Travail temporaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07067

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Travail temporaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07067
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°01

N° RG 19/07067 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QGRK

– M. [L] [O]

– Syndicat REGIONAL DES TRANSPORTS CGT DES PAYS DE LA LOIRE

C/

SARL G-C LOGISTIQUE

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Septembre 2022

En présence de Madame Laurence APPEL, Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [L] [O]

né le 07 Juin 1980 à [Localité 8] (59)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Sandrine VIVIER substituant à l’audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocats postulants du Barreau de RENNES et ayant Me Isabelle GUIMARAES de la SELARL GUIMARAES & POULARD, Avocat au barreau de NANTES, pour conseil

Le Syndicat REGIONAL DES TRANSPORTS CGT DES PAYS DE LA LOIRE prise en la personne de son Sécrétaire en exercice et ayant son siège:

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine VIVIER substituant à l’audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocats postulants du Barreau de RENNES et ayant Me Isabelle GUIMARAES de la SELARL GUIMARAES & POULARD, Avocat au barreau de NANTES, pour conseil

…/…

INTIMÉE :

La SARL G-C LOGISTIQUE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Loïc GREVELINGER, Avocat du Barreau de NANTES, pour conseil

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M. [L] [O] a initialement été engagé par la SARL GUILBAULT [S] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet du 24 novembre 2008, en qualité de conducteur routier et cariste. Le contrat de travail de M. [O] a été transféré à compter du 1er février 2011 à la SARL G-C LOGISTIQUE qui a repris l’activité de transport de l’entreprise’; un avenant au contrat de travail a été régularisé entre les parties précisant notamment une reprise de l’ancienneté et de la qualification de M. [O], Conducteur Hautement Qualifié de Véhicules Poids Lourds, Groupe 7, Coefficient 150, selon l’Annexe I à la Convention Collective des Transports Routiers.

Le 23 mai 2014, M. [O] a été élu en qualité de délégué du personnel titulaire, M. [P] [Z] étant élu en qualité de suppléant.

Le 27 mai 2014, M. [O] a été désigné par le Syndicat CGT en qualité de délégué syndical.

M. [O] a été placé en arrêt de travail renouvelé à plusieurs reprises à compter du 11 avril 2015.

A la suite d’une première visite du 7 septembre 2015 et d’une étude de poste du 17 septembre 2015, M. [O] à l’issue d’une dernière visite du 25 septembre 2015 a été déclaré «’définitivement inapte à son poste de travail ainsi qu’aux autres postes dans cette entreprise ».

Après autorisation de l’Inspection du Travail du 7 janvier 2016, la Société G-C LOGISTIQUE a procédé le 13 janvier 2016 au licenciement de M. [O] pour impossibilité de reclassement et inaptitude.

Le 26 avril 2016, M. [O] et le Syndicat Régional des Transports CGT des Pays de la Loire ont saisi le Conseil de prud’hommes de NANTES aux fins de versement de diverses sommes notamment au titre de l’inexécution fautive du contrat par l’employeur, de l’indemnisation des préjudices subis du fait du comportement de l’employeur et du préjudice résultant de la perte de son emploi par le salarié.

Par jugement du 28 mars 2019, le Conseil de prud’hommes de NANTES en formation paritaire a’notamment :

‘ Déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la SARL G-C LOGISTIQUE,

‘ Dit que l’ancienneté de M. [O] est acquise au 16 septembre 2018,

‘ Décerné acte au salarié de ce qu’il renonçait à sa demande de rappel de rémunération liée à la majoration conventionnelle due au titre de l’ancienneté,

‘ Condamné la SARL G-C LOGISTIQUE à payer à M. [O] à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés sur période du 1er juin 2012 au 31 mai 2015 la somme brute de 1.889,07 €, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,

‘ Condamné la SARL G-C LOGISTIQUE à payer à M. [O] la somme de 1.300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

‘ Renvoyé l’examen des autres demandes ainsi que celle relative à l’intervention du syndicat CGT devant le juge départiteur.

Cette décision est devenue définitive.

La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par M. [O] le 25 octobre 2019 du jugement de départage du 23 septembre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de NANTES a :

‘ Débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Déclaré recevable l’intervention volontaire du Syndicat Régional des Transports CGT des Pays de la Loire,

‘ Débouté le Syndicat Régional des Transports CGT des Pays de la Loire,

‘ Condamné M. [O] aux dépens,

‘ Rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 juillet 2022 suivant lesquelles M. [O] demande à la cour de :

‘ Réformer le jugement de départage rendu par le Conseil de Prud’hommes de NANTES en ce qu’il a débouté M. [O] de toutes ses demandes ;

‘ Juger que l’ancienneté de M. [O] est acquise à compter du 16 septembre 2008,

‘ Juger que la société G-C LOGISTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux a commis des manquements en matière de durée du travail,

‘ Condamner en conséquence la société G-C LOGISTIQUE à verser à M. [O] la somme de 150 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la répartition hebdomadaire de la durée du travail,

‘ Juger que M. [O] a été victime de faits de discrimination syndicale de la part de la société G-C LOGISTIQUE ou à tout le moins constitutifs d’entrave, faits également constitutifs de harcèlement moral ou à tout le moins d’une exécution déloyale de son contrat de travail,

‘ Condamner en conséquence la société G-C LOGISTIQUE à verser à M. [O] la somme de 50.000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices matériels et moraux subis,

‘ Juger que ces actes répétés de discrimination, également constitutifs de faits de harcèlement moral, sont à l’origine de la déclaration d’inaptitude de M. [O],

