République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 06/07/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/04274 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TY2B
Jugement n° 2021005315 rendu le 08 juin 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANT
Monsieur [D] [S] [R]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Anne Squilaci, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assisté de Me Myriam Houam, avocat au barreau de Nice, avocat plaidant
INTIMÉE
SA Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la SA Crédit Lyonnais, société de droit suisse, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 5] – Suisse
représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 05 avril 2023 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d’instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mars 2023
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 28 avril 2021, la société Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la société Le crédit lyonnais, a assigné M. [D] [S] [R] devant le tribunal de commerce de Lille métropole aux fins de le voir condamner en paiement en vertu de deux engagements de caution donnés en garantie des engagements de la société Ethéra au titre de deux prêts, société qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire.
Par jugement réputé contradictoire du 8 juin 2021 le tribunal a :
– condamné M. [D] [R] à payer à la société Intrum Debt Finance AG :
– la somme de 20 759,10 euros en principal,
– les intérêts légaux à compter du 19 juin 2014, date de la mise en demeure,
– la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [R] aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 60,22 euros en ce qui concerne les frais de greffe,
– débouté la société Intrum Debt Finance AG du surplus de ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 juillet 2021, M. [R] a relevé appel du jugement en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 20 759,10 euros avec les intérêts et au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 avril 2022, M. [R] demande à la cour de :
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 20 759,10 en principal, les intérêts légaux à compter du 19 juin 2014, la somme de 500 euros et aux dépens,
Statuant à nouveau,
– déclarer son appel recevable,
– prononcer la nullité de l’assignation délivrée par acte d’huissier en date du 28 avril 2021 et par voie de conséquence celle du jugement rendu le 8 juin 2021,
– dire qu’en l’absence de saisine régulière du premier juge l’effet dévolutif de l’appel n’a pas reçu application, et dire en conséquence, que la cour n’est pas saisie du litige et ne peut statuer au fond,
– à défaut, dire que l’action en paiement engagée par la société Intrum Debt Finance AG le 28 avril 2021 est forclose,
Sur le fond,
– annuler le jugement rendu en date du 8 juin 2021 en ce qu’il a été rendu en fraude de ses droits et a violé le respect du contradictoire,
– à défaut, infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
– dire que la société Intrum Debt Finance AG n’avait pas procédé à la notification de la cession de créance à la caution avant le prononcé du jugement déféré,
– dire que la société Intrum Debt Finance AG refuse de communiquer les justificatifs de règlement du débiteur principal et de la caution bancaire Oseo Garantie,
– en conséquence, la débouter de toute demande en paiement à son encontre,
à titre subsidiaire,
– prendre acte que le créancier a déclaré au passif de la procédure collective les sommes suivantes :
– 14 495,13 euros au titre d’un crédit n° 11947157 GE 43,
– 690,75 euros au titre d’un crédit n° 09921562 GE 43,
– prendre acte que le crédit n° 09921562 GE 43 d’un montant de 690,75 euros a été intégralement réglé par la caution bancaire Oseo,
– en conséquence, déduire les sommes perçues par la société Intrum Debt Finance AG au titre de la garantie bancaire souscrite auprès d’Oseo et par le débiteur principal,
– le condamner au paiement de la somme de 11 691,03 euros,
– débouter la société Intrum Debt Finance AG du surplus de ses demandes,
Au surplus,
– condamner la société Intrum Debt Finance AG à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens d’appel, et autoriser Maître [T] à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance en cause d’appel sans avoir reçu provision préalable et suffisante
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, la société Intrum Debt Finance AG Intrum Debt Finance AG demande à la cour de :
– débouter M. [R] de son appel, le déclarer mal fondé,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [R] à lui payer la somme de 20 759,10 euros en principal, les intérêts légaux à compter du 19 juin 2014, date de la mise en demeure,
et statuant à nouveau, pour le surplus,
– la recevoir en son appel incident, la déclarer bien fondée,
– condamner M. [R] à lui payer la somme de 2 000 euros pour résistance abusive
– le condamner à lui à payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
La clôture de l’instruction est intervenue le 15 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 5 avril suivant.
MOTIFS
En application des articles 114 et 117 du code de procédure civile, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond.
Il résulte des articles 654, 655 et 656 du code de procédure civile que la signification doit être faite à personne, que, si elle s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence, l’huissier de justice devant relater dans l’acte les diligences accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification et mentionner les vérifications faites confirmant l’adresse du destinataire.
Selon l’article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte ; le jour même ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification et avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
En l’espèce, le jugement a été rendu sur une assignation signifiée le 28 avril 2021 dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, à l’adresse située [Adresse 4].
