Critère de l’originalité : 24 mai 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-15.342

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Critère de l’originalité : 24 mai 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-15.342
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24 mai 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-15.342

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mai 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10331 F

Pourvoi n° H 16-15.342

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. Arnaud X…, domicilié […],

contre l’arrêt rendu le 19 février 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Editions XO, société anonyme,

2°/ à M. Guillaume Y…,

dont le siège et le domicile […],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 25 avril 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la A…, avocat de M. X…, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Editions XO et de M. Y… ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la A…, avocat aux Conseils, pour M. X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’ensemble des demandes de M. X… dirigées contre M. Y… et la société Editions XO,

AUX MOTIFS PROPRES QUE les intimés se sont attachés à démontrer avec justesse qu’une bonne part des emprunts litigieux entraient déjà dans la composition de l’oeuvre romanesque antérieure de M. Y… ; que, si ces derniers n’en tirent pas de conséquence juridique en revendiquant un droit privatif, ils n’en affirment pas moins, évoquant la figure de « l’arroseur arrosé », que le manuscrit est imprégné de l’univers de Guillaume Y… ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les éléments mis en exergue sont d’une banalité affligeante et ne peuvent de ce fait être contrefaits par quiconque […] ; qu’outre que le même procédé artificiel de coupures de textes et de leur rapprochement est utilisé, le résumé repris plus haut montre que le ressort des situations est d’une banalité criante dans ce genre de roman où le personnage féminin est nécessairement belle, en situation d’infériorité au début de l’ouvrage et se révèle une personnalité forte au fil du roman ; que les poncifs ou archétypes de ce type d’ouvrage sont ici repris et ne peuvent, du fait de leur extrême banalité, être argués de contrefaçon ; […] que la seule énonciation de la situation permet de comprendre qu’il ne peut être reproché le choix des jouets par la petite fille comme un plagiat car ce qui aurait pu être original aurait été d’acheter autre chose qu’une peluche ou une poupée ; […] que la description des lieux visés dans les écritures est convenue, il y a des plantes vertes dans les lobbies, l’appartement sur l’Hudson à New-York est spacieux et a vue sur le fleuve, les maisons de Cape Cod, connu pour être un lieu de villégiature résidentiel aux Etats-Unis, sont nécessairement des maisons de rêve […] ;