‘ Juger en conséquence que la société G-C LOGISTIQUE est tenue de réparer l’entier préjudice subi par M. [O] du fait de la perte de son emploi,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE à verser à M. [O] la somme de 16.350€ net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de l’emploi, sur le fondement de l’article L1235-3 du Code du Travail,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE à verser à M. [O] la somme de 3.632,10€ brut à titre d’indemnité compensatrice sur le fondement de l’article L1226-14 du Code du Travail,

‘ Ordonner la délivrance des bulletins de paie ainsi que d’une attestation pôle emploi rectifiés et de tout document conforme à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification du jugement, «’ le Conseil [sic] se réservant en outre le droit de liquider l’astreinte ordonnée’»,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE à verser à M. [O] la somme de 3.000€ net sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ Juger que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l°introduction de l’instance pour celles ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

‘ Juger que les intérêts se capitaliseront en application de l’article 1343-2 du Code Civil,

‘ Condamner la société GC-LOGISTIQUE aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 29 novembre 2021 suivant lesquelles le Syndicat Régional des Transports CGT des Pays de la Loire demande à la cour, au visa de l’article L 2132-3 du Code du travail, de’:

‘ Réformer partiellement le jugement de départage du Conseil de Prud’hommes de NANTES du 23 septembre 2019 en ce qu’il a débouté le Syndicat régional des Transports CGT des Pays de la Loire de ses demandes,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré son intervention volontaire recevable,

‘ Juger que M. [O] pose des questions de principe et qu’il est porté préjudice à l’intérêt collectif de la profession,

‘ Condamner en conséquence la société G-C LOGISTIQUE à verser au Syndicat régional des Transports CGT des Pays de la Loire la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts,

‘ Ordonner la publication de la décision à intervenir dans les journaux OUEST-FRANCE et PRESSE OCEAN, à la diligence du syndicat régional des Transports CGT des Pays de la Loire et aux frais de la société G-C LOGISTIQUE,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE à afficher la décision à intervenir aux portes de l’entreprise, au format original et pendant un mois courant à compter du jour où elle sera passée en force de chose jugée et ce, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE à verser au syndicat régional des Transports CGT des Pays de la Loire la somme de 1.000 €, à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ Juger que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de la décision à intervenir avec capitalisation en application de l’article 1343-2 du Code Civil,

‘ Condamner la société G-C LOGISTIQUE aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021 suivant lesquelles la SARL CG LOGISTIQUE demande à la cour de :

‘ Déclarer M. [O] non fondé en son appel, l’en débouter,

‘ Déclarer la Société GC LOGISTIQUE recevable et fondée en son appel incident, et y faire droit,

‘ Confirmer le jugement du Conseil de Prud’Hommes de NANTES du 23 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

‘ Débouter M. [O] et le Syndicat Régional Transports CGT des Pays de la Loire de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

‘ Condamner «’in solidum’» M. [O] et le Syndicat Régional Transports CGT des Pays de la Loire à verser à la Société GC LOGISTIQUE la somme de 3.000 € «’chacun’» [sic], sur le fondement de l’Article 700 du code de procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ utilisé comme synonyme des verbes précédents pour introduire dans le dispositif des moyens relevant de la discussion.

Sur la reprise de l’ancienneté

Cette demande, outre qu’il ne s’agit pas là d’une prétention au sens des dispositions précitées, est devenue sans objet au regard du dispositif du jugement du 28 mars 2019 rendu par le Conseil de prud’hommes de NANTES statuant en formation paritaire.

Sur la répartition hebdomadaire du travail

M. [O] fait valoir une atteinte aux dispositions de l’article 2 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d’application des dispositions du Code du Travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises prévoyant notamment que «’la répartition de [la] durée [hebdomadaire] du travail sur un nombre de jours inférieur à cinq ne peut être effectuée qu’avec l’accord du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent. Dans les entreprises qui ne sont pas légalement dotées d’une représentation du personnel, cette répartition pourra être autorisée par l’inspecteur du travail après enquête auprès des salariés. […]’»’; qu’en effet la répartition de sa durée hebdomadaire a pu être faite sur une période inférieure à 5 jours par exemple pour la semaine du 2 au 8 juin 2014 ; qu’à défaut pour la société G-C LOGISTIQUE de verser aux débats l’avis des délégués du personnel autorisant cette répartition elle a été mise en place illégalement et a causé un préjudice à M. [O] en entraînant un état de fatigue accru et des difficultés d’organisation de sa vie personnelle justifiant le versement d’une somme de 150 € net à titre de dommages et intérêts.

La société G-C LOGISTIQUE rétorque pour l’essentiel que M. [O] ne tire argument d’une répartition du temps de travail sur moins de cinq jours que sur la seule première semaine du mois de juin 2014 et ne justifie par aucun élément de préjudice qu’il prétend en être résulté.

Les pièces versées aux débats, en particulier le décompte des heures de travail de M. [O] de mai à décembre 2014 (sa pièce n°86) ne justifient d’une répartition hebdomadaire du temps de travail sur moins de cinq jours qu’à une seule reprise sur toute la période, effective en l’espèce sur trois jours compte tenu de la journée de repos compensateur du lundi 2 juin 2014.

M. [O] qui fait valoir que cette répartition aurait entraîné «’un état de fatigue accru et des difficultés d’organisation de la vie personnelle’» ne justifie de son préjudice par aucun élément, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de ce chef de demande.

Sur la régularisation des documents de fin de contrat

Il est établi par l’ensemble des pièces versées aux débats ainsi que par les écritures des parties que la société GC-LOGISTIQUE a versé dans le cadre de la procédure, ainsi que l’a relevé le Conseil de Prud’hommes dans son jugement du 23 septembre 2019 une attestation pôle emploi rectifiée (pièce n°16 de la société) modifiant les mentions critiquées de celle initialement remise (pièce n°79 du salarié).

M. [O] maintient pour autant sa demande au motif (page 14 de ses écritures) que «’si cette attestation a été effectivement modifiée concernant le dernier jour travaillé et les douze derniers mois de salaire néanmoins, la durée hebdomadaire de travail reste erronée en ce qu’elle mentionne toujours 35h’»’; mais l’attestation rectifiée (pièce n°16 précitée) précise au contraire que si la durée hebdomadaire de travail dans l’entreprise est de 35 heures celle du salarié est de 41 heures.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de ce chef de demande.

Sur la discrimination et les autres autres manquements de l’employeur

M. [O], qui fait valoir qu’il a été victime de faits de discrimination syndicale qui sont «’à tout le moins constitutifs d’entrave’» et sont «’également constitutifs de harcèlement moral’» ou «’à tout le moins, d’une exécution déloyale de son contrat de travail’», vise d’abord dans ses écritures, pour les mêmes faits, à la fois les dispositions des articles L1222-1 du code du travail, celles de l’article L1132-1 et de l’article L2141-5 du même code correspondant aux fondements de droit tenant à un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat et à une situation de discrimination notamment pour une appartenance ou des activités syndicales.

La société G-C LOGISTIQUES conteste l’existence d’une discrimination syndicale et de tout manquement de sa part à son obligation de bonne foi. Elle fait valoir que M. [O] ne justifie nullement avoir fait l’objet d’une discrimination en raison de son mandat.

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison notamment de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes.

Aux termes de l’article L. 2141-5 du Code du Travail il est en outre interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En vertu de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsqu’un litige survient en raison d’une discrimination syndicale, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Par ailleurs, aux termes de l’article L1222-1 du même code, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

M. [O] en l’espèce invoque’:

– un climat social délétère qui s’est développé au sein de la société G-C LOGISTIQUE à compter de son élection en mai 2014 en qualité de délégué du personnel suivie de sa désignation en qualité de délégué syndical’;

– la pauvreté du dialogue qui a engendré deux grèves en août et octobre 2014, au cours desquelles il a lui-même comme d’autres salariés grévistes été menacé voire agressé’;

– des représailles exercées et un acharnement de la part de son employeur’;

– l’organisation par l’inspection du travail d’une réunion tripartite en octobre 2014 à l’issue de laquelle la société G-C LOGISTIQUE a pris un certain nombre d’engagements, reconnaissant ainsi qu’elle avait pu par le passé adopter un comportement discriminatoire envers les salariés grévistes et sympathisants du syndicat CGT’;

– une nouvelle alerte de l’inspection du travail qui a organisé une nouvelle réunion le 15 avril 2015 à l’issue de laquelle ont été relevés de nombreux manquements dont la majorité avaient déjà été soulevés lors de la réunion d’octobre 2014′;

– la méconnaissance par l’employeur des attributions des délégués du personnel dont l’avis aurait dû être sollicité concernant la mise en place d’un décompte trimestriel de temps de service des personnels roulants, qui n’ont pas été informés du développement de nouvelles fonctionnalités du système de géolocalisation et qui n’ont pas été consultés sur la fixation de la période des congés payés 2015 ni sur l’ordre de ces départs en congé’;

– l’attribution par sa direction à plusieurs reprises d’une tournée telle qu’elle ne lui permettait pas de pouvoir bénéficier de ses heures de délégation et des difficultés liées à la prise des heures de délégation’;

– l’emplacement décidé unilatéralement par l’employeur du panneau d’affichage syndical distinct de celui affecté aux communications des délégués du personnel, non abrité et placé si bas qu’il nécessitait de s’accroupir pour lire les documents affichés’;

– l’organisation d’une réunion du 26 août 2014 pendant les congés payés des délégués’;

– les difficultés générées par l’employeur à l’occasion des négociations annuelles obligatoires qui ont nécessité en 2014 avant d’être ouvertes en novembre que M. [O] réitère à deux reprises sa demande quant à leur organisation’et qui n’ont pas été plus apaisées’en 2015’puisque l’absence de M. [O] a été désignée comme non excusée’alors qu’il était en arrêt de travail ; – l’absence de convocation à une réunion du 25 septembre 2015 des délégués du personnel qui ne s’y sont donc pas présentés’;

– l’absence à plusieurs reprises de réponse par la société aux questions des délégués du personnel dans les 6 jours ouvrables suivants une réunion’;

– l’absence à l’égard de M. [O] à compter de son élection en qualité de délégué du personnel du respect et de la politesse minimale qui lui étaient accordés auparavant comme aux autres salariés’;

– les violences verbales de la part de M. [B] et de M. [S], gérant, ainsi que de violences physiques de la part de ce dernier lors d’une grève en août 2014′;

– l’agression verbale le 31 mars 2015 par M. [S] de M. [O] en l’invectivant devant deux salariés (MM. [T] et [U]), à l’origine quelques jours plus tard pour M. [O] d’un arrêt de travail pour un «’ épisode dépressif’» désigné comme «’réactionnel à une souffrance liée aux conditions de travail’»’;

– le refus persistant opposé par l’employeur à M. [O] de remplir l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières par la CPAM lors de cet arrêt de travail.

De nombreux éléments invoqués par M [O] soit évoquent des récriminations fondées sur des considérations uniquement subjectives (propos décrits comme dénigrant, refus de serrer la main ou de dire bonjour, manque de respect, climat délétère) soit sont constitués d’allégations qui ne sont corroborées par aucun élément (propos prêtés à M. [B] en page 35 des écritures du salarié, propos «’injustifiés et inadaptés envers des collègues’» de M. [KB], diverses «’agressions’» dont MM [O] et [Z] auraient été victimes et qu’ils auraient rapportées à la Gendarmerie nationale selon la page 22 des écritures du salarié), soit sont antérieurs à l’exercice des activités syndicales du salarié (décompte trimestriel du temps de service avant la mise en place d’institutions représentatives du personnel), soit ne relèvent pas d’un traitement particulier de M. [O] et ne relèvent que des échanges entre la Direction et les délégués du personnel et le fonctionnement des institutions repr»sentatives du personnel (géolocalisation, congés payés, défaut de réponse dans les 6 jours aux questions des délégués).

A l’appui de ses développements, M. [O] a versé aux débats notamment les pièces suivantes :

– sa pièce n°5′: attestation de M. [E] selon laquelle le gérant aurait dit que les élections organisées par le syndicat CGT ne l’auraient été que ‘dans l’intérêt de quelques personnes’;

– sa pièce n°6′: attestation de M. [MV] qui affirme avoir démissionné en raison de la discrimination instaurée entre les chauffeurs par la direction notamment pendant les élections en disant de voter pour [I] [KB], «’un chauffeur qu’il voulait mettre et surtout pas les autres et ils m’ont cité les noms ([D] [XI], [L] [O], et [P] [Z])’»,

– sa pièce n°7′: un courrier de M. [T] à M [C], inspecteur du travail, indiquant que la direction a «’convoqué certains chauffeurs pour leur demander de voter blanc, car ils ne voulaient pas de ces délégués et encore moins du syndicat CGT’» et ajoutant immédiatement que «’les élections se sont déroulées dans les règles, les délégués du personnel ont été élus et le syndicat CGT a obtenu la majorité, tout en sachant qui avait voté blanc ou le syndicat vu les consignes passées par la direction auparavant. De là la politesse était forcée, lorsqu’on arrivait dans l’escalier, Mr [S] [gérant] faisait celui qui ne nous voyait pas, ou nous tournait le dos pour ne pas nous dire bonjour’»’; M. [T] ajoute qu’après la reprise du travail à l’issue de la grève «’certains salariés montés contre les grévistes par la direction, refusent même de nous serrer la main’»’;

– ses pièces n°54 et 55 (procès verbaux des élections des délégués du personnel)’qui confirment l’absence d’irrégularité relevée au cours de ses élections, dont le résultat n’a pas été contesté ;

– ses pièces n°10 et n°13′: deux attestations de M. [T] (du 15 octobre 2014 et du 16 octobre 2014) indiquant d’une part que le 12 août 2014 lors d’une grève M. [E] l’aurait heurté au niveau des chevilles avec une palette et d’autre part «’il y a toujours eu de la discrimination par rapport à la répartition du travail[…]’De plus, pendant les négociations durant la 1ère grève du 11 au 14 août 2014, ils [sans plus de précision] n’ont pas nié que Mr [Y] a dénigré Mr [XI] [D] auprès de l’un de nos clients’»’;

– sa pièce n°12′: M. [U] atteste également que «’M. [S] a poussé M. [O] sur la voie publique [‘] le 12 août 2014 lors d’une grève’»’; il convient d’observer que M. [U], dans une autre attestation produite par la société intimée (pièce n°32 datée du 1er juin 2017), se décrivant comme étant «’à l’époque quelqu’un de plutôt timide’et réservé’influençable’» affirme avoir été «’forcé’» à «’faire des pièces en décharge contre l’entreprise'[sic] », tout en précisant ne pas rédiger cette seconde attestation sous la contrainte au motif qu’il ne fait plus partie du personnel de la société’;

– sa pièce n°15′: son propre courrier du 21 septembre 2014 à M [C], inspecteur du travail, indiquant «’depuis notre élection, l’ambiance se dégrade de jour en jour, et certains chauffeurs grévistes subissent des pressions de la direction, ils sont les seuls à découcher ou à faire les tournées les plus éloignées. Nous avons même perdu un salarié, Mr [MV] [UO] qui a quitté l’entreprise le 29 août 2014, ne supportant plus cette atmosphère qui laisse à désirer. Sans parler de certaines personnes de la direction qui nous disent à peine bonjour ni même nous serrent la main (‘) Depuis la grève du 11 août 2014, tous les salariés grévistes s’aperçoivent bien qu’il y a de la discrimination par rapport à la répartition du travail et même du harcèlement moral. Et le plus important, c’est que je viens d’apprendre que la direction veut renvoyer tous les salariés grévistes, un par un en finissant par mon suppléant et moi-même, car ils ne savent pas encore comment s’y prendre avec nous au vu de notre mandat’»’;

– (pièce n°58)’: une autre attestation de M [MV] selon laquelle il aurait été témoin de transports effectués par un salarié de la société GUILBAUT [S] (M. [XP]) en remplacement de salarié gréviste entre le 11 et le 14 août 2014 et un courrier de M. [O] en qualité de délégué le 20 août 2014 à la Direction demandant des explications sur ce point (pièce n°59)’;

