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10 mai 2000
Cour de cassation
Pourvoi n°
99-86.914
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mai deux mille, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de Me CHOUCROY, et de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X…Abdallah, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 1er octobre 1999, qui l’a débouté de ses demandes après relaxe d’Yves Y… du chef de contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 111-2, L. 121-2, alinéa 1er, L. 122-1 et suivants, L. 335-2, alinéa 2, L. 336-6, L. 335-5, alinéa 1er, L. 335-16 et L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré qu’Yves Y… n’était pas coupable de contrefaçon et a débouté la partie civile de ses demandes ;
” aux motifs qu’il est certain que la création du jeu d’Abdallah X…est largement antérieure à celle du jeu d’Yves Y… :
– le 16 juin 1980 pour Abdallah X…,
– le 18 octobre 1989 pour Yves Y… ;
” que l’expert considère que, malgré une présentation différente, il existe des similitudes : ” jeu de lettres qui se double d’une bataille de mots avec capture dans un couloir ” ;
” qu’il était d’avis que le jeu antérieur d’Yves Y…, malgré une présentation matérielle différente et les autres différences ci-dessus mentionnées, involontairement ou non, est très fortement inspiré de celui d’Abdallah X…; qu’il a proposé au tribunal de retenir la contrefaçon au sens des articles L. 335-2 et L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
” qu’il résulte cependant des diligences entreprises que les différences entre les deux jeux sont fondamentales :
TAKEMO PHENIX lettres 125 70 lettres par joueur 8 10 cases du plateau 15 X 15 14 X 14 début de partie 2 lignes lettres placées de départ au hasard sur la ligne médiane
” que, pour en venir aux dissemblances qui influent sur la stratégie, donnent à chaque jeu sa propre physionomie et assurent son propre développement ;
” que la plus notable est que sur le plateau du Phénix, il peut y avoir des lettres isolées et des éléments de mots sans signification (résidus de mots) alors que sur le plateau de TAKEMO, il faut qu’il y ait toujours des mots ayant un sens ;
” que cette différence, à elle seule, permet de classer TAKEMO dans la catégorie ” lettres stratégie “, tandis que le PHENIX serait ” lettres hasard ” ;
” qu’il en va de même avec les règles de calculs de capture de mots dans TAKEMO, la lettre de capture doit être la même que la lettre du point de croisement du mot capturé, alors qu’avec PHENIX, seul le croisement suffit ;
” qu’enfin, au TAKEMO, la défense peut se construire grâce à des blocages, tandis qu’il n’y a aucune défense possible avec le PHENIX ;
” alors, d’une part, que les dispositions de la loi sur la propriété littéraire et artistique protègent toutes les oeuvres de l’esprit originales quels qu’en soient le genre et la destination ; qu’en l’espèce, comme le soulignait le demandeur dans un chef péremptoire de ses conclusions d’appel laissées sans réponse, les juges du fond devaient rechercher si le jeu ” Le PHENIX “, créé en 1980, antérieurement à celui d’Yves Y…, était une oeuvre originale, l’originalité du jeu consistant dans l’idée de bataille de mots avec leur capture dans un couloir, le concept de la capture du mot ayant été matérialisé par une stratégie similaire dans le jeu ” TAKEMO ” édité ou reproduit par Yves Y…, ce jeu présentant avec ” le PHENIX ” des ressemblances telles qu’il n’aurait pu être réalisé sans l’existence antérieure du ” PHENIX ” dont il n’est qu’une copie ; que la contrefaçon porte gravement préjudice à Abdallah X…qui n’a pu diffuser son jeu dans les pays francophones ;
” alors, d’autre part, que le délit de contrefaçon est constitué dès lors que les ressemblances entre les deux oeuvres sont suffisantes ; qu’il n’y a pas à tenir compte des différences éventuelles qui peuvent être introduites dans l’oeuvre seconde afin de faire échapper celle-ci au grief de contrefaçon ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à relever les différences entre les deux jeux en examinant la règle de chacun des jeux, laquelle ne constitue qu’un élément du jeu, sans se prononcer sur les ressemblances du ” PHENIX ” et du ” TAKEMO ” découlant du concept de la capture du mot matérialisé par une stratégie similaire ; qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Abdallah X…, créateur d’un jeu de société dénommé ” Le Phénix ” a porté plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon contre Yves Y…, auteur d’un jeu du même type, dénommé ” Takemo ” ; que ce dernier a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement des articles L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour débouter la partie civile de ses demandes, après relaxe du prévenu, les juges d’appel, après avoir analysé et comparé les caractéristiques et les règles des jeux ” Takemo ” et ” Le Phénix “, relèvent que, s’il existe des similitudes quant à l’idée originale d’un ” jeu de lettres qui se double d’une bataille de mots avec capture dans un couloir “, les différences entre les deux jeux sont fondamentales, l’un, procédant du jeu de stratégie, l’autre, du jeu de hasard ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que les éléments constitutifs du délit de contrefaçon ne sont pas caractérisés, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;