VCF/IC
[I] [J]
C/
[T] [L]
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 12]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
N° RG 22/01506 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GCNK
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 20 septembre 2022 rectifié par un jugement du 18 novembre 2022, rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône
– RG : 20/00032 –
APPELANTE :
Madame [I] [E] [X] [J]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 12] (71)
[Adresse 6]
[Localité 11]
représentée par Me Sophie CORNELOUP, membre de la SELARL CARRE JURIS AVOCATS, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉS :
Monsieur [T] [Z] [H] [L]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 14] (71)
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
[Adresse 3]
[Localité 8]
non représentés
LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 12] représentée par le Président du conseil d’administration domicilié de droit au siège :
[Adresse 7]
[Localité 10]
représentée par Me Simon LAMBERT, membre de la SCP LANCELIN ET LAMBERT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 62
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, ayant fait le rapport,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023 pour être prorogée au 27 Juin 2023,
ARRÊT : rendu par défaut,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 30 mars 2020, publié le 29 mai 2020, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche-Comté a fait délivrer à M. [T] [L] et Mme [I] [J] un commandement de payer la somme de 30 299,54 euros due en vertu d’un acte authentique de prêt en date du 11 octobre 1996. Ce commandement valait saisie des biens immobiliers et droits immobiliers sis [Adresse 6] à [Localité 11] (71), cadastrés section AB n°[Cadastre 4], grevés d’inscriptions hypothécaires prises par la Caisse d’Epargne et par la caisse de Crédit Mutuel de [Localité 12].
Par jugement d’orientation du 8 juin 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a notamment ordonné la vente forcée des biens saisis à l’audience du 21 septembre 2021, sur la mise à prix de 120 000 euros.
Mme [J] a interjeté appel de ce jugement qui a été confirmé par un arrêt de cette cour rendu le 29 mars 2022.
L’audience d’adjudication a été reportée en application de l’article R. 322-19, alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution :
– par jugement du 16 novembre 2021 au 19 avril 2022,
– par jugement du 19 avril 2022 au 21 juin 2022.
Le 9 juin 2022, le conseil de la Caisse d’Epargne a informé le greffe et les avocats constitués des autres parties qu’ayant été désintéressée, elle ne poursuivrait pas la vente des biens saisis lors de l’audience du 21 juin 2022.
A cette date, par simple mention au dossier, l’audience d’adjudication a été reportée au 20 septembre 2022 afin que le Crédit Mutuel interroge sa cliente sur une possible subrogation.
Par jugement du 20 septembre 2022, rectifié par jugement du 18 novembre 2022, exécutoire de droit par provision en application de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
– constaté le désistement partiel de la Caisse d’Epargne, l’instance n’étant éteinte que relativement à la demande objet du désistement,
– relevé en conséquence que le commandement aux fins de saisie immobilière en date du 30 mars 2020 conserve tous ses effets,
– ordonné que le Crédit Mutuel soit subrogé dans les poursuites de saisie immobilière pour la recouvrement de sa propre créance,
– ordonné à la Caisse d’Epargne de remettre au Crédit Mutuel les pièces de la poursuite, celui-ci devant en accuser réception,
– dit que le montant retenu pour la créance du Crédit Mutuel est de 32 283,26 euros dont 5 918,35 euros d’intérêts arrêtés au 28 juin 2022,
– rappelé que la mise à prix des biens saisis est fixée à 120 000 euros,
– reporté une nouvelle fois la vente forcée des biens saisis à l’audience du 17 janvier 2023, afin que le créancier subrogé dans les droits du créancier poursuivant puisse procéder à la publicité de cette vente conformément aux dispositions de l’article R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution,
– fixé les modalités de la visite de l’immeuble saisi,
– ordonné à la diligence du créancier subrogé dans les droits du créancier poursuivant la publication du jugement,
– réservé les dépens de l’instance.
Les jugements du 20 septembre et du 18 novembre 2022 ont été signifiés à Mme [J], par acte du 28 novembre 2022.
Par déclaration du 8 novembre 2022, Mme [J] a interjeté appel du jugement du 20 septembre 2022, critiquant expressément tous les chefs de ce jugement, à l’exception de celui, ayant fait l’objet du jugement rectificatif du 18 novembre 2022, constatant le désistement partiel de la Caisse d’Epargne.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, Mme [J] a été autorisée à assigner la Caisse d’Epargne, le Crédit Mutuel et M. [L] pour l’audience du 11 avril 2023.
Aux termes du dispositif de ses conclusions remises au greffe le 10 janvier 2023, Mme [J] demande à la cour de :
‘ déclarer son appel recevable
‘ réformer le jugement déféré
Statuant à nouveau et ajoutant,
Vu les articles R. 311-6, R. 322-27 et R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution,
‘ dire n’y avoir lieu au report de la vente forcée des biens saisis,
‘ constater la caducité du commandement aux fins de saisie immobilière notifié le 30 mars 2020 et publié le 29 mai 2020,
‘ en conséquence, ordonner la radiation dudit commandement de payer auprès du service de la publicité foncière de [Localité 13],
‘ débouter le Crédit Mutuel de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions plus amples ou contraires,
‘ condamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions remises au greffe le 23 mars 2023, le Crédit Mutuel demande à la cour de :
– dire et juger les demandes de Mme [J] irrecevables et mal fondées,
– confirmer le jugement dont appel,
– condamner Mme [J] aux entiers dépens d’appel.
Bien qu’assignée par un acte du 5 janvier 2023 remis à une personne habilité à le recevoir, la Caisse d’Epargne n’a pas constitué avocat.
Bien qu’assigné par un acte du 5 janvier 2023 délivré selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile, M. [L] n’a pas constitué avocat.
MOTIVATION
Sur l’objet de l’appel
Le Crédit Mutuel considère que Mme [J] est tout à la fois appelante du jugement du 20 septembre 2022 et de la décision de report de la vente prise le 21 juin 2022 par simple mention au dossier. Et il soulève l’irrecevabilité de ce double appel.
Toutefois, sa déclaration ne vise nullement la décision du 21 juin 2022 et dans le dispositif de ces conclusions, Mme [J] ne sollicite ni l’annulation, ni l’infirmation de cette décision. Elle demande seulement à la cour de réformer le jugement du 20 septembre 2022.
En conséquence, son appel ne porte que sur le jugement du 20 septembre 2022, les critiques qu’elle forme à l’encontre de la décision du 21 juin 2022 ne constituant qu’un moyen développé au soutien de cet appel.
Sur la recevabilité de l’appel
Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’il n’est pas fondé sur le deuxième alinéa de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement ordonnant le report de l’adjudication est susceptible d’appel. En l’espèce, le jugement du 20 septembre 2022 est donc susceptible d’appel, ce que d’ailleurs le Crédit Mutuel ne conteste pas.
La fin de non-recevoir soulevée par le Crédit Mutuel est tirée de ce que Mme [J] ne s’est pas lors de l’audience du 20 septembre 2022 opposée au renvoi et que faute d’avoir soulevé ce moyen devant le premier juge, son appel est irrecevable.
Bien qu’aucun texte ne soit invoqué au soutien de cette argumentation, la cour relève que Mme [J] ne forme ni une contestation ni une demande incidente auxquelles pourraient être opposées les dispositions de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution.
Par ailleurs, il est indiqué dans le jugement dont appel qu’elle n’était ni présente ni représentée à l’audience du 20 septembre 2022.
En conséquence, son appel du jugement du 20 septembre 2022 est recevable.
Sur le fond
Aux termes de l’article R. 322-27 du code des procédures civiles d’exécution, au jour indiqué pour la vente forcée des biens saisis, le créancier poursuivant ou, à défaut, tout créancier inscrit, alors subrogé dans les poursuites, sollicite la vente et si aucun créancier ne sollicite la vente, le juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie. Dans ce cas, le créancier poursuivant défaillant conserve à sa charge l’ensemble des frais de saisie engagés sauf décision contraire du juge spécialement motivée.
Par ailleurs, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, l’article R. 322-28 du même code énonce que La vente forcée ne peut être reportée que pour un cas de force majeure ou sur la demande de la commission de surendettement formée en application des articles L. 722-4 ou L. 721-7 du code de la consommation.
En l’espèce, Mme [J] critique les conditions dans lesquelles la vente forcée a été reportée par simple mention au dossier du 21 juin au 20 septembre 2022. Elle prétend que dès le 21 juin 2022 le juge de l’exécution devait constater la caducité du commandement et ne pouvait pas renvoyer le dossier au 20 septembre 2022 et qu’en raison des vices affectant cette première décision, le jugement du 20 septembre 2022 doit par voie de conséquence être réformé.
Dans les circonstances de l’espèce, la Caisse d’Epargne créancier poursuivant ayant indiqué dès le 9 juin 2022 qu’elle ne poursuivrait pas la vente forcée des biens saisis à l’audience du 21 juin 2022, le Crédit Mutuel, créancier inscrit, était en mesure lors de cette audience, le cas échéant oralement ainsi que le permet l’article R 311-9 du code des procédures civiles d’exécution, de demander sa subrogation dans les droits du créancier poursuivant. Ainsi, il ne se trouvait pas dans un cas de force majeure, ce d’autant que le désistement du créancier poursuivant n’est pas imprévisible et doit en toute hypothèse être anticipé par le créancier inscrit dès que le commandement lui est dénoncé et qu’il est assigné à l’audience d’orientation.
C’est donc à tort que le 21 juin 2022, le premier juge a considéré qu’il existait un cas de force majeure justifiant le report de l’adjudication au 20 septembre 2022.
En conséquence, ainsi que le soutient à juste titre Mme [J], à l’audience du 21 juin 2022, le juge de l’exécution aurait dû constater en application des dispositions rappelées ci-dessus que :
– le créancier poursuivant ne sollicitait pas la vente forcée, ce qu’il n’a fait que dans le jugement du 18 novembre 2022 rectifiant celui du 20 septembre 2022,
– le créancier inscrit ne demandait pas à être subrogé dans les droits du créancier poursuivant,
– aucun cas de force majeure ne pouvait justifier le report de la vente forcée des biens saisis,
– le commandement du 30 mars 2020 était donc caduc.
Cette erreur constitue un vice originel du jugement du 20 septembre 2022 qui ne peut qu’être infirmé en ce qu’il a à nouveau ordonné le report de la vente et relevé que le commandement du 30 mars 2020 conservait ses effets. La cour constatera la caducité du commandement et ordonnera sa radiation auprès des services de la publicité foncière, tous les frais de saisie restant conformément à l’article R. 322-17 du code des procédures civiles d’exécution à la charge de la Caisse d’Epargne créancier poursuivant, qui ne forme aucune demande afin qu’il soit dérogé aux dispositions de ce texte.
Consécutivement, toutes les autres dispositions du jugement du 20 septembre 2022 doivent être infirmées, sans qu’il y ait lieu de statuer à nouveau, sauf à débouter le Crédit Mutuel de sa demande de subrogation dans les droits de la Caisse d’Epargne et de toutes ses demandes subséquentes.
Le jugement rectificatif du 18 novembre 2022 doit être confirmé.
Sur les frais de procès
Les dépens d’appel seront conformément à l’article 696 du code de procédure civile mis à la charge du Crédit Mutuel.
Dans les circonstances particulières de l’espèce, il convient de débouter Mme [J] de la demande qu’elle présente sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant dans les limites de sa saisine,
Déclare recevable l’appel formé par Mme [J] à l’encontre du jugement du 20 septembre 2022 et du jugement rectificatif du 18 novembre 2022,
Confirme le jugement rectificatif du 18 novembre 2022,
Infirme le jugement du 20 septembre 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Constate la caducité du commandement du 30 mars 2020, publié le 29 mai 2020 auprès du service de la publicité foncière de [Localité 13] 2, volume 2020 S n°17,
Ordonne la radiation de ce commandement auprès du service de la publicité foncière,
Dit que les frais de la saisie resteront à la charge de la Caisse d’Epargne,
Déboute le Crédit Mutuel de sa demande de subrogation dans les droits de la Caisse d’Epargne et de toutes ses demandes subséquentes,
Condamne le Crédit Mutuel aux dépens d’appel,
Déboute Mme [J] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,