– sa pièce n°8′: une attestation de M. [J] indiquant « avoir entendu de la direction le jour de mon embauche, qu’ils dénigraient le syndicat et les délégués du personnel, qu’ils ne se lavaient pas et qu’ils puaient et que le syndicat ne servait à rien'[sic] »’; dans une autre attestation (pièce n°102) M. [J] précise être embauché depuis le 2 juin 2014 et avoir entendu «’de M. [X] [V] après le mouvement de grève d’octobre 2014 que dès que les délégués du personnel seraient virés, qu’ils mériterait une bonne leçon [sic]’»’;

– sa pièce n°11′: une attestation de M. [XI] (du 17 octobre 2014) selon laquelle depuis la grève du 10 au 14 août 2014 «’les tournées les plus lointaines (donc les découchés) sont pour [lui], [M] [T] [sic] et [F] [U] [sic] (3 grévistes), ce sont, tout bonnement, que des représailles envers nous’» et «’lors du 2ème jour de grève, vers 5h15 du matin, j’ai vu Mr [PO] [S] poussé [sic] [L] [O] jusqu’au milieu de la route d'[Localité 7]’», «'[H] [R] [sic] m’avait dénigré par téléphone auprès d’un gros client’ […]’De plus, depuis cette grève, Mrs [PO] [S] et [W] [A] ne nous serrent plus la main (sauf aux non-grévistes) et Mr [PO] [S] ne nous dit plus bonjour, c’est-à-dire qu’il nous ignore’»’; dans un courrier de M. [XI] du 22 septembre 2014 dont on ne sait à qui il s’adresse (pièce n°14)’il est indiqué «’depuis que la section locale CGT a été élue et depuis que j’ai été gréviste chez GC LOGISTIQUE au mois d’août 2014, j’ai constaté que la direction n’a plus de respect envers moi, que l’on me donne les tournées les plus éloignées (je ne suis pas le seul) et que l’on essaie de me faire découcher le plus souvent possible, comme ce vendredi 19/09/2014 que j’ai découché tout le week-end à [Localité 7], alors que j’avais prévenu la veille au soir que ce tour ne passera pas et cela devant témoin. Aujourd’hui (‘) Mr [S], n’a pas voulu me serrer la main pour me dire bonjour et m’a mis en récupération de suite me reprochant que je n’avais pas signaler (sic) que je ne pouvais rentrer le week-end à l’exploitant’»

– sa pièce n°23′: une autre attestation du 9 avril 2015 de M [T] qui affirme cette fois avoir vu le 31 mars 2015 M. [S] «’engueuler M. [O] [L] devant un autre témoin comme du poisson pourri sans aucun motif valable’»’;

– sa pièce n°111′: une autre attestation de M. [Z] évoquant des faits concernant M. [KB] [I] qui serait «’venu vers [lui]avec une certaine agressivité pour [l]’accuser d’avoir mis un goblet [sic] en plastique dans son sac à équerres […] et a voulu le gifler’»’;

– sa pièce n°21A’: un courrier du 5 janvier 2015 de M. [G] à M. [O] relatant «’une dégradation des relations entre salariés [qui] s’est fortement perçue. La cause en est, à mon avis, fort simple. Le 24 juillet 2014 tu nous envoies un SMS concernant des demandes potentielles pour une NAO en novembre. Sur ce, un petit groupe organise 18 jours plus tard une première grève, à l’insu de la majorité des salariés. Vos demandes émanent-elles à ce moment-là d’un souhait global des salariés de CGL Pourquoi avoir tu votre mouvement à l’ensemble des salariés” Dans tout cela, l’esprit de démocratie est-il respecté”’»’;

– sa pièce n°98′: les lettres des 16 avril 2013 et 5 mars 2014 du Syndicat Régional des transports CGT des Pays de la Loire et du 9 juin 2015 à la Direction de l’entreprise relatifs au «’décompte du temps de travail et situation sociale’» et le courrier du 16 juin 2015 à l’attention du médecin du travail et de l’inspection du travail relatif à la «’situation médicale et psychique faite aux salariés et élus du personnel «’ de la société GC LOGISTIQUE concernant plusieurs salariés «’parmi [lesquels] il y a des délégués du personnel’;

– sa pièce n°103′: une note du 26 juin 2014 de la société GC LOGISTIQUE dont M. [O] retient qu’elle porte trace de la retranscription de reproches nombreux à l’encontre des délégués du personnel dès la première réunion des délégués du personnel du 20 juin 2014 s’agissant de dysfonctionnements qui ‘ pourraient relever d’une entrave au fonctionnement régulier de l’institution”; sa pièce n°20 concernant la réunion du 20 décembre 2014 ;

– sa pièce n°104′: une lettre du 2 juillet 2014 des délégués du personnel et du syndicat régional des transports CGT et une note complémentaire du 24 juillet 2014 de la société G-C LOGISTIQUE (n°105), ainsi que la réponse du 11 décembre 2014 de la Direction à la réunion des délégués du personnel du 19 décembre 2014′;

– sa pièce n°18′: la synthèse des engagements pris lors de la réunion du 22 octobre 2014′;

– ses pièces n°101 A et 101 B’: la lettre du 18 mai 2015 de certains salariés de la société G-C LOGISTIQUE se questionnant sur «’le rôle et l’utilité des délégués syndicaux et la réponse des délégués du 28 mai 2015′;

– sa pièce n°24′: une note de M. [O] en qualité de délégué du personnel du 31 mars 2015 relative à l’organisation d’un rendez-vous avec l’inspection du travail le 15 avril 2015, et un courrier du 29 avril 2015 de l’inspection du travail (pièce n°25) faisant suite à cette réunion’;

– sa pièce n°22′: une note de service du 31 mars 2015 portant sur le remplacement par M. [K] de M [S], gérant démissionnaire’;

– sa pièce n°43′: des courriers échangés entre les délégués du personnel et la Direction sur divers sujets dont la grève en août 2014, le 29 septembre 2014 (pièces n°57, 9, 100), 6 octobre 2014 (n°16),en janvier 2015 (pièce n°92), entre mars et novembre 2015 (n°51 à 53, n°109) des échanges des 13 et 25 février 2015 (pièce n°45 et 46), de mars 2015 (pièce n°113), d’avril et mai 2015 (pièces n°47 à 50), d’août (n°110) et septembre 2015 (n°85) incluant les échanges entre les délégués et la direction concernant les congés payés’;

– sa pièce n°19′: un courrier du 29 octobre 2014 adressé par M [O] en sa qualité de délégué du personnel à la Direction de l’entreprise demandant l’organisation d’une «’réunion informelle, sur les faits de Mr [KB] [I], car à deux reprises il y a eu des propos non justifiés envers deux salariés’»’;

– sa pièce n°21B’: une note de service du 6 janvier 2015 à l’attention des chauffeurs rédigée par M. [Z] en qualité de délégué du personnel, des notes de M. [O] à la Direction du 18 juillet 2014 (pièce n°29), du 17 août 2015 (pièce n°26), du 25 septembre 2015 (pièce n°28), des 7 et 18 septembre 2015 (pièces n°33 et 34)’; des courriers de la Direction du 21 juillet 2014, du 17 octobre 2014, du 28 août 2015 (pièces n°30, 31, 32) portant sur la négociation annuelle obligatoire (voir également les pièces n°35 à 41 et le procès-verbal de désaccord en pièce n°42)’;

– le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 21 août 2015 (pièce n°27) ;

– sa pièce n°99 (bulletins de salaire) qui montrent selon M. [O] qu’en janvier 2015, l’employeur l’a fait volontairement travailler 90 heures au lieu de 180 heures «de manière à le faire mal voir par les autres salariés », M. [O] n’expliquant pas cette allégation étant observé que le bulletin de salarire concerné fait apparaître des congés payés et absences justifiées non rémunérées.

Pris dans leur ensemble, les éléments de fait ainsi rapportés par le salarié permettent de laisser supposer qu’il a subi une discrimination liée à son activité syndicale.

Il incombe dès lors, par application des dispositions légales susvisées, à l’employeur d’établir que son attitude à l’égard du salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SARL G-C LOGISTIQUE justifie par les pièces qu’elle verse aux débats que :

– le salarié qui aurait selon M. [O] été choisi pour faire obstacle à l’élection de délégués appartenant au syndicat CGT atteste lui-même n’avoir jamais eu l’intention de se présenter aux élections des délégués du personnel (pièce n°17)’; il convient d’observer que la circonstance qu’une certaine proportion de votes blancs ou nuls aient été recueillis n’est pas de nature à caractériser la tentative de l’employeur d’influencer des élections dont la régularité n’est pas contestée (conf les pièces n°54 et 55 du salarié)’; en outre les affirmations concernant les consignes de vote qu’aurait données la direction de l’entreprise sont très imprécises dans les pièces précitées du salarié dont aucune ne permet de déterminer qui aurait été destinataire d’une consigne de vote ni de recueillir le témoignage direct d’un salarié qui en aurait été l’objet’; la société produit en outre une attestation de M. [EN] affirmant le contraire (pièce n°18)’;

– M. [XP] avait déjà avant la grève du mois d’août 2014 conduit des véhicules de la société (pièce n°25) et que la société, loin de faire appel à des salariés en contrat à durée déterminée ou en travail temporaire était parfaitement en droit de recourir aux services d’une entreprise extérieure, sans que la rédaction d’un contrat écrit de sous-traitance soit exigible,

– parmi les salariés grévistes dont il est prétendu qu’ils auraient été davantage sollicités, pour effectuer les trajets les plus lointains impliquant les découchés, la société justifie (pièce n°26) que M. [XI] (gréviste) a assuré neuf découchés sur la période de 17 mois allant du 1er août 2014 au 31 décembre 2015 tandis que sur la même période M. [KB], désigné comme candidat de la Direction et non gréviste, en assurait onze et que les deux délégués du personnel, MM [Z] et [O] en effectuaient respectivement quatre et cinq’;

– les horaires de travail matinaux le jour la rentrée scolaire suivant la grève dont M. [T] estime qu’ils lui ont été imposés à titre de mesure de rétorsion en sa qualité de gréviste, ont en réalité concerné tous les chauffeurs indépendamment de leur participation au mouvement (pièce n°28)’; cette situation n’a d’ailleurs pas soulevé de critique de la part de l’inspection du travail lors de la réunion d’octobre 2014 (pièce n°29)’;

– la note du 26 juin 2014 ne fait que décrire les conditions dans lesquelles, alors que les délégués avaient été régulièrement convoqués à la réunion, ils ont fait parvenir des questions dans des conditions de forme et de délai sur lesquels la société a formulé des remarques au regard des règles applicables (pièces 19, 20, 21)’; les autres notes critiquées relèvent du dialogue social sans que soit démontré un fonctionnement anormal (pièce n°105 du salarié susvisée) ni la mise en ‘uvre de la part de l’employeur d’actes d’obstruction ou d’éléments caractérisant une entrave’;