La société Intrum Debt Finance AG soutient que l’acte a été signifié au lieu de sa dernière adresse connue, qu’il résulte de l’examen de la fiche INSEE au répertoire Sirene actualisée au 14 octobre 2012 que M. [R] y est inscrit depuis le 3 janvier 2012 sous le numéro SIREN 539 287 581 en qualité d’entrepreneur individuel et qu’il dispose d’un établissement actif depuis cette date domicilié au [Adresse 4] et que M. [R] ne peut soutenir qu’il ne connaît plus cette adresse alors qu’il y est toujours domicilié en sa qualité d’entrepreneur individuel, où il exerce une activité d’enseignement comme la société cautionnée, que l’huissier de justice a effectué toutes les diligences nécessaires pour tenter une signification à personne ou à domicile.
Les parties n’ont pas versé aux débats l’assignation et l’acte de signification. M. [R] cite toutefois dans ses conclusions les mentions de l’huissier de justice sur l’acte de signification dont il a obtenu communication dans le cadre d’une procédure opposant les parties devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse relative à la contestation d’une saisie-attribution pratiquée par la société Intrum Debt Finance AG contre M. [R] aux fins d’exécution du jugement déféré ; les mentions y sont ainsi reproduites :
A : Monsieur [R] [D] [S] dont la dernière adresse connue est [Adresse 4].
Là où étant, j’ai tenté de délivrer l’acte au destinataire désigné précédemment, à l’adresse indiquée.
Sur place, bien qu’il soit référencé à cette adresse sur societe.com (SIREN n° 539287581), le nom du destinataire de l’acte n’est pas repris sur les boîtes aux lettres. Il est inconnu du gardien de la résidence rencontré sur place qui n’a pu me renseigner davantage.
Le voisinage direct me confirme que personne ne porte ce nom à l’adresse et qu’il doit s’agir d’un ancien occupant parti sans laisser d’adresse depuis plusieurs mois voire plusieurs années.
Mes avis laissés sur place dans les parties communes n’ont entraîné aucune réaction. Je n’ai pas connaissance d’un éventuel employeur et aucune société ne semble répertoriée à son nom.
Mes recherches annuaire dans mon ressort sont vaines. Mes recherches internet dont réseaux sociaux ne m’ont pas permis de contacter et localiser le destinataire de l’acte. Les autres adresses figurant dans les pièces sont hors de ma compétence et ne semblent plus d’actualités.
Mes tentatives de contact via facebook n’ont entraîné aucune réaction de sa part et le risque d’homonymie n’a pu être écarté (plusieurs profils à ce nom).
J’ai donc délivré l’acte en vertu de l’article 659 du code de procédure civile pour servir et valoir ce que de droit. La lettre simple et la lettre recommandée avec accusé de réception ont été envoyées dans les délais prévus par ledit article.
Les services de LA POSTE – bureaux de Poste – services municipaux et de Police – n’ont pu me renseigner. Ma consultation de l’annuaire électronique est demeurée vaine.
Selon un avis de situation au répertoire Sirene délivré par l’INSEE le 14 octobre 2021, communiqué par M. [R], cette adresse correspond à un établissement actif depuis le 3 janvier 2012 d’un entrepreneur individuel identifié comme [D] [R] et enregistré sous le numéro de SIREN 539 287 581. Toutefois aucun élément ne permet d’établir qu’il s’agirait d’une adresse professionnelle de M. [R] et celui-ci communique un courrier électronique adressé depuis l’adresse électronique ‘[Courriel 7]’ indiquant que la personne immatriculée sous le numéro de SIREN en question est née en 1985 alors que l’appelant est né en 1962. Il n’est par ailleurs nullement établi qu’il s’agirait de l’adresse d’un domicile de M. [R], qui conteste y avoir jamais résidé et justifie de ses adresses actuelles et antérieures.
L’assignation à une adresse sans rapport avec le destinataire de l’acte est irrégulière au regard des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile et l’irrégularité cause un grief à son destinataire qui perd toute chance d’être touché par l’acte, notamment de recevoir l’avis de signification adressé par l’huissier de justice, étant relevé que la société Intrum Debt Finance AG avait à tout le moins connaissance d’une adresse située [Adresse 3] dont M. [R] avait informé le créancier initial (Le Crédit Lyonnais) par courrier.
Il convient dès lors d’annuler la signification de l’assignation, et par voie de conséquence, le tribunal ayant été irrégulièrement saisi, le jugement.
La saisine du premier juge étant irrégulière, l’appel n’a pu avoir d’effet dévolutif et il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de première instance et d’appel, ces deniers pouvant être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, à la charge de la société Intrum Debt Finance AG et d’allouer à M. [R] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule la signification de l’assignation en date du 28 avril 2021 délivrée à la requête de la société Intrum Debt Finance AG Intrum Debt Finance AG contre M. [D] [R] aux fins de saisine du tribunal de commerce de Lille métropole ;
Annule en conséquence le jugement déféré ;
Condamne la société Intrum Debt Finance AG aux dépens de première instance et d’appel, les dépens d’appel pouvant être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Intrum Debt Finance AG à payer à M. [D] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles