République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 06/07/2023
N° de MINUTE : 23/656
N° RG 22/04637 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQPW
Jugement (N° 22/00279) rendu le 26 Septembre 2022 par le Juge de l’exécution de Lille
APPELANTE
SAS Da Vinci Consulting prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualites audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Margaux Machart, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Julien Zanatta Dos Anjos, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
La Société Générale société anonyme au capital de 1.062.354.722,50 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 552.120.222, dont le siège social est, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés, en cette qualité, audit siège,
Venant aux droits du Crédit du Nord, société anonyme au capital de
890.263.248 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lille sous le numéro 456.504.851en suite de la fusion-absorption intervenue suivant traité de fusion par voie d’absorption par acte sous-seing privé du 15/06/2022 et devenue définitive en date du 01/01/2023
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat plaidant assisté de Me Aude Manterola, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 08 juin 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 23 mai 2023
EXPOSE DU LITIGE
Spécialisée dans la vente de montres de luxe, la SAS Da Vinci consulting a, le 30 janvier 2019, conclu une convention d’ouverture de compte bancaire avec la SA Crédit du Nord.
Au mois de mars 2020, la société Da Vinci consulting a vendu cinq montres à la société David conciergerie et son compte a été crédité d’une somme totale de
129 900 euros au moyen de huit virements successifs effectués entre les 20 et 27 mars 2020.
La Société Générale, banque émettrice des virements pour le compte de sa cliente, la société David conciergerie, ayant sollicité de la société Crédit du Nord la contrepassation des huit virements susvisés, la société Crédit du Nord s’est exécutée le 1er avril 2020 pour un montant de 129 400 euros.
Par jugement en date du 31mars 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
– condamné la société Crédit du Nord à payer à la société Da Vinci consulting la somme de 129 400 euros au titre de son obligation de paiement avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2020, date de la mise en demeure ;
– débouté la société Da Vinci consulting de ses demandes indemnitaires ;
– condamné la société Crédit du Nord à payer à la société Da Vinci consulting la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens liquidés à la somme de 69,59 euros.
Cette décision a été signifiée le 18 mai 2022 au Crédit du Nord qui en avait d’ores et déjà relevé appel le 16 mai 2022.
Par acte en date du 18 mai 2022, la société Da Vinci consulting a, en vertu du jugement du 31 mars 2022, fait signifier au Crédit du Nord un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 137 466,95 euros.
Par acte du 30 mai 2022, la société Da Vinci consulting a, en vertu de la même décision, fait pratiquer une saisie-attribution du compte du Crédit du Nord ouvert dans les livres de la Banque de France, pour avoir paiement de la somme de 138 037,81 euros. Cette saisie, fructueuse à hauteur de plus de 17 milliards d’euros, a été dénoncée au Crédit du Nord par acte du 3 juin 2022.
Entre temps, par acte en date du 31 mai 2022, le Crédit du Nord a fait assigner la société Da Vinci consulting devant le premier président statuant en référé afin d’être autorisé à séquestrer la somme de 134 469,59 euros correspondant au montant des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 31 mars 2022.
Par ordonnance en date du 11 juillet 2022, la première présidente de chambre déléguée par le premier président a débouté la société Crédit du Nord de sa demande de consignation de la somme de 134 469,59 euros et l’a condamnée à régler à la société Da Vinci consulting la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 30 juin 2022, le Crédit du Nord a fait assigner la société Da Vinci consulting devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lille aux fins de contester la saisie-attribution pratiquée le 30 mai 2022.
