Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19671

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Saisine du juge de l’exécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19671

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/19671 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXMD

Décision déférée à la cour

Jugement du 21 octobre 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 2022/A864

APPELANTE

Madame [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle CHENE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [G] [I]

[Adresse 3]

73033 Allemagne

Madame [N] [I]

[Adresse 4]

73033 Allemagne

Madame [C] [I]

[Adresse 4]

73033 Allemagne

Représentés par Me David h. HARTMANN de la SELEURL ALARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0505

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par ordonnance de référé du 28 décembre 2021, le président du Tribunal judiciaire de Senlis a constaté l’acquisition, au profit de [G], [N] et [C] [I], ci-après dénommés les consorts [I], du bénéfice de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial du 12 juillet 2013 et la résiliation dudit contrat à compter du 13 août 2019, a ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 17 septembre 2019, et a condamné Mme [V] et la SCP Guillous & Chene à payer aux consorts [I] la somme de 10 627,27 euros, solidairement et à titre provisoire, correspondant aux loyers et charges impayés suivant décompte arrêté au 13 août 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, la somme de 19 551,27 euros, correspondant à l’indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, exigible à compter du 13 août 2019 et jusqu’à libération effective des lieux intervenue le 11 juin 2020, et, in solidum, la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. Cette décision a été signifiée à Mme [V] le 1er mars 2022.

Par requête parvenue au greffe du juge de l’exécution de Paris le 19 avril 2022, les consorts [I] ont sollicité la saisie des rémunérations de Mme [V] pour une somme de 32 834,31 euros.

Par jugement du 21 octobre 2022, le juge de l’exécution a :

rejeté la demande de nullité de la requête aux fins de saisie des rémunérations ;

fixé le montant de la créance, pour les besoins de la saisie des rémunérations, au montant total de 22 746,08 euros ;

autorisé la saisie des rémunérations de Mme [V] à hauteur de cette somme.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu :

sur la demande d’annulation de la requête aux fins de saisie des rémunérations, qu’aucun des textes applicables à la procédure y relative ne prévoyait l’obligation de faire figurer une mention relative à l’élection de domicile du demandeur résidant à l’étranger dans la requête introductive, tandis que l’article 855 du code de procédure civile, sur lequel se fondait Mme [V], s’appliquait uniquement devant le tribunal de commerce ;

sur la fixation de la créance pour les besoins de la saisie des rémunérations, que les montants de 10 626,27 euros au titre des loyers et charges impayés et de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile étaient incontestés, le montant de 19 551,27 euros au titre des indemnités d’occupation devait être divisé par deux, la condamnation prononcée à l’encontre de Mme [V] et de la SCP Guillous & Chene n’étant pas solidaire, et que les montants de 655,56 euros au titre des frais et de 888,62 euros au titre des intérêts échus devaient être retenus.

Par déclaration du 23 novembre 2022, Mme [V] a formé appel de ce jugement.

Par arrêt du 13 avril 2023, la Cour d’appel d’Amiens a prononcé la nullité de l’ordonnance du 28 décembre 2021, a dit n’y avoir lieu à référé, et a renvoyé les consorts [I] à mieux se pourvoir.

Par ses dernières conclusions du 24 mai 2023, Mme [V] demande à la Cour de :

infirmer le jugement du 21 octobre 2022 ;

Statuant à nouveau,

prononcer la nullité de la requête et du jugement ;

débouter les consorts [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner solidairement les consorts [I] à lui régler une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les consorts [I] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui, pour ces derniers, comprendront, outre le droit de timbre, les frais de signification et de traduction exposés et seront recouvrés directement par son avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelante soutient que :

la requête initiale en saisie des rémunérations est nulle, car l’élection de domicile en France des consorts [I], de nationalité allemande et résidant en Allemagne, n’est pas mentionnée sur ladite requête, cette obligation posée à l’article 855 alinéa 1 du code de procédure civile ayant vocation à s’appliquer à tous les modes de saisine, ce qui lui cause grief en la contraignant à faire délivrer en Allemagne, après une traduction onéreuse, tous actes judiciaires ou extra-judiciaires en lien avec l’instance ;

le jugement du 21 octobre 2022 et la requête initiale sont nuls en raison de l’annulation de l’ordonnance de référé du 28 décembre 2021 par l’arrêt du 13 avril 2023, qui est exécutoire de plein droit même en cas de pourvoi, et donc de la disparition rétroactive du titre exécutoire ;

sa prétention nouvelle est recevable, en vertu du second alinéa de l’article 910-4 du code de procédure civile, puisqu’elle ne pouvait pas être invoquée dans ses premières conclusions d’appel dès lors que l’arrêt n’avait pas encore été rendu ;

l’arrêt du 13 avril 2023 n’a pas encore été signifié aux consorts [I] parce qu’elle les a interrogés, avant d’engager des frais de traduction, sur le point de savoir s’ils envisageaient d’y acquiescer, sans réponse ;

aucun pourvoi n’a été régularisé par les consorts [I] contre l’arrêt du 13 avril 2023, alors qu’un pourvoi en cassation est recevable même en l’absence de signification de l’arrêt d’appel.

