COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 JUILLET 2023
N° RG 22/05227 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7H3
S.A. HOIST FINANCE AB (PUBL)
c/
Madame [Y] [B] [P] épouse [P]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 octobre 2022 (R.G. 20/00017) par le Juge de l’exécution de PERIGUEUX suivant déclaration d’appel du 15 novembre 2022
APPELANTE :
S.A. HOIST FINANCE AB (PUBL)
société anonyme de droit suédois, au capital de 29.767.666,663000 SEK et agissant en France par le biais de sa succursale, HOIST FINANCE AB (Publ), [Adresse 4] à [Localité 10], immatriculée au RCS de LILLE Métropole sous le n° 843 407 214,
venant aux droits de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (venant elle-même aux droits de la société Union de Crédit pour le Bâtiment – UCB) Société Anonyme dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 097 902, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette
qualité au siège,
demeurant [Adresse 6] (Suède)
Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[Y] [B] [P] épouse [P]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 13]
de nationalité Britannique,
demeurant [Adresse 15] AUSTRALIE
Représentée par Me Clémence RADE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Chantal BUREAU
Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre de crédit en date du 23 octobre 2007, l’Union de Crédit pour le Bâtiment, aux droits de laquelle est intervenue BNP Paribas Personal Finance, a consenti à Monsieur [X] [P] et à Madame [Y] [J], épouse [P], co-emprunteurs s’engageant solidairement et indivisiblement, un crédit in fine d’un montant de 162 560 euros remboursable sur une durée de 180 mois.
Ce prêt était destiné à financer l’acquisition par M. et Mme [P] d’une maison d’habitation sur la commune de [Localité 7], [Localité 8].
En garantie de ce prêt, l’Union de Crédit pour le Bâtiment, aux droits de laquelle s’est ensuite trouvée BNP Paribas Personal Finance, s’est vu consentir par les époux [P] un privilège de prêteur de deniers en premier rang sur le bien objet dudit financement, ainsi qu’une inscription d’hypothèque rechargeable sur ledit bien.
Le prêt susvisé a été réitéré en la forme notariée par acte dressé en l’étude de Maître [D], notaire à [Localité 11] en Dordogne, le 10 janvier 2008.
M. [P] est décédé le [Date décès 3] 2010.
Mme [P] ayant cessé de faire face au remboursement à bonne date des échéances du crédit susmentionné, la BNP Paribas Personal Finance lui a adressé, par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 février 2018, une mise en demeure d’avoir à s’acquitter d’un arriéré de 3 649,16 euros au titre du prêt.
Par application des stipulations du contrat de prêt, le crédit est devenu intégralement exigible le 5 mars 2018.
Selon lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2018, la BNP Paribas Personal Finance a notifié à Mme [P] la déchéance du terme dudit crédit et l’a mise en demeure d’avoir à payer la somme de 178 777,63 euros.
Aux termes d’un acte de cession de créance en date du 16 décembre 2019, la BNP Paribas Personal Finance a cédé à la société Hoist Finance AB la créance qu’elle détenait à l’égard de M. et Mme [P].
La mise en demeure notifiée à Mme [P] le 21 mars 2018 étant restée infructueuse, la BNP Paribas Personal Finance a fait délivrer à Mme [P], le 9 janvier 2020, un commandement de payer publié au Service de la publicité foncière de [Localité 14] le 5 février 2020 volume 2020 S n°05, valant saisie immobilière de l’immeuble à usage d’habitation situé commune de [Localité 7], lieu-dit [Localité 8], cadastré section AB n°[Cadastre 5], contenant au total 21 a 59 ca.
Le procès-verbal descriptif a été établi le 21 janvier 2020 par Maître [I] [N], huissier de justice de [Localité 12].
Par acte d’huissier du 17 mars 2020, le créancier poursuivant a adressé au ministère de la justice anglais ‘The High Court – Queen’s Bench’ une demande de signification d’assignation à Mme [J], veuve [P], pour l’audience d’orientation du 16 juin 2020 afin de voir déclarer valable la saisie pratiquée à son encontre, de fixer le montant de la créance à la somme de 181 951,96 euros outre intérêts postérieurs et d’ordonner la vente forcée.