Par jugement du 26 septembre 2022, le juge de l’exécution a :
– ordonné, aux frais du créancier saisissant, la mainlevée dans la limite de
138 037,81 euros de la saisie-attribution réalisée au nom de la société Da Vinci consulting selon procès-verbal du 30 mai 2022 et en vertu du jugement du 31 mars 2022 du tribunal de commerce de Lille métropole sur le compte de la société Crédit du Nord ouvert auprès de la Banque de France ;
– dit qu’en cas de mainlevée préexistante au prononcé du jugement, la mainlevée ci-dessus ordonnée sera sans objet sauf concernant les frais y afférents, ainsi que ceux antérieurs relatifs à la saisie-attribution du 30 mai 2022, à mettre à la charge de la société Da Vinci consulting ;
– rejeté la demande de la société Da Vinci consulting de dommages-intérêts pour résistance abusive de la société Crédit du Nord ;
– condamné la société Da Vinci consulting à régler à la société Crédit du Nord des dommages-intérêts d’un montant de 10 000 euros pour abus de saisie ;
– condamné la société Da Vinci consulting à verser à la société Crédit du Nord une indemnité de 1 500 euros pour les frais irrépétibles d’instance ;
– condamné la société Da Vinci consulting aux entiers dépens de l’instance ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire au dispositif du jugement.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 4 octobre 2022, la société Da Vinci consulting a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 mai 2023, la société Da Vinci consulting demande à la cour, au visa des dispositions du code de procédure civile et notamment son article 700, des dispositions du code des procédures civiles d’exécution et notamment les articles L. 111-8 et L. 121-3, de :
– prendre acte que la Société Générale vient aux droits du Crédit du Nord, par suite d’une fusion-absorption à effet au 1er janvier 2023 ;
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
– débouter la Société Générale de l’ensemble de ses demandes, fins et
conclusions ;
– condamner la Société Générale au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive ;
– condamner la Société Générale à assumer l’ensemble des frais exposés dans le cadre de la saisie;
– condamner la Société Générale au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Société Générale aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 mai 2023, la Société Générale demande à la cour, au visa des articles 502 et 521 du code de procédure civile, L.111-1, L. 111-7, L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, de :
– prendre acte qu’elle vient aux droits du Crédit du Nord, par suite d’une fusion-absorption à effet au 1er janvier 2023 ;
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société Da Vinci consulting à régler au Crédit du Nord des dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros pour abus de saisie ;
– infirmer le jugement de ce chef ;
statuant de nouveau,
– condamner la société Da Vinci consulting à lui régler la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie ;
y ajoutant,
– condamner la société Da Vinci consulting au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la mainlevée de la saisie-attribution :
Le jugement déféré a :
– ordonné, aux frais du créancier saisissant, la mainlevée dans la limite de
138 037,81 euros de la saisie-attribution réalisée au nom de la société Da Vinci consulting selon procès-verbal du 30 mai 2022 et en vertu du jugement du 31 mars 2022 du tribunal de commerce de Lille métropole sur le compte de la société Crédit du Nord ouvert auprès de la Banque de France ;
– dit qu’en cas de mainlevée préexistante au prononcé du présent jugement, la mainlevée ci-dessus ordonnée sera sans objet sauf concernant les frais y afférents, ainsi que ceux antérieurs relatifs à la saisie-attribution du 30 mai 2022, à mettre à la charge de la société Da Vinci consulting ;
Indépendamment même du point de savoir si la saisie-attribution pratiquée le 30 mai 2022 est abusive, la société Da Vinci consulting reproche au premier juge d’avoir ordonné la mainlevée alors qu’il résulte de l’échange de courriels avec son huissier que la demande de mainlevée avait bien été faite. Elle souligne également ‘la contradiction inhérente au jugement … qui avance tout à la fois qu’aucune preuve n’atteste de la réalité de la mainlevée préexistante au jugement et qui, dans le même temps, prévoit un subsidiaire dans le dispositif ‘.
Il résulte en effet de la pièce 26 produite par la société Da Vinci consulting que, par courriel du 26 août 2022, l’huissier instrumentaire lui a confirmé avoir transmis par voie dématérialisée la mainlevée à la banque. Cette déclaration de l’huissier, officier public, qui n’est d’ailleurs pas remise en cause par la Société Générale, rendait la demande de mainlevée de la saisie-attribution sans objet.
Le jugement sera donc infirmé des chefs susvisés et la demande de mainlevée de la saisie-attribution déclarée sans objet, étant précisé que le point de savoir qui devra supporter les frais de cette saisie dépend du point de savoir si cette mesure d’exécution était ou non abusive.
Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l’abus de saisie :
Selon l’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
Selon l’article L. 111-8 alinéa 1er du même code, à l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.
Selon l’article L. 121-2 du même code, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.
