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4 juin 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/15347
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 04 JUIN 2019
(n°082/2019, 17 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 17/15347 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B33VJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/08917
APPELANTS
Monsieur [H], [R], [F] [T]
Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]
Architecte décorateur d’intérieur
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assisté de Me Alain CLERY de la SELARL CLERY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0070
Madame [C], [P], [X] [J]
Née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 3]
Artiste
De nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée de Me Alain CLERY de la SELARL CLERY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0070
SAS [H] [T]
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro [B]
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée de Me Alain CLERY de la SELARL CLERY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0070
INTIMÉE
SARL [H] [G]
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro [D]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistées de Me Armand AVIGES de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : D70
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
M. François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [H] [T] est un architecte d’intérieur et décorateur français, qui conçoit et réalise la décoration d’appartements privés, d’hôtels et de restaurants de luxe.
Il a créé la société [H] [T] à laquelle il a cédé ses droits d’exploitation sur ses oeuvres et notamment, une lampe ‘Lanterne’, un canapé ‘Augustin’ et une méridienne ‘Nobilé’.
Madame [C] [J], spécialisée dans la réalisation de commandes pour les maisons de luxe, les architectes ou les particuliers, expose être l’auteur d’une suspension ‘Poutre’ créée pour un restaurant parisien dont la décoration a été réalisée par la société [H] [T].
Monsieur [W] [L], sculpteur spécialisé dans le travail du fer forgé, du bronze, du métal et de la pierre pour créer des meubles sculpture, exposait en première instance être l’auteur d’une console ‘Dogue’ créée pour la société [H] [T].
La société [H] [G] est une société de création et de vente de mobilier fondée par monsieur [E] [H] qui exploite notamment deux magasins à Paris et à Londres.
La société [H] [T] indique avoir découvert que les boutiques à enseigne “[E] [P]” exploitées par la société [H] [G] offraient à la vente une lampe ‘Sevva’, un canapé ‘Satin’, une méridienne, une suspension et une console ‘Pure’ qui constitueraient une reproduction respectivement de la lampe ‘Lanterne’, du canapé ‘Augustin’, de la méridienne ‘Nobilé’, de la suspension ‘Poutre’ et de la console ‘Dogue’ qu’elle exploite.
La société [H] [T], madame [J] et monsieur [L] ont chacun fait pratiquer une saisie-contrefaçon au sein de la société [H] [G] le 13 mai 2014.
Par acte du 11 juin 2014, la société [H] [T], monsieur [T], madame [J] et monsieur [L] ont assigné la société [H] [G] en contrefaçon et concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Paris.
En cours de procédure, la société [H] [G], soutenant que sa méridienne arguée de contrefaçon serait antérieure à la méridienne ‘Nobilé’, a fait réaliser le 18 février 2015 deux saisies-contrefaçon au siège social et dans un entrepôt de la société [H] [T].
Par ordonnance du 29 janvier 2016, le juge de la mise en état a rejeté la demande présentée par la société [H] [G] sollicitant qu’injonction soit faite à la société [H] [T] de produire l’historique des modifications de ses sites internet, et les éléments comptables relatifs à la méridienne Nobilé.
Par jugement du 8 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
écarté des débats la pièce 51 communiquée par la société [H] [G] ;
dit que la lampe ‘Lanterne’ commercialisée par la société [H] [T] bénéficie de la protection au titre du droit d’auteur prévue par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle ;
dit que le canapé ‘Augustin’ et la méridienne ‘Nobilé’ ne bénéficient pas d’une protection au titre du droit d’auteur prévue par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle ;
débouté monsieur [H] [T], la société [H] [T], madame [C] [J] et monsieur [W] [L] de leurs demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
condamné la société [H] [T] à payer à la société [H] [G] la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté le surplus des demandes ;
condamné la société [H] [T] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Monsieur [T], madame [J] et la société [H] [T] ont fait appel de ce jugement, par déclaration du 26 juillet 2017.