– M. [O] s’est engagé lui-même à l’issue de cette réunion le 22 octobre 2014 à limiter à une trentaine (au lieu de 56 initialement prévue lors de la précédente) le nombre de questions soumises à l’occasion d’une même réunion des délégués du personnel (pièce n°29 susvisée)’; l’absence de convocation des délégués n’est pas établie par les pièces produites et M. [O] établit lui-même qu’il a été convoqué à la réunion du 21 septembre 2015 (sa pièce n°35)’;

– la situation décrite d’une dégradation du climat social et de mauvaise qualité du dialogue a été imputée par sept des onze salariés de l’entreprise aux représentants du personnel eux-mêmes ainsi qu’ils le signalent dans leur courrier du 18 mai 2015 précité (pièce n°101A du salarié reproduite en pièce n°31 de l’intimée), signalant des prises d’heures de délégation «’difficilement justifiables’» en particulier sur les journées du 31 décembre et du 2 janvier ou qualifiant leurs activités de «’Terrorisme Social’» à l’opposé d’une «’réelle démarche de groupe saine et constructive’» faisant valoir leur «’désolidaris[aient] donc de toutes leurs actions en cours et futures’» (voir également le courrier de M. [G] précité reproduit en pièce n°30 de la société intimée)’; les pièces produites par le salarié lui-même montrent que les relations se sont tendues à compter de sa désignation en qualité de délégué syndical sans que l’employeur en soit tenu pour responsable (même pièce)’; qu’en particulier les réunions organisées par l’inspection du travail n’ont pas donné lieu au relevé de manquements de l’employeur ni d’atteintes de sa part à l’exercice des mandats des délégués du personnel, d’entrave ou de discrimination’;

– le panneau d’affichage syndical dont M. [O] affirme qu’il a été placé en extérieur, trop bas et non sécurisé a été ensuite protégé et couvert par l’employeur pour tenir compte des observations formulées par M. [O] (pièce n°39) et les conditions dans lesquelles a été mise en ‘uvre la négociation annuelle obligatoire et dans lesquelles ont été organisées les réunions en septembre 2015 se sont déroulés régulièrement ainsi que le montrent ses propres pièces (reproduites en partie notamment en pièces n°40 à 42 de la société intimée)’;

– les congés pour 2014 avaient été validés avant l’élection des représentants du personnel, tandis que la consultation des délégués en 2015 qui était prévue lors de la réunion du 20 mars 2015 alors que M. [O] était en arrêt de travail, cette réunion s’étant finalement tenue hors la présence de M. [Z] qui a choisi de ne pas y assister (voir son courrier du 20 mars 2015 susvisé reproduit en pièce n°36 de l’intimée’; voir également l’attestation de M. [K] pièce n°37)’;

– les retards de M. [T] en octobre 2015 et novembre 2015 l’empêchant d’être présent à une réunion ne peuvent être imputés à l’employeur au regard de l’aléa lié aux temps de trajet des salariés chargés des transports (pièce n°45), de même que M. [O] ne peut sur une seule date en janvier 2015 (sa pièce n°92) se plaindre d’un retard que l’employeur ne pouvait prévoir sciemment pour faire obstacle à son heure de délégation (pièce n°46 de l’intimée et pièce n°92 du salarié)’;

– les bulletins de salaire de M. [Z] excluent toute inégalité de traitement ;

– la prise en charge des stages de récupération de points par l’employeur était justifiée concernant d’autres salariés en raison de ce que la perte des points était survenue pendant les heures de conduite professionnelle et non dans un cadre privé ;

– s’agissant du refus allégué par M. [O] de l’établissement d’une attestation de salaire, la société montre que le document qui lui avait été remis (pièce N°51 et 52) portait la mention d’une attestation à délivrer par l’employeur «’dans le cas d’une interruption de travail continue supérieure à 6 mois’» de sorte qu’il n’aurait pas à la compléter concernant l’arrêt maladie de M. [O] qui restait inférieur à cette durée.

Au regard des éléments ainsi produits, l’employeur démontre que son attitude à l’égard du salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination

Les éléments produits par le salarié ne caractérisent pas davantage la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution de ses obligations résultant du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes de ces chefs.

Sur le harcèlement moral

M. [O] soutient pour infirmation que les agissements répétés de l’employeur que sont notamment les débordements de langage, le manque de respect, l’agressivité et la violence physique qu’il a subis sont également constitutifs de faits de harcèlement moral, dès lors qu’ils ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et son état de santé, le comportement de l’employeur étant à l’origine de son syndrome anxio-dépressif réactionnel reconnu comme une maladie professionnelle ainsi que de son inaptitude médicalement constatée les 9 et 25 septembre 2015.

La société conteste être à l’origine de harcèlement moral de son salarié.

Selon les termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, même sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de ces dispositions et de l’article L.1154-1 du même code en sa rédaction applicable au litige que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; dans l’affirmative, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il ressort de ce qui précède que si les éléments de fait présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur en l’espèce par l’ensemble des pièces qu’il verse aux débats déjà examinées ci-dessus rapporte la preuve que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [O] doit donc être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la réparation de préjudices matériels et moraux, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [O] fait valoir pour infirmation que son licenciement résulte d’une inaptitude d’origine professionnelle de sorte qu’il est bien fondé à solliciter le versement d’une indemnité compensatrice égale au montant de l’indemnité compensatrice de préavis’; que la convention collective applicable prévoir un préavis d’une durée de deux mois’; que le licenciement de M. [O] a été prononcé du fait d’une inaptitude issue d’un contexte de discrimination syndicale et de harcèlement moral perpétrés en raison de son engagement syndical et de ses mandats, de sorte que sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi est bien fondée’; que M. [O] a été extrêmement fragilisé par les motifs et circonstances encadrant la rupture de son contrat de travail.

La société G-C LOGISTIQUE rétorque que M. [O] a été licencié pour impossibilité de reclassement après constat de son inaptitude dont l’origine professionnelle n’est pas établie’; qu’au regard de son statut de salarié protégé ce licenciement a fait l’objet d’une autorisation expresse de l’Inspection du Travail’; qu’après avoir rejeté les demandes du salarié à l’égard d’une soi-disant discrimination et d’un harcèlement moral, la cour ne pourra que confirmer le jugement de première instance et débouter le salarié de ses prétentions relatives à la rupture de son contrat de travail en l’absence de manquement de l’employeur, étant précisé que le salarié ne justifie pas au demeurant du montant de ses préjudices.

Les règles protectrices des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Il est établi en outre que’l’autorisation accordée par l’administration n’empêche pas le salarié protégé, licencié pour inaptitude à son emploi après autorisation de l’Inspection du travail, de saisir le juge judiciaire pour faire valoir tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.

En l’espèce, M. [O] n’ayant pas démontré qu’un harcèlement moral ou une discrimination était à l’origine de l’inaptitude, ni que celle-ci soit imputable à un manquement de l’employeur à ses obligations, il n’est pas fondé à solliciter devant le juge judiciaire la réparation du préjudice lié à la perte de son emploi.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de ce chef.

Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que’:

– M. [O] a été placé en arrêt de travail à compter du 11 avril 2015 jusqu’au 6 août 2015 puis a bénéficié de soins sans arrêt de travail à compter de cette date jusqu’à un nouvel arrêt de travail à compter du 4 septembre 2015, arrêt prolongé sans interruption jusqu’à son licenciement pour inaptitude (Pièces n°61 et 62 de M. [O]),

– les premiers arrêts de travail sont prescrits pour un «’épisode dépressif’» dont le Docteur [N] précise dans tous les avis qu’il est «’réactionnel à une souffrance liée aux conditions de travail’» (pièces n°61A),

– un nouvel arrêt du 29 mai 2015 désigné comme «’initial’» est établi sur un certificat pour «’maladie professionnelle’» au titre d’un «’syndrome anxio-dépressif’» (pièces n°61B),

– une décision de rupture conventionnelle a été refusée par l’inspection du travail le 31 juillet 2015 (pièce n°68 du salarié) au motif que la réalité du consentement du salarié n’était pas établie de manière certaine, avec mention de l’existence d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle et de l’absence à cette date de décision de l’organisme,

– la demande de reconnaissance adressée pour ce syndrome du 29 mai 2015 a donné lieu par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Maine-et-Loire à une première décision manifestement conservatoire à l’égard du salarié de refus de prise en charge au motif d’une absence de retour dans les délais d’instruction de l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (pièce n°65),

– dans la fiche d’aptitude rédigée à la suite de la première visite du 7 septembre 2015 le médecin du travail a coché la case «’maladie ou accident non professionnel’» (pièce n°69 du salarié),

– la fiche rédigée après étude de poste du 17 septembre 2015 et dernière visite du 25 septembre 2015 ne contient plus cette mention et n’en contient aucune autre (en particulier la case relative à une « maladie professionnelle » n’est pas cochée)’;

– le médecin du travail dans cet avis du 25 septembre 2015 déclare M. [O] «’définitivement inapte à son poste de travail ainsi qu’aux autres postes dans cette entreprise’» avec la précision que «’L’origine de l’inaptitude et l’organisation du travail ne permettent pas de proposer des mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste dans ce contexte’»,

– le licenciement a été notifié le 13 janvier 2016 à M. [O] pour impossibilité de reclassement après autorisation de l’Inspection du Travail du 7 janvier 2016 (pièce n°76),

– postérieurement au licenciement la CPAM a décidé le 16 mars 2016 la prise en charge du «’syndrome anxio-dépressif’» au titre d’une maladie professionnelle après avis favorable du CRRMP (pièce 66).

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’employeur doit être considéré comme ayant eu connaissance, à la date du licenciement, d’une origine même partiellement professionnelle des arrêts de travail et de l’inaptitude de son salarié, lequel est en conséquence bien fondé à réclamer le bénéfice des dispositions des articles L1226-10 et suivants du code du travail, dont celles de l’article L1226-14.

La société G-C LOGISTIQUE sera en conséquence condamnée à verser à M. [O] la somme non autrement contestée de 3.632,10 € brut à titre d’indemnité compensatrice sur le fondement de l’article L. 1226-14 du Code du Travail. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction de première instance.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’action du syndicat Régional des Transports CGT des Pays de la Loire

L’action du syndicat sera déclarée recevable d’une part et mal fondée d’autre part dès lors que la discrimination syndicale à l’égard de M. [O] n’est pas reconnue en conséquence de quoi le syndicat ne justifie d”aucune atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties ne justifient pas le prononcé de condamnations en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes statuant en départage,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL G-C LOGISTIQUE à payer à M. [O] la somme de 3.632,10 € au titre de l’indemnité compensatrice prévue à l’article L1226-14 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2016 et capitalisation des intérêts,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [O] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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