Il résulte des pièces produites que :
– le jugement du 31 mars 2022 était de droit assorti de l’exécution provisoire ;
– par courriel du même jour, l’avocate de la société Da Vinci consulting a demandé à l’avocate du Crédit du Nord d’exécuter spontanément cette décision, lui indiquant qu’à défaut de réponse, elle la ferait signifier et exécuter ;
– par courriel du 11 avril suivant, l’avocat du Crédit du Nord a répondu que, n’étant pas en possession de la décision, la demande d’exécution du 31 mars était à ce stade sans objet ;
– l’avocate du Crédit du Nord s’est vu adresser la copie du jugement signé et revêtu de la formule exécutoire par le greffe du tribunal de commerce le 20 avril 2022 ;
– par courriel du 27 avril 2022, l’avocate de la société Da Vinci consulting a aussi adressé au conseil du Crédit du Nord la copie du jugement et a constaté que le Crédit du Nord refusait ‘de coopérer’ ;
– par courriel du 10 mai 2022, le conseil de la société Da Vinci consulting a envoyé au conseil du Crédit du Nord une copie (signée) du jugement et lui a indiqué avoir mandaté son huissier pour procéder à l’exécution forcée de la décision ;
– par courriel du même jour, l’avocate du Crédit du Nord a indiqué à sa consoeur se rapprocher de son client, lui a demandé de surseoir à toute mesure d’exécution forcée et a sollicité la transmission de la signification de la décision à partie ;
– par courriel du 13 mai 2022, l’avocate de la banque a fait savoir que sa cliente lui avait remis un chèque de 134 469,59 euros à l’ordre de la Carpa en règlement des condamnations prononcées à son encontre et entendait par ailleurs faire appel du jugement du 31 mars 2022 et solliciter la consignation du montant des condamnations sur le fondement de l’article 521 du code de procédure civile ;
– le 18 mai 2022, la société Da Vinci consulting a fait signifier à la société Crédit du Nord le jugement du 31 mars 2022 et lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente ;
– par courriel du 25 mai 2022, le conseil du Crédit du Nord a avisé le conseil de la société Da Vinci consulting que les fonds étaient disponibles sur son compte Carpa depuis le 24 mai 2022, que le premier président avait été saisi, que la société Da Vinci consulting avait ‘dû se voir remettre l’assignation’ et qu’il lui demandait donc de lui confirmer que le commandement du 18 mai 2022 était sans objet ainsi que de surseoir à toute mesure d’exécution forcée ;
– par procès-verbal dressé le 30 mai 2022 à 8 heures 02, il était procédé à la saisie-attribution du compte du Crédit du Nord ouvert dans les livres de la Banque du Nord ;
– par courriel adressé à l’avocate du Crédit du Nord le même jour, l’avocate de la société Da Vinci consulting a rappelé les termes de ses courriels des 27 avril et 10 mai 2022, lui a précisé que l’exécution forcée se justifiait, qu’une ‘capture d’écran d’un compte Carpa’ ne constituait pas une exécution du jugement et que l’assignation devant le premier président n’avait pas été délivrée à sa cliente ;
– par acte du 31 mai 2022, la société Da Vinci consulting a été assignée devant le premier président.
Il en ressort que le 30 mai 2022, date à laquelle la société Da Vinci consulting a fait procéder à la saisie-attribution litigieuse :
– il était manifeste que, malgré les demandes d’exécution volontaire de cette société, suivies de la signification du jugement et d’un commandement aux fins de saisie-vente, le Crédit du Nord n’entendait visiblement pas exécuter à bref délai le jugement du 31 mars 2022, le versement du montant des condamnations sur le compte Carpa de son avocat (et non sur celui de l’avocat de la société Da Vinci consulting) ne correspondant pas à une exécution de la décision, d’autant que la somme versée ne correspondait, ainsi qu’il sera précisé ci-dessous, que partiellement au montant dû puisqu’il manquait les intérêts au taux légal sur le principal et sur l’indemnité de procédure ;
– au contraire, la banque atermoyait, notamment en annonçant le 13 mai 2022, une assignation devant le premier président qui ne sera effectivement délivrée que le 31 mai 2022, au lendemain de la saisie-attribution pratiquée.
La société Da Vinci consulting n’avait ainsi aucune raison de patienter davantage pour exécuter le jugement du 31 mars 2022 et avait au contraire tout intérêt à anticiper sur l’assignation annoncée devant le premier président et la décision de celui-ci en faisant pratiquer une saisie-attribution de manière à bénéficier de l’effet attributif immédiat de cette mesure.
En outre, sur le caractère proportionné de la mesure choisie, à savoir la saisie-attribution sur le compte de réserves réglementaires du Crédit du Nord ouvert dans les livres de la Banque de France, si le Crédit du Nord a, par l’intermédiaire de son avocat, justifié, par la production d’un relevé du 24 mai 2022 annexé au courriel adressé au conseil de la société Da Vinci consulting le 25 mai 2022, avoir procédé le 19 mai 2022 avec effet au 24 mai 2022, au versement de la somme de 134 469,59 euros sur un sous-compte du compte Carpa de son avocat portant le numéro d’affaire 2427576, il reste que ce versement, s’il couvrait le montant des condamnations prononcées par le jugement du 31 mars 2022 au titre du principal, des frais irrépétibles et des dépens, ne comprenait pas la somme due au titre des intérêts au taux légal que ce jugement faisait courir, à compter du 14 avril 2020, sur la somme en principal de 129 400 euros et qui couraient par ailleurs sur l’indemnité accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile à compter de la date du jugement, soit au titre des intérêts échus au 17 mai 2022, la somme de 2 165,35 euros qui était mentionnée sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré au Crédit du Nord le 18 mai 2022.