Par conclusions du 1er mars 2018, ils demandent à la cour de :
confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 septembre 2014 en ce qu’il a :
/ dit que la société [H] [T] est recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur au titre de son modèle de lampe dénommé « Lanterne », jugé original,
/ dit que Monsieur [H] [T] est recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur au titre de son modèle de lampe dénommé « Lanterne », jugé original,
/ dit que Madame [J] est recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur au titre de son modèle de suspension dénommé « Bûche », jugé original,
/ débouté la société [H] [G] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon de sa méridienne « Néo ».
Pour le surplus,
juger irrecevables, à tout le moins mal fondés, les différents moyens de défense et demandes reconventionnelles de la société [H] [G], et l’en débouter, à toutes fins qu’ils comportent,
juger la société [H] [T], Monsieur [H] [T] et Mademoiselle [J] recevables et bien fondés en leur appel partiel, en conséquence, y faisant droit :
/ infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société [H] [T] à payer la somme de 25 000 euros à la société [H] [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
/ infirmer le Jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société [H] [T] de sa demande en nullité des opérations de saisies-contrefaçon du 18 février 2015,
/ infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société [H] [T], Monsieur [H] [T] et Madame [J] de leur action en contrefaçon artistique et en concurrence déloyale contre la société [H] [G],
Et, statuant à nouveau sur ces points :
juger nulles et de nul effet les saisies-contrefaçon de la société [H] [G] du 18 février 2015 pratiquées contre et au sein des locaux de la société [H] [T],
juger que la société [H] [G] s’est rendue coupable de contrefaçon artistique à leur préjudice, comme suit :
à l’encontre de la société [H] [T], au titre de la lampe « Sevva», du canapé « Satin » et de la méridienne litigieuse,
à l’encontre de Mademoiselle [J] au titre de la suspension litigieuse,
juger que la société [H] [G] s’est rendue coupable de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société [H] [T],
juger que la société [H] [G] a porté atteinte au droit moral de chacun de Monsieur [T] et de Mademoiselle [J],
En conséquence :
faire interdiction à la société [H] [G] de poursuivre, directement ou indirectement, en France et/ou à l’étranger, l’exploitation (en ce compris, notamment : l’achat, la fabrication, l’importation et/ou la vente aux tiers) des meubles litigieux, à savoir : la lampe « Sevva », le canapé « Satin », la méridienne « Néo », la suspension dénommée « La suspension », à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 5 000 euros par infraction commise, à compter de la signification de l’Arrêt à intervenir,
ordonner à la société [H] [G] de retirer des circuits commerciaux, et notamment des boutiques à l’enseigne « [E] [P] », en France et/ou à l’étranger, ses meubles litigieux, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir,
ordonner à la société [H] [G] de supprimer toutes photographies des meubles litigieux sur ses documents commerciaux ainsi que sur son site Internet « [E]-[P].fr », à compter du huitième jour de l’Arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
ordonner la destruction des différents modèles litigieux exploités par la société [H] [G], sous contrôle d’huissier, à ses frais et d’en justifier dans un délai de huit jours à compter du trentième jour de la signification de l’Arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai,
ordonner à la société [H] [G] de produire un état comptable certifié sincère et véritable de toutes ses ventes des meubles litigieux (à savoir : la lampe « Sevva », le canapé « Satin », la méridienne « Néo » ou « Satin », la suspension « Suspension »), en quantité et en chiffre d’affaires, à compter du 11 juin 2009 jusqu’à l’Arrêt à intervenir, ainsi qu’en état des stocks desdits meubles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’Arrêt à intervenir,
renvoyer l’affaire à telle audience du conseiller de la mise en état à l’issue de l’arrêt à intervenir, afin de statuer sur les éléments comptables fournis par la société [H] [G] et le préjudice complet de la société [H] [T],
condamner la société [H] [G] à payer à la société [H] [T] :
la somme de 100 000 euros, sauf à parfaire, à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation de son manque à gagner,
la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes portées à son droit moral,
la somme de 100 000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice résultant des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire,
condamner la société [H] [G] à payer à Monsieur [T] la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice moral, sauf à parfaire,
condamner la société [H] [G] à payer à Mademoiselle [J] :
la somme de 15 000 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux,
la somme de 25 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit moral,
ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires, au moins par extraits, dans 5 (cinq) journaux et 3 (trois) sites Internet français ou étrangers, au choix de la société [H] [T], dont le site Internet « [E]-[P].com », aux frais de la société [H] [G] dans la limite de 8 000 euros hors taxe par insertion, et, pour le site Internet « [E]-[P].com », sur la moitié de sa page d’accueil pendant trente jours consécutifs, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’Arrêt à intervenir,
se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
condamner la société [H] [G] à payer à la société [H] [T] la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et à chacun de Monsieur [T] et Mademoiselle [J] celle de 5 000 euros sur le même fondement,
condamner la société [H] [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP GRV ASSOCIES, en application des dispositions de l’article 699 code de procédure civile.
