Critère de l’originalité : 27 juin 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-19.834

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Critère de l’originalité : 27 juin 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-19.834
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27 juin 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-19.834

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 juin 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10434 F

Pourvoi n° K 17-19.834

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Amefa France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 14 mars 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant à la Société d’exploitation Tarrerias Bonjean, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 30 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme X…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Amefa France, de la SCP Bénabent, avocat de la Société d’exploitation Tarrerias Bonjean ;

Sur le rapport de Mme X…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Amefa France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société d’exploitation Tarrerias Bonjean la somme de 4 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES à la présente décision.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Amefa France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit qu’à défaut d’être originaux, les modèles de couverts de table référencés « S-Kiss » ne pouvaient bénéficier de la protection du livre I du code de la propriété intellectuelle, d’avoir en conséquence débouté la société Amefa France de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur et de sa demande de publication judiciaire et d’avoir rejeté ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,

AUX MOTIFS QUE le fait que la SAS SETB ait pu reconnaître les droits d’auteur sur des modèles de couverts de table « Silhouette » dans un protocole d’accord transactionnel signé en 2011 ne lui interdit pas dans le cadre du présent litige, d’invoquer l’absence d’originalité des modèles de couverts de table « S-Kiss » ; qu’il est en effet constant qu’il s’agit de modèles différents conçus par des designers différents : M. Lucas Y… pour les modèles « Silhouette » (selon l’attestation non contestée de ce dernier en pièce 24 de la SAS SETB) et Mme Karine Z… pour les modèles « S-Kiss » (selon l’attestation non contestée de cette dernière en pièce 2 de la SASU Amefa France) ; que le seul fait que les modèles « Silhouette » aient pu être reconnus originaux et comme tels, protégeables au titre du droit d’auteur, ne signifie pas qu’automatiquement les modèles « S-Kiss », qui en seraient une déclinaison selon la SASU Amefa France, bénéficieraient de la même originalité ; que, bien au contraire, si les modèles « S-Kiss » ne sont qu’une déclinaison des modèles plus anciens « Silhouette », ils ne peuvent revendiquer une quelconque originalité par rapport aux modèles « Silhouette » ; qu’ainsi la SASU Amefa France reconnaît elle-même en pages 6 et 7 de ses conclusions que les modèles « S-Kiss »ne sont qu’une simple évolution de son modèle phare « Silhouette » créé en 2000 par la société Couzon aux droits de laquelle elle vient afin de s’inscrire dans la même lignée caractéristique de la « double courbure particulière du manche » (page 7 de ses conclusions) ; que la SASU Amefa France admet elle-même (page 6) que la quasi-totalité des éléments caractéristiques de l’originalité revendiquée pour ses modèles « S-Kiss »existaient déjà comme éléments caractéristiques de l’originalité de son modèle antérieur « Silhouette », à savoir : – la courbure significative du manche des couverts dont la base est légèrement incurvée, – l’épaisseur des manches, – la forme “taille de guêpe” des manches, – les lignes et designs des têtes de chaque couvert ; que la SASU Amefa France admet également en page 12 de ses conclusions que la double cambrure du manche pour la cuillère et la fourchette provient également de la gamme « Silhouette » ; qu’il apparaît donc que ces éléments ne sont que la reprise banale des éléments caractéristiques du modèle antérieur « Silhouette », à l’exception de la « section du manche en biseau marquée » et du « profil longiligne » (page 7 de ses conclusions) ; que le fait de concevoir des couverts de table présentant une section du manche en biseau marquée n’est pas original puisqu’on retrouve déjà cette caractéristique dans plusieurs modèles de couverts déposés à l’INPI les 12 août 1996 et 28 octobre 1997 par la société Puiforcat Orfèvre (pièces 7 à 9 de la SAS SETB) et le 25 mai 2001 par la société Stirn (pièce 6) ; que le profil longiligne des couverts se retrouve également déjà dans plusieurs modèles de couverts déposés à l’INPI et revendiquant expressément cette caractéristique, ainsi la description des modèles de cuillère et de fourchette déposés le 9 juin 2004 par la société Atelier Pardoux (« l’esthétique se particularise entre autres par la nature du galbe du manche, son aspect plus massif à la base et plus effilé vers l’extrémité » : pièces 14 et 15) ; qu’ainsi le « parti pris esthétique » revendiqué au titre de l’originalité et résultant selon la SASU Amefa France d’une « allure contemporaine et longiligne » (page 12 de ses conclusions) était banal au moment de la commercialisation du modèle « S-Kiss » et ne présente donc aucune originalité ; que si la combinaison d’éléments courants peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, encore faut-il démontrer que cette combinaison présente en elle-même un caractère original révélateur de la personnalité créatrice de son auteur ; qu’en l’espèce si la SASU Amefa France affirme que son “parti pris esthétique” (dont il a été dit qu’il n’était pas original) et la combinaison des éléments (également banals en eux-mêmes) qu’elle invoque au titre de la protection de ses couverts « S-Kiss » par le droit d’auteur fait « de chacun de ces couverts une oeuvre originale, digne d’être protégée au titre du livre I du code de la propriété intellectuelle » (page 13 de ses conclusions), force est de constater qu’elle ne procède que par affirmations et ne démontre pas en quoi cette combinaison présenterait un quelconque aspect original ; qu’en conséquence, la SASU Amefa France échoue à démontrer l’originalité des couverts « S-Kiss » qui ne peuvent bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur et que dès lors elle ne peut qu’être déboutée de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur fondées sur ces modèles de couverts de table ;

ALORS QUE le demandeur à l’action en contrefaçon a pour seule obligation de préciser les caractéristiques de l’oeuvre dont il sollicite la protection ; que, si l’originalité est contestée, c’est au juge qu’il appartient de caractériser en quoi l’oeuvre porte ou non l’empreinte de la personnalité de son auteur ; qu’en énonçant, pour rejeter la demande de la société Amefa France fondée sur la contrefaçon, qu’elle échouait à rapporter la preuve de l’originalité de la combinaison des caractéristiques des couverts « S-Kiss » dont elle sollicitait la protection par le droit d’auteur, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 111-1 et L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société Amefa France avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Tarrerias Bonjean, d’avoir évalué à la somme de 70.000 euros le préjudice économique et à la somme de 5.000 euros le préjudice moral subis par cette dernière et d’avoir en conséquence condamné la société Amefa France à lui payer la somme globale de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS PROPRES QU’ il ressort des pièces versées aux débats (pièces 6 et 7 de la SASU Amefa France) que le 25 septembre 2012, le conseil en propriété industrielle de la SASU Amefa France a adressé aux deux principaux distributeurs de la SAS SETB, les sociétés Alinéa et Habitat France, une lettre identique invoquant des droits d’auteur et de dessins et modèles communautaires sur les modèles de couverts « S-Kiss » commercialisés par la SASU Amefa France et estimant que ces distributeurs commercialisaient une copie servile de ses modèles ; qu’avant même toute décision judiciaire établissant l’existence d’une contrefaçon, la SA SU Amefa France par l’intermédiaire de son conseil, accuse ainsi ces deux distributeurs de commettre des actes de contrefaçon tant de droits d’auteur que de dessins et modèles communautaires et les met en demeure de retirer sous quinzaine l’ensemble des produits considérés comme contrefaisants et de communiquer les coordonnées de leur fournisseur, les menaçant d’exercer toute action en justice nécessaire à la protection des droits” dont la SASU Amefa France se prétend titulaire ; qu’outre le fait que cette lettre se réfère à des dessins et modèles communautaires que la SASU Amefa France n’a jamais invoqués au soutien de son action en contrefaçon, il apparaît que ces lettres, par leur ton comminatoire et menaçant, vont au-delà d’une simple mise en garde adressée à des distributeurs de produits argués de contrefaçon ; qu’au surplus à la date à laquelle ces mises en demeure ont été adressées, la SASU Amefa France connaissait l’identité de la SAS SETB puisqu’elle avait fait procéder le 2 août 2012 à un procès-verbal de constat d’achat (pièce 5) dans un magasin Habitat à Lyon à la lecture duquel il apparaissait qu’elle savait déjà que la SAS SETB était le fournisseur des couverts argués de contrefaçon, ce que les photographies prises par l’huissier instrumentaire permettaient d’ailleurs de confirmer ; qu’ainsi il était tout à fait loisible à la SASU Amefa France d’adresser sa mise en demeure directement à la SAS SETB plutôt que de le faire auprès des distributeurs de cette dernière ; qu’il apparaît que ces mises en demeure ont conduit ces deux distributeurs à interroger leur fournisseur (pièces 12 et 13 de la SAS SETB) et, pour la société Habitat France, à cesser toute relation commerciale avec la SAS SETB ; que c’est donc par des motifs pertinents et exacts tant en fait qu’en droit que la cour adopte, que les premiers juges ont dit que le comportement de la SASU Amefa France a eu pour effet de dénigrer les produits de la SAS SETB auprès d’acteurs importants de son réseau de commercialisation, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale ;

ET QU’ il ressort de l’examen des pièces comptables produites (pièces 16 et 18 de la société SETB) que le chiffre d’affaires de la société SETB avec la société Habitat France qui avait été 192.843,37 euros pour l’exercice comptable allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, est tombé à 106.819,59 euros pour l’exercice comptable suivant 2012/2013 et a été nul pour l’exercice comptable 2013/2014 ; que c’est à juste titre que les premiers juges en ont conclu que les conséquences négatives de la mise en demeure du 25 septembre 2012 sur les relations commerciales de la société SETB avec la société Habitat France sont suffisamment établies ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ au regard de la chronologie des faits présentée plus haut – révélant l’existence d’une antériorité remontant à 2002 – et de la teneur particulièrement offensive et menaçante de ces lettres adressées aux distributeurs, le comportement de la société Amefa France a eu pour effet de dénigrer les produits du défendeur auprès d’acteurs importants de son réseau de commercialisation ; qu’il constitue dès lors un acte de concurrence déloyale ;

ET QUE la société Tarrerias Bonjean démontre au moyen d’une attestation de son expert-comptable et d’extraits de compte, ce qui n’est d’ailleurs pas discuté, que le chiffre d’affaires généré par les ventes au distributeur Habitat France s’est élevé à 192.843,37 euros pour l’exercice du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, puis à 106.819 euros pour l’exercice du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, et a été inexistant sur l’exercice suivant ; que, dans ces conditions, et au regard des échanges versés aux débats relatifs aux demandes d’information au fournisseur (pièce 12 du défendeur), les conséquences de la mise en demeure du 25 septembre 2012 sur les relations commerciales avec ce distributeur sont suffisamment établies ;

1°/ ALORS QUE la mise en demeure est une mesure comminatoire unilatérale, par laquelle une personne en interpelle une autre pour lui prescrire de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose ; qu’elle n’est fautive qu’en cas d’abus ; qu’en se bornant à affirmer, pour imputer à faute à la société Amefa France les lettres de mise en demeure adressées le 25 septembre 2012 aux sociétés Habitat France et Alinéa, qui distribuaient les couverts qu’elle estimait contrefaisants, que leur ton, comminatoire et menaçant, excédait celui d’une simple mise en garde, sans caractériser d’abus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382 du même code) ;

2°/ ALORS QU’ une mise en demeure n’est fautive que si elle est effectuée de mauvaise foi, son auteur se sachant sans droit ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir que la société Amefa France avait commis une faute à l’égard de la société Tarrerias Bonjean en adressant aux sociétés Habitat France et Alinéa les lettres de mise en demeure du 25 septembre 2012, qu’il s’était finalement avéré que les modèles de couverts « S-Kiss » n’étaient pas originaux, sans rechercher si la société Amefa France n’avait pu légitimement se méprendre sur l’existence de son droit d’auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382 du même code) ;

3°/ ALORS QUE le débit d’ouvrages contrefaits étant une contrefaçon au même titre que leur fabrication, celui qui se dit titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit sur un dessin et modèle communautaire peut légitimement mettre en demeure le distributeur de produits qu’il estime contrefaisants de cesser ses agissements ; qu’en reprochant, pour imputer à faute à la société Amefa France les lettres de mises en demeure adressées le 25 septembre 2012 aux sociétés Habitat France et Alinéa, qu’elle avait agi avant toute décision judiciaire établissant la contrefaçon et qu’elle aurait pu mettre en demeure la société Tarrerias Bonjean, fabricant des produits litigieux, la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L. 335-3 et L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 et 1240 du code civil (ancien article 1382 du même code) ;

4°/ ALORS QUE l’auteur d’une mise en demeure n’est pas tenu d’agir ensuite en justice ; qu’en retenant, pour affirmer que la société Amefa France avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société Tarrerias Bonjean, qu’elle n’avait pas agi sur le fondement des dessins et modèles communautaires invoqués dans les lettres de mise en demeure adressées aux sociétés Habitat France et Alinéa le 25 septembre 2012, mais sur le seul fondement du droit d’auteur, la cour d’appel, qui statué par un motif inopérant, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382 du même code) ;

5°/ ALORS QUE l’allégation, dans une lettre de mise en demeure, du caractère contrefaisant d’un produit ne constitue pas un dénigrement fautif mais un moyen de défense légitime ; qu’en affirmant que les lettres de mise en demeure adressées le 25 septembre 2012 par la société Amefa France aux sociétés Habitat France et Alinéa, invoquant le caractère contrefaisant des modèles de couverts « Eva » et « Accra », constituait un dénigrement fautif des produits fournis par la société Tarrerias Bonjean, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil (ancien article 1382 du même code).

6°/ ALORS QUE la société Amefa France faisait valoir, en cause d’appel, que la société Habitat France avait passé d’importantes commandes à la société Tarrerias Bonjean après la lettre de mise en demeure du 25 septembre 2012, et jusqu’en avril 2013 (conclusions récapitulatives d’appel de la société Amefa France, p. 26 ; pièce n° 16, annexe 2, et pièce n° 18), ce qui démontrait que la cessation des relations commerciales n’était pas imputable à la mise en demeure du 25 septembre 2012 ; qu’en se bornant à affirmer que les conséquences négatives de la mise en demeure du 25 septembre 2012 sur les relations commerciales de la société Tarrerias Bonjean avec la société Habitat France étaient suffisamment établies, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

 


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