1°/ ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu’en énonçant, au sujet de divers éléments du manuscrit de M. X…, qu’ils étaient d’une « banalité affligeante » ou « criante », qu’ils reprenaient des « poncifs », qu’ils étaient le contraire de l’originalité ou que les descriptions étaient « convenues » et en qualifiant M. X… d’ « arroseur arrosé », les juges du fond ont statué dans des termes traduisant un animosité et un préjugé négatif à son encontre, incompatibles avec l’exigence d’impartialité, violant l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ ALORS QU’ en outre, la protection légale du droit d’auteur est acquise à toute oeuvre originale, quel qu’en soit le mérite ; qu’en énonçant, pour refuser à l’oeuvre de M. X… la protection du droit d’auteur, que divers éléments étaient d’une « banalité affligeante » ou « criante », que les personnages reprenaient des « archétypes » ou des « poncifs » et que les descriptions étaient « convenues », la cour d’appel, qui s’est prononcée sur le mérite de l’oeuvre au lieu de rechercher si elle portait l’empreinte de la personnalité de M. X…, a violé l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’ensemble des demandes de M. X… dirigées contre M. Y… et la société Editions XO,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, s’agissant du choix des prénoms, pour hautement improbable qu’elle soit, l’association des deux prénoms Emma et Matthew donnés aux deux héros de l’oeuvre de M. X… se retrouvant dans une autre oeuvre romanesque n’en est pas moins possible et même avérée, ainsi que tend à le démontrer le roman de Carol B…, Pour l’amour d’un hors-la-loi, paru aux éditions Harlequin en 2013 après son édition en langue anglaise sous le titre « Renegate most wanted », produit par les intimés (pièce 9), lesquels estiment, non sans pertinence, que cette reprise par M. Y… ferait figure de véritable provocation dans l’hypothèse d’une contrefaçon ; que, par ailleurs, M. X… ne peut valablement se prévaloir de la simple coexistence de ces prénoms dans son oeuvre pour affirmer, sans démonstration aucune, que cette combinaison porte son empreinte personnelle, de même qu’il ne peut aller rechercher des prénoms épars dans l’oeuvre « Demain » constituée de plusieurs centaines de pages et qui sont usuellement donnés dans le pays où se situent les actions, pour incriminer la reprise d’une combinaison qui serait imprégnée de sa personnalité ; que, tout au plus peut-il être considéré que ces prénoms qui n’épuisent pas la liste de ceux qui sont attribués aux personnages des oeuvres en leur entier, constituent, certes, des éléments de reprise, mais que cette reprise ne porte pas sur des caractéristiques substantielles du manuscrit ; […] que, s’agissant des scènes et situations vécues par les personnages, l’appelant soutient qu’ajoutés aux précédents, « les points d’impact qui renforcent la constatation du plagiat » tiennent en trois scènes ou situations ; qu’elles portent d’abord sur un refus de priorité puisque dans les deux oeuvres, argue-t-il, un personnage féminin risque de mourir à cause d’un camion, sur l’intrusion, ensuite, dans le système de sécurité informatique d’un grand établissement public puisque si de nombreux romans policiers mettent en scène des systèmes de sécurité par vidéosurveillance, les situations sont quasiment identiques dans les deux ouvrages comparés, et enfin sur une scène d’affrontement avec menace de mort par visioconférence, l’appelant renvoyant la cour, sans plus de précisions sur les éléments de similitude qu’il incrimine, à la consultation de l’universitaire sus-évoquée qui « explique l’importance de ce type de scène sur la fonction narrative des deux ouvrages » ; mais que les intimés réfutent à juste titre « les points d’impact » ainsi mis en avant sans précisions quant à leur contexte factuel et à la faveur de rapprochements contestables (à titre exemplatif « Les caméras du 37ème étage n’ont rien vu. Puisqu’Al Salam avait demandé qu’elles ne marchent pas durant son rendez-vous » // « il prit le contrôle des caméras ») ; qu’ils se réfèrent à nouveau aux ouvrages antérieurs de Guillaume Y… en démontrant qu’y ont été introduites ces mêmes « scènes et situations » (Je reviens te chercher (2008), Et après ? (2004), Sauve-moi (2005), Parce que je t’aime (2007) Seras-tu là (2006)…) ; que, de plus, comme précédemment observé, M. X… s’abstient de démontrer en quoi celles-ci participent aux éléments qui, combinés, permettent à son oeuvre d’être regardée comme originale ; […] qu’il y a lieu de considérer que, certes, les deux oeuvres en cause comportent des similitudes ; que, toutefois, à l’examen de l’ensemble des emprunts invoqués, un bon nombre ne peut être tenu pour répréhensible, une fois mis à mal le présupposé d’une « probabilité quasi-nulle », replacées dans leur contexte factuel des bribes de phrases éparses dans deux récits qui n’ont guère en commun que l’intrication de deux trames, policière et sentimentale, relevé le caractère à tout le moins sommaire de ressemblances entre les personnages ou les lieux, ou après avoir considéré que quelques emprunts incriminés doivent demeurer dans le patrimoine lexical à la disposition de tous les écrivains ; que ceci réduit d’autant la masse de la combinaison de caractéristiques de l’oeuvre de M. X… dont il entend voir sanctionner la reprise non autorisée ; que, surtout, alors que chacune des caractéristiques du manuscrit telles que revendiquées et qui ont fait l’objet d’une reprise susceptible d’être retenue se révèle, à l’examen, comme secondaire, non substantielle, voire insignifiante (tels, par exemple, quelques mots sur la vue sur l’Hudson et les gratte-ciel depuis un appartement new-yorkais), M. X…, en dépit de son préambule sur la nécessaire prise en considération de l’ensemble des caractéristiques combinées, et par-delà une simple affirmation dans le chapitre qu’il consacre à son préjudice (« ces emprunts, comme il a été ci-dessus démontré, palois formels, même de faible étendue, portent toujours sur des éléments caractéristiques de l’oeuvre de M. X…, marqué par sa personnalité originale », page 45/57) s’abstient de démontrer que la combinaison des éléments précis de son manuscrit dont il fustige la reprise porte son empreinte personnelle et participe à l’originalité de son oeuvre en contribuant, en tant que telle, à donner prise au droit d’auteur ; qu’il se devait d’autant plus d’en faire la démonstration qu’en réplique les intimés se sont attachés à démontrer avec justesse qu’une bonne part des emprunts litigieux entraient déjà dans la composition de l’oeuvre romanesque antérieure de M. Y… ; que, si ces derniers n’en tirent pas de conséquence juridique en revendiquant un droit privatif, ils n’en affirment pas moins, évoquant la figure de l’arroseur arrosé, que le manuscrit est imprégné de l’univers de Guillaume Y… ; que, par voie de conséquence, M. X… échoue à démontrer que M. Y…, dont l’ouvrage « Demain » a été publié par la société Editions XO, reprend, dans la même combinaison, des caractéristiques essentielles de son manuscrit qui, dans leur combinaison, seraient susceptibles de contribuer à l’originalité de son oeuvre et donner prise au droit d’auteur ; que le jugement qui l’a débouté de son action en contrefaçon et de ses demandes subséquentes sera donc confirmé ; […] que, sur la concurrence déloyale, se plaçant sur le terrain de l’article 1382 du code civil, M. X… se borne à réitérer sur un autre fondement le même grief que précédemment tenant à la reprise d’une combinaison d’éléments dont il a été dit qu’elle n’était pas susceptible en tant que telle d’être protégée par un droit de propriété intellectuelle ; que, ce faisant, il ne démontre ni même n’invoque l’existence d’un fait distinct de la reprise de ces éléments, sur lesquels il ne dispose pas d’un droit exclusif, qui pourrait être considéré comme fautif ; qu’il sera, par conséquent, débouté de sa demande et le jugement confirmé en ce qu’il en dispose ainsi ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le seul fait que les personnages principaux et d’autres personnages portent les mêmes prénoms ne peut caractériser un plagiat et ce, d’autant que les prénoms choisis sont des prénoms classiques largement portés tant en France qu’aux Etats-Unis et que les patronymes sont totalement différents ; […] qu’il apparaît, à la lecture des tableaux comparatifs produits par les deux parties, d’une part, que M. Guillaume Y… a déjà utilisé l’intrusion dans un système de sécurité ou l’accident dans ses romans antérieurs mais surtout, il s’agit en soi de situations banales qui, par leur caractère dramatique (l’accident) ou mystérieux (l’intrusion dans le système informatique), sont des ressorts habituels ou adaptés à la technologie actuelle des romans ; que seule leur mise en forme peut si elle est originale, être protégée ; que la scène d’affrontement est toujours la scène paroxystique de ces romans où tout se dénoue ; qu’elle est la clef de voûte de la construction de ce type de roman ; qu’il convient d’ajouter dans ce chapitre la situation de la petite fille qui achète dans un magasin de jouets une poupée et une peluche ; que la seule énonciation de la situation permet de comprendre qu’il ne peut être reproché le choix des jouets par la petite fille comme un plagiat car ce qui aurait pu être original aurait été d’acheter autre chose qu’une peluche ou une poupée ; que les éléments versés au débat sont d’une part banals et d’autre part écrits dans une forme différente, de sorte qu’il n’existe aucune contrefaçon de ce chef ;

