COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 22 JUIN 2023
N° RG 22/05181 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7DA
Etablissement Public AGENCE DE SERVICE DE PAIEMENT
c/
[P] [J]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 octobre 2022 par le Juge de l’exécution d’ANGOULEME (RG : 21/01887) suivant déclaration d’appel du 14 novembre 2022
APPELANTE :
Etablissement Public AGENCE DE SERVICE DE PAIEMENT prise en la personne de son représentant légal.
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Clotilde GAUCI de la SCP COULOMBIE – GRAS – CRETIN – BECQUEVORT – ROSIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[P] [J]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
non représenté, assigné selon acte d’huissier en date du 21 décembre 2022 délivré à l’étude
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES
Conseiller : Madame Christine DEFOY
Greffier : Mme Chantal BUREAU
ARRÊT :
– défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Par virement du 1er décembre 2015, M. [J] a bénéficié du versement d’une avance de trésorerie remboursable (ATR) dans le cadre de sa demande d’aide au titre de la politique agricole commune (PAC) en 2015.
Aucune n’aide n’ayant finalement été perçue par M. [J], un ordre de recouvrer d’un montant de 3 379,29 euros a été émis par l’Agence de services et de paiement le 12 octobre 2016.
Par acte du 3 août 2021, l’Agence de services et de paiement a fait dresser un procès-verbal d’indisponibilité de son certificat d’immatriculation.
Puis, par acte du 8 septembre 2021, l’Agence de services et de paiement a fait réaliser une saisie-attribution entre les mains d’Axa France à l’encontre de M. [J] pour avoir paiement de la somme de 2 023,09 euros. Cette mesure lui a été dénoncée le 10 septembre 2021.
Par acte du 7 octobre 2021, M. [J] a assigné l’Agence de services et de paiement devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême aux fins de nullité de la saisie-attribution, de mainlevée du procès verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation et de condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 24 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême a:
– dit que la créance afférente au titre exécutoire émis le 12 octobre 2016 est prescrite,
– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 8 septembre 2021 par l’Agence de Service de Paiement entre les mains d’Axa France,
– ordonné la mainlevée du procès verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation signifié le 3 août 2021 par la SCP Zerdoun Deenen-Laurain à M. Le Préfet du département,
– débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné l’ASP à verser à M. [J] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’ASP aux dépens,
– rappelé que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
L’Agence de services et de paiement a relevé appel du jugement le 14 novembre 2022 en toutes ses dispositions.
L’ordonnance du 19 décembre 2022 a fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries au 3 mai 2023, avec clôture de la procédure à la date du 19 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2023 (signifiées à M. [J] le 9 février 2023), l’Agence de services et de paiement demande à la cour, sur le fondement de l’article L1617-5 3° du code général des collectivités territoriales, des articles L313-1, L313-2, D313-13 et D313-26 du code rural et de la pêche maritime, de l’article 28 du décret n°2012-1246 du 70 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ainsi que de l’article L.274 du livre des procédure fiscales et des articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– infirmer le jugement n°RG 21/01887 rendu le 24 octobre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême en ce qu’il a dit que la créance afférente au titre exécutoire du 12 octobre 2016 est prescrite, ordonné la mainlevée de la saisie attribution du 08 septembre 2021 et la mainlevée du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du 03 août 2021, et l’a condamnée à verser à M. [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau,
– débouter les défendeurs de leur demande formée à l’encontre de la saisie attribution diligentée par l’ASP entre les mains d’AXA France le 08 septembre 2021,
– débouter les défendeurs de leur demande de mainlevée à l’encontre de de la saisie-attribution diligentée le 8 septembre 2021 par l’ASP entre les mains d’AXA France,
– débouter les défendeurs de leur demande de mainlevée du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation signifié le 3 août 2021 au Préfet du département,
– débouter les défendeurs de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure
civile et des dépens,
– condamner M. [J] à payer la somme de 3 000 euros à l’ASP au titre des frais de procédure, outre les dépens d’instance avec distraction au profit de la SCP CGCB et associés au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [J] n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 mai 2023 et mise en délibéré au 22 juin 2023.
MOTIFS :
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière et bien fondée.
En cas d’absence de constitution en appel, celui qui n’y a pas procédé est réputé s’approprier les motifs des premiers juges en l’espèce en ce qu’il a été fait droit à ses demandes, l’action ayant été déclarée comme prescrite.
L’article 28 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que le comptable muni d’un titre exécutoire peut poursuivre l’exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution;
Le cas échéant, il peut également poursuivre l’exécution forcée de la créance sur la base de l’un ou l’autre des titres exécutoires énumérés par l’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution.
L’article L617-5 3° du code général des collectivités territoriales dispose que l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre des recettes.
Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interrumptifs de la prescription.
En l’espèce, il est acquis que l’Agence de service de paiement a émis le 12 octobre 2016 un ordre de recouvrer à l’encontre de M. [P] [J] pour la somme de 3379, 29 euros.
Cet acte lui a été notifié le 23 janvier 2017 par lettre simple, laquelle est revenue avec la mention NPAI. Il lui a de nouveau été notifié le 28 juin 2017 par lettre recommandée, l’accusé de réception n’ayant pas été réclamé.
Dans une telle hypothèse, l’acte ayant été régulièrement notifié à l’adresse à laquelle le redevable s’est déclaré fiscalement, il s’avère interruptif de l’action en recouvrement
Subséquemment, l’Agence de service de paiement a adressé le 28 juillet 2017 une lettre de relance à son débiteur, puis le 31 octobre 2017 une mise en demeure, qui s’est également avérée interruptive de prescription.
Suite à des demandes de renseignements intervenues au cours de l’année 2018 auprès de l’adminstration fiscale, l’appelante est parvenue à notifier le titre exécutoire le 5 septembre 2018 à M. [J] qui en a signé l’accusé de réception le 7 septembre 2018, cet acte interrompant de nouveau la prescription.
Après qu’une nouvelle lettre de relance, puis une mise en demeure aient été respectivement adressées à M. [J], les 9 janvier et 11 mars 2019, le recouvrement de la créance a été confié à la SCP d’huissiers [X], [I] qui a procédé à la signification du titre exécutoire, avec commandement de payer le 6 juillet 2021, acte également interruptif de prescription.
Par la suite ont été mises en oeuvre les mesures critiquées à savoir :
– un procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation le 3 août 2021, dénoncé à M. [J] le lendemain, un avis de passage étant laissé à son domicile, compte-tenu de son absence,
-un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains d’Axa France, le 8 septembre 2021 et dénoncé au susnommé le 10 septembre suivant.
Il s’ensuit que la prescrition quadriennale applicable au recouvrement des créances publiques a été interrompue à de nombreuses reprises de sorte qu’elle n’était nullement prescrite lorsque les actes d’exécution en litige ont été accomplis.
Il en résulte que le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a dit que la créance afférente au titre exécutoire du 12 octobre 2016 est prescrite et en ce qu’il a prononcé la mainlevée de la saisie attribution du 8 septembre 2021 et du procès verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation en date du 3 août 2021.
La cour statuant de nouveau de ces chefs déboutera M. [P] [J] de sa demlande tendant à voir déclarer prescrite l’action en recouvrement diligentée à son encontre par l’Agence de service de paiement et le déboutera également de l’ensemble de ses contestations tendant à obtenir la mainlevée du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation dressé à son encontre le 3 août 2021 et de la saisie-attribution diligentée entre les mains d’Axa France le 8 septembre 2021, lesquelles seront déclarées comme parfaitement valables.
Il sera par contre confirmé en ce qu’il a débouté l’intimé de ses demandes indemnitaires, parfaitement injustifiées, en cause d’appel au regard de la validité des mesures d’exécution critiquées.
Enfin, le jugement entrepris sera infirmé s’agissant des dispositions concernant l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
La cour, statuant à nouveau de ces chefs condamnera M. [P] [J] à payer à l’Agence de service de paiement la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP CGCB et associés au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision rendue par défaut mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M.[P] [J] de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Dit que l’action en recouvrement diligentée par l’Agence de service de paiement n’est pas prescrite,
Déboute M. [P] [J] de ses demandes tendant à voir ordonner la mainlevée du certificat d’immatriculation dressé à son encontre le 3 août 2021 et de la saisie-attribution diligentée entre les mains d’Axa France le 8 septembre 2021,
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [J] à payer à l’Agence de service de paiement la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [J] aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP CGCB et associés au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Chantal BUREAU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,