27/06/2023
ARRÊT N° 418/2023
N° RG 22/03739 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PBZH
EV/CD
Décision déférée du 08 Juin 2018 – Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN – 14/00090
M. SAINTE CLUQUE
G.F.A. GFA SAINT GILLES
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD
MEDITERRANEE
IRRECEVABILITE DE L’APPEL
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
***
APPELANT
G.F.A. SAINT GILLES
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
Représentée par Me Emmanuelle ASTIE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD
MEDITERRANEE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siége.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Patrick SAGARD de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
Par acte notarié reçu le 22 décembre 1997, le groupement foncier agricole (GFA) Saint-Gilles a emprunté à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée (CRCAM) la somme principale de 68’602,06 € remboursable en 144 mois, avec intérêts au taux de 6,75 %.
Par acte notarié reçu le 23 juin 1998, le GFA Saint-Gilles a emprunté à la même banque la somme principale de 19’361,03 € remboursable en 144 mois avec intérêts au taux nominal de 6,75 %.
Par jugement du 24 juin 2008, le tribunal de grande instance de Perpignan a condamné solidairement le GFA Saint-Gilles, M. [P] [S] et Mme [X] [H] épouse [S] à payer à la CRCAM Sud Méditerranée :
‘ 25’958,09 € avec intérêts au taux de 4,80 % à compter du 26 septembre 2007,
‘ 9815,29 € avec intérêts au taux de 5,70 % à compter du 26 septembre 2007,
‘ 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 14 février 2014, la CRCAM Sud Méditerranée a fait délivrer au GFA Saint-Gilles, un commandement valant saisie-immobilière de payer la somme totale de 131’206,69 € en exécution de ces trois titres et portant sur différentes parcelles de terre situées dans la commune de [Localité 5] dans les Pyrénées-Orientales. Le 10 mars 2014, le commandement était publié au bureau des hypothèques de [Localité 4], volume 2014-S-n°40.
Par acte du 30 mai 2014, la banque a saisi le juge de l’exécution près le Tribunal de Grande Instance de Perpignan afin :
– d’être autorisée à vendre des parcelles de terre et immeubles situés sur la Commune de [Localité 5] telles que définies dans l’assignation introductive d’instance,
– de fixer la mise à prix à 35 000,00 €.
Suite à une vente de gré à gré intervenue le 17 février 2016, la banque a perçu la somme de 97’918,38 € affectée au règlement des emprunts notariés et selon acte du 2 février 2016, publié au bureau des hypothèques le 15 mars 2016, elle a donné mainlevée du commandement de payer valant saisie- immobilière.
Par jugement rendu le 08 juin 2018, le juge de l’exécution de Perpignan a :
‘ déclaré parfait le désistement de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée et constaté l’extinction de l’instance,
‘ dit en conséquence n’y avoir lieu à statuer sur les contestations formées par le GFA Saint-Gilles,
‘ dit n’y avoir lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée aux entiers dépens.
Par déclaration du 28 juin 2018, le GFA Saint-Gilles a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 16 mai 2019, la cour d’appel de Montpellier a déclaré irrecevable l’appel relevé par le GFA Saint-Gilles comme non conforme aux dispositions de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution.
Le 10 juillet 2019, le GFA Saint-Gilles a formé un pourvoi contre cette décision
Par arrêt du 22 octobre 2020 la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel comme ayant statué sans respect du principe du contradictoire en ce que pour déclarer l’appel du GFA irrecevable, l’arrêt retient, après avoir rappelé les termes de l’article R 322-19 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 919 du code de procédure civile que force est de constater que la procédure suivie par le GFA ne respecte pas les dispositions du premier de ces articles ; qu’en statuant ainsi sans avoir au préalable invité les parties à s’expliquer sur ce moyen relevé d’office, la cour a violé l’article 16 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 octobre 2022, le GFA Saint-Gilles a saisi la cour d’appel de Toulouse désignée comme juridiction de renvoi.
Par ordonnance du 28 octobre 2022, le magistrat délégué par la première présidente de la cour d’appel de Toulouse a autorisé le GFA Saint-Gilles à faire assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée .
Par ordonnance du 16 février 2023, la présidente de la troisième chambre de la cour d’appel de Toulouse:
– s’est déclarée incompétente au profit de la cour pour statuer sur la recevabilité de la déclaration de saisine du 20 octobre 2022, sur la recevabilité de l’appel et sur la péremption de l’instance,
– a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de la cour statuant en formation collégiale à l’audience du 15 mai 2023 à 14h00,
– a réservé les dépens et la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 10 mai 2023, le GFA Saint-Gilles demande à la cour de:
In limine litis
A titre liminaire, il est demandé, à la cour le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries,
In limine litis
‘ juger que le Juge de l’exécution ne pouvait faire droit au désistement de l’intimée en l’état de l’opposition et des demandes au fond ainsi que des demandes reconventionnelles du défendeur
Vu les contestations et moyens du GFA Saint-Gilles, et son opposition au désistement d’instance.
Vu l’article L.213-6 du Code de l’Organisation judiciaire et son application.
‘ infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2018 par le Tribunal de Grande instance de Perpignan,
Statuant à nouveau:
‘ juger que les actes notariés du prêt n°69294501PR et du prêt n°715343019PR ont perdu leur caractère exécutoire.
‘ juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a perçu une somme supérieure aux montants pouvant être exigés.
‘ juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée au GFA Saint-Gilles doit restituer les sommes perçues à tort .
Vu l’absence de déchéance du prêt, n° 692945011 PR, du 22/12/1997 et du prêt, n°715343019 PR, du 23/07/1998
‘ juger qu’à défaut de déchéance des prêts, le commandement de payer en date du 14 février 2014 est nul et avec tous les actes subséquents.
‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée reconventionnellement au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC,
‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 21 février 2023, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée demande à la cour de:
À titre principal,
‘ juger le GFA Saint-Gilles irrecevable en son appel,
À titre subsidiaire,
Vu l’article 1235 ancien du code civil,
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui,
‘ juger que la procédure de saisie immobilière est devenue sans objet en l’état de la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière donnée dans l’acte du 17 février 2016,
‘ juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée s’est expressément désistée de la procédure de saisie immobilière engagée,
‘ juger par conséquent que le juge de l’exécution n’est plus compétent pour trancher les contestations élevées à l’occasion de la saisie immobilière, ni pour statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s’y rapportant,
‘ confirmer par conséquent le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En tant que de besoin,
Vu les articles 1134 ancien du code civil et L 133-6 et suivants du code monétaire et financier,
‘ juger que le GFA Saint-Gilles a donné ordre irrévocable à son notaire de payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 97.918,38 €,
‘ juger les contestations élevées par le GFA Saint-Gilles irrecevables,
‘ débouter le GFA Saint-Gilles de ses demandes, fins et conclusions,
À titre très subsidiaire,
1) sur la nullité du commandement
À titre principal,
Vu l’article 112 du code de procédure civile,
‘ juger le GFA Saint-Gilles irrecevable à soulever cette exception de nullité à ce stade de la procédure,
À titre subsidiaire,
‘ juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée s’est valablement prévalue de la déchéance du bénéfice du terme des prêts,
Vu l’article 502 du code de procédure civile,
Vu l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution,
‘ juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée agit en vertu de titres exécutoires,
En conséquence,
‘ rejeter l’exception comme infondée,
2) Sur l’imputation des sommes
‘ juger que l’imputation des sommes effectuée par Maître [L] [B] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan n’a pas porté sur des créances litigieuses,
‘ débouter par conséquent le GFA Saint-Gilles de ses demandes, fins et conclusions,
3) sur les intérêts au taux majoré
Vu les articles 2240 et suivants du code civil,
‘ juger que la créance d’intérêts de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée n’est pas prescrite,
‘ débouter le GFA Saint-Gilles de ses demandes de ce chef,
4) sur la vente amiable
‘ juger ce chef de demande sans objet et de surcroît mal fondé,
‘ débouter le GFA Saint-Gilles de ce chef de demande,
5) sur la validité des actes notariés,
À titre principal,
‘ juger le GFA Saint-Gilles irrecevable en sa demande en ce qu’il est dépourvu de qualité pour critiquer les conditions de la représentation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée lors de la signature des actes litigieux,
À titre subsidiaire,
‘ débouter, à titre subsidiaire, le GFA Saint-Gilles en ce que sa demande n’est pas fondée,
En toutes hypothèses,
‘ juger que le défaut d’annexion des procurations est sans incidence sur le caractère authentique et exécutoire des actes litigieux,
En toutes hypothèses
‘ condamner le GFA Saint-Gilles à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 9 mai 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
La cour relève que l’intimée ne conteste pas la validité de la déclaration de saisine de la cour d’appel sur renvoi de cassation ni la péremption de l’instance.
Sur la recevabilité de l’appel:
Le GFA Saint-Gilles considère que les dispositions de l’article R 322-19 du code des procédures civiles d’exécution n’avaient pas à s’appliquer. En effet, le jugement d’orientation tel que défini à l’article R 322-5 du même code est celui qui tranche les éventuelles contestations et demandes incidentes et autorise la vente amiable ou ordonne la vente forcée de l’immeuble, ce qui n’était pas le cas du jugement déféré qui n’a tranché aucune question, fixé aucune créance ni ordonné une vente amiable ou forcée.
En conséquence, ce jugement pouvait faire l’objet d’un recours selon la procédure ordinaire.
La CRCAM oppose que l’instance devant la cour de Montpellier aurait dû être engagée selon la procédure à jour fixe qui ne peut être régularisée devant la cour de renvoi.
Par note en délibéré du 13 juin 2023, les parties étaient invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour le juge de soulever d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’appel en l’absence de respect des dispositions de l’article R 322-19 code des procédures civiles d’exécution.
Le 13 juin 2023, la CRCAM a rappelé les termes de l’arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2012 confirmant cette possibilité.
Le 19 juin 2023, le GFA Saint-Gilles a opposé que cette disposition ne s’appliquait pas le jugement contesté n’étant pas un jugement d’orientation, que de plus la cassation replaçant les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant le jugement cassé, en application de l’article 625 du code de procédure civile,l’ordonnance ayant autorisé la fixation à jour fixe a régularisé la procédure.
La cour rappelle que selon l’article 631 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation et qu’il laisse subsister toute la procédure suivie devant la juridiction dont la décision a été annulée, jusqu’à l’ordonnance de clôture.
En conséquence, la banque qui soulève l’irrecevabilité de l’appel après avoir conclu au fond devant la cour d’appel de Montpellier ne peut être déclarée recevable à le faire devant la cour de renvoi.
Cependant, il résulte de la combinaison de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution et des articles 122 et 125 du code de procédure civile que l’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe, à peine d’irrecevabilité relevée d’office.
En conséquence, la cour de renvoi doit soulever d’office ce moyen, sous réserve du respect du principe du contradictoire.
Or, en l’espèce, les parties se sont expliquées sur la recevabilité ou non de l’appel formé sans qu’il soit procédé selon la procédure à jour fixe. Le principe du contradictoire a donc bien été respecté.
La cour rappelle que l’appel des jugements rendus à l’audience d’orientation par le juge de l’exécution relèvent de la procédure à jour fixe, en application de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, même si, comme en l’espèce, il n’ordonne ni la vente forcée ni la vente amiable du bien.
Or, en l’espèce,le GFA Saint-Gilles ne justifie pas avoir présenté au premier président de la cour d’appel de Montpellier une requête sollicitant l’autorisation d’assigner à jour fixe.
De plus, l’instance initiale se poursuivant devant la juridiction de renvoi et conformément aux dispositions de l’article 631 du code de procédure civile, le respect tardif des formalités prévues à l’article R 322-19 du code de procédure civile d’exécution plus de huit jours après le jugement déféré ne peut valoir régularisation dès lors qu’elles n’ont pas été accomplies dans le délai légal.
En conséquence, l’appel doit être déclaré irrecevable.
L’équité commande de rejeter les demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le GFA Saint-Gilles sera condamné à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond conformément aux dispositions de l’article 639 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Déclare la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée irrecevable à soulever l’irrecevabilité de l’appel présenté par le chef à Saint-Gilles,
Déclare irrecevable l’appel du GFA Saint-Gilles,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes des parties à ce titre,
Condamne le GFA Saint-Gilles à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond comprenant ceux de la décision cassée.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER