République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 22/06/2023
N° de MINUTE : 23/636
N° RG 22/05072 – N° Portalis DBVT-V-B7G-USFP
Jugement (N° 22/01024) rendu le 20 Octobre 2022 par le Juge de l’exécution de Béthune
APPELANTE
Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Benoît De Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
Madame [R] [O]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6] – de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Gaëlle Delalieux, avocat au barreau de Béthune avocat constitué assisté de de Nejya Khellaf, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 30 mars 2023 tenue par Catherine Convain magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 après prorogation du délibéré du 8 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 mars 2023
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 31 décembre 1996, la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] (Caisse de crédit mutuel) a consenti à Mme [R] [O] et à M. [W] [Z] deux prêts d’une somme totale de 312 734 francs destinés à l’acquisition indivise d’une maison d’habitation.
Le remboursement de ces prêts était garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et par une hypothèque conventionnelle sur le bien financé.
Par jugement du 22 avril 1998, Mme [O] et M. [Z] ont fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La Caisse de crédit mutuel y avait alors déclaré une créance admise à hauteur de 615 974,72 francs, le 11 juin 1999.
Par ordonnance du 25 février 1999, le juge commissaire a autorisé la vente du bien immobilier appartenant à Mme [O] et M. [Z] et la répartition du prix de vente entre la liquidation de Mme [O] et celle de M. [Z].
Par jugements du 26 novembre 2002, le tribunal de commerce de Béthune a considéré que l’ordonnance du 25 février 1999 a mis fin à l’indivision, de sorte que la Caisse de crédit mutuel ne pouvait se prétendre créancière de l’indivision à la date de la collocation.
Par arrêts du 8 septembre 2003, la cour d’appel de Douai a annulé ces deux jugements mais a, sur évocation, rejeté les contestations de la Caisse de crédit mutuel.
Par arrêts du 20 septembre 2005, la Cour de cassation a cassé et annulé les deux arrêts rendus le 8 septembre 2003 par la cour d’appel de Douai.
Statuant sur renvoi, la cour d’appel d’Amiens a, par arrêts du 10 avril 2007, annulé l’état de collocation du 14 mai 2001 et dit que la créance de la Caisse de crédit mutuel, arrêtée à la somme de 71 195,21 euros, sera payée par prélèvement sur le prix de vente de la maison et par priorité avant toute répartition du prix entre les procédures de M. [Z] et de Mme [O].
Par actes du 29 mai 2007, ces arrêts ont été signifiés au liquidateur, à M. [Z] et à Mme [O].
Par jugements des 8 et 13 mars 2013, le tribunal de commerce d’Arras a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif des opérations de liquidation judiciaire de M. [Z] et de Mme [O].
Par acte du 5 novembre 2021, la Caisse de crédit mutuel a, sur le fondement de l’arrêt rendu le 10 avril 2007, fait signifier à Mme [O] un commandement de payer la somme totale de 15 973,11 euros aux fins de saisie-vente.
Par acte du 28 mars 2022, Mme [O] a fait assigner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Béthune aux fins notamment d’annulation du commandement de payer signifié le 5 novembre 2021.
Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé de la procédure antérieure à ce jugement, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Béthune a :
– déclaré nul, et donc sans effet, le commandement aux fins de saisie-vente délivré à Mme [R] [O] le 5 novembre 2021 à la demande du Crédit mutuel en vertu de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens en date du 10 avril 2007, rendu sur renvoi après cassation ;
– condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] liberté aux entiers dépens ;
– dit que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] liberté supportera ses frais exposés en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] liberté à verser la somme de
1 000 euros à Mme [R] [O] de ce chef ;
– rappelé que ce jugement bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 28 octobre 2022, la Caisse de crédit mutuel a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 janvier 2023, la Caisse de crédit mutuel demande à la cour de :
– réformer totalement le jugement du 20 octobre 2022 ;
– valider en totalité le commandement du 5 novembre 2021 ;
– condamner Mme [R] [O] à payer les sommes de 5 000 euros et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et d’instance ;
– la condamner aux dépens d’instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 16 janvier 2023, Mme [O] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du 20 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;
– condamner la Caisse de crédit mutuel à rembourser à Mme [O] la somme de 5 000 euros payée à tort entre les mains de l’étude Acte ose ;
– condamner la Caisse de crédit mutuel à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Il sera rappelé à titre liminaire que le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié par la Caisse de crédit mutuel à Mme [R] [O] le 5 novembre 2021 réclamait à cette dernière une somme de 15 973,11 euros se décomposant de la manière suivante :
-solde du prix de vente selon compte : 10 038,99 euros ;
-article 700 du code de procédure civile : 5000 euros ;
-intérêts acquis : 3380,11 euros
-frais extra-judiciaires : 2286,84 euros (la liste de ces frais étant détaillée dans l’acte dont l’état de frais [X] pour Mme [O] pour 1255,09 euros et l’état de frais [X] pour M. [Z] pour un montant de 940,26 euros) ;;
-timbre de plaidoirie : 169,51 euros ;
-coût du commandement :179,45 euros ;
-dont à déduire les acomptes réglés par la débitrice : 5081,49 euros
-soit un solde de 15973,11 euros
L’article L. 643-11 du code de commerce dispose que :
Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle
1° Pour les actions portant sur des biens acquis au titre d’une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire ;
2° Lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu’elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier ;
3° Lorsque la créance a pour origine des man’uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l’article L. 114-12 du code de la sécurité sociale. L’origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17, L. 114-17-1 et L. 114-17-2 du même code.
Mme [R] [O] se prévaut des dispositions susvisées pour conclure à la nullité du commandement préalable à la saisie-vente, faisant valoir que la créance de la banque est antérieure à la procédure collective puisqu’elle résulte de prêts consentis par le Crédit mutuel le 31 décembre 1996, sa position de ce chef ayant été entièrement adoptée par le jugement entrepris.
La partie appelante fait toutefois valoir qu’elle ne réclame pas à la partie intimée le solde des prêts mais sa créance sur le prix de vente de l’immeuble telle qu’elle a été fixée par l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens le 10 avril 2007.
Cependant, si l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens le 10 avril 2007 a dit que la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] ( arrêtée au 24 avril 2006 à la somme de 71 195,21 ) sera payée par prélèvement sur le prix de vente de la maison indivise obtenu en 1999 (augmenté des intérêts nés des placements des fonds) et par priorité avant toute répartition du prix entre les liquidations judiciaires de Mme [O] et de M. [Z], cet arrêt qui a fixé ainsi les droits de l’appelant sur le prix à répartir, n’a pas entraîné une novation de la dette de Mme [R] [O] au titre des prêts et substitué à une créance antérieure à la décision d’ouverture de la procédure collective une créance postérieure à cette même décision.
Il s’ensuit que la débitrice peut se prévaloir, au regard de la clôture pour insuffisance d’actif prononcée, de l’absence de droit du Crédit mutuel de reprendre le cours de ses actions à son endroit au titre du solde des prêts consentis.
Il s’ensuit dès lors que le commandement de payer ne saurait être considéré comme ayant été valablement délivré s’agissant du principal (solde du prix de vente) à hauteur de 10 038,99 euros et des intérêts à hauteur de 3380,11 euros.
S’agissant de l’article 700 du code de procédure civile, il convient d’observer qu’il est parfaitement justifié que Mme [O] a réglé le montant de cette somme suivant les décomptes d’huissier produits aux débats, la somme réglée à ce titre étant reprise au titre des acomptes, et que donc la contestation du commandement sur ce point n’a plus d’objet.
Reste enfin la question des frais de justice.
Il sera rappelé que le jugement d’ouverture de la procédure collective emporte l’interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture (Article L.622-7 I du Code de commerce). Il emporte également l’interdiction de payer certaines créances nées après le jugement d’ouverture.
Cependant, l’article L. 622-17 du code de commerce dispose encore que :
Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
Il ne saurait être considéré que les créances de dépens et d’article 700, du fait de leur caractère accessoire à la créance principale, endossent la qualification de créances antérieures lorsque la créance principale était antérieure à l’ouverture de jugement.
En l’espèce, les dépens engagés dans le cadre de la procédure de la contestation de l’état de collocation sont nécessaires à la procédure de répartition des fonds sur l’immeuble qui est au coeur même de la liquidation judiciaire. La créance en résultant est bien née régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure.
Il convient de conclure que la créance à ce titre de la banque contre Mme [O] qui était alors représentée par son liquidateur n’avait pas à être déclarée et que le liquidateur peut donc agir à ce titre contre l’appelante.
En conséquence, le commandement aux fins de saisie -vente sera partiellement validé à hauteur d’une somme de 15 973,11- ( 10 038,99 + 3380,11 euros + 940,26) = 1613,75 euros , la cour écartant des causes de ce commandement le solde du prix de vente, les intérêts, et les frais concernant M. [Z].
Sur la demande au titre de la répétition de l’indu :
Aux termes de l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution est compétent pour connaître « des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit
Il n’appartient pas au juge de l’exécution de statuer sur un indu éventuellement versé par Mme [O] au titre de la somme de 5000 euros réglée de l’article 700 du code de procédure civile alors que le paiement de cet éventuel indu ne se rapporte pas à la présente procédure d’exécution.
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Ce qui est jugé ci-dessus justifient un partage des dépens par moitié entre les parties et le rejet des créances réciproques au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Valide partiellement le commandement aux fins de saisie-vente du 5 novembre 2021 à hauteur de la somme de 1613,75 euros, la cour écartant des causes de ce commandement le solde du prix de vente, les intérêts, et les frais concernant M. [Z] ;
Ajoutant au jugement entrepris,
Déclare la demande de Mme [O] en répétition de l’indu irrecevable devant le juge de l’exécution
Fait masse des dépens de première instance et d’appel et les partage par moitié entre les parties ;
Déboute les parties de leurs demandes réciproques au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS