [R] [Z] épouse [T]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIMES

Monsieur [M] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]- BELGIQUE

Représenté par Me Hélène WOLFF de l’AARPI Cabinet WOLFF – ZAZOUN – KLEINBOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : K0004

E.A.R.L. DU PRIEL

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuel ESLAMI NODOUCHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0459

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris le 9 avril 2021, ayant autorisé la saisie des rémunérations de Mme [R] [Z] épouse [T] ;

Vu l’arrêt n°RG 21/7231 du 24 février 2022, ayant :

rejeté la demande de jonction de la procédure n°RG 21/7231 à la procédure n°21/20880,

rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 16 décembre 2021,

dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer,

confirmé le jugement du 9 avril 2021 en toutes ses dispositions,

débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [R] [Z] épouse [T] aux dépens d’appel.

Vu la requête en « rectification d’erreur matérielle, en complément d’arrêt ultra petita et en retranchement », adressée à la cour par Mme [T] le 7 mars 2022, tendant à voir :

constater que des erreurs et omissions se sont glissées dans le dispositif de l’arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d’appel de Paris ;

dire que les erreurs et omissions contenues au dispositif de l’arrêt susvisé seront rectifiées par la cour dans le sens suivant :

« Y ajoutant,

Vu qu’il a été constaté que l’Earl du Priel n’a plus d’établissement, ni de siège social à la date de l’arrêt rendu le 24 février 2022,

Arrête toute procédure d’exécution sur la rémunération de Mme [R] [T] par l’Earl du Priel qui n’est plus établie en France, ce qui entraîne de plein droit la mainlevée de toute saisie sur la rémunération » ;

Vu les conclusions signifiées le 15 mai 2023 par l’Earl du Priel  :

débouter Mme [R] [Z] épouse [T] de l’intégralité de ses prétentions ;

condamner Mme [R] [Z] épouse [T] à payer une amende civile ;

condamner Mme [R] [Z] épouse [T] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

condamner Mme [R] [Z] épouse [T] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Vu la notification de la requête en rectification à M. [T], qui n’a pas déposé d’écritures dans le cadre de la présente procédure ;

MOTIFS

Sur la requête fondée sur les articles 461, 462, 463, 464, 12 et 455 du code de procédure civile

Aux termes de l’article 461 du code de procédure civile, il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel. La demande en interprétation est formée par simple requête de l’une des parties ou par requête commune. Le juge se prononce les parties entendues ou appelées.

Selon l’article 462 alinéa 1er du même code, les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

L’article 463 du même code dispose que la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’article 464 du même code prévoit que les dispositions de l’article 463 sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé.

L’article 12 dispose en outre que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Enfin aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succintement les prétentions respectives des parties et de leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Sur le fondement de ces textes, Mme [T] soutient que, à la date de la signification de l’arrêt que la présente cour a rendu le 24 février 2022, soit le 4 mars 2022, l’Earl du Priel n’avait plus d’établissement connu ni de siège social à [Localité 6], l’huissier de justice ayant dû dresser un procès-verbal de recherches infructueuses conformément à l’article 659 du code de procédure civile. Elle en déduit que le « dispositif de l’arrêt du 24 février 2022 » est entaché d’erreurs matérielles en pages 1, comme portant l’adresse de l’Earl du Priel à [Localité 6], [Adresse 4], et 6 en ce qu’il confirme le jugement qui autorise l’Earl du Priel à saisir ses rémunérations ; que par conséquent, la cour doit retrancher et supprimer ces dispositions de sa décision dans la limite de ce qui lui a été demandé initialement ; qu’un vice affectant l’arrêt du 24 février 2022, l’anomalie en résultant justifie une interprétation, un complément, un retranchement en cas d’ambiguïté et la rectification de ces erreurs et omissions, enfin le rétablissement du véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.

En réplique, l’Earl du Priel fait valoir que Mme [T] soulève à nouveau cet argument inopérant comme elle l’a déjà fait à plusieurs reprises, dans le seul but de faire échec à la procédure de saisie des rémunérations dont elle fait l’objet. Sur le fond, elle répète que l’Earl, à laquelle les époux [H], propriétaires, louaient les lieux, n’a jamais été vendue, mais que son siège social a simplement été transféré en date du 28 avril 2022 au Haras de la Bruyère à [Localité 7], dans le Calvados, ainsi qu’il ressort de l’extrait d’immatriculation du 11 avril 2023 et du courrier adressé en ce sens le 29 avril 2022 à Me Henry, avocat de Mme [T] ; que dans l’attente de la signature du nouveau bail de l’Earl du Priel, permettant d’actualiser l’adresse de son nouveau siège social, l’acquéreur des lieux anciennement exploités à [Localité 6] l’avait autorisée à y maintenir provisoirement son siège (pièce n°6 : autorisation de domiciliation de l’Earl du Priel) ; qu’elle a d’ailleurs bien reçu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par l’huissier de justice conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, que lui a transmise le nouveau propriétaire des lieux, étranger et maîtrisant mal la langue française de sorte que l’huissier de justice n’avait pas eu connaissance de l’accord de domiciliation provisoire ; que preuve en est qu’elle s’est présentée à l’audience du 23 mars 2022.

