27/06/2023
ARRÊT N° 424/2023
N° RG 22/02936 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O54K
EV/IA
Décision déférée du 27 Juillet 2022 – Juge de l’exécution de TOULOUSE ( 21/05388)
J-M.GAUCI
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUS E 31
C/
[G] [M] épouse [C]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUS E 31 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [G] [M] épouse [C]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Séverine CONTE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
Par acte authentique du 2 mars 2010, M. [C] et Mme [R] [M] épouse [C], mariés sous le régime de la communauté légale, ont acquis une maison à usage d’habitation située [Adresse 5].
Pour financer cette acquisition, le couple a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 (CRCAM [Localité 1] 31) un prêt d’un montant de 230’000 € au taux de 4,25 % moyennant des mensualités de 1246 € pendant 300 mois.
Des impayés ont entraîné la déchéance du terme et l’engagement d’une procédure de saisie-immobilière.
Par jugement d’orientation du 26 octobre 2020, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a fixé la créance de la banque à la somme de 216’686,90 € et autorisé les époux [C] à procéder à la vente amiable du bien.
L’immeuble a été vendu moyennant 145’700 € ce qui a permis le désintéressement de la banque à hauteur de la somme de 144’002 € qui a été affectée au capital des sommes dues.
Par décision du 26 février 2021, le juge de l’exécution a constaté la vente amiable et ordonné la radiation des inscriptions.
Pour le solde de sa créance, la banque a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien dont Mme [R] [M] épouse [C] est propriétaire en propre à [Localité 6] publiée le 25 octobre 2021 sous le volume 2001V n° 10’218 et dénoncée à la propriétaire le 26 octobre suivant.
Par acte du 26 novembre 2021, Mme [M] épouse [C] a fait assigner la CRCAM [Localité 1] 31 à l’audience du 15 décembre 2021 devant le juge de l’exécution de Toulouse afin d’obtenir la mainlevée de l’inscription et à titre subsidiaire le cantonnement de la mesure au seul lot n°1 de l’immeuble de [Localité 6].
Par décision du 27 juillet 2022, le juge de l’exécution de [Localité 1] a :
‘ déclaré recevable l’action de Mme [R] [M] épouse [C],
‘ ordonné la mainlevée immédiate et la radiation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire prise sous le volume 2001V n° 10’218, selon bordereau d’inscription du 22 octobre 2021,
‘ condamné la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 à payer à Mme [R] [M] épouse [C] la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la caisse de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 aux dépens,
‘ rejeté toute autre demande,
‘ rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 29 juillet 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 a formé appel de la décision en ce qu’elle : «déclare recevable l’action de Mme [R] [M] épouse [C], ordonne la mainlevée immédiate et la radiation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire, prise sous le volume 2021V n°10218, selon bordereau d’inscription du 22 octobre 2021, condamne la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 à payer à Mme [R] [M] épouse [C] la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse de crédit agricole mutuel de [Localité 1] 31 aux entiers dépens de l’instance, rejette toute autre demande. ».
Par dernières conclusions du 30 août 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 demande à la cour de :
‘ rejeter toutes conclusions contraires comme injuste et mal fondées,
Vu le titre exécutoire,
Vu le solde de la créance,
‘ dire et juger que la banque détient une créance certaine, liquide et exigible,
‘ dire et juger que la banque justifie de menaces dans le recouvrement de sa créance,
Vu les articles R 332-1 et suivants du CPCE,
‘ dire et juger que l’hypothèque provisoire est régulière et valable,
En conséquence,
‘ réformer le jugement du 27 juillet 2022 en ce qu’il a ordonné la mainlevée de l’inscription provisoire d’hypothèque,
‘ dire et juger que l’hypothèque provisoire est régulière et valable malgré la clause de retour conventionnel et d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer,
‘ débouter Mme [C] de sa demande de mainlevée de l’hypothèque,
‘ débouter Mme [C] de sa demande de cantonnement de l’inscription sur le lot 1 de la copropriété, affecté en garantie,
‘ condamner Mme [C] à la somme de 1500 €, en application de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions du 22 septembre 2022, Mme [C] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L 111-7,L121-2,L511-1, R 511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Vu le jugement,
A titre principal :
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la mainlevée et la radiation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire selon bordereau d’inscription en date du 22 octobre 2021,
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 au paiement au profit de Mme [C] de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre subsidiaire :
‘ ordonner le cantonnement de la mesure conservatoire au seul lot n°1 dépendant de l’immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 6], cadastré section BR n°[Cadastre 2],
En tout état de cause,
‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 1] 31 à régler à Mme [C] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction est intervenue le 3 mai 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
La CRCAM [Localité 1] 31 considère que les circonstances du dossier établissent le péril de la créance et les circonstances susceptibles de menacer son recouvrement puisque les époux [C] ont cessé le règlement des échéances l’obligeant à prononcer la déchéance du terme et à résilier le contrat. Elle a alors été contrainte à procéder à la saisie-immobilière du bien immobilier objet de l’emprunt initial. Cependant, après la vente, Mme [C] n’a pas soldé sa dette ni proposé de solution amiable et ce n’est qu’après la prise d’hypothèque qu’elle a présenté des offres de règlement et des informations sur sa nouvelle situation.
Elle conteste le fait que les mensualités du prêt aient continué à être prélevées depuis la décision du 26 février 2021 du juge de l’exécution constatant la vente amiable.
Enfin, elle relève que malgré une situation financière favorable, les époux [C] n’ont effectué aucun règlement spontané l’obligeant à procéder par voie de saisie immobilière et de loyer.
Elle souligne ne jamais avoir refusé la demande de vente amiable alors qu’au contraire elle l’a expressément acceptée devant le juge de l’exécution et rappelle que différents projets de vente du bien objet de l’emprunt n’ont pas abouti du fait des époux [C].
Elle rappelle enfin que le bien objet du présent litige est constitué de deux lots et que Mme [C] n’a pas proposé de régler sa dette en procédant à la vente de l’un d’eux.
Mme [C] ne conteste pas l’apparence de créances mais le péril allégué par la banque dans son recouvrement.
Elle affirme qu’entre la déchéance du terme le 15 mars 2015 et la perception effective du produit de la vente le 29 septembre 2021, des remboursements ont été effectués et que la banque a fait échouer une vente amiable sur le bien objet de l’emprunt en 2018. Elle souligne que ce n’est qu’un mois après la perception du prix de vente de l’immeuble objet du prêt que la banque a pris une inscription hypothécaire judiciaire provisoire sur son bien propre.
Elle souligne que le couple est dans une situation financière plus favorable permettant d’assumer un remboursement de leur dette de manière échelonnée et que le bien objet de l’inscription hypothécaire a été reçu par donation et grevé d’une clause d’inaliénabilité de sorte que le créancier ne pourra obtenir paiement immédiat du solde de la créance.
L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : «Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. ».
En l’espèce, il n’est pas contesté que la créance fondant la mesure conservatoire à hauteur de 90’000 € paraît fondée dans son principe, seule l’existence de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement étant discutée.
Il est constant qu’il ne peut être fait droit à une telle requête qu’en raison de craintes sérieuses sur la situation financière objective du débiteur ou de son attitude.
En l’espèce, par jugement du 26 octobre 2020, le juge de l’exécution de Saint-Gaudens a fixé la créance de la CRCAM [Localité 1] 31 à la somme de 216’686,90 € au 13 mai 2020 et autorisé la vente amiable du bien des époux [C] acquis grâce à l’emprunt souscrit.
La vente amiable du bien n’a pas suffi à apurer la dette des époux [C] qui, à compter du 8 avril 2022, c’est-à-dire en cours de procédure, ont proposé à la banque des modalités pour apurer leur dette par mensualités de 750 € par courrier du 8 avril 2021 puis de 1000 € selon courrier du 16 septembre 2022.
Il résulte des pièces versées que les époux [C] ont déclaré pour leurs revenus de l’année 2020 la somme de 38’417 € au titre des salaires perçus par M. [C] et de 7476 € au titre des revenus fonciers de Mme [C].
De plus, Mme [C] est propriétaire en propre du bien immobilier objet du litige pour lequel elle a produit des avis de valeur qui ne sont pas contestés par la banque et desquels il ressort que le bien est évalué entre 490’000 et 510 000 € dans son ensemble, chacun des lots étant évalué entre 350 et 370’000 € pour le premier entre 160 et 180’000 € pour le second.
Dès lors, il apparaît que Mme [C] dispose d’une capacité de remboursement suffisante pour qu’aucune menace ne puisse être retenue pour le recouvrement de la créance du Crédit Agricole d’un strict point de vue financier.
Il convient dès lors de rechercher si l’attitude de Mme [C] est de nature à caractériser une menace pour le recouvrement de sa créance par la CRCAM [Localité 1] 31.
La banque fait valoir que :
‘ les propositions de règlement par Mme [C] ont été tardives ou d’un montant insuffisant,
‘ la vente amiable du premier bien immobilier des débiteurs a été retardée,
‘ des délais de paiement ne peuvent lui être imposés,
‘ Mme [C] a contesté le montant de sa créance.
Cependant, le simple retard dans des propositions de règlement ou la contestation initiale d’une dette qui est un droit pour un débiteur, alors que par ailleurs la banque ne démontre pas la faute des débiteurs dans le cadre de la vente du premier bien immobilier sont des éléments insuffisants à permettre de présumer chez Mme [C] une intention d’organiser son insolvabilité ou à menacer le recouvrement de sa créance par la banque à défaut d’acte matériel circonstancié et alors que le patrimoine de l’intimée est suffisant pour permettre le paiement de la somme due.
Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a ordonné la mainlevée et la radiation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire.
L’équité commande de confirmer le jugement déféré sur l’article 700 du code de procédure civile et de faire droit à la demande de Mme [C] à ce titre à hauteur de 1000 €.
Les dépens resteront à la charge de la CRCAM [Localité 1] 31.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement déféré,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 à verser à Mme [G] [M] épouse [C] 1000 € ,
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M.BUTEL C. BENEIX-BACHER