Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18407

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18407

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/18407 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTXB

Décision déférée à la cour

Jugement du 03 octobre 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/81138

APPELANTE

S.C.I. MALDIEU

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Plaidant par Me Joëlle GUILLOT, avocat au barreau de NICE, toque : 704

INTIMEE

S.A.R.L. ARTY DANDY

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Plaidant par Me Bruno BARRILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : R054

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 7 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé du 14 novembre 2008, la SCI Maldieu a donné à bail commercial à la SARL Arty Dandy des locaux situés [Adresse 2].

Par actes des 22 et 23 mars 2022, la SCI Maldieu a fait délivrer à la SARL Arty Dandy un commandement de payer visant la clause résolutoire pour recouvrement de la somme de 57.873,30 euros. Ce commandement a été contesté par la SARL Arty Dandy par assignation du 22 avril 2022. Cette procédure est pendante devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par acte d’huissier du 23 mai 2022, la SCI Maldieu a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la SARL Arty Dandy détenus auprès de la banque Société Générale pour garantie de la somme totale de 62.035,51 euros, dont 61.654,75 euros en principal, au titre des loyers et charges dus au 20/05/2022. Cette saisie a été dénoncée à la SARL Arty Dandy le 25 mai 2022. La Société Générale, tiers saisi, a fait connaître que le compte saisi présentait un solde créditeur de 2.469,31 euros.

Par assignation du 22 juin 2022, la SARL Arty Dandy a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de contester cette saisie.

Par jugement du 3 octobre 2022, le juge de l’exécution a :

ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 23 mai 2022 ;

débouté la SARL Arty Dandy de sa demande de dommages-intérêts ;

déclaré irrecevable la demande de la SCI Maldieu aux fins de voir condamner la SARL Arty Dandy au paiement de la somme de 54.734,31 euros au titre de la dette locative due ;

débouté la SCI Maldieu de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI Maldieu à payer à la SARL Arty Dandy la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu :

en ce qui concerne la demande de mainlevée de la saisie conservatoire, qu’aucune des parties n’avait communiqué aux débats un décompte complet de la créance alléguée arrêtée au 23 mai 2022, de sorte qu’il lui était impossible de vérifier le bien-fondé de la créance alléguée ; que, s’agissant de la dette locative correspondant aux périodes de confinement et couvre-feu, reconnue par la SARL Arty Dandy pour un montant de 21.979 euros, la SCI Maldieu ne justifiait d’aucune menace pesant sur son recouvrement, le défaut de paiement de sommes contestées ne permettant pas de démontrer la mauvaise foi du débiteur, outre que les parties sont contraires depuis 2017 sur le montant des sommes dues ;

sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive, que la SCI Maldieu n’avait pas commis de faute ni abusé de son droit, alors que la SARL Arty Dandy reconnaissait n’avoir pas réglé l’intégralité des loyers dus en application du bail et que l’argumentaire de la SARL Arty Dandy relatif à une dispense de paiement des loyers dus au cours des périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire ne peut plus prospérer depuis les arrêts rendus par la Cour de cassation le 30 juin 2022 ;

sur la demande reconventionnelle aux fins de paiement des loyers formulée par la SCI Maldieu, que cette demande découlait de l’application du contrat de bail et ne pouvait donc être tranchée que par le juge du fond du tribunal judiciaire saisi à cette fin.

Par déclaration du 27 octobre 2022, la SCI Maldieu a formé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 22 février 2023, la SCI Maldieu demande à la cour de :

infirmer le jugement du 3 octobre 2022, sauf en ce qu’il a débouté la SARL Arty Dandy de sa demande de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau,

rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la SARL Arty Dandy ;

dire et juger bien fondée sa créance établie selon le dernier décompte produit ;

dire et juger que la SARL Arty Dandy refuse délibérément le paiement des sommes dues et qu’elle se targue de «’retenir’» a minima la somme de 21.979 euros ;

constater le « danger de non-recouvrement » de la créance ;

dire et juger valable et bien fondée la saisie conservatoire du 23 mai 2022 ;

condamner la SARL Arty Dandy à lui payer la somme de 5000 euros au titre de dommages-intérêts ;

condamner la SARL Arty Dandy à lui payer la somme de 5000 euros au titre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelante soutient que :

elle produit un décompte complet de sa créance, récapitulant mois par mois les montants dus et les montants réglés par la SARL Arty Dandy, et prenant en compte les jugements de 2019 et 2021, faisant apparaître qu’elle reste créancière d’une somme de 56.713,79 euros ;

le décompte produit par la SARL Arty Dandy est erroné car il ne comprend pas la TVA due sur la période du 1er janvier 2018 au 25 octobre 2021, alors que le jugement du 7 janvier 2021 avait fixé le loyer au montant annuel 42.200 euros hors charges et hors taxes à compter du 1er janvier 2018 ;

la SARL Arty Dandy reconnaît devoir la somme 21.979 euros au titre des loyers ;

la retenue effectuée par la SARL Arty Dandy n’est pas justifiée puisque la Cour de cassation a précisé, dans plusieurs arrêts du 30 juin 2022, que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir le public n’entraîne pas la perte de la chose louée, n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance du bailleur, ni d’un cas de force majeure ;

la mauvaise foi de la SARL Arty Dandy et sa volonté de s’exonérer de tout paiement, en dépit de sa propre proposition d’étalement des loyers restée sans réponse malgré diverses relances, menacent le recouvrement de sa créance.

Par conclusions du 23 janvier 2023, la SARL Arty Dandy demande à la cour de :

confirmer le jugement du 3 octobre 2022, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau,

condamner la SCI Maldieu à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause,

débouter la SCI Maldieu de l’ensemble de ses demandes, et notamment celles formulées à son encontre ;

condamner la SCI Maldieu à lui payer, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux la concernant par son avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’intimée fait valoir que :

le loyer de 188.323 euros, dû du 1er trimestre 2018 au 1er trimestre 2022 en vertu du jugement du 7 janvier 2021, a été payé à hauteur de 166.344,82 euros ; elle demeure donc redevable d’une somme de 21.979 euros ; cette retenue de 21.979 euros qu’elle a opérée entre mars 2020 et mars 2021 s’explique par les deux périodes de confinement et de la période de couvre-feu qui a impliqué une fermeture prématurée des locaux et une perturbation dans l’exploitation du fonds de commerce ; à la suite des arrêts de la Cour de cassation en date du 30 juin 2022, sa demande principale devant le juge de fond devient une demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement ;

le loyer de 11.358 euros dû pour le 2ème trimestre 2022 a été intégralement réglé ;

la SCI Maldieu ne justifie d’aucune menace pesant sur le recouvrement de sa créance puisqu’elle continue de régler régulièrement ses loyers et est à jour de leur paiement, à l’exception de la somme de 21.979 euros ;

la SCI Maldieu doit être condamnée au versement de dommages-intérêts, comme ayant commis une faute dans l’exercice de ses droits, en faisant application volontairement de montants erronés, en ne respectant pas des décisions judiciaires et en se livrant à son préjudice à un véritable archarnement judiciaire.

MOTIFS

L’article R 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

Dans le cadre de la présente contestation d’une saisie conservatoire de loyers, il n’y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette ou à la validité des baux, étant rappelé que la mise en place d’une mesure conservatoire nécessite seulement l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe. En effet, il n’appartient pas à la cour, pour statuer sur une demande de mainlevée de saisie conservatoire, d’établir la preuve d’une créance liquide et exigible et encore moins d’en apprécier le quantum.(Cass. Civ., 13 oct. 2016, n°15-13.302).

Tel est bien le cas en l’espèce au vu des loyers demeurés impayés à hauteur de la somme de 21.979 euros, motif pris des perturbations occasionnées au preneur par les conséquences de la crise sanitaire, étant observé que le surplus dont le preneur resterait redevable selon le bailleur est constitué de sommes contestées devant le juge du fond au titre du montant du loyer.

S’agissant du péril sur le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que l’appelante entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu’il soit besoin de démontrer que la société Arty Dandy se trouve nécessairement en état de cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise, lesquels ne sont pas allégués en l’espèce. En effet, à titre de menaces sur le recouvrement de sa créance de loyers, la Sci Maldieu fait valoir essentiellement la mauvaise foi qu’elle estime caractérisée chez sa locataire, qui n’a pas répondu à sa proposition d’étalement des loyers relatifs aux périodes de fermeture administrative et a préféré en arrêter complètement et unilatéralement le paiement.

Néanmoins, il résulte des pièces produites par l’appelante (pièce n°25) que le 19 octobre 2021, la société Arty Dandy a réglé l’intégralité des loyers dus à cette date à l’exception de ceux relatifs aux périodes de confinement ou couvre-feu (du 17 mars au 11 mai 2020, du 29 octobre au 30 novembre 2020, du 15 au 31 décembre 2020 et du 1er janvier au 20 mars 2021) pour une somme s’élevant à 21.979 euros ; que depuis lors, elle a repris le règlement régulier du loyer, même si les parties ne s’accordent pas sur le montant de celui-ci. Dès lors que l’exigibilité des loyers portant sur les périodes susvisées est contestée devant les juges du fond, de même que le montant du loyer renouvelé ou les effets des commandements de payer visant la clause résolutoire, ces circonstances ne sont nullement, en elles-mêmes, de nature à menacer le recouvrement de la créance, mais seulement significatives d’un contentieux judiciaire ancien entre bailleur et preneur. La condition tenant à l’existence d’un péril sur le recouvrement de la créance fait donc défaut en l’espèce. Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 23 mai 2022.

Sur les demandes en dommages-intérêts respectives des parties

L’issue du litige conduit la cour à rejeter la demande en dommages-intérêts de l’appelante.

La cour relève que l’intimée fonde sa demande en dommages-intérêts sur le caractère abusif de la saisie, donc sur les dispositions de l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution selon lesquelles le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Or l’utilisation de mesures conservatoires, sur le fondement d’un contrat de bail écrit, est un droit dont l’exercice n’est susceptible de dégénérer en abus que s’il est dicté par une intention malicieuse, la mauvaise foi, ou résulte d’une erreur grossière équivalente au dol, ou encore procède d’une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits, qui ne saurait résulter de la seule mainlevée de la mesure.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande en dommages-intérêts pour saisie abusive de la société Arty Dandy.

Sur les mesures accessoires

L’issue de l’appel commande la confirmation du jugement entrepris quant aux mesures accessoires et la condamnation de l’appelante, qui succombe en ses prétentions, aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. En outre, l’appelante sera condamnée à payer à l’intimée une somme de 3000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en compensation de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Déboute la Sci Maldieu de sa demande en dommages-intérêts,

Condamne la Sci Maldieu à payer à la société Arty Dandy la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sci Maldieu aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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