COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUILLET 2023
N° 2023/ 246
Rôle N° RG 22/01609 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIZRB
Société CGL
C/
[T] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Caroline GUEDON
Me Cécile ALBISSER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité d’AIX EN PROVENCE en date du 17 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1121000944.
APPELANTE
Société CGL La Compagnie Générale de Location d’Equipements ‘ CGL’ au capital social de 58606156 EUR, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE, sous le numéro 303 236 186, , demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Caroline GUEDON de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [T] [E]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cécile ALBISSER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juillet 2023
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE:
Selon offre acceptée le 2 mai 2018, la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS (CGL) a consenti à Mme [T] [E] une location avec option d’achat portant sur un véhicule neuf TOYOTA C-HR 98 GRAPHIC d’une valeur de 31801,74 euros pour une durée de 37 mois.
Le véhicule a été livré le 15 mai 2018.
En date du 9 décembre 2019, la SA CGL a mis en demeure Mme [E] d’avoir à régler les arriérés de loyers s’élevant à la somme de 1 722,19 euros, étant précisé qu’à défaut de régularisation dans les huit jours à compter de la réception de ladite lettre, le contrat serait résilié.
Le 11 février 2020, la SA CGL a notifié la résiliation du contrat de location avec option d’achat.
Par ordonnance du 18 mai 2020 sigifiée le 5 juin 2020, le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a ordonné à Mme [E] de remettre à ses frais le véhicule litigieux à la SA CGL.
Le 17 août 2020, Mme [E] a remis volontairement le bien au créancier qui a procédé à sa vente aux enchères pour le prix de 16000 euros.
C’est ainsi que la SA CGL a adressé une nouvelle mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 2 octobre 2020, à Mme [E] d’avoir à régler la somme de 11616,43 euros pour solde du dossier.
Par exploit d’huissier du 30 juillet 2021, la SA CGL a fait assigner Mme [E] afin qu’elle soit condamnée, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :
12785 euros avec intérêts au taux conventionnel de 0,76 % à compter du 15 août 2019,
500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 17 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire d’Aix-en Provence a statué ainsi :
– Rejette les demandes de la COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENT CGL,
– Condamne la COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION d’EQUIPEMENT CGL aux dépens.
Le premier juge retient essentiellement que l’indemnité de résiliation s’entend contractuellement comme une clause pénale ; qu’elle est, à ce titre, susceptible d’être réduite si elle est manifestement excessive ; que l’indemnité de résiliation s’élève à la somme de 24982,86 euros alors que la valeur du véhicule s’élevait en 2018 à la somme de 31801,74 euros et qu’il a été vendu le 22 septembre 2020 au prix de 16000 euros ; qu’il décide de réduire ladite indemnité à la somme de 12500 euros ; que les frais de 403,14 euros ne sont pas justifiés.
Par déclaration du 03 février 2022, la Société CGL a interjeté appel de ladite décision avec la mention ‘appel total’.
Par pièce jointe à la déclaration d’appel, signifiée par le RPVA le même jour, la société CGL vise les chefs du jugement critiqué en ce qu’il :
– Rejette les demandes de la COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENT CGL
– Condamne la COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION d’EQUIPEMENT CGL aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses prétentions et de ses moyens, la COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENT (CGL) demande à la cour de :
Rejeter toutes les prétentions contraires,
Débouter purement et simplement Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Déclarer que la Cour d’appel a été valablement saisie par une déclaration d’appel notifiée le 03.02.2022 par la société CGL.
Réformer purement et simplement en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d’Aix en Provence Pôle proximité en date du 17 décembre 2021.
Et statuant à nouveau déclarer l’action de la CGL juste recevable et bien fondée.
– Condamner Mme [E] à payer à la Compagnie Générale de Location d’Equipement « CGL » la somme en principal de 12785 outre intérêts au taux contractuel de 0.76% à compter du 15.08.2019 (premier incident de paiement non régularisé), conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du Code civil.
Condamner Mme [E] à payer à la Compagnie Générale de Location d’Equipement CGL la somme de 1500 euros en remboursement des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes, la société CGL expose que les incidents de paiement ont débuté en mai 2019 ; qu’elle n’a procédé à la résiliation du contrat qu’en janvier 2020 ; que Mme [E] a procédé à un aveu judiciaire en reconnaissant à l’audience devant les premiers juges avoir manqué à ses obligations contractuelles et en ne contestant pas les mensualités impayées et l’exigibilité de la dette ; que les premiers juges ont fait une confusion entre la valeur du bien et l’indemnité de résiliation.
La SA CGL soutient également que la déclaration d’appel a été effectué conformément à la législation en vigueur, avec les chefs du jugement critiqués ; que l’arrêté du 25 février 2022 entré en viguer le 1er mars 2022 s’applique à la procédure en cours et n’a pas d’effet rétroactif ; que l’intimée n’a pu subir de grief du fait de la non-connaissance de l’annexe à la déclaration d’appel ; que l’indemnité de résiliation n’est pas soumise au pouvoir modérateur du juge.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses prétentions et de ses moyens, Mme [E] demande à la cour de :
Déclarer recevable et bien fondées Mme [E] en ses demandes.
Rejeter comme infondés les moyens, fins et conclusions développés par la CGL.
En conséquence,
A titre principal,
Relever que la déclaration d’appel de la CGL comporte la mention appel total.
Déclarer que la déclaration d’appel de la CGL n’a pas été régularisée.
En conséquence,
Juger que la déclaration d’appel de la CGL est dépourvue d’effet dévolutif.
Juger que la Cour d’appel n’est pas valablement saisie d’un appel portant sur le jugement du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, pôle proximité, en date du 17 décembre 2021,
Déclarer irrecevables les demandes formées par la CGL aux termes de ses conclusions en date du 29 avril 2022.
Rejeter les demandes formées par la CGL aux termes de ses conclusions en date du 29 avril 2022.
A titre subsidiaire,
Déclarer que la clause de résiliation constitue une clause pénale.
Déclarer que la clause pénale invoquée par la CGL est excessive.
Débouter la CGL de sa demande en paiement formée envers Mme [E].
En conséquence,
Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
En tout état de cause,
Condamner la CGL au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, Mme [E] soulève devant la Cour d’appel l’absence d’effet dévolutif de l’appel formé par la CGL et entend voir déclarer la Cour non saisie ; qu’aucune régularisation n’a été faie par l’appelante ; qu’ainsi les demandes formées par cette dernière aux termes de ses conclusions sont irrecevables ; qu’elle n’a jamais eu connaissance de l’annexe faite à la déclaration d’appel ; que cette déclaration ne renvoie pas à l’annexe. ; que subsidiairement, elle soutient qu’elle n’a commis aucun aveu judiciaire et qu’il ne saurait être tenu aucune conséquence des mentions faites au sein du jugement dont appel ; que l’indemnité de résiliation est bien une clause pénale qui est, en l’espèce, manifestement excessive car largement supérieure au préjudice subi par la société CGL.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 avril 2023.
MOTIVATION :
Sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel :
Il résulte de l’article 554 du code de procédure civile que lors que la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement qui sont critiqués en visant au titre de l’objet/portée de l’appel un ‘appel total’, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée, et ce pour l’ensemble des intimés. En outre, seule la cour d’appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l’absence d’effet dévolutif (Cass. Civ., 2e, 19 mai 2022, n°21-10.685).
En outre, si l’appelant n’est pas tenu de mentionner dans la déclaration d’appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu’il critique lorsqu’il entend se prévaloir de l’indivisibilité de l’objet du litige, il n’en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n°20-20.936).
Il résulte de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022, qu’une déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences légales, même en l’absence d’empêchement technique (Cass, Civ., 2e, avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005).
Dans ce même avis, la Cour de cassation estime que les nouvelles dispositions issues du décret n°2022-245 du 25 février 2022 et de l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant le cour d’appel régissent, dans les instances en cours, les déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et ont pour effet de conférer validité aux déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.
En l’espèce, par déclaration du 3 février 2022, la société CGL a relevé appel du jugement rendu le 17 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence avec pour mention dans ‘objet/portée de l’appel’ : ‘appel total’.
Par message transmis le même jour par voie électronique, la société CGL a signifié une pièce jointe ou annexe comportant la mention des chefs du dispositif du jugement critiqués.
Même si le décret du 25 février 2022 et l’arrêté précité du 25 février 2022 sont entrés en vigueur postérieurement à la déclaration d’appel du 3 février 2022, leurs dispositions sont applicables à la présente instance.
Cependant, la déclaration d’appel ne mentionne à aucun moment expressément que l’objet du litige est indivisible, ni ne fait référence à l’existence de sa pièce jointe ou annexe ou n’y renvoie.
Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces dispositions, il convient de décider que la déclaration d’appel du 3 février 2022, non régularisée par une nouvelle déclaration d’appel prise dans le délai imparti à l’appelante pour conclure conformément aux articles 901 et suivants du code de procécure civile, n’a pas eu d’effet dévolutif et que la Cour n’est pas saisie de l’appel formé par la société CGL.
La Cour n’a donc pas à confirmer le jugement déféré, qui s’applique en toutes ses dispositions à la présente espèce, à défaut d’être également saisie par un appel incident formée par l’intimée dans les délais de l’appel principal.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, il convient de condamner la société CGL aux dépens de la procédure d’appel.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Il paraît équitable de condamner la société CGL à payer à Mme [E] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
DIT que la déclaration d’appel de la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS (CGL) est dépourvue de tout effet dévolutif et ne saisit pas valablement la Cour ;
En conséquence, RAPPELLE que le jugement déféré rendu le 17 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence s’applique en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS (CGL) à payer à Mme [T] [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
CONDAMNE la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS (CGL) aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,