Il résulte de l’extrait Pappers du registre du commerce et des sociétés, daté du 11 avril 2023, que le siège social de l’Earl du Priel, précédemment situé à [Localité 6]) a été transféré le 28 avril 2022 à [Localité 7]. Le procès-verbal d’huissier dressé le 4 mars 2022, chargé de remettre à l’Earl du Priel une assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel de Paris, le confirme puisque le clerc d’huissier y indique que ses recherches sur internet et notammet sur les sites Infogreffe et société.com ne font apparaître aucune cessation d’activité ou changement de siège social. L’employé de mairie a indiqué au clerc d’huissier que les époux [H] avaient déménagé à la fin du mois de janvier 2022 et vendu les lieux anciennement exploités par l’Earl du Priel.

L’Earl du Priel pour sa part démontre, par la production d’une attestation de l’acquéreur des lieux anciennement exploités à [Localité 6], l’existence d’un accord de maintien du siège social jusqu’à la fin du mois d’avril 2022 le temps des formalités de transfert du siège de l’exploitation. Quoi qu’il en soit les mentions de l’extrait d’immatriculation révèlent que le siège social de l’entreprise n’a été effectivement transféré qu’à la date du 28 avril 2022

En tout état de cause, à supposer même que l’Earl du Priel ait changé d’adresse en cours de procédure devant la cour, un tel transfert n’est pas de nature à la priver d’existence. Enfin et surtout, il serait sans effet sur l’arrêt rendu par la cour d’appel le 24 février 2022, confirmant le jugement du 9 avril 2021, lequel a autorisé la saisie des rémunérations de Mme [T].

Il n’y a donc lieu ni à rectification d’erreur matérielle, ni à interprétation, ni à retranchement, encore moins de constater que la cour aurait statué ultra petita, soit au-delà des limites circonscrites par les prétentions des parties. La requête déposée par Mme [T] doit donc être rejetée.

Sur le prononcé d’une amende civile et la demande en dommages-intérêts

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La présente procédure en rectification d’erreur matérielle, complément d’arrêt, ultra petita et en retranchement, s’inscrit dans un comportement judiciaire dilatoire caractérisé tendant à paralyser la mesure de saisie des rémunérations autorisée par le juge de l’exécution par jugement du 9 avril 2021, confirmé par l’arrêt du 24 février 2022 prétendûment entaché d’erreur matérielle. Par ce comportement procédural, Mme [T] porte atteinte au bon fonctionnement de la justice, mobilise abusivement et instrumentalise le service public de la justice, faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice. Dans le même temps et par la multiplicité des demandes dilatoires et dépourvues de tout fondement, elle occasionne un préjudice moral à l’Earl du Priel, distinct de celui résultant de l’exposition de frais irrépétibles.

Par conséquent, la cour condamne Mme [T] au paiement d’une amende civile de 3000 euros en application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que d’une indemnité de 1500 euros à l’Earl du Priel, en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l’abus de procédure ci-dessus décrit, commis par l’appelante dans le cadre de la présente instance.

Sur les demandes accessoires

L’issue de la présente procédure justifie la condamnation de Mme [T] aux dépens de celle-ci, ainsi que sa condamnation au paiement à l’Earl du Priel d’une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la requête de Mme [T] tendant à voir rectifier de prétendues erreurs et omissions matérielles et à l’arrêt de toute procédure d’exécution sur ses rémunérations ;

Condamne Mme [R] [Z] épouse [T] au paiement d’une amende civile de 3000 euros ;

Condamne Mme [R] [Z] épouse [T] à payer à l’Earl du Priel la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [R] [Z] épouse [T] à payer à l’Earl du Priel la somme de 3000 euros en compensation des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente procédure;

Condamne Mme [R] [Z] épouse [T] aux dépens de la présente procédure.

Le greffier, Le président,

 


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