Par conclusions du 20 mai 2023, les consorts [I] demandent à la Cour de :

confirmer le jugement du 21 octobre 2022 ;

condamner Mme [V] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [V] aux entiers dépens de la première instance et du présent appel, en ce compris le droit de timbre.

Les intimés font valoir que :

la nouvelle prétention soulevée par Mme [V], qui se fonde sur l’absence de titre exécutoire résultant de l’arrêt du 13 avril 2023, est irrecevable puisqu’elle a été soulevée trop tardivement ; elle repose sur un arrêt contesté dans la mesure où ils envisagent de former un pourvoi contre cet arrêt qui ne leur a pas encore été signifié, pour contester la violation du principe du contradictoire ;

la Cour d’appel n’avait pas le pouvoir de prononcer la nullité de l’ordonnance de référé ;

la nullité de la requête ne peut être prononcée qu’au regard de la prétention soulevée depuis le début de la procédure par Mme [V], soit la prétendue violation du premier alinéa de l’article 855 du code de procédure civile ;

la requête n’est pas nulle, puisqu’aucun texte applicable à la procédure de saisie des rémunérations ne prévoit de mention relative à l’élection de domicile du demandeur résidant à l’étranger dans la requête introductive, l’article 855 du code de procédure civile ne s’appliquant que dans le cadre de la procédure devant le tribunal de commerce, et ce d’autant plus que l’élection de domicile figure bien dans leur assignation.

MOTIFS

Mme [V] soulève la nullité de la requête à fin de saisie des rémunérations au visa de l’article 855 du code de procédure civile. Cet article figure dans la section I du chapitre Ier du Titre III du Livre II du code de procédure civile, qui régit la procédure devant le tribunal de commerce. Il ne peut donc être utilement invoqué.

La requête en saisie des rémunérations doit comporter les mentions prévues aux articles 54 et 57 du code de procédure civile et à l’article R 3252-13 du Code du travail, à savoir :

– pour les personnes physiques, l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur;

– pour les personnes morales, l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement;

– les nom, prénoms et domicile du débiteur;

– l’indication des modalités de représentation devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu sur les seuls éléments fournis par son adversaire;

– les nom et adresse de son employeur;

– le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;

– les indications relatives aux modalités de versement des sommes saisies;

– l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée;

– une copie du titre exécutoire.

Il n’est nullement obligatoire d’y élire domicile dans le cas où le créancier demeure à l’étranger.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de la requête à fin de saisie des rémunérations, et par voie de conséquence la demande d’annulation dudit jugement ne saurait prospérer.

Selon l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens a été rendu le 13 avril 2023 soit postérieurement aux premières conclusions de la débitrice des 30 janvier et 13 mars 2023. Mme [V] a ensuite dans ses conclusions du 16 mai 2023 sollicité le rejet des prétentions adverses sur le fondement de cet arrêt. Cette demande est donc recevable.

En vertu de l’article R 3252-1 du code du travail, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.

Force est de constater qu’à ce jour les consorts [I] ne détiennent plus de titre exécutoire ; en effet par arrêt en date du 13 avril 2023, la Cour d’appel d’Amiens a annulé l’ordonnance de référé datée du 28 décembre 2021 fondant les poursuites. Il importe peu que cet arrêt n’ait pas encore été signifié car il est revêtu de l’autorité de chose jugée dès son prononcé comme il est dit à l’article 480 alinéa 1er du code de procédure civile. En outre, c’est en vain que les intimés soutiennent que la Cour d’appel n’avait pas le pouvoir de statuer comme elle l’a fait : en vertu de l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé le montant de la créance à 22 746,08 euros et ordonné la saisie des rémunérations de Mme [V] à hauteur de cette somme, et de rejeter la demande de saisie des rémunérations.

L’équité ne commande pas d’allouer à Mme [V] une somme en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [I] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel. Il n’y a pas lieu de prévoir dans le dispositif de la présente décision la liste de ces dépens, qui sont limitativement énumérés à l’article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

– REJETTE la demande d’annulation du jugement en date du 21 octobre 2022 ;

– INFIRME le jugement en date du 21 octobre 2022 en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant rejeté la demande à fin de nullité de la requête en saisie des rémunérations ;

Et statuant à nouveau :

REJETTE la requête en saisie des rémunérations déposée par M. [G] [I], Mme [N] [I] et Mme [C] [I] à l’encontre de Mme [Z] [V] ;

DEBOUTE Mme [Z] [V] de sa demande en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [G] [I], Mme [N] [I] et Mme [C] [I] aux dépens de première instance et d’appel ;

DIT que ces derniers seront recouvrés par Maître Lallement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DIT que la partie la plus diligente devra remettre au greffe du juge de l’exécution de Paris une copie du présent arrêt et de ses actes de signification.

Le greffier, Le président,

 


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