Par conclusions du 3 janvier 2018, la société [H] [G] [E] [P] demande à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société [H] [T], Monsieur [H] [T] et Madame [J] de leur action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l’encontre la société [H] [G],
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société [H] [T] de sa demande en nullité des opérations de saisies-contrefaçon du 18 février 2015,
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société [H] [T] à payer la somme de 25 000 euros à la société [H] [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 juillet 2016 en ce qu’il a :
‘ dit que la société [H] [T] et Monsieur [H] [T] étaient recevables à agir sur le fondement du droit d’auteur au titre de la lampe dénommée « Lanterne »,
‘ dit que Madame [J] était recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur au titre de la suspension dénommée « Poutre»,
‘ débouté la société [H] [G] de ses demandes reconventionnelles en contrefaçon et à titre subsidiaire en concurrence déloyale à l’encontre de la société [H] [T] et de Monsieur [H] [T] au titre de la méridienne « Néo ».
‘ débouté la société [H] [G] de ses demandes au titre de la procédure abusive initiée par la société [H] [T] et Monsieur [H] [T],
Et, statuant à nouveau sur ces points :
– juger que la société [H] [T], Monsieur [H] [T] ne sont pas recevables en leur action en contrefaçon à l’encontre de la société [H] [G], au titre de la lampe dénommée « Lanterne »,
– juger que Madame [J] n’est pas recevable en leur action en contrefaçon à l’encontre de la société [H] [G], au titre de la suspension dénommée « poutre»,
– juger que la société [H] [T] et Monsieur [H] [T] et Madame [J], ont engagé abusivement cette procédure à l’encontre de la société [H] [G],
– juger que la société [H] [T] et Monsieur [H] [T] se sont rendus coupables de contrefaçon au préjudice de la société [H] [G] au titre de la méridienne « Néo »,
A titre subsidiaire,
Dans l’hypothèse où, par impossible, la cour confirmerait le jugement en ce qu’il a considéré que la méridienne éditée par la société [H] [G] ne serait pas protégeable au titre du droit d’auteur,
– juger que la société [H] [T] a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société [H] [G] en commercialisant la méridienne « Nobilé »,
En conséquence de quoi,
– enjoindre à la société [H] [T] de communiquer l’intégralité des éléments comptables concernant la commercialisation de la méridienne « Nobilé » permettant de déterminer l’ampleur du préjudice subi par la société [H] [G],
A défaut de quoi,
– condamner la société [H] [T] à payer à la société [H] [G] une somme de 350.000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– juger que la société [H] [T], Monsieur [H] et Madame [J] ont abusivement saisi le tribunal puis la cour pour nuire à la société [H] [G]
– condamner in solidum la société [H] [T], Monsieur [H] et Madame [J] à payer à la société [H] [G] une somme de 50.000 € au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner in solidum la société [H] [T], Monsieur [H] et Madame [J] à payer à la société [H] [G] une somme de 25.000 € au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [H] [T] aux entiers dépens et frais et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par la Selarl PMG.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2019.
