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8 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-16.385
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 novembre 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10672 F
Pourvoi n° R 16-16.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Sylvie X…, domiciliée […] ,
2°/ la société Artrustee carrières et développement, société anonyme, dont le siège est […] ,
3°/ Mme Carla D… , domiciliée […] , agissant en qualité de liquidatrice et représentante de la société Artrustee carrières et développement,
contre l’arrêt rendu le 11 décembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme Catherine Y… dite Shan, domiciliée […] ,
2°/ à l’Opéra national de Finlande, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 3 octobre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mmes X… et D… , et de la société Artrustee carrières et développement, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme Y… ;
Sur le rapport de M. Z…, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes X… et D… et la société Artrustee carrières et développement aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mmes X… et D… et la société Artrustee carrières et développement.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR rejeté l’ensemble des demandes des appelants, d’AVOIR dit que Mme Y… est le co-auteur avec Mme X… d’un scénario original du ballet Giselle déposé à la Société des Gens de Lettres le 25 juillet 1996, d’AVOIR dit que les sept représentations données au Théâtre du Châtelet en 2000 et 2001 de la version scénique du ballet Giselle en reproduisant partiellement le scénario précité constituent des contrefaçons de celui-ci dont Mme X…, co-auteur, et l’Opéra de Finlande, producteur du spectacle, sont responsables et, en conséquence, d’AVOIR interdit à l’Opéra de Finlande de mettre en ligne à destination du public français des informations sur le “spectacle Giselle” contrefaisant, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée passé le délai de 4 mois après la signification de la présente décision, d’AVOIR condamné in solidum Mme X… et l’Opéra de Finlande à payer à Mme Y… une indemnité de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et une indemnité de 50.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et celle de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR dit que Mme X… garantira l’Opéra de Finlande à hauteur de 90% des condamnations mises à la charge de celle-ci ;
AUX MOTIFS QUE « Madame Catherine Y…, après s’être présentée dans son assignation comme la seule adaptatrice du ballet Gisèle, soutient présentement détenir des droits d’auteur en qualité de co-auteur d’un scénario cinématographique qu’elle aurait créé avec madame Sylvie X…, en juillet 1996 dans le cadre d’un projet d’adaptation cinématographique du ballet Gisèle, abandonné en 1997 à la suite de la défaillance du producteur pressenti. Ce scénario aurait fait l’objet de quatre versions. Elle fait valoir que madame X… a incorporé ce scénario original à sa mise en scène du ballet. L’adaptateur bénéficie de la protection de l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose les auteurs d’adaptation ou arrangement des oeuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale, Il a été jugé définitivement par le tribunal dans son jugement du 9 novembre 2005 sur lequel aucun appel n’a été interjeté, que pour l’appréciation de la contrefaçon ne serait pris en compte comme oeuvre dont la paternité est revendiquée par Catherine Y…, que la version déposée à la SGDL le 25 juillet 2006. L’originalité et la paternité de ce seul scénario doivent donc être examinées pour apprécier la réalité de la contrefaçon alléguée. Les débats ayant été rouverts par ce même jugement pour que les parties s’expliquent sur les 11 éléments du scénario et leur reproduction, il ne peut être fait grief à madame Y… d’avoir déféré à cette demande. Cependant, il lui appartient de justifier de ses apports originaux sur cette adaptation audiovisuelle qui a été déposée, le dépôt, à lui seul n’établit ni ne présume l’originalité du texte déposé, ni de la nature de cette contribution. Or, l’examen de ses écritures fait apparaître que les caractéristiques originales revendiquées par madame Y… ont évolué de façon constante depuis la réouverture des débats par le jugement du 9 novembre 2005. Or, si elle fait valoir avec raison que l’originalité du scénario, support du ballet, ne réside pas exclusivement dans celle de la chorégraphie et de la scénographie, l’originalité de ses apport[s] doit être définie de façon précise et argumentée dès l’origine. Ses premières caractéristiques ont été écartées par le tribunal qui a retenu d’office dans son premier jugement 11 éléments alors qu’il ne lui appartenait de se substituer à la partie se présentant comme l’auteur, pas plus lors de la décision déférée. Pour ce seul motif, le tribunal ayant statué au-delà de la demande, la décision mérite réformation, la nullité sollicitée étant sans objet en raison de l’effet dévolutif de l’appel. Un spectacle de ballet est une oeuvre de collaboration au sens de l’article L 113-2 du code précité entre l’auteur du livret qui définit les personnages, les lieux, les lieux les actions et leur enchaînement, l’auteur de la chorégraphie, l’auteur de la musique, l’auteur des décors, l’auteur des costumes, auxquels peuvent se joindre d’autres contributeurs pour des prestations qui peuvent dans certains cas être qualifiées d’originales. Le ballet Giselle fut créé le 28 juin 1841 en deux actes sur la scène de l’Opéra de Paris, selon le livret de Théophile A… et du librettiste Vernoy de Saint Georges, une chorégraphie de Coralli et Perrot et une musique d’Adolphe B… et a fait l’objet de plus de 220 représentations. Il rassemble tous les symboles qui sont au coeur du romantisme : la paysannerie, la nature, l’amour, la folie, la mort prématurée de Gisèle à la fin du premier acte ; l’amour entre un mortel et un esprit dans le deuxième acte ; Gisèle, fantôme renaît à la danse et ouvre un bal nocturne avec ses amies et ondine, Walkyries ou Willis qui sont comme elle des jeunes filles mortes avant leurs noces. En l’espèce, le scénario dont s’agit concentre l’ouverture sur les trois principaux protagonistes du drame : Albrecht/Loys, Hilarion et Giselle et particulièrement sur les deux rivaux ce qui donne immédiatement des informations sur leur caractère, leur situation, l’état des rapports entre eux et organise des scènes originales d’introduction de ces personnages masculins principaux, et l’articulation de ces scènes présentant ces personnages dans des situations différentes, font paraître tant Hilarion qu’Albrecht/Loys sous un jour nouveau avec des traits précis et différents, ainsi : Albrecht/Loys est en seigneur qu’il est, au moment où il quitte son château, s’habillant à la hâte pendant qu’il descend l’escalier et non plus, déguisé en paysan jusqu’à la découverte de son véritable statut, la musique commençant sur cette séquence. Hilarion est présenté seul, cueillant des fleurs (scène 1 version 1 du scénario), puis il est présenté au village (scènes 6, 7,8 ; version 1 du scénario), puis dans la forêt (scène 11 ; version 1 du scénario) puisqu’il est garde-chasse et parce que cette forêt est le lieu où il va mourir au deuxième acte. Le scénario organise une circulation des personnages dans des décors différents, dotant le premier acte d’une géographie, originale. Les personnages vont du château au village, en passant par un chemin de campagne, de la place du village à la maison de Giselle et à celle de Loys en passant par la forêt. Cette circulation dynamise le premier acte du ballet. Cette nouvelle articulation des scènes et lieux produit un récit composé en vue d’une réalisation cinématographique qui donne une expression neuve à la substance de l’oeuvre première (Dans le livret d’origine : halte au village du prince avec sa fille et sa suite repart à la chasse et Hilarion s’empare du cor pour faire alerter le prince lorsqu’il démasque le faux paysan). Est ajouté une intrigue amoureuse entre les gardes du prince et deux jeunes paysannes. Le scénario fait éclater d’un rire franc la princesse Bathilde quand elle découvre son fiancé déguisé en paysan transformant l’aspect de son caractère. Hilarion est présenté éploré près de la tombe de Giselle dans la forêt ce qui l’humanise et ne montre plus exclusivement sa jalousie. Le scénario fait commencer l’action meurtrière des Wilis beaucoup plus tôt que dans les versions traditionnelles du ballet, renforçant leur aspect cruel. Il en ressort que ce scénario s’il reprend les éléments traditionnels du ballet Gisèle il revêt par ces apports originaux un caractère original, éligible à la protection du d[r]oit d’auteur. Dans ses dernières écritures madame Y… revendique les apports originaux suivants : “La première version du scénario, co-déposée le 25 juillet 1996 à la SGDL organise l’acte 1 du ballet en 36 séquences, alternant scènes d’intérieur et scènes d’extérieur, ajoutant des séquences inédites, entièrement écrites, qui remanient la forme et revivifient le fond de l’argument. Une séquence intermédiaire assure la transition entre les deux actes. Madame Y… a supprimé la pantomime du ballet, langage gestuel dont le sens s’était perdu, et écrit des dialogues. Le ballet romantique, lui, aimait remplir la scène d’une foule pour la splendeur du costume. Dès le prologue de l’acte 1, Madame Y… adopte une forme narrative propre au cinéma qui n’aime pas multiplier les introductions sans que rien ne se passe. Afin de ne pas retarder l’action, Madame Y… a supprimé toutes les scènes d’exposition du ballet où les personnages, même les figurants, venaient se présenter les uns après les autres : Hilarion, Albrecht/Loys, Giselle, Berthe, les vendangeurs et les paysans. Madame Y… a concentré l’ouverture du scénario sur les trois principaux protagonistes du drame : Albrecht/Loys, Hilarion et Giselle. Elle a écrit les scènes qui correspondaient à ce choix et les a mises en forme, En resserrant ainsi l’ouverture, Madame Y… a mis en avant les deux personnages rivaux de Hilarion et Albrecht/Loys. Donnant immédiatement des informations sur leur caractère, leur situation, l’état des rapports entre eux. Selon une composition en séquences alternées totalement inédite, Hilarion et Albrecht/Loys sont introduits dans des scènes originales, des actions et des lieux qui sont leurs symboles : – Hilarion est présenté seul, cueillant des fleurs (scène 1 ; version 1 du scénario), puis il est présenté au village (scènes 6, 7,8), ensuite dans la forêt (scène 11), puisqu’il est garde-chasse et parce qu’il va mourir dans cette forêt au deuxième acte. – Le scénario présente Albrecht/Loys en seigneur qu’il est, au moment où il quitte son château, s’habillant à la hâte pendant qu’il descend l’escalier (scène 3 ; version 1 du scénario), la musique commençant sur cette séquence. Prologue inédit dans l’histoire du ballet. Dans les versions antérieures du ballet, le jeune duc Albrecht/Loys, amoureux de Giselle, apparaissait sous son déguisement de paysan jusqu’au moment où il est démasqué. Ces scènes originales et leur combinaison, dès l’introduction des personnages masculins principaux, les présentant dans des situations variées et qui leur correspondent, font paraître tant Hilarion qu’Albrecht/Loys sous un jour nouveau, plus contrasté. Ce qui répond à la vérité d’un personnage aujourd’hui : – Hilarion n’est plus seulement le jaloux furieux de la tradition du ballet ; il est aussi un amoureux solitaire et mélancolique. – Albrecht/Loys est présenté immédiatement sous sa double identité au moment où il quitte sa demeure seigneuriale. Dès le prologue, le scénario rend les personnages principaux plus complexes. Il redonne, avec des moyens neufs, du poids à ces personnages dont la silhouette s’était amenuisée derrière le rôle de Giselle qui avait, avec le temps, pris de plus en plus d’ampleur sur la base de la virtuosité technique. Les indications précises du découpage scénaristique en autant de décors différents de la version 1 du scénario sont les suivantes : « Château E… Albrecht (escalier) » ; «Château E… Albrecht (cour) » ; « Route menant au village » ; « Village »; « C… Loys » ; « C… Giselle »(deux décors différents) ; « Entrée du village »; « Forêt »; « Chemin de campagne »; « Entrée du village » ; « Place du village ». Le scénario organise une circulation des personnages dans ces décors, dotant le premier acte d’une géographie, vivante et originale étroitement liée aux actions. Ce qui enrichit le récit. Les personnages vont du château au village, en passant par un chemin de campagne, de la place du village à la maison de Giselle et à celle de Loys en passant par la forêt. Cette circulation dynamise le premier acte du ballet. Le choix des lieux est un des éléments qui caractérisent le scénario autant que les événements ou les caractères : ces différents décors articulent de manière inédite des scènes et des séquences, définies, développées, totalement nouvelles pour certaines, produisant un récit composé en vue d’une réalisation cinématographique qui donne une expression neuve à la substance de l’oeuvre première. Dans le livret d’origine, le dénouement du premier acte est le suivant : le prince de Courlande (avec sa fille Bathilde et sa suite), ayant fait une halte au village de Giselle, décide d’y rester tandis que sa suite repart à la chasse. Il est convenu qu’il sonnera du cor pour les rappeler. Hilarion s’empare du cor pendu à un arbre et en sonne avec force pour alerter le Prince, Bathilde, et faire revenir la chasse afin de démasquer, devant tous, le faux paysan Loys. La tradition a bien introduit quelques variantes dans ce dénouement, mais sans changer le fond du récit. Par