Le cahier des conditions de la vente a été déposé le 23 mars 2020.
En l’absence de créancier inscrit, le commandement n’a pas été dénoncé.
Ces différents actes ont été régulièrement publiés.
Par jugement du 4 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Périgueux a :
– prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 9 janvier 2020 publié au Service de la publicité foncière de [Localité 14] le 5 février 2020 volume 2020 S n°05 délivré par la SA BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de Mme [J], veuve [P],
– prononcé l’annulation de l’assignation ultérieure à l’audience d’orientation,
– ordonné la mainlevée dudit commandement de payer,
– débouté Mme [J], veuve [P], de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
– condamné la société Hoist Finance AB à payer à Mme [J], veuve [P], la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Hoist Finance AB aux dépens de la procédure.
La SA Hoist Finance AB a relevé appel total du jugement le 18 octobre 2022, à l’exception de la disposition déboutant Mme [J] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
Par acte du 24 novembre 2022, la SA Hoist Finance AB a assigné à jour fixe Mme [J], veuve [P], devant la cour d’appel de Bordeaux.
Par avis du 16 novembre 2022 , le dossier RG N°22/04775 a été joint au présent dossier n°22/5227.
Par ordonnance du 1 mars 2023, le premier président de la cour d’appel de Bordeaux a ordonné qu’il soit sursis à l’exécution du jugement d’orientation en date du 4 octobre 2022 rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Périgueux et a condamné Mme [J], veuve [P], aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 juin 2023, la SA Hoist Finance AB demande à la cour sur le fondement des articles L.311-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 1323 et 1324 du code civil :
sur son appel principal,
– de la juger recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit,
– d’infirmer le jugement d’orientation du 4 octobre 2022 par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu’il :
– a prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 9 janvier 2020 publié au Service de la publicité foncière de [Localité 14] le 5 février 2020 volume 2020 S n°05 délivré par la SA BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de Mme [J] veuve [P],
– a prononcé l’annulation de l’assignation ultérieure à l’audience d’orientation,
– a ordonné la mainlevée dudit commandement de payer,
– l’a condamnée à payer à Mme [J], veuve [P], la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux dépens de la procédure,
statuant à nouveau,
– de juger valable le commandement de payer valant saisie immobilière signifié à Mme [J], veuve [P], le 9 janvier 2020,
– de juger valable l’assignation à l’audience d’orientation signifiée à Mme [J], veuve [P],
par conséquent,
– de constater que la société Hoist Finance AB, venant aux droits de la BNP Paribas Personal Finance, venant elle-même aux droits de l’Union de Crédit pour le Bâtiment est titulaire d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de Mme [P],
– de fixer la créance de la société Hoist Finance AB, venant aux droits de la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de l’Union de Crédit pour le Bâtiment à l’encontre de Mme [P] à la somme de 181 951,96 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 1,36% l’an dus à compter du 19 juin 2019 jusqu’à parfait réglement sur la somme de 162 560 euros et au taux légal sur le surplus,
sur l’appel incident de Mme [P],
sur l’exception de nullité du commandement de payer valant saisine,
– de juger que la prétendue nullité d’un vice de fond du commandement de payer valant saisie a disparu au jour où le juge de céans statue, par conséquent rejeter l’exception de nullité pour vice de fond du commandement de payer valant saisie,
– de juger que s’agissant de la prétendue nullité pour vice de forme du commandement de payer valant saisie Mme [P] ne justifie d’aucun grief,
– par conséquent, de juger régulier pour absence de vices de forme et de fond le commandement de payer valant saisie immobilière,
– de rejeter les exceptions de nullité pour vice de forme et de fond soulevées par Mme [P],
sur l’exception de nullité de l’assignation à l’audience d’orientation,
– de juger que s’agissant de la prétendue nullité pour vice de forme de l’assignation à l’audience d’orientation Mme [P] ne justifie d’aucun grief,
– par conséquent de juger régulière pour absence de vice de forme l’assignation à l’audience d’orientation,
– de rejeter l’exception de nullité pour vice de forme soulevée par Mme [P],
sur l’exception de nullité de l’acte notarié,
à titre principal,