ALORS QUE le demandeur à l’action en contrefaçon a pour seule obligation de préciser les caractéristiques de l’oeuvre dont il sollicite la protection ; que, si l’originalité est contestée, c’est au juge qu’il appartient de caractériser en quoi l’oeuvre porte ou non l’empreinte de la personnalité de son auteur ; qu’en énonçant, pour rejeter les demandes de M. X… fondées sur la contrefaçon, qu’il échouait à rapporter la preuve de l’originalité de la combinaison des prénoms des personnages, de la combinaison des scènes et situations et de la combinaison de l’ensemble des caractéristiques de son manuscrit, reprises ou imitées dans le roman « Demain » de M. Y…, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 111-1 et L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné M. X… à payer à M. Y…, d’une part, et à la société Editions XO, d’autre part, la somme de 4.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de procédure,

AUX MOTIFS QUE, s’il est de principe que l’exercice d’une action en justice ou des voies de recours offertes par les textes est un droit et qu’une appréciation erronée de ses droits par un plaideur n’est pas, en soi, fautive, l’abus dans l’exercice de ces voies de droit est constitutif d’une faute ; que l’appelant oppose à tort aux intimés – qui n’ont pas tiré de conséquences juridiques des emprunts à l’oeuvre antérieure de M. Y… mais se prévalent d’un abus de procédure – ce qu’il tient pour une contradiction dès lors que le choix de poursuivre la sanction de l’abus dans l’exercice d’un droit plutôt que de revendiquer des droits privatifs relève de leur libre arbitre ; qu’il ne peut non plus leur reprocher de « jouer de la victimisation » alors qu’ils ne font qu’expliciter leur préjudice, ni dénier à M. Y… le préjudice qu’il invoque du fait qu’il a pu poursuivre malgré la procédure son oeuvre littéraire, ni davantage opposer à la crainte qu’ils invoquent le fait qu’un préjudice doit être certain et non éventuel alors que la crainte de la réalisation d’un risque est un préjudice réparable pour peu que soit démontré le risque sérieux et certain du dommage ; qu’eu égard à l’ensemble des éléments de la cause, il échet de considérer que les intimés sont fondés à prétendre qu’agissant comme il l’a fait sans tenir compte de ce qui pouvait être situé dans le continuum de l’oeuvre romanesque de M. Y…, M. X… a fait preuve de négligence, occasionnant des tracas à ses adversaires qui ont dû se livrer à un minutieux travail de recherche ; que les conséquences négatives que cette action en contrefaçon pouvait avoir sur leur image et leur activité, objet de leur craintes, doivent être considérées comme un risque sérieux et certain de dommage et que, par ailleurs, les intimés incriminent à juste titre les prétentions indemnitaires de M. X… qui s’analysent en une confiscation des bénéfices, étrangère aux sanctions de la contrefaçon ; que leur préjudice sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 4.000 euros au profit de chacun si bien que le jugement qui en dispose autrement doit être réformé de ce chef ;

ALORS QUE l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne peut donner naissance à une dette de réparation que si elle dégénère en abus ; qu’en se bornant à affirmer, pour condamner M. X… à payer à M. Y… et à la société Editions XO la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts, que M. X… n’avait pas tenu compte, lors de son action en contrefaçon, de ce qui pouvait être situé dans le continuum de l’oeuvre romanesque de M. Y…, avait fait preuve de négligence, occasionnant des tracas à ses adversaires qui ont dû se livrer à un minutieux travail de recherche et que ses prétentions indemnitaires de M. X… s’analysaient en une confiscation des bénéfices, étrangère aux sanctions de la contrefaçon, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un abus de procédure, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil.

 


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