exemple, après une halte au village, le Prince repart à la chasse tandis que sa fille Bathilde reste au village pour se reposer. Son père laisse auprès d’elle un ou des garde(s) auxquels il donne un cor de chasse pour sonner l’alerte en cas de danger. Hilarion s’empare de ce cor et sonne pour faire accourir Bathilde et revenir le Prince et sa suite au moment où il va démasquer le faux paysan Loys. La version 1 du scénario transforme considérablement cet épisode qui n’avait guère changé dans l’histoire du ballet. Episode central puisqu’il mène au dénouement du premier acte et à la mort de Giselle. Sur cette trame de base, Madame Y… a tissé une intrigue amoureuse inédite entre les gardes du Prince et deux jeunes paysannes (scènes 31 et 35 de l’acte 1 ; version 1 du scénario : qui va permettre à Hilarion de dérober le cor de chasse qu’ils ont abandonné, accaparés qu’ils sont par leur flirt (scène 33) : « (
) les deux gardes parlent en observant deux jeunes paysannes au loin ; puis nous les voyons quitter leur poste et se diriger lentement vers elles. » (Scène 30) ; « Hilarion qui rôdait autour de la maison, dérobe la corne de chasse qui est pendue à un clou près de la porte. Hilarion cache la corne dans sa chemise, et prend, lui aussi, le […] » (scène 31) ; « on aperçoit au loin les deux gardes qui courtisent les deux jeunes paysannes. » (Scène 35). Dans un scénario, la bonne progression du récit, surtout s’il aboutit à un drame, est emplie de péripéties. Dans le ballet « Giselle », la « fête des vendanges » est le moment où se dénoue l’intrigue du ballet (par la révélation de l’identité de son amoureux à Giselle). Madame Y… y a ajouté cette intrigue amoureuse, idée originale développée sur cinq séquences : dans le scénario, la distraction des gardes en raison de leur flirt devient la cause directe de la mort de Giselle. Le scénario a changé le support de l’action centrale. Ce dénouement inédit du premier acte en renforce l’effet violent. Dans l’épisode qui suit, selon le livret d’origine, Bathilde, « bonne et généreuse » (scène 13, livret de 1841, dit Théophile A…, ne fait que marquer sa surprise au moment où elle découvre son fiancé Albrecht déguisé en paysan, avant de lui demander en pantomime « l’explication du costume qu’il porte » (scène 12, livret de 1841. Dans certaines mises en scène postérieures, Bathilde se détourne devant une telle révélation. Madame Y… fait éclater d’un rire franc la princesse Bathilde quand elle découvre son fiancé déguisé en paysan (scène 36, acte 1 ; version 1 du scénario). Ce rire, outre le fait qu’il change le caractère du personnage de Bathilde, s’oppose au rire nerveux de Giselle que cette révélation a fait basculer dans la folie (scène 13, acte 1, livret de 1841. Ce rire s’oppose tout autant au pauvre sourire que Giselle adressera à sa mère avant de mourir (scène 30). Dans l’acte 2 de cette première version du scénario, Hilarion est présenté éploré près de la tombe de Giselle dans la forêt. Là encore l’auteur a recherché un effet de symétrie car cette scène renvoie à celle de l’acte 1 où Hilarion cueillait des fleurs pour Giselle et apparaissait dans la forêt (scènes et 11, acte 1). Le personnage de Hilarion, (qui dans la tradition du ballet est uniquement jaloux), à deux reprises dans le scénario, montré seul avec ses sentiments, puis sa douleur, est ainsi humanisé. La présentation du supplice d’Hilarion en scène 7 de l’acte 2, version 1 du scénario : le scénario fait commencer l’action meurtrière des Wilis beaucoup plus tôt que dans les versions traditionnelles du ballet, ce qui contribue à dynamiser ce second acte. C’est également le moyen de mettre l’accent sur la cruauté des Wilis, qui, dans la mythologie populaire germanique, sont de véritables vierges guerrières, ce que le romantisme français avait gommé.” Si cette démonstration corrobore le caractère original du scénario par l’enchaînement original des scènes et des situations du ballet, l’ajout de scènes originales, une modification du caractère des personnages principaux, la création de nouveaux rôles qui s’écarte ainsi du livret d’origine, madame Y… ne peut soutenir être la seule contributrice à cette adaptation alors qu’elle n’est intervenue qu’en juillet 1996 alors que le projet d’adaptation cinématographique était déjà bien engagé : repérages, dossier de présentation qui résume le projet qui lui a été remis, manuscrit écrit par Sylvie X… comportant un découpage scène par scène, notes d’intention du 15 avril 1996 de madame X…, , note d’intention de la réalisatrice, et que ce texte n’a été écrits par elle qu’en quinze jours, l’a été pour la plupart, sous la dictée de Sylvie X… qui a eu l’initiative de cette adaptation qu’elle devait interpréter alors qu’elle disposait de toute faculté pour les amender. Il convient en conséquence de dire et juger que mesdames Sylvie X… et Catherine Y… sont les co-auteurs du scénario déposé sous leur deux noms le 25 juillet 1996. Sur la contrefaçon : L’examen de l’enregistrement du ballet représenté au théâtre du Châtelet, des photographies de ce spectacle fait apparaître que l’acte 1 débute par la scène où Albrecht/Loys dévale l’escalier du Château, accompagné de Wilfried, la musique commençant sur cette scène comme pour la scène 3 du scénario, que des scènes originales du scénario sont reproduites avec notamment les personnages secondaires, avec le même enchaînement, les personnages vont du château au village, en passant par une route de campagne, de la place du village, à la maison de Giselle, à celle de Loys, le jet de cailloux à l’attention de Giselle et la reprise des indications de mise en scène le spectacle étant d’ailleurs présenté comme une “construction d’inspiration cinématographique” impression d’ensemble reprise par la presse qui a évoqué l’idée du travelling de cinéma et des gros plans, de cadrage, avec un travail de comédien des personnages principaux et figurant ; Cette représentation étant une transposition de ce travail cinématographique sur une scène qui allie dramaturgie, chorégraphie et scénographie. Il en ressort que madame Sylvie X… en exploitant ce scénario sans l’autorisation de madame Y… et sans la citer a commis des actes de contrefaçon de ses doits d’auteur et a porté atteinte à son droit moral. Sur le préjudice : Concernant les représentations litigieuses il convient de relever que le travail d’adaptation cinématographique diffère : mise en scène, jeu de lumières, décors, de celui de la représentation d’un ballet sur une scène en raison de la prépondérance de la chorégraphie pour ce spectacle, de la scénographie et de sa représentation continue. D’ailleurs cette version scénique constitue une autre oeuvre originale. Sylvie X… a perçu la somme de 4.500 euros pour les 7 représentations au Châtelet qui ont été définitivement retenues. Ces reproductions illicites du scénario dont elle est co-auteur sans mention de son nom et sans rémunération ont porté atteinte à son droit moral et ses droits patrimoniaux. Si le succès de ces représentations résulte d’une approche cinématographique innovante du ballet, il relève de l’apport prépondérant de madame X… dans l’expression de son art et de ceux des autres contributeurs, scénariste, costumier, chef d’orchestre… de sorte qu’il convient de fixer à la somme de 50.000 euros l’atteinte portée à son droit moral et à celle de 50.000 euros celle portée à ses droits patrimoniaux. Il convient de condamner in solidum Sylvie X… auteur de la contrefaçon et l’Opéra national de Finlande, producteur des représentations contrefaisantes à qui il appartenait de vérifier la titularité des droits d’adaptation déposés de verser à madame Y… la somme de 50.000 euros en réparation de son droit moral et celle de 50.000 euros en réparation de ses droits patrimoniaux. En regard de la nature des faits commis par chacune des parties il convient de dire que madame Sylvie X… relèvera et garantira à proportion de 90 % l’Opéra National de Finlande de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre du chef de la présente décision. Les sommes allouées étant suffisantes pour réparer les préjudices subis il n’y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication sollicitée » ;
1. ALORS QUE la qualité de coauteur ne peut résulter que d’un apport personnel dérivant d’une activité créatrice ; qu’en affirmant que Mme Y… était coauteur, avec Mme X…, du scénario cinématographique du ballet « Giselle » déposé le 25 juillet 1996, après avoir relevé que Mme Y… n’était intervenue qu’en juillet 1996 tandis que le projet d’adaptation cinématographique était déjà bien engagé : repérages, dossier de présentation qui résumait le projet qui lui avait été remis, manuscrit écrit par Mme X… comportant un découpage scène par scène, note d’intention du 15 avril 1996 de Mme X… et note d’intention de la réalisatrice, la cour d’appel, qui a retenu que le texte en cause avait été écrit, en 15 jours, « pour la plupart, sous la dictée de Sylvie X… » qui avait eu l’initiative de cette adaptation qu’elle devait interpréter et qui disposait de toute faculté pour l’amender, sans à aucun moment caractériser, dans ce scénario, l’apport personnel de Mme Y… qui aurait dérivé d’une activité créatrice, lequel était contesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-2 et L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2. ALORS QUE l’oeuvre de collaboration, qui suppose l’exercice des droits sur celle-ci d’un commun accord, exclut qu’un coauteur dispose de la faculté de modifier seul l’oeuvre en cause ; que, dès lors, en affirmant que Mme Y… était coauteur, avec Mme X…, du scénario cinématographique du ballet « Giselle » déposé le 25 juillet 1996, tout en relevant que Mme X… disposait de toute faculté pour amender ce travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations, en violation de l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3. ALORS QUE la contrefaçon implique l’utilisation publique, sans avoir requis son consentement préalable, de l’oeuvre d’autrui ; qu’en affirmant que les représentations du ballet « Giselle » au théâtre du Châtelet sans l’autorisation de Mme Y… constituaient des actes de contrefaçon, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que « cette version scénique constitue une autre oeuvre originale » par rapport à celle ayant fait l’objet du scénario cinématographique en cause et que le travail d’adaptation cinématographique différait de celui des représentations scéniques arguées de contrefaçon, en violation des articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné Mme X…, in solidum avec l’Opéra de Finlande à payer à Mme Y… une indemnité de 50.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et celle de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR dit que Mme X… garantira l’Opéra de Finlande à hauteur de 90% des condamnations mises à la charge de celle-ci ;
AUX MOTIFS QUE « concernant les représentations litigieuses il convient de relever que le travail d’adaptation cinématographique diffère : mise en scène, jeu de lumières, décors, de celui de la représentation d’un ballet sur une scène en raison de la prépondérance de la chorégraphie pour ce spectacle, de la scénographie et de sa représentation continue. D’ailleurs cette version scénique constitue une autre oeuvre originale. Sylvie X… a perçu la somme de 4.500 euros pour les 7 représentations au Châtelet qui ont été définitivement retenues. Ces reproductions illicites du scénario dont elle est co-auteur sans mention de son nom et sans rémunération ont porté atteinte à son droit moral et ses droits patrimoniaux. Si le succès de ces représentations résulte d’une approche cinématographique innovante du ballet, il relève de l’apport prépondérant de madame X… dans l’expression de son art et de ceux des autres contributeurs, scénariste, costumier, chef d’orchestre… de sorte qu’il convient de fixer à la somme de 50.000 euros l’atteinte portée à son droit moral et à celle de 50.000 euros celle portée à ses droits patrimoniaux. Il convient de condamner in solidum Sylvie X… auteur de la contrefaçon et l’Opéra national de Finlande, producteur des représentations contrefaisantes à qui il appartenait de vérifier la titularité des droits d’adaptation déposés de verser à madame Y… la somme de 50.000 euros en réparation de son droit moral et celle de 50.000 euros en réparation de ses droits patrimoniaux. En regard de la nature des faits commis par chacune des parties il convient de dire que madame Sylvie X… relèvera et garantira à proportion de 90 % l’Opéra National de Finlande de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre du chef de la présente décision. Les sommes allouées étant suffisantes pour réparer les préjudices subis il n’y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication sollicitée » ;
ALORS QUE le juge doit se borner à réparer l’intégralité du préjudice subi par la victime, sans perte ni profit pour celle-ci ; que l’arrêt attaqué a énoncé que les représentations de l’oeuvre litigieuse au Théâtre du Châtelet sans rémunération pour Mme Y… avaient causé à celle-ci, en sa qualité de co-auteur de l’oeuvre litigieuse, une atteinte à ses droits patrimoniaux fixée à la somme de 50 000 euros ; qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que Mme X…, que l’arrêt a également reconnue comme étant la principale co-auteur de cette oeuvre, n’avait perçu que la somme de 4 500 euros pour les représentations de celle-ci au Théâtre du Châtelet et que le succès de ces représentations résultait de l’apport prépondérant de Mme X… dans l’expression de son art, sans s’assurer, comme elle y était invitée, que l’allocation de la somme de 50 000 euros réparait le préjudice patrimonial de la victime, sans perte ni profit pour celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil.