Saisine du juge de l’exécution : 28 juin 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00182

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Saisine du juge de l’exécution : 28 juin 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00182

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 28 JUIN 2023

N° RG 22/00182

N° Portalis DBVE-V-B7G-CDPQ JJG – C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Juge de l’exécution d’AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Mars 2022, enregistrée sous le n° 20/00153

[Z]

C/

[W]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

VINGT-HUIT JUIN DEUX-MILLE-VINGT-TROIS

APPELANTE :

Mme [U], [I] [Z]

née le 23 Décembre 1964 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

INTIMÉ :

M. [B], [O], [J] [W]

né le 7 Avril 1976 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 avril 2023, devant la cour composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte du 13 octobre 2020, Mme [U] [Z] a assigné M. [B] [W] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Ajaccio aux fins de liquidation de l’astreinte prononcée à son encontre, de l’entendre condamner à lui payer la somme de 521 500 euros à ce titre outre la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Par jugement du 2 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Ajaccio a :

Vu le transport sur les lieux effectué le neuf novembre 2021 ;

Constatant l`impossibilité d`exécuter les travaux de démolition lié au refus de la demanderesse de permettre l`accès à sa partie privative constitutive d`une cause étrangère ;

Ordonné la suppression de l`astreinte résultant du jugement du 05 octobre 2017 ;

Rejeté les demandes de Madame [Z] [U] ;

Condamné Madame [Z] [U] à payer à Monsieur [W] [B] la somme de trois Mille euro (3.000,00) en application des dispositions de l`article 700 du code de Procédure Civile;

Laissé les dépens à la charge de Madame [Z] [U] ;

Par déclaration au greffe du 17 mars 2022, Mme [U] [Z] a interjeté appel du jugement prononcé en ce qu’il a :

Constatant l`impossibilité d`exécuter les travaux de démolition lié au refus de la demanderesse de permettre l`accès à sa partie privative constitutive d`une cause étrangère ;

Ordonné la suppression de l`astreinte résultant du jugement du 05 octobre 2017 ;

Rejeté les demandes de Madame [Z] [U] ;

Condamné Madame [Z] [U] à payer à Monsieur [W] [B] la somme de trois mille euros en application des dispositions de l`article 700 du code de Procédure Civile ;

Laissé les dépens à la charge de Madame [Z] [U] ;

Par conclusions déposées au greffe le 30 septembre 2022, Mme [U] [Z] a demandé à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 02.03.2022 par le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire d’Ajaccio

Statuant à nouveau,

Vu les Articles L 131-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

Vu le jugement de liquidation d’astreinte du 05.10.2017 et sa signification

Vu l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 05.10.2017 confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Bastia du 17.03.2021

Vu la réponse de la Ville d'[Localité 3] du 19.04.2022 rappelant qu’en l’absence de mitoyenneté il faut respecter un recul de 3 mètres

Vu l’article 1355 du code civil,

Recevoir Madame [U] [Z] en son action et y faire droit à défaut d’exécution de Monsieur [W] de la démolition le mur édifié par ses soins et prenant appui sur la propriété de Madame [Z], tel que cela a été ordonné par la Cour d’Appel de Bastia par arrêt en date du 23 mars 2007, régulièrement signifié le 9 mai 2016.Liquider l’astreinte à la somme de 521.500 euros pour la période écoulée au 08.10.2020 outre et désormais les astreintes qui ont couru depuis.

En conséquence,

Condamner Monsieur [B] [W] à payer la somme de 521 500 euros arrêtée au 08.10.2020 outre 19 mois supplémentaires au 1 er mai 2022, 51 000 euros, soit au total la somme de 572.500 euros.

Condamner Monsieur [W] à une astreinte définitive de 1000,00 euros par jour de retard à défaut d’exécution dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir.

Condamner Monsieur [W] à payer à Madame [Z] la somme de 10.000,00 euros

en application de l’Article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

SOUS TOUTES RÉSERVES.

Par conclusions déposées au greffe le 30 janvier 2023, M. [B] [W] a demandé à la cour de :

Vu les articles L 131-1 et suivants du code des Procédure Civiles d’exécution ;

Vu le jugement du 2 mars 2022.

Au principal ;

Confirmer le jugement du 2 mars 2022 en toutes ses dispositions.

Juger qu’il ne peut y avoir autorité de la chose jugée sur la décision prononçant une astreinte.

Juger que Monsieur [B] [W] est dans l’impossibilité d’exécuter la fin des travaux mis à sa charge en raison du refus manifesté par Madame [Z] de lui permette d’accéder à sa terrasse privative, même par un échafaudage.

Juger qu’i1 s’agit d’une cause étrangère ne permettant pas de liquider l’astreinte.

Juger n’y a avoir lieu à liquider l’astreinte.

Supprimer la nouvelle astreinte mise à la charge de Monsieur [B] [W] par le juge de l’exécution suivant jugement en date 5 octobre 2017 et la Cour d’Appel dans son arrêt du mars 2021, sur le fondement de la cause étrangère.

Juger n’y avoir lieu à fixer une astreinte définitive de 1.000,00 euros, par jour de retard.

Débouter Madame [Z] de ses demandes, fins et prétentions.

Condamner Madame [Z] au paiement de la somme de 10.000,00 euros au titre de 1’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

Subsidiairement ;

Réduire à l’euro symbolique le montant de 1’astreinte à liquider.

Sous toutes réserves.

Par ordonnance du 1er février 2023, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 6 avril 2023.

Le 6 avril 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l’article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge, après un transport sur les lieux, a constaté que l’intimé avait, selon lui, tout mis en ‘uvre pour exécuter son obligation de démolition, mais qu’en raison de l’opposition de l’appelante à lui laisser un accès à sa terrasse, la démolition imposée ne pouvait se réaliser.

* Sur l’obligation de démolition

Par arrêt du 23 mars 2016, signifié le 9 mai 2016 à domicile, le chambre civile de la cour d’appel de Bastia a, en ces termes, ordonné, après avoir constaté l’existence d’un empiétement des travaux réalisés par M. [B] [W] sur la propriété de Mme [Z], «la démolition du mur édifié par M. [B] [W], au N°[Adresse 1] à [Localité 3], formant rehausse du mur appartenant à Mme [U] [Z] sis à [Localité 3] BY N°[Cadastre 2], au [Adresse 4] (3ème et dernier étage) et prenant appui sur le mur extérieur de ce même immeuble, sous astreinte provisoire de cent euros (100 euros) par jour de retard, passé un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision..».

Cette obligation est claire.

D’ailleurs dans un jugement du 5 octobre 2017, aujourd’hui définitif, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Ajaccio, dans sa motivation, avant de liquider l’astreinte provisoire fixée et de condamner M. [B] [W] à payer la somme de 25 000 euros, a écrit, alors que M. [W] revendiquait une décision inapplicable, que la «juridiction n’est pas dupe des intentions à peine secrètes du défendeur, obtenir du juge de l’exécution la censure de l’arrêt de cette cour d’appel», ajoutant «que le juge de l’exécution n’est pas un troisième degrés de juridiction dont l’analyse juridique serait à la fois plus fine et plus aiguisée….Que cette juridiction sans faire preuve d’une grande science est convaincue que Monsieur [W], n’a jamais eu l’intention de s’exécuter et qu’en l’espèce, c’est toujours même note et pareil entretien, ‘je voudrais bien mais je ne peux point ‘».

Dans le jugement entrepris, après un transport sur les lieux, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Ajaccio a constaté l’impossibilité d’exécuter les travaux de démolition «lié au refus de la demanderesse [Mme [Z]] de permettre l’accès à sa partie privative constitutive d’une cause étrangère» se fondant sur les dispositions de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution.

La cause étrangère englobe différentes hypothèses, à savoir, notamment, la force majeure et le cas fortuit, mais également le fait d’un tiers ou de la victime. Il est constant que la preuve de cette cause étrangère est subordonnée à la démonstration d’une impossibilité d’exécution que les juges du fond apprécient souverainement.

En l’espèce le premier juge a relevé l’existence de travaux préparatoires dans l’appartement de M. [W] destinés à stabiliser, selon lui, la structure de la mini toiture et permettre l’exécution de la démolition ordonnée, toujours selon le premier juge, toutes les garanties quant à une exécution dans les règles de l’art ont été détaillées -suivi par un ingénieur béton, présence de trois ouvriers pendant huit jours- ajoutant que la démolition nécessitait un accès à la partie privative de la terrasse de Mme [Z], et que plusieurs solutions avaient été proposées à cette dernière qui les aurait toutes refusées.

Pour ce faire, M. [W] produit deux courriers émanant de M. [T] [V], ingénieur technique bâtiment et génie-civil, faisant état qu’une partie des travaux qu’il avait préconisés en 2016 avait été exécutée mais que les travaux n’avaient pu être finalisés, «notamment ceux concernant la destruction du mur édifié au niveau de la terrasse de l’avoisinant puisqu’il nécessite l’accès par cette terrasse privative compte tenu de la grande hauteur et des difficultés d’étaiement sur un toit en tuiles sans les mettre en péril».

Le premier juge a retenu que cela constituait bien la cause étrangère de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution et permettait, compte tenu de l’impossibilité d’exécuter les travaux de démolition, de supprimer l’astreinte provisoire fixée judiciairement.

L’intimé fait état, pour renforcer son argumentaire, d’un accord de Mme [Z] pour passer par sa terrasse pour finaliser les travaux, accord donné en son temps mais dont il ne justifie nullement.

Or, il résulte de la motivation même de l’arrêt du 23 mars 2016 que, pour réaliser un mur de grande hauteur et lui faire soutenir un toit de tuiles posant actuellement difficulté pour l’exécution de la démolition ordonnée, M. [B] [W] a, alors qu’il n’était pas propriétaire du mur en question, rehaussé le dit mur et que mur porte un velux en toiture, ce qui n’était pas le cas à l’origine.

En résumé, la cause étrangère revendiquée est née de l’empiétement de M. [W] sur la propriété de sa voisine. Ce dernier s’abrite sur les conséquences résultant de la remise en état initiale des lieux pour ne pas exécuter la démolition ordonnée.

Il est constant que le mur a été rehaussé, et il n’est pas contestable que sa grande hauteur et son rôle de soutien de la toiture comportant un velux sont des obstacles à sa démolition ordonnée.

Ainsi, parce que M. [W] a rehaussé un mur ne lui appartenant pas et fait reposer la toiture d’une de ses pièces sur ce mur qui ne lui appartient toujours pas, il ne pourrait pas démolir ce dernier, ce qui revient à entériner sa voie de fait et l’empiétement réalisé.

En effet, M. [B] [W] a pu réaliser sa construction en violation du droit de propriété de sa voisine -et non comme il l’écrit sur une partie commune- et rien de permet de justifier qu’il ne puisse exécuter les dispositions de l’arrêt sus-visé à partir de son fond si ce n’est de son propre fait ; il ne produit d’ailleurs aucun devis par rapport à ces travaux avec dépose de la toiture reposant sur le mur litigieux réhaussé, ayant validé la solution la moins onéreuse pour lui, sans une fois de plus se préoccuper de l’intérêt de sa voisine.

Or, il lui appartient, et à lui seul, de rétablir Mme [Z] dans son droit par tout moyen, et ce même, si cela suppose une dépose, à ses frais, de la toiture qu’il a fait reposer sur un mur ne lui appartenant pas et qu’il se doit de démolir en exécution de l’arrêt du 23 mars 2016, et ce, à partir de son propre fond, à défaut de contre-indication technique véritable démontrée.

Il convient donc de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

* Sur la liquidation de l’astreinte

Il est démontré que l’absence d’exécution des travaux de démolition ordonnés par l’arrêt du 23 mars 2016 résulte du seul fait de M. [B] [W].

En conséquence, il convient de faire droit à la nouvelle demande de liquidation de l’astreinte fixée.

Cependant, la cour ne peut ignorer que M. [B] [W], pour exécuter la décision de justice prononcée en son encontre à fait appel à un ingénieur en bâtiment, qu’il a suivi les préconisation de ce dernier, non-juriste, qui a fait état de données techniques sans se pencher sur l’origine de la construction irrégulière à démolir et, qu’après un transport sur les lieux du premier juge, ce dernier, malgré son expérience, s’est laissé aussi convaincre par les apparences pour supprimer l’astreinte fixée.

En conséquence, il y a lieu de prendre en compte tous ces paramètres objectifs pour minorer le montant dû de l’astreinte au 1er mai 2022 à 100 000 euros, somme à laquelle il convient de condamner l’intimé au paiement.

* Sur la demande d’astreinte définitive

Mme [U] [Z] sollicite la fixation d’une astreinte définitive à hauteur de 1 000 euros par jour de retard dans les quinze jours de la signification du présente arrêt.

M. [B] [W] ne conclut pas sur cette demande, précisant simplement qu’il n’y avait pas lieu à astreinte définitive, et ce, sans aucun développement,

En conséquence, compte tenu de l’ancienneté de ce litige et de la nécessité pour M. [B] [W] de se conformer enfin à l’obligation de démolition prononcée, il convient de faire droit à la demande présentée, et ce, selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt.

* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

S’il est inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais irrépétibles qu’elle a engagés, il n’en va pas de même pour l’intimé ; en conséquence, il convient de débouter M. [B] [W] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer à Mme [U] [Z] la somme de 10 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Vu l’arrêt du 23 mars 2016,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Liquide l’astreinte mise à la charge de M. [B] [W] à la somme de 100 000 euros pour la période allant jusqu’au 1er mai 2022,

Condamne M. [B] [W] à payer à Mme [U] [Z] la somme de 100 000 euros,

Fixe une astreinte définitive à hauteur de 1 000 euros par jour de retard à la charge de M. [B] [W], à compter du sixième mois suivant la signification du présent arrêt et pour une période de six mois,

Condamne M. [B] [W] au paiement des entiers dépens, tant ceux de première instance qu’en cause d’appel,

Déboute M. [B] [W] de l’ensemble de ses demandes, y compris celles fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [W] à payer à Mme [U] [Z] la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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