L’allégation de la Société Générale (page 11 de ses conclusions) selon laquelle le Crédit du Nord aurait ‘procédé à un virement complémentaire sur le compte Carpa dont s’agit, de sorte que le montant total des sommes y déposées s’élevait à
138 037,81 euros montant de la saisie pratiquée par la société Da Vinci’ n’est corroborée par aucune pièce. Il ne peut donc pas être reproché à la société Da Vinci consulting de ne pas avoir fait procéder à la saisie-attribution sur ce sous-compte, alors qu’une telle mesure ne lui aurait pas permis de recouvrer la totalité de sa créance.
Par ailleurs, s’il est exact qu’en application des articles L. 162-1 et R. 211-19 du code des procédures civiles d’exécution, les sommes se trouvant sur un compte saisi sont indisponibles pendant quinze jours, délai à l’expiration duquel l’indisponibilité totale fait place à l’effet attributif à concurrence des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée en vertu de l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, il est en l’espèce évident, eu égard à l’importance du solde du compte du Crédit du Nord (plus de 17 milliards d’euros) que la Banque de France n’a, en accord, avec sa cliente, bloqué que la somme nécessaire au désintéressement de la société Da Vinci consulting, aménageant de fait la règle de l’indisponibilité totale de quinzaine.
Enfin, dès lors que le Crédit du Nord a réglé à la société Da Vinci consulting le montant des sommes dues en vertu du jugement du 31 mars 2022, soit le 3 août 2022, date avancée par la société Da Vinci consulting et non contestée par la Société Générale, la société Da Vinci consulting a, le 25 août 2025, donné pour instruction à son huissier d’opérer mainlevée de la saisie-attribution, délai qui n’est pas excessif compte tenu de la période estivale.
Il en résulte que la mesure d’exécution mise en oeuvre par la société Da Vinci consulting était utile et n’a pas excédé ce qui se révélait nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. La Société Générale qui conteste le principe même de la mise en oeuvre d’une mesure d’exécution forcée ne prouve pas qu’une autre mesure était susceptible d’être pratiquée pour permettre à la société Da Vinci consulting d’obtenir le complet règlement de sa créance.
Dans ces conditions, c’est à tort que le jugement déféré a considéré que la saisie pratiquée le 30 mai 2023 était abusive et a condamné la société Da Vinci consulting à payer, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera donc infirmé et la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord déboutée de sa demande indemnitaire.
La saisie-attribution n’étant pas abusive, la Société Générale doit, en application de l’article L. 111-8 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution susvisé, en supporter les frais, le jugement devant être infirmé en ce qu’il a mis les frais de cette mesure d’exécution et de sa mainlevée à la charge de la société Da Vinci consulting.
Sur la demande en dommages et intérêts de la société Da Vinci consulting fondée sur la résistance abusive :
Selon l’article L. 121-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages et intérêts en cas de résistance abusive.
En l’espèce, à supposer même qu’il faille considérer que la résistance abusive du Crédit du Nord est caractérisée, force est de constater que le préjudice invoqué par la société Da Vinci consulting n’est pas démontré :
– d’une part, cette dernière n’établit pas avoir rencontré de problèmes de
trésorerie ;
– d’autre part les frais irrépétibles qu’elle a exposés devant le premier président ont été compensés puisque l’ordonnance du 11 juillet 2022 a condamné le Crédit du Nord à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ensuite les frais de l’exécution forcée sont à la charge du Crédit du Nord en application de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution susvisé et les frais restant à la charge du créancier seront indemnisés dans le cadre de la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et il en est de même des frais découlant de la nécessité pour la société Da Vinci consulting d’avoir dû se défendre à la suite de la contestation par le Crédit du Nord de la saisie-attribution.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de la société Da Vinci consulting.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La solution donnée au litige conduit à infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Da Vinci consulting aux dépens ainsi qu’à régler au Crédit du Nord la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de condamner la Société Générale aux dépens de première instance et d’appel, de la débouter de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel et de la condamner à régler à la société Da Vinci consulting au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer à ce titre la somme de 6 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Da Vinci consulting de sa demande indemnitaire pour résistance abusive ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la société Da Vinci consulting le 30 mai 2022 et dénoncée à la société Crédit du Nord le 3 juin 2022 sans objet ;
Déboute la SA Société Générale de sa demande en dommages et intérêts pour abus de saisie ;
Met à la charge de la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord, les frais de la saisie-attribution pratiquée le 30 mai 2022 et dénoncée le 3 juin 2022 et de sa mainlevée ;
Déboute la SA Société Générale de ses demandes fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel ;
Condamne la SA Société Générale à régler à la société Da Vinci consulting la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel ;
Condamne la SA Société Générale aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE