Critère de l’originalité : 10 avril 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-14.409

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Critère de l’originalité : 10 avril 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-14.409
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10 avril 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-14.409

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 avril 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10226 F

Pourvoi n° J 18-14.409

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Verrerie de Saint-Just, société à associé unique, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 11 janvier 2018 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant à M. P… C…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 12 mars 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Verrerie de Saint-Just , de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. C… ;

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Verrerie de Saint-Just aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Verrerie de Saint-Just

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le « miroir nuage » crée en 2004 est une oeuvre originale de M. P… C… et qu’il est dès lors titulaire des droits d’auteur dont l’oeuvre fait l’objet ; dit que la société Verrerie de Saint Just s’est rendue coupable du délit de contrefaçon ; de l’avoir condamnée à payer à M. P… C… la somme de 67.405 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral et d’avoir ordonné en conséquence la cessation de l’utilisation sur quelques supports que ce soit, (documents, papiers, brochures, catalogues, cartons d’exposition, support presse, utilisation audiovisuelle, sites Internet, murs et miroirs) de toutes reproductions illicites par la Verrerie de Saint Just, de l’oeuvre originale réalisée en 2004 par M. C…, dénommée « miroir nuage », pour le Centre Claude Pompidou, et de ses produits dérivés ; en l’espèce : tables de nuit 2004 – le coffre à secrets, commande pour Hennessy, 2007- le mur miroir nuage, 2008 exposition à la Galerie KARSTEN GREVE à Cologne – la cheminée Lindeman, 2009 (pièces n°19), ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Ia société Verrerie de Saint Just a réalisé les objets dénommés « mur nuages » sur la base de directives précises, ainsi que cela ressort d’un document intitulé « Spécifications projet JMO » annexé à un contrat de commande ; que sur ce document, il est notamment indiqué qu’une étiquette doit être mise sur la face bariolée, pour éviter une erreur d’argenture, que l’épaisseur des volumes doit être comprise entre 2 et 5 mm, et que les verres en périphérie doivent être recouverts par une lèvre en acier ; que même si la société Verrerie de Saint Just est à l’origine des tolérances de fabrication des verres, de la dimension des taches bariolées, de leur densité et écartement, ainsi que le déclare son directeur commercial, M. Y…, dans une attestation du 30 janvier 2016, ces spécifications, que ce dernier qualifie de « standards », n’établissent pas pour autant qu’elle a marqué de sa personnalité la forme de l’oeuvre conçue par P… C… ; qu’ensuite les caractéristiques du « mur nuages » sont identifiables, puisqu’il s’agit d’un assemblage de feuilles de verre avec des incrustations d’émaux, l’une d’entre elles étant argentée afin de produire un effet de miroir ; que cette combinaison d’éléments et leur agencement procèdent d’un effort créatif et de choix esthétiques qui reviennent à M. P… C…, consistant à transformer en nuage des taches qui n’avaient pas cette vocation à l’origine ; qu’en outre, le choix de transformer en miroir des feuilles de verre qui sont seulement transparentes, ainsi que cela ressort de la description du produit BAR 020 fabriqué par la société Verrerie de Saint Just, confère à l’oeuvre de M. M… C… un caractère de nouveauté, en sorte que l’appelante n’est pas fondée à lui opposer une prétendue antériorité pour conclure à l’absence d’originalité du « mur nuages » ; qu’il en résulte que l’acte intellectuel de M. P… C…, qui ne relève pas de la mise en oeuvre d’un simple savoir-faire, s’est formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale, traduisant sa personnalité, en sorte que son oeuvre « mur nuages » qui est une création, doit bénéficier de la protection du droit d’auteur, ainsi que l’énonce à juste titre le premier juge ; que la photo produite aux débats du mur de verre Installé dans le restaurant de l’ambassade de France à Tokyo ne permet pas de constater que ce mur est une contrefaçon de l’oeuvre de M. P… C… ; qu’il n’est pas contesté que la société Verrerie de Saint Just a utilisé des photos de l’oeuvre « mur nuage » sans mentionner que M. P… C… en est l’auteur, ce qui est constitutif d’une contrefaçon portant atteinte à son droit moral de faire reconnaître l’oeuvre comme étant de lui ;
qu’ensuite, il ressort des pièces produites par la société Verrerie de Saint Just qu’elle a installé « un feuilleté avec miroir » dans le hall d’entrée d’un Immeuble à Lyon ; qu’il ressort de ses écritures qu’elle a vendu à un architecte un verre dénommé « miroir nuage » et qui a été installé dans un casino à Las Vegas ; que la photo de ce verre qu’elle produit fait apparaître une quasi similitude avec celui qu’avait proposé M. P… C… à cet architecte ; que ces reproductions serviles du « mur nuages » sans le consentement de ce dernier, et que la société Verrerie de Saint Just a présenté comme étant les siennes, sont constitutives d’actes de contrefaçon ; qu’en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il énonce que, pour toutes ces réalisations et produits, la contrefaçon est caractérisée, et en ce qu’il accueille partiellement les demandes de M. P… C… (cf. arrêt p. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE sur le caractère original de l’oeuvre réalisée en 2004 par M. P… C… : l’article L 111-1 du Code de propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ; le droit de l’article susmentionné est conféré selon l’article L 112-1 du même code à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, y compris les brochures, selon l’article le 112-2 1° du même code. Il s’en déduit le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité, et du seul fait de la création d’une forme originale ; en vertu de l’article L. 112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, les oeuvres des arts appliqués peuvent être protégées sur le fondement du droit d’auteur ; il importe néanmoins de prouver qu’elles présentent un caractère original ; en l’espèce, M. P… C… indique que l’originalité de l’oeuvre « miroir-nuage » réside dans :
« – la demande spéciale formulée par l’Artiste de pièces ne figurant pas dans le stock de son prestataire
– le changement de taches blanches préexistantes en nuages
– l’espacement précis créé par lui
– le regard poétique porté sur la matière et la nouvelle vision revendiquée par cette appropriation et cette réinterprétation
– l’utilisation de ce matériau recomposé pour créer des installations dans des galeries ou des lieux spécifiques » ;
qu’il en conclut que cet agencement particulier manifeste l’apport personnel et l’oeuvre créatrice de son auteur ; tout d’abord, il n’est pas contesté que M. P… C… a utilisé le verre bariolé BAR 020, propriété de la société Verrerie Saint Just pour créer sa première oeuvre, et il sera néanmoins observé que l’utilisation de ce verre pour créer une composition n’ôte pas en soi à l’oeuvre « miroir nuage » sa forme originale ; ainsi, à l’examen des « spécifications projet JMO – 230 volumes par réf (A;B;C.D) soit 920 volumes », il en résulte que les taches bariolées ainsi que leur sens sont définis, que des instructions spécifiques portent en outre sur l’épaisseur et la planéité des volumes « à vérifier sur tous les volumes », et sur le recouvrement du verre en périphérie, selon un schéma prédéterminé ; il s’ensuit que les spécifications précises de l’auteur, tenant à la taille et à la disposition des émaux ainsi qu’à l’argenture de la feuille de verre, ayant un effet miroir, qui ont permis le changement de « taches blanches préexistantes en nuages », grâce à des espacements précisés, permettent la production d’un résultat dont la combinaison générale, suggérant un ciel de nuages, est le fondement de son originalité, marque de la personnalité de son auteur ; il en sera déduit que c’est à tort que la société défenderesse se contente de réduire l’objet à « un concept » en considérant que, dès lors, elle ne peut être considérée comme une oeuvre de l’esprit, au sens du code précité, alors que l’oeuvre « miroir nuage » a bien une forme précise, une composition originale et créatrice, marquée de l’empreinte personnelle de M. P… C… ; en conséquence, en l’absence de tout autre moyen tendant à contester l’originalité de l’oeuvre « miroir nuage » créée en 2004, il y a lieu de considérer que M. P… C… a fait oeuvre créatrice, et qu’il est titulaire de droits d’auteur sur cette oeuvre ;
Sur l’action en contrefaçon et les demandes de Monsieur C… subséquentes :
Il est constant que les droits patrimoniaux confèrent à l’auteur le privilège exclusif d’une exploitation commerciale temporaire, qu’ils lui permettent de décider des conditions de celle-ci et de déterminer les rémunérations qui lui sont dues en contrepartie de l’utilisation de son oeuvre.
En l’absence d’autorisation d’utilisation de l’oeuvre, il y a donc lieu de mettre fin à cette atteinte et de faire cesser l’empiétement sur la propriété intellectuelle, en rétablissant Monsieur C… dans son droit exclusif.
Or, il résulte des pièces versées aux débats que sur le catalogue et divers sites de la Verrerie de Saint Just, sont reproduits des photographies d’oeuvres de M. C…, sans son accord et la moindre mention de son nom (coffre et nuages), ainsi que sur un carton relatif à une exposition de l’artiste à la Galerie de Cologne, X… R…. (Pièces demandeur n° 13 et 14, n° 26).
En outre la société Verrerie de Saint Just démontre avoir réalisé un « mur nuage » pour l’architecte américain D… B…, alors que des pourparlers avaient été menés au préalable par Monsieur C…, avec production d’un projet de réalisation, non contesté. (Pièces demandeur n°18, 18 bis, 18 ter, 23, 30).
Enfin, il ne peut être contesté, au vu des pièces versées aux débats, que la réalisation d’un mur de « miroir nuage », dans le hall d’un immeuble situé à Lyon, avenue des Frères Lumières, est une production servile de l’oeuvre originale élaborée en 2004. (Pièce n° 26 demandeur) ;
par suite, et pour toutes ces réalisations et produits, la contrefaçon est caractérisée ; la société Verrerie de Saint Just s’est donc rendue coupable du délit de contrefaçon, et M. C… sera accueilli partiellement en ses demandes (cf. jugement p. 6 et 7) ;

1/ ALORS QUE la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts mais seulement les créations dans leur forme sensible qui doit être caractérisée avec une précision suffisante pour être identifiable ;qu’en retenant en l’espèce que l’oeuvre intitulée « Miroir Nuage » réalisée à partir du verre bariolé BAR 020 de la société Verrerie de Saint Just se caractérise par « un assemblage de feuilles de verre avec des incrustations d’émaux, l’une d’entre elles étant argentée afin de produire un effet de miroir ; que cette combinaison d’éléments et leur agencement procèdent d’un effort créatif et de choix esthétiques (
) consistant à transformer en nuage des taches qui n’avaient pas cette vocation à l’origine » ; « que les spécifications précises (
) tenant à la taille et à la disposition des émaux ainsi qu’à l’argenture de la feuille de verre ayant un effet miroir, qui ont permis le changement de « taches blanches préexistantes en nuages » grâce à des espacements précisés, permettent la production d’un résultat dont la combinaison générale, suggérant un ciel de nuages est le fondement de son originalité », sans indiquer précisément quelles étaient la taille, la densité et la disposition des émaux ainsi que leur espacement dont le choix combiné avec celui de l’argenture d’une feuille de verre permet à l’idée d’un ciel de nuages de prendre une forme sensible originale précisément définie, la cour d’appel, qui n’a pas précisément identifié les caractéristiques protégeables de l’oeuvre, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2/ ALORS QUE si l’artiste qui ne participe pas à la réalisation matérielle d’une oeuvre peut en être néanmoins reconnu le créateur, c’est à la condition cependant que celle-ci, à la supposer originale, ait été réalisée selon ses instructions et son contrôle ; qu’en retenant en l’espèce que le « Miroir Nuage » a été réalisé sur la base de directives précises, ainsi que cela ressort d’un document intitulé « Spécifications projet JMO », annexé à un contrat de commande (cf. pièce 8 de la société Verrerie de Saint-Just) ; se caractérise par « un assemblage de feuilles de verre avec des incrustations d’émaux, l’une d’entre elles étant argentée afin de produire un effet de miroir ; que cette combinaison d’éléments et leur agencement procèdent d’un effort créatif et de choix esthétiques qui reviennent à M. P… C… consistant à transformer en nuage des taches qui n’avaient pas cette vocation à l’origine », « que les spécifications précises (
) tenant à la taille et à la disposition des émaux ainsi qu’à l’argenture de la feuille de verre, ayant un effet miroir, qui ont permis le changement de « taches blanches préexistantes en nuage » grâce à des espacements précisés permettent la production d’un résultat dont la combinaison générale, suggérant un ciel de nuages, est le fondement de son originalité » et que M. C… serait l’auteur de cette oeuvre, tout en relevant que « même si la société Verrerie de Saint Just est à l’origine des tolérances de fabrication des verres, de la dimension des taches bariolées, de leur densité et écartement, ainsi que le déclare son directeur commercial M. Y… dans une attestation du 30 janvier 2016, ces spécifications, que ce dernier qualifie de « standards », n’établissent pas pour autant qu’elle a marqué de sa personnalité la forme de l’oeuvre », la cour d’appel, qui n’a pas ainsi constaté de façon claire et certaine que les spécifications qui seraient, selon elle, à l’origine de ce qui caractériserait l’originalité de l’oeuvre « Miroir Nuage », auraient été déterminées et données par M. P… C…, a statué par voie de motifs dubitatifs en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges du fond ne peuvent retenir qu’un fait contesté est établi sans préciser sur quels éléments de preuve ils se fondent ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu’en l’espèce, la société Verrerie de Saint Just faisait valoir, en invoquant pour en justifier une attestation de son directeur commercial, que les spécifications figurant dans un document intitulé « Spécifications projet JMO » annexé au contrat de vente et constituant sa pièce 8 avaient été données et déterminées non pas par M. P… C… mais par la société Verrerie de Saint Just ; qu’à supposer qu’elle ait attribué la paternité de ces spécifications à M. P… C…, la cour d’appel, qui en a alors ainsi décidé sans préciser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir comme établi ce fait, contesté par la société Verrerie de Saint Just, a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

 


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