– de juger Mme [P] irrecevable en son exception de nullité tendant à invoquer une nullité de l’acte notarié de prêt en date du 10 janvier 2008 pour cause de prescription,
à titre subsidiaire,
– de juger Mme [P] mal fondée en son exception de nullité de l’acte notarié de prêt en date du 10 janvier 2008,
– de rejeter l’exception de nullité soulevée par Mme [P] au titre de l’acte notarié,
sur l’absence de prescription,
– de juger que sa créance n’est pas prescrite,
– d’écarter la fin de non-recevoir tirée de la prétendue prescription de la créance de la société Hoist AB,
sur la créance de la société Hoist Finance AB,
– de constater que la société Hoist Finance AB, venant aux droits de BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de l’Union de Crédit pour la Bâtiment, est titulaire d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de Mme [P],
– de fixer la créance de la société Hoist Finance AB, venant aux droits de BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de Sygma Banque, à l’encontre de la SCI Sycomore à hauteur de la somme à hauteur de la somme de 181 951,96 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 1,36% l’an dus à compter du 19 juin 2019 jusqu’à règlement sur la somme de 162 560 euros et taux légal sur le surplus,
– de débouter Mme [P] de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,
en tout état de cause,
– de décerner acte à la société Hoist Finance AB de ce qu’elle ne s’oppose pas à la vente amiable du bien saisie,
– de fixer le prix plancher à 130 000 euros,
– de taxer les frais de procédure à la charge de l’acquéreur ainsi que l’émolument à calculer sur le prix de vente,
– de rappeler que les frais taxés seront versés directement par l’acquéreur en sus du prix de vente,
– de renvoyer le dossier devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Périgueux aux fins de fixation de la date d’audience de rappel,
– de condamner Mme [P] à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 février 2023, Mme [J] veuve [P] demande à la cour, sur le fondement des articles 32, 74, 117, 643, 647-1, 648 du code de procédure civile, 1323, 1324 du code civil, L.218-2 du code de la consommation, L.111-2, L.111-3, L.121-1, L.321-1, L.311-2, L.322-6, R.322-5, R.322-18 et R.322-21 du code des procédures civiles d’exécution, de :
– confirmer le jugement du 4 octobre 2022 dans toutes ses dispositions,
et à défaut, statuant à nouveau,
in limine litis,
– prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 9 janvier 2020 et ordonner la radiation de son inscription du fichier immobilier,
– prononcer la nullité des assignations à comparaître à l’audience d’orientation des 17 et 20 mars 2020,
– juger la procédure de saisie immobilière irrégulière,
– ordonner sa mainlevée,
– débouter la société Hoist Finance AB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
au fond,
– juger que la société Hoist Finance AB n’a pas qualité à agir contre Mme [J] veuve [P],
– prononcer l’inopposabilité de la cession de créance intervenue entre la BNP Paribas Personal Finance et la société Hoist Finance AB à Mme [J] veuve [P],
– juger prescrite l’action de la société Hoist Finance AB,
en conséquence,
– prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société Hoist Finance AB,
– débouter la société Hoist Finance AB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,
et à défaut,
– constater l’absence de titre exécutoire régulier et valide,
– constater l’absence de créance liquide et exigible,
en conséquence,
– juger comme étant mal fondées les demandes de la société Hoist Finance AB,
– la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,
reconventionnellement et en tout état de cause,
– condamner la société Hoist Finance AB à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– la condamner à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
subsidiairement,
– débouter la société Hoist Finance AB de sa demande tendant à voir fixer la mise à prix du bien saisi à 50 000 euros et, de manière plus générale, à demander la modification de la mise à prix par rapport aux cahiers des conditions de vente,
– autoriser la vente amiable du bien situé à la [Localité 8], lieu-dit [Adresse 9], sur la commune de [Localité 7] cadastré section AB n°[Cadastre 5] d’une superficie de 21a 59ca.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties.
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 juin 2023 et mise en délibéré au 13 juillet 2023.
MOTIFS :
Sur la validité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré par la SA BNP Paribas Personal Finance,
L’article R321-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que la procédure de saisie immobilière est engagée par la signification au débiteur ou au tiers détenteur d’un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant.
La nullité des actes de procédure de saisie immobilière est quant à elle règlementée par l’article R311-10 du code des procédures civiles d’exécution qui renvoie aux dispositions du code de procédure civile sur les nullités, lesquelles opèrent une distinction entre les nullités de forme, relevant des articles 112 à 116 du code de procédure civile et les nullités de fond des articles 117 à 121.
En l’espèce, la SA Hoist Finance AB critique le jugement déféré qui a considéré comme nul le commandement délivré le 9 janvier 2020 à la demande de la SA BNP Paribas Personnal Finance, ainsi que l’assignation subséquente pour l’audience d’orientation du 16 juin 2020, au motif que ledit commandement avait été émis par une personne morale dépourvue de toute qualité à agir, compte-tenu de la cession de créance intervenue le 16 décembre 2019 au profit de la SA Hoist Finance AB.
Elle fait valoir en appel que le raisonnement du premier juge ne pourra qu’être écarté par la cour, dès lors qu’il est contraire aux dispositions des articles 1323 et 1324 du code civil et à la jurisprudence rendue en matière d’opposabilité de la cession de créance au débiteur cédé.
En effet, la société Hoist Finance AB estime que, si en application de l’article 1323 du code civil, le transfert de créance s’opère à la date de l’acte entre les parties et s’avère opposable aux tiers dès ce moment, elle n’est par contre opposable au débiteur, en application de l’article 1324 du même code, s’il n’y a déjà consenti, qu’à la date à laquelle cette cession lui a été notifiée.
Les jurisprudences contradictoires existantes à ce sujet ont été tranchées par un arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 9 septembre 2021 qui précisé, sous l’égide de l’ancien article 1640 du code civil, que ‘ la cession de créance qui n’a pas été signifiée au débiteur saisi à la date de la mesure ne lui est pas oposable. Ainsi pour engager une voie d’exécution le cessionnaire d’une créance doit au préalable avoir rendu opposable la cession au débiteur cédé en lui notifiant la cession. Il s’ensuit que si cette notification n’a pas eu lieu, seul le cédant peut diligenter une mesure d’exécution contre le débiteur.
Par conséquent, dès lors que la cession de créances intervenue le 16 décembre 2019 entre la société BNP Paribas Personal Finance et la société Hoist Finance AB n’a été notifiée à Mme [Y] [B] [J], veuve [P], que le 25 mars 2021, seule cette première société pouvait délivrer un commandement de payer à l’encontre de la débitrice auquel la cession de créance n’était pas opposable le 9 janvier 2020.
Les moyens opposés par Mme [J], veuve [P] pour s’opposer à une telle analyse seront écartés. Le principe de subordonner l’opposabilité de la cession de créance au débiteur à une notification préalable vaut pour toutes les mesures d’exécution et pas seulement la saisie-attribution, l’arrêt susvisé ayant une portée générale.
De plus, l’analyse de l’intimée tendant à dire que l’opposabilité de la cession, une fois notifiée au débiteur cédé, rétroagirait au jour de la cession de créance, dès lors que la mesure d’exécution n’est pas achevée, ne résulte que de ses propres dires et n’est étayée par aucun texte.
Il s’ensuit que le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du commandement valant saisie immobilière litigieux réalisé par le cédant et non le cessonnaire subséquemment à la cession de créance du 16 décembre 2019.
Sur la signification du commandement de payer,
Mme [J], veuve [P], persiste à soutenir que le commandement de payer qui lui a été délivré le 9 janvier 2020 est nul, dès lors que sa signification est irrégulière, celui-ci n’ayant pas été délivré dans les formes requises pour la délivrance des actes d’huissier à l’étranger.
En effet, elle soutient que sur l’en-tête de l’acte de signification est mentionné l’article 9-2 du règlement CE n°1393/2007 du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres, qui n’est pas applicable en l’espèce, dès lors qu’elle résidait en Australie, seule la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification des actes judiciaires et extra-judiciaires à l’étranger étant applicable au cas d’epèce.
L’intimée ajoute que la signification du commandement de payer est d’autant plus irrégulière que l’acte ne vise pas les cessions de créances successivement intervenues. Dès lors que la société Hoist Finance ne démontre pas avoir délivré en son nom et dans les délais impartis un nouveau commandement de payer, la signification du commandement de payer du 9 janvier 20202 devra être déclarée irrégulière et l’acte de procédure annulé, ainsi que tous ceux dressés subséquemment.
S’il est exact comme le soutient Mme [J], veuve [P], que l’acte comporte une en-tête eronnée visant des dispositions européennées, force est de constater qu’il a été néanmoins signifié conformément aux dispositions de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 à l’autorité centrale désignée pour le recevoir à savoir la Supreme Cour of Victoria et qu’un exemplaire a été adressé directement au domicile de Mme [P].
Pour ce qui est de l’absence de mention des diverses cessions de créances, l’intimée se montre défaillante pour établir à son encontre l’existence d’un quelconque grief en résultant, tel qu’exigé par l’article 114 du code de procédure sur la nullité des actes de procédure pour vice de forme.
Il s’ensuit que la signification du commandement de payer litigieux s’avère parfaitement régulière, de sorte que la signification sera déclarée parfaitement régulière et Mme [P] déboutée de ses prétentions tendant à voir obtenir son annulation.
Sur la nullité de l’assignation délivrée le 20 mars 2020 à la requête de la société Hoist Finance AB,
Mme [P] conclut ensuite à la nullité de l’assignation délivrée le 20 mars 2020 par la société Hoist Finance AB, considérant que dès lors que la cession de créance n’avait pas été notifiée au débiteur cédé, seule la société BNP Paribas pouvait la délivrer disposant seule de la qualité à agir.
Toutefois, la société appelante indique à juste titre que Mme [P] confond nullité de fond et fin de non recevoir et qu’aucune annulation de l’assignation ne pourra intervenir de ce chef.
Il s’ensuit que Mme [P] ne pourra qu’être déboutée de sa demande en annulation de l’assignation délivrée le 20 mars 2020 par la société Hoist Finance AB.
Sur les fins de non-recevoir,
Sur la qualité à agir de la société Hoist Finance AB,
Sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile, l’intimée conclut à l’irrecevabilité à agir de la société Hoist Finance AB, la considérant comme dépourvue du droit d’agir à l’échéance du 20 mars 2020, pour défaut de qualité, si l’on considère que la cession de créance n’avait pas encore été notifiée à cette date au débiteur saisi et que par conséquent, seul le cédant était en mesure de l’assigner.
Toutefois, il est constant que les fins de non-recevoir sont susceptibles d’être régularisées, en application de l’article 126 du code de procédure civile, si leur cause a disparu au moment où le juge statue. Ainsi, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir peut faire l’oblet d’une régularisation lorsque la partie ayant qualité pour agir devient partie à l’instance, avant toute forclusion
Tel est le cas en l’espèce où la société Hoist Finance est intervenue à la procédure par voie de conclusions postérieures, la faisant ainsi devenir partie à l’instance avant que le juge statue.
Il s’ensuit que l’action engagée par assignation du 20 mars 2020 par la société BNP PARIBAS Personal Finance n’est pas irrecevable.
De plus, Mme [P] soutient que la société Hoist Finance est en tout état de cause irrecevable à agir puisqu’elle ne rapporte pas la preuve de la cession de créance intervenue à son profit par la société BNP Paribas Personal Finance, le 16 décembre 2019, ni des droits que cette dernière banque, tire de l’Union de Crédit pour le bâtiment, l’extait de l’acte de cession produit aux débats ne visant en outre que son défunt époux.
Un tel moyen ne pourra qu’être écarté à l’aune de la pièce n°12 produite par l’appelante, dont la validité n’est pas sérieusement contestable et qui consiste en une attestation datée du 8 juillet 2021, qui prouve la réalité de la cession de créance intervenue le 16 décembre 2019 avec la SA BNP Paribas Personal Finance, laquelle tire effectivement ses droits de l’UCB à l’origine du prêt litigieux et qui vise expréssement Mme [P] et son conjoint. La qualité à agir de la société Hoist Finance n’est donc pas sérieusement contestable.
Sur la prescription de l’action,
Mme [P] soutient en outre que l’action en paiement diligentée par la société Hoist Finance AB est prescrite au visa de l’article L218-2 du code de la consommation qui prévoit que l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.
Elle précise à l’aune de cette disposition que s’agissant d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance en sorte que l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital se prescrivant à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.
Elle en déduit par conséquent que la société Hoist Finance AB n’est pas fondée à comptabiliser au titre de sa créance les échéances prescrites antérieures à la déchéance du terme
Pour ce qui est du capital restant dû, elle argue de ce la prescription est intervenue le 5 mars 2020, compte-tenu de la déchéance du terme en date du 5 mars 2018, le délai n’ayant été interrompu, ni par le commandement aux fins de saisie-vente du 14 août 2018 signifié dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile sans que le la copie de la lettre recommandée avec accusé de réception ne soit produite, ni par la commandement de payer valant saisie immobilière du 9 janvier 2020 irrégulièrement signifié.
Cette analyse ne pourra toutefois pas être retenue par la cour, dès lors que la situation de compte produite en sa pièce n°19 par la société Hoist Finance AB, permet de constater que la première mensualité impayée du 5 mars 2014 a été régularisée avant l’expiration du délai de prescription biennal et qu’en réalité la première échéance effectivement impayée se situe au 5 septembre 2016. Pour ce qui est du capital restant dû, la déchéance du terme a été prononcée le 5 mars 2018.
De plus, le délai de prescription biennale a été interrompu dans les deux hypothèses le 14 août 2018 par le commandement aux fins de saisie-vente, dûment signifié dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile et par le commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 9 janvier 2020 dont la validité est établie.
Il s’ensuit que l’action diligentée par la société Hoist Finance AB n’est pas prescrite et que la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par l’intimée sera écartée.
Sur le titre exécutoire,
Mme [P] rappelle ensuite en application des articles L111-2 et L311-2 du code des procédures civiles d’exécution, que la saisie immobilière ne peut être pratiquée que par un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Or, elle considère que l’acte notarié du 10 janvier 2008 servant de base aux poursuites est dépourvu de force exécutoire, dès lors que seule une page sur deux est paraphée par les parties.
La société Hoist Finance AB répond à son adversaire que la demande en nullité du titre exécutoire susvisé n’a été faite que par conclusions du 18 mai 2021 par Mme [P] et qu’elle ne peut qu’être déclarée prescrite en son action, ladite nullité ayant été invoquée plus de cinq année après que l’acte de prêt en cause ait reçu un début d’exécution.
Toutefois, Mme [P] réplique qu’elle ne sollicite nullement la nullité de l’acte de prêt, mais demande que la cour constate, qu’en l’absence des paraphes précités, cet acte est dépourvu de force exécutoire.
Un tel raisonnement ne pourra être suivi par la cour, dès lors que le paraphe n’est pas une condition de validité d’un acte notarié et qu’il n’est nullement porté atteinte, du fait de ce manque de paraphe sur une page sur 2, à la force exécutoire de l’acte dès lors que l’acte a été dument signé des parties et le notaire intrumentaire en sorte qu’il fait foi jusqu’à inscription de faux en application de l’article 1371 du code civil.
Il s’ensuit que l’acte notarié du 10 janvier 2008 constitue un titre exécutoire valable pouvant servir de base aux poursuites diligentées contre Mme [P].
Sur le montant de la créance réclamée,
Mme [P] rappellant les dispositions de l’artice R322-18 du code des procédures civiles d’exécution selon lesquelles le jugement d’orientation doit mentionner le montant de la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et accessoires, indique que la somme réclamée par la société Hoist Finance AB à hauteur de 181 951, 96 euros n’est pas justifiée, s’agissant du montant des intérêts annuels fixés à la somme de 16 132, 89 euros. Elle ajoute qu’elle avait souscrit avec son époux une assurance décès qui aurait dû prendre en charge une partie des sommes réclamées.
Un tel moyen n’est pas pertinent, dès lors que la société Hoist Finance a produit en sa pièce n°19 un décompte précis de sa créance mentionnant le capital restant dû à la date d’exigibilité le 5 mars 2018 à hauteur de 162 560 euros, ainsi que les intérêts au taux contractuel de 1, 36%, soit la somme de 19 391, 96 euros au total arrêtée à la date du 18 juin 2019.
Au vu de ce décompte clair et précis, la créance de la société Hoist Finance AB est dûment justifiée.
S’agissant de l’assurance décès, il appartient à Mme [P], ainsi qu’aux ayants droit du défunt d’engager des démarches pour obtenir une indemnisation par leur assureur, l’éventualité d’une telle prise en charge n’étant pas de nature à affecter le quantum de la créance que la société appelante est en droit de réclamer.
Par conséquent, la société Hoist Finance AB, venant aux droits de BNP Paribas Personal Finance verra sa créance fixée à l’encontre de Mme [P] à la somme de 181 951, 96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1, 36% l’an dus à compter du 19 juin 2019 jusqu’à parfait règlement sur la somme de 162 560 euros et au taux légal pour le surplus.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [P] pour abus de saisie,
Mme [P] sollicite sur le fondement de l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution la condamnation de la société Hoist Finance à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie.
Toutefois, l’abus de saisie est conditionné à la démonstration d’une faute imputable au créancier laquelle n’est pas démontrée en l’espèce par Mme [P].
Il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande indemnitaire formée de ce chef.
Sur la demande de vente amiable,
Mme [P] sollicite à titre très subsidiaire la vente amiable de l’immeuble sur le fondement des articles R322-5 6° et R322-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La société Hoist Finance AB ne s’oppose nullement à cette demande, au vu de l’estimation effectuée par l’agence Chiappino Immobilier pour la somme de 120 à 130 000 euros et du mandat de vente signé le 24 mai 2021 au profit de cette même agence.
Au regard de l’accord des parties de ce chef, la cour fera droit à cette demande de vente amiable formée par Mme [P].
Dans une telle hypothèse, l’article R322-21 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deça duquel l’immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que le cas échéant les conditions particulières de la vente.
Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant.
Il fixe l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois. A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d’un engagement écrit d’acquisition et qu’afin de permettre la rédaction et la conclusion de l’acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois.
Au vu de l’estimation produite, il convient de fixer le prix plancher de l’immeuble à la somme de 130 000 étant précisé que l’acquéreur devra prendre à sa charge l’émolument fixé sur le prix de vente ainsi que les frais taxés en sus du prix de vente.
L’affaire sera en outre renvoyée devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Périgueux le X d’octobre ou de novembre 2023.
Sur les autres demandes,
Il ne paraît pas inéquitable enfin de condamner Mme [P], qui succombe en son appel, à payer à la société Hoist Finance AB la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
Mme [P] sera pour sa part déboutée de ses demandes formées à ces titres.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] [B] veuve [P] de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette l’exception de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière signifié à Mme [Y] [B] [J], veuve [P], le 9 janvier 2020,
Rejette l’exception de nullité de l’assignation à l’audience d’orientation signifiée à Mme [Y] [B] [J] veuve [P],
Constate que la société Hoist Finance AB, venant aux droits de la BNP Paribas Personal Finance, venant elle-même aux droits de l’Union de Crédit pour le Bâtiment est titulaire d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de Mme [Y] [B] [J] veuve [P],
Fixe la créance de la société Hoist Finance AB, venant aux droits de la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de l’Union de Crédit pour le Bâtiment à l’encontre de Mme [Y] [B] [J], veuve [P] à la somme de 181 951,96 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 1,36% l’an dus à compter du 19 juin 2019 jusqu’à parfait réglement sur la somme de 162 560 euros et au taux légal sur le surplus,
Déboute Mme [Y] [B] [J] veuve [P] du surplus de ses prétentions,
Donne acte à la société Hoist Finance qu’elle ne s’oppose pas à la vente amiable du bien saisi et autorise Mme [B] [J], veuve [P] à y procéder,
Fixe le prix plancher à la somme de 130 000 euros,
Taxe les frais de procédure à la charge de l’acquéreur ainsi que l’émolument à calculer sur le prix de vente,
Renvoie le dossier devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Périgeux pour la poursuite de la procédure le 17 octobre 2023 à 14h00,
Condamne Mme [Y] [B] veuve [P] à payer à la société Hoist Finance la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE