REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/18201 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTEV
Décision déférée à la cour
Arrêt du 09 juin 2022 -Cour de cassation
APPELANT
Monsieur [X] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jean-François FRAHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1326
INTIMEE
Madame [D] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2113
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 7 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Par ordonnance de non-conciliation rendue le 8 avril 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a, notamment :
mis à la charge de M. [J] le remboursement en totalité de l’emprunt immobilier relatif à l’acquisition du domicile conjugal, ce au titre de l’exécution du devoir de secours ;
fixé à 400 euros par mois, soit 200 euros par enfant, la contribution de M. [J] à l’entretien et l’éducation des enfants ;
mis les frais de scolarité des enfants à la charge du père.
Par arrêt du 8 juin 2017, la cour d’appel de Paris a, infirmant partiellement l’ordonnance de non-conciliation du 8 avril 2015 :
dit que le règlement provisoire de l’emprunt immobilier relatif à l’acquisition du domicile conjugal se ferait à charge de comptes entre les époux lors de la liquidation du régime matrimonial ;
fixé la part contributive du père à l’entretien et l’éducation des enfants à 300 euros par mois, soit 150 euros par enfant.
Par jugement du 8 avril 2019, confirmé par arrêt du 1er mars 2022 en toutes ses dispositions hormis en ce qui concerne la prestation compensatoire, le divorce des époux [J]-[O] a été prononcé. L’arrêt de la cour d’appel a été frappé d’un pourvoi en cassation, qui est toujours pendant à ce jour.
Agissant en vertu de l’ordonnance de non-conciliation du 8 avril 2015 et de l’arrêt du 8 juin 2017 précités, Mme [O] a fait pratiquer deux saisies-attributions les 20 février et 5 mars 2018, pour avoir paiement de la somme de 20.840 euros en principal, représentant les pensions impayées pour Mme [O] de mai à septembre 2017 (1600 euros), les frais de scolarité pour [G] [J] (10.290 euros) et les frais de scolarité pour [F] [J] (8950 euros).
Par jugement du 12 juin 2018, devenu définitif, le juge de l’exécution a cantonné les effets de ces saisies-attributions des 20 février et 5 mars 2018 à la somme de 10.490 euros en principal, les intérêts et frais devant être recalculés en conséquence.
Agissant à nouveau en vertu de l’ordonnance de non-conciliation du 8 avril 2015, de l’arrêt du 8 juin 2017 et du jugement du juge de l’exécution en date du 12 juin 2018, Mme [O] a fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution le 3 juin 2019 entre les mains du Crédit Agricole pour avoir paiement de la somme de 13.765,53 euros en principal, intérêts et frais. Cette saisie a été dénoncée le 4 juin suivant.
Par acte d’huissier du 28 juin 2019, M. [J] a assigné Mme [O] devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en annulation de la saisie-attribution pratiquée le 3 juin 2019, en remboursement d’un trop-perçu s’élevant à 858,53 euros et en dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 10 octobre 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a :
rejeté les demandes de M. [J] ;
condamné M. [J] aux dépens ;
condamné M. [J] à payer à Mme [O] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 7 janvier 2021, cette cour, autrement composée, a :
confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamné M. [J] aux dépens.
M. [J] a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu 7 janvier 2021.
Par arrêt du 9 juin 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour de céans, au visa du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
Par déclaration du 21 octobre 2022, M. [J] a saisi la cour de céans, désignée cour de renvoi.
Par conclusions signifiées le 9 mai 2023, M. [J] demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
y faisant droit,
réformer le jugement du 10 octobre 2019 ;
statuant à nouveau,
déclarer nul et de nul effet le procès-verbal de saisie-attribution du 3 juin 2019, pratiqué entre les mains du Crédit Agricole à la requête de Mme [O] ;
ordonner en conséquence la mainlevée totale et immédiate de cette saisie-attribution ;
subsidiairement,
cantonner la saisie-attribution du 3 juin 2019 à la somme de 0 euro en principal, intérêts et frais ;
ordonner en conséquence la mainlevée totale et immédiate de cette saisie-attribution ;
en tout état de cause,
condamner Mme [O] à lui payer les sommes suivantes :
858,53 euros à titre de trop-perçu par elle à la suite du jugement rendu le 12 juin 2018 par le juge de l’exécution ;
1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 27 avril 2023, Mme [O] demande à la cour de :
confirmer le jugement du juge de l’exécution de Paris du 10 octobre 2019 ;
en conséquence, débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes,
y ajoutant,
condamner M. [J] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [J] aux entiers dépens, incluant les dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 700 [699] du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution
Pour rejeter la demande de nullité de la saisie-attribution, le juge de l’exécution a rappelé que l’erreur dans le montant de la créance n’affecte pas la validité de la saisie, puisqu’elle n’est pas une cause de nullité prévue par la loi, mais en affecte uniquement la portée ; qu’au cas où des sommes visées ne sont pas dues ou exigibles, il appartient au juge de l’exécution de cantonner la mesure ; mais que, M. [J] ne produisant aucune pièce au soutien de ses demandes, celles-ci ne pouvaient qu’être rejetées.
La première cour d’appel a constaté, en ce qui concerne la demande d’annulation qu’elle n’était soutenue par aucun moyen et, en ce qui concerne la demande de mainlevée, qu’effectivement les causes de la saisie-attribution du 3 juin 2019 étaient identiques à celles des deux saisies précédentes des 20 février et 5 mars 2018, cantonnées à la somme de 10.490 euros en principal par jugement du 12 juin 2018, mais que l’huissier avait précisément déduit le montant résultant du cantonnement précédent auquel il avait ajouté les sommes perçues pour un total de 11.348,53 euros, de sorte qu’il n’existait aucun trop-perçu.
La Cour de cassation a jugé que, ce faisant, la cour d’appel avait dénaturé les documents de la cause, clairs et précis, en confirmant le jugement du juge de l’exécution, après avoir relevé que les causes de la saisie-attribution du 3 juin 2019 étaient identiques à celles de deux saisies précédentes, au motif que l’huissier de justice avait déduit le montant résultant du cantonnement précédent et ajouté les sommes perçues pour un montant total de 11.348,53 euros, alors que le procès-verbal du 3 juin 2019 n’avait pas tenu compte du cantonnement opéré par le jugement du 12 juin 2018 dans le montant des sommes réclamées au débit et ne pouvait l’avoir inclus sous la dénomination dépourvue d’ambiguïté « vos versements à déduire » au crédit.
Aujourd’hui, l’appelant réitère devant la cour de renvoi que la saisie-attribution du 3 juin 2019 doit être déclarée nulle pour méconnaître l’autorité de la chose jugée, puisque, à la suite du jugement du 12 juin 2018 cantonnant la saisie du 20 février 2018 à la somme de 10.490 euros, Mme [O] a déjà perçu plus que cette somme et lui est redevable d’un trop-perçu de 858,53 euros, outre le fait que la saisie du 3 juin 2019 a eu pour effet de bloquer la somme de 1184,89 euros sur son compte bancaire.
Subsidiairement, il fait valoir qu’il ne devait plus aucune des sommes visées au jour de la saisie et prétend en justifier conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, ce qui doit conduire la cour à cantonner la saisie du 3 juin 2019 à 0 euro.
L’intimée soutient à l’inverse que :
le procès-verbal de saisie dressé le 3 juin 2019 vise expressément le jugement du 12 juin 2018 au nombre des décisions fondant la saisie ;
les sommes réglées dans le cadre des saisies antérieures ont été expressément déduites du décompte, contrairement à ce qu’a retenu la Cour de cassation ;
l’appelant échoue à démontrer qu’il se serait libéré de toutes les sommes qu’il devait ; d’ailleurs il ne s’est jamais acquitté de ses obligations alimentaires (ayant été condamné pour abandon de famille) en dépit du nombre important de comptes bancaires dont il dispose.
Certes le procès-verbal de saisie-attribution du 3 juin 2019 a été dressé par l’huissier de justice à la demande de Mme [O] agissant en vertu d’une ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 8 avril 2015, d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 8 juin 2017 et d’un jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris le 12 juin 2018. Pour autant, l’examen attentif de cet acte ne fait apparaître aucune prise en compte de la décision précitée du juge de l’exécution, lequel avait cantonné les effets des saisies-attributions des 20 février et 5 mars 2018 à la somme de 10.490 euros en principal. En effet, si tel avait été le cas, cette somme de 10.490 euros aurait dû être déduite des sommes visées en principal comme suit :
pensions impayées pour Mme [J] [D] de mai à septembre 2017 : 1600 euros
frais de scolarité pour [G] [J] : 10.290 euros
frais de scolarité pour [F] [J] : 8.950 euros
soit un total de 20.840 euros en principal.
Or sur le décompte figurant au procès-verbal, n’a été déduite des causes de la créance qu’une seule somme de 11.348,53 euros au titre des « versements à déduire », dont le montant est sans rapport avec celui de 10.490 euros. D’ailleurs Mme [O] ne prétend pas que cette somme de 11.348,53 euros inclurait celle de 10.490 euros.
Il en ressort donc clairement que le procès-verbal de saisie-attribution du 3 juin 2019 ne tient pas compte du cantonnement, opéré par le jugement du 12 juin 2018, des effets des saisies des 20 février et 5 mars 2018, dont il est constant, au vu des décomptes figurant sur les procès-verbaux, qu’elles portaient exactement sur les mêmes causes que celles du procès-verbal du 3 juin 2019 (pensions alimentaires impayées pour Mme [O] de mai à septembre 2017, frais de scolarité pour [G] [J] et pour [F] [J]) ; et ce, alors que le montant du cantonnement à hauteur de 10.490 euros aurait dû être soustrait du principal.
Pour autant, la demande d’annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 3 juin 2019 ne peut prospérer, alors qu’aucune cause de nullité (absence de décompte ou absence de titre exécutoire) n’est invoquée à bon droit. En revanche, il y a lieu d’ordonner la mainlevée de cette saisie dès lors que le décompte aurait dû s’établir comme suit :
pensions impayées pour Mme [J] [D] de mai à septembre 2017
frais de scolarité pour [G] [J]
frais de scolarité pour [F] [J]
Total cantonné à 10.490 euros par l’effet du jugement du 12 juin 2018
dont à déduire les versements de M. [J] (poste non contesté) : – 11.348,53 euros
ce dont il résulte un solde en principal négatif de 858,53 euros.
Sur la demande de remboursement du trop-perçu
En revanche, conformément aux dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution et, partant, la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, ne peuvent délivrer de titre exécutoire hors les cas spécifiquement prévus par la loi. Il s’ensuit que, même à supposer que M. [J] puisse prétendre récupérer le solde de 858,53 euros, étant relevé que, dans son jugement du 12 juin 2018 le juge de l’exécution a opéré un cantonnement du principal, « les intérêts et le droit proportionnel devant être recalculés en conséquence », il n’entre pas dans les pouvoirs de la cour de faire droit à sa demande en paiement de cette somme, qui sera déclarée irrecevable.
Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive
Outre que c’est M. [J], et non Mme [O], qui est l’auteur de l’ensemble des contestations et recours formés en la présente procédure, le droit d’exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.
Faute pour l’appelant d’établir un tel abus, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
En revanche, l’issue du litige commande l’infirmation du jugement entrepris quant aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de l’intimée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement, à l’appelant, d’une indemnité globale de 2000 euros en compensation des frais irrépétibles exposés à l’occasion des procédures de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Vu l’arrêt n°621 F-D rendu le 9 juin 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris le 10 octobre 2019 ;
Et statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 3 juin 2019 à l’encontre de M. [X] [J] à la requête de Mme [D] [O] ;
Déclare irrecevable la demande, formée par M. [X] [J], en restitution d’un prétendu trop-perçu de 858,53 euros ;
Déboute M. [X] [J] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne Mme [D] [O] à payer à M. [X] [J] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne Mme [D] [O] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,