MOTIVATION
Sur la lampe Lanterne
Sur l’originalité de la lampe Lanterne
Les appelants soutiennent que l’originalité de la lampe Lanterne découle de son inspiration chinoise et de la combinaison d’un abat-jour cylindrique réalisé dans une matière translucide et présenté dans le sens vertical, « semblant flotter » au sein d’une structure en métal patiné constituée de deux platines carrées reliées entre elles par quatre tiges métalliques de section carrée situées dans chacun des coins des platines ce dont il résulterait un effet de contraste entre les couleurs et les formes utilisées. Ils exposent que les pièces produites par l’intimée ne peuvent justifier d’une quelconque antériorité et que la pièce utile 3 de l’intimée présente des lampes japonaises ‘Andon’ qui ne reprennent pas les caractéristiques de la lampe Lanterne.
L’intimée soutient que l’ensemble des caractéristiques de la lampe ‘Lanterne’ se retrouvent dans les lanternes traditionnelles japonaises ‘Andon’ qui datent du 16ème siècle, et dont il existe une multitude de formes et de types. Elle ajoute que l’effet de contraste revendiqué par la société [H] [T] se retrouve également dans les modèles de lanterne Andon, et que les nombreuses pièces qu’elle produit établissent l’absence d’originalité de la lampe Lanterne.
Sur ce
S’agissant de la lampe Lanterne, créée en 1995, les éléments originaux revendiqués qui la composent sont les suivants :
un abat-jour constitué d’un cylindre réalisé dans une matière translucide (papier aquarelle),
présenté dans le sens vertical,
semblant flotter au sein d’une structure en métal patiné constituée de deux platines carrées (en haut et en bas), reliées entre elles par quatre tiges métalliques de section carrée situées dans chacun des quatre coins des platines,
créant un effet de contraste recherché entre d’une part, les couleurs de l’abat-jour (translucide, et donc clair) et de son support (en métal foncé) et, d’autre part, entre la forme ronde de l’abat-jour et la forme carrée des éléments constituant la structure.
Les différentes pièces 3, 34 à 36 versées par l’intimée montrent de nombreuses lampes traditionnelles japonaises disposant d’un abat-jour ayant la même forme que la structure de la lampe qui l’enserre, et qui ‘suit’ cette structure, alors que dans la lampe Lanterne, l’abat-jour est de forme arrondie tandis que la structure de la lampe est de forme carrée. Les autres pièces de l’intimée (4,5) ne présentent pas de date certaine, ou sont postérieures à la création de la lampe Lanterne, de sorte qu’elles ne sauraient être utilement invoquées pour la priver d’originalité.
Les contrastes entre la forme arrondie de l’abat-jour et celle, carrée, de la structure composée de deux platines carrées au-dessus et en dessous, entre les matières utilisées -métal pour la structure, papier pour l’abat-jour -, comme le fait que l’abat-jour ne touche ni les montants verticaux ni la platine supérieure de la structure, résultent de choix créatifs et confèrent à la lampe Lanterne une physionomie originale qui la distingue des lampes traditionnelles japonaises qui lui sont opposées, et la rend éligible à la protection au titre du droit d’auteur.
Sur la contrefaçon de la lampe Lanterne
Les appelants soutiennent que la lampe Sevva de l’intimée reproduit les éléments essentiels de la lampe Lanterne de sorte qu’elles ont le même aspect esthétique et donnent la même impression d’ensemble. Ils critiquent le jugement en ce qu’il ne se serait intéressé qu’aux différences entre les lampes alors que la contrefaçon s’apprécie au vu des ressemblances.
L’intimée expose que sa lampe Sevva ne reproduit pas les caractéristiques de la lampe Lanterne, notamment au vu de la forme et de la couleur de l’abat-jour, de son mode de fixation, de la forme des tiges constituant la structure, de ses finitions complexes et minutieuses alors que la lampe Lanterne a un aspect brut.
Sur ce
Les deux lampes disposent d’un abat-jour vertical et de forme globalement cylindrique, disposé entre deux platines carrées positionnées au-dessus et en dessous, ces platines étant reliées par quatre tiges métalliques placées à leurs coins, qui forment une structure dans laquelle se trouve l’abat-jour.
Pour autant, la lampe Lanterne présente un pied, positionné au centre de la platine inférieure, et qui vient soutenir par le bas l’abat-jour, alors que la lampe Sevva n’a pas un tel pied, et présente d’une tige placée sur la face inférieure de la platine haute, qui pénètre l’abat-jour par le haut, ce qui donne à l’abat-jour de la lampe Sevva un aspect suspendu, absent de la lampe Lanterne, à laquelle le pied central donne un aspect plus traditionnel.
Les quatre tiges qui s’étendent entre les platines haute et basse sont de forme carrée dans la lampe Lanterne, ce qui accentue l’impression de cage, alors qu’elles sont de forme triangulaire dans la lampe Sevva, ce qui lui contribue à lui donner une apparence plus légère ainsi qu’un effet de perspective.
L’abat-jour de la lampe Lanterne est légèrement plus large en sa partie basse qu’en sa partie haute, donnant à ce cylindre une dimension conique absente de l’abat-jour strictement cylindrique de la lampe Sevva.
Au vu de ce qui précède, et en particulier du pied de la lampe Lanterne qui en constitue une caractéristique importante, les deux lampes ne présentent pas la même combinaison des éléments constitutifs et donnent une impression d’ensemble différente.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il n’a pas retenu la contrefaçon de la lampe Lanterne.
Sur le canapé Augustin
Sur l’originalité du canapé Augustin
Les appelants soutiennent que l’originalité du canapé Augustin, créé en 2000, découle de son aspect monumental, épuré, élégant et confortable lié à ses dimensions, de son assise très basse sur quatre pieds en bois et formée d’une seule pièce avec une banquette d’un seul tenant, des larges accoudoirs parallélépipédiques en forme de caissons, de l’alignement de coussins rectangulaires adossés le long du dossier sur toute la longueur du canapé et débordant de la banquette pour s’aligner sur les accoudoirs, avec un coussin rectangulaire adossé à chacun des deux accoudoirs, le tout en mélange de tissus. Ils critiquent le jugement en ce qu’il a considéré que le canapé Augustin ne se distinguait pas d’autres modèles appartenant au même genre alors qu’il n’en cite aucun, et ils considèrent que les modèles produits par l’intimée ne sont pas datés ou ne reprennent pas les caractéristiques du canapé Augustin.
L’intimée fait valoir qu’il existe d’autres modèles de canapé avec des dimensions imposantes, et que l’absence d’originalité de ce canapé Augustin a déjà été analysée par des décisions de justice. Elle fait état des créations d’un désigner d’avant guerre, monsieur Jean Michel Franck, qui avait dessiné un fauteuil dont les caractéristiques se retrouvent dans le canapé en cause, et qui est l’auteur de canapés de dimensions monumentales et présentant une assise unique. Elle invoque d’autres créations dans les années 1930, et en déduit que les éléments revendiqués par la société [T] ne constituent pas une oeuvre originale.
Sur ce
L’originalité du canapé Augustin provient, selon les appelantes, de la combinaison des éléments suivants :
un aspect monumental lié à ses dimensions (grande longueur et très grande profondeur),
construit sur une assise très basse, à fleur de sol,
reposant sur quatre pieds en bois,
présentant une assise unique, d’une seule pièce avec une banquette d’un seul tenant,
aux extrémités de laquelle figurent deux larges accoudoirs parallélépipédiques en forme de caissons,
avec un alignement de coussins rectangulaires (3 ou 4 selon la longueur) adossés le long du dossier,
ledit dossier courant sur toute la longueur du canapé, et débordant de la banquette pour s’aligner sur les accoudoirs, renforçant ainsi l’aspect monumental du canapé,
-avec un coussin rectangulaire adossé à chacun des deux accoudoirs,
le tout en mélange de tissus (soie, coton et/ou lin).
Le fauteuil de Jean-Michel Franck, opposé par l’intimée, et dont l’antériorité par rapport au canapé Augustin n’est pas contestée, présente également des dimensions très imposantes, quatre pieds en bois, deux larges accoudoirs parallélépipédiques en forme de caissons, et un dossier débordant de l’assise pour s’aligner sur les accoudoirs, renforçant ainsi l’aspect monumental du fauteuil.
Il ressort des pièces produites aux débats que ce créateur a aussi produit des canapés de dimensions importantes, présentant notamment une assise unique, des accoudoirs parallélépipédiques en forme de caissons, un alignement de coussins rectangulaires (3 ou 4 selon la longueur) adossés le long du dossier, et un coussin adossé à chacun des deux accoudoirs.
L’idée du canapé de dimensions monumentales, avec une assise unique, basse et d’une seule pièce, n’est donc pas nouvelle, et le canapé d’Eileen Grey de 1924 présente également
une assise unique, basse et d’une seule pièce,
deux larges accoudoirs parallélépipédiques en forme de caissons, par ailleurs mobiles,
des coussins rectangulaires adossés le long du dossier,
un coussin rectangulaire adossé à chacun des deux accoudoirs.
Les appelants ne peuvent faire état du fait que les montants latéraux sont constitués de caissons sur roulettes pour écarter la pertinence de ce document, alors que ce canapé de 1924 est présenté dans une configuration dans laquelle ces caissons constituent des accoudoirs.
Il ressort de ce qui précède que les éléments caractéristiques dont font état les appelants pour le canapé Augustin font partie du fond commun en matière de canapé, et les nombreux autres éléments versés par les intimés, qui n’ont pas de caractère d’antériorité par rapport au canapé Augustin mais présentent les mêmes caractéristiques, révèlent que ce canapé Augustin s’inscrit dans une tendance de la mode de canapés de grandes dimensions.
Aussi, la combinaison de ses caractéristiques ne saurait constituer une originalité révélant l’expression de la sensibilité du créateur.
En conséquence, le canapé Augustin ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la validité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 18 février 2015
Les appelants soutiennent que la société [H] [G] ne justifiait pas de ses droits d’auteur sur sa méridienne et que celle de la société [H] [T] lui est antérieure, de sorte que l’intimée était sans droit à agir en contrefaçon. Ils affirment que ce moyen de nullité n’avait pas à être soulevé dans le cadre d’une procédure de référé-rétractation, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.
Ils considèrent également que la société [H] [G] ne s’est pas pourvue au fond dans le délai imparti, la signification de conclusions étant impropre à valider les opérations de saisie-contrefaçon et en tout état de cause, que les conclusions reconventionnelles avec les pages manquantes ont été régularisées hors délai.
Enfin, ils exposent que la méridienne saisie n’a pas été payée et a été laissée à la société [H] [T] constituée gardien alors que cela n’était pas prévu par l’ordonnance.
L’intimée expose que les ordonnances autorisant les saisies-contrefaçon ont été signifiées par l’huissier, et que la demande reconventionnelle a été matérialisée par la signification de conclusions dans le délai légal, malgré la survenance de problèmes informatiques, car le dispositif de ces conclusions faisait clairement état de la demande reconventionnelle.
Elle ajoute que les appelantes se réfèrent elles-mêmes dans leurs conclusions aux éléments issus de cette saisie-contrefaçon, celle-ci ne lui cause aucun grief.
Sur ce
La cour observe à titre liminaire, comme le tribunal avant elle, que les appelants sollicitent la nullité d’un procès-verbal de saisie contrefaçon, dont ils communiquent par ailleurs les pièces qui y sont annexées, et auquel ils se réfèrent s’agissant des déclarations qui y sont consignées pour soutenir que la méridienne Nil /Nobilé a été créée antérieurement à celle de l’intimée.
Le procès-verbal de saisie contrefaçon a été réalisé au vu d’une ordonnance du 23 janvier 2015 l’autorisant, cette ordonnance ayant été rendue sur requête présentée le même jour ; cette requête justifiait du bien fondé de la société [H] [G] à présenter une telle demande en faisant état de la création d’une méridienne par cette société dès 2002, et visait trois parutions de presse de décembre 2002 à avril 2003 annexées, ainsi que des pièces devant établir que la société [H] [G] détenait les droits sur cette méridienne créée par monsieur [E] [H].
Cette requête en saisie contrefaçon contenait deux photographies de la méridienne ‘[E] [P]’ sur laquelle l’intimée revendiquait des droits, ainsi que plusieurs publications dont l’une, du magasine Elle Décoration du mois de décembre 2012, contenant une photographie du ‘canapé-méridienne’ de [E] [P], permettant son identification.
Aussi, ils n’établissent pas qu’il serait justifié de faire droit à leur demande d’annulation du procès-verbal de saisie contrefaçon de ce chef.
A la suite du procès-verbal de saisie contrefaçon du 18 février 2015, la société [H] [G] a signifié des conclusions dans le cadre de la présente instance le 19 février 2015, ce qui n’est pas contesté.
Ces conclusions, signifiées dans le délai de ‘vingt jours ouvrables ou trente-et-un jours civils si ce délai est plus long’ prévu par l’article R332-3 du code de la propriété intellectuelle, et leur signification vaut comme une présentation d’une demande au fond. Leur dispositif contient, au titre des demandes reconventionnelles, une demande tendant à la condamnation de la société [H] [T] pour contrefaçon au préjudice de l’intimée, du fait de la commercialisation de la méridienne Nobilé, de sorte que cette demande a été présentée au titre des demandes reconventionnelles dans le délai légal. Aussi, les appelants ne peuvent tirer argument de la mauvaise transmission d’une partie des conclusions -affectant leur partie motivation- pour en déduire la nullité des conclusions, alors que la demande reconventionnelle était sans contestation possible portée à leur connaissance dans le délai légal.
Enfin, si l’huissier n’a pas réglé le prix de la méridienne saisie, il n’a pas procédé à son enlèvement et l’a laissée sur place en en constituant gardien le responsable de l’entrepôt de la société [H] [T].
Les termes de l’ordonnance relatifs à la saisie de la méridienne, qui, au cas où ‘elle s’avère trop volumineuse pour l’emporter avec lui à la fin de ses opérations’, autorisait ‘l’huissier instrumentaire à en constituer gardien la partie saisie…’, n’ont donc pas été outrepassés, et l’absence de paiement par l’huissier de cette méridienne ne peut donc entraîner la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon, quand bien même l’ordonnance prévoyait que l’huissier pouvait constituer la partie saisie gardien de la méridienne le temps que la société [H] [G] prenne ses dispositions pour la faire enlever.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de leur demande tendant à voir ce procès-verbal déclaré nul.
Sur la méridienne Nil / Nobilé
Les appelants exposent que l’originalité de la méridienne Nobilé, qui aurait été créée en 2000 pour un particulier sous le nom de ‘Nil’ puis commercialisée auprès du public en 2005 sous le nom ‘Nobilé”, découle de la combinaison du piètement en bronze ou métal patiné, de deux dossiers verticaux, celui de la longueur s’arrêtant approximativement aux 2/3 tiers de la longueur de la banquette, de deux coussins rectangulaires, de structure tapissée en cuir, de la longue banquette d’un seul tenant de coussins d’assise et de dos tapissés en tissu, généralement bicolore, dont il résulte un aspect épuré et luxueux et qui produit un effet de contraste entre les matériaux et les couleurs. Ils critiquent le jugement qui a retenu que ces caractéristiques étaient fonctionnelles et ne citait aucun autre modèle de méridienne lui permettant d’affirmer que cette méridienne ne se distinguait pas des autres méridiennes de son époque.
Ils considèrent que la méridienne Satin de l’intimée reproduit les caractéristiques de la méridienne Nobilé, notamment l’effet de contraste entre les matériaux et entre les couleurs, et contestent l’assertion de l’intimée selon laquelle elle aurait créé ce modèle de méridienne.
L’intimée expose que la méridienne Nobilé est postérieure à sa propre méridienne, créée et commercialisée dès 2002, ce dont elle justifie, et que la société [H] [T] ne pouvait l’ignorer au vu des parutions de presse. Elle dénonce les manoeuvres de cette société pour faire remonter dans le temps la date de la création de sa méridienne Nobilé, et relève les différences entre le produit revendiqué en 2000 et celui de 2005.
Elle soutient que la méridienne Nobilé constitue en réalité la contrefaçon de sa propre méridienne.
Sur ce
Il convient de constater que l’originalité de la méridienne Nobilé de la société [H] [T] n’est pas contestée.
Dans la requête datée du 2 mai 2014 afin de saisie-contrefaçon au vu de laquelle la société [H] [T] a été autorisée à procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société [H] [G], la méridienne Nobilé était présentée comme ‘créée en 2005 et commercialisée depuis’. Le plan de cette méridienne, constituant la pièce 11 des appelants, indique du reste le mois de février 2005.
Les appelants soutiennent que cette méridienne avait été créée à l’origine en 2000 pour décorer un appartement new-yorkais, et il ressort des déclarations faites par monsieur [A], président de la société [H] [T] à l’huissier lors de la saisie contrefaçon du 18 février 2015, que cette méridienne ‘est une création pour un projet privé réalisé en 2000-2004, qui a fait l’objet d’une publication dans un livre [H] [T] publié en 2004’.
La cour observe cependant que s’il s’agit, comme indiqué, d’une création pour un appartement privé new-yorkais qui n’aurait fait l’objet que d’une publication en 2004, cette révélation au public serait donc intervenue postérieurement à la date revendiquée par l’intimée comme date de la divulgation et de la commercialisation de sa propre méridienne.
Le devis saisi lors des opérations de saisie contrefaçon du 18 février 2015 portant sur l’aménagement de l’appartement new-yorkais mentionne deux méridiennes, mais elles ne sont pas dénommées comme Nil ou Nobilé, présentent trois pieds de face et non deux comme dans les photographies incluses dans les conclusions, et la mauvaise qualité de la reproduction ne permet pas de vérifier si les éléments les constituant sont ceux de la méridienne Nobilé (ainsi, les méridiennes sur ces représentations paraissent avoir deux assises, et non une seule).
Par ailleurs, le plan de la méridienne Nil, portant la date du mois de mars 2001, de la société [H] [T] présente trois pieds de face et non deux comme la méridienne Nobilé figurant sur les photographies versées, son assise est constituée de deux assises et non d’une assise unique d’un seul tenant comme la méridienne Nobilé sur les photographies, elle présente trois coussins rectangulaires et non deux comme le revendiquent les appelantes pour la méridienne Nobilé.
De plus ce plan ne saurait pas justifier en soi de la commercialisation de cette méridienne Nil, les factures produites visant une méridienne non identifiée comme étant cette méridienne Nil.
L’attestation de monsieur [U], dirigeant de la société Manufactor, ne saurait établir que la méridienne Nil et la méridienne Nobilé sont les mêmes, alors qu’il en ressort que sa société n’a fabriqué que des piètements en bronze, ce d’autant que le plan de la méridienne qu’il verse comme étant celui de la méridienne de l’appartement de New-York (référencée M17, M18) présente trois pieds de face, deux assises et au moins trois coussins, ce qui constituent autant de différences avec la méridienne Nobilé. Il en est de même de l’attestation de monsieur [F].
Au vu de ce qui précède, il n’est en rien établi que la méridienne Nobilé de 2005 soit la même que la méridienne Nil qui lui est antérieure, de sorte que les appelantes échouent à démontrer l’antériorité de leurs droits sur cette méridienne avant l’année 2003, année au cours de laquelle l’intimée aurait présenté et commercialisé sa méridienne.
La société [H] [G] a produit, pour justifier de la divulgation de sa méridienne, plusieurs articles de presse dont une parution dans le magasine Elle Décoration du mois de décembre 2012 dans lequel une photographie permet de reconnaître le meuble, quand bien même il n’y est pas visible dans son intégralité et est présenté dans l’article comme un ‘canapé-méridienne’.
Elle produit également deux articles des magasines Madame Figaro de 2002, et Maison Madame Figaro de 2003, contenant des photographies sur lesquelles la méridienne peut être observée.
Deux journalistes auteurs de ces articles ont de plus attesté en 2016 que la méridienne qui était visible sur les photographies jointes aux dits articles était la même que celle qui est toujours commercialisée par la société [H] [G].
Il est dès lors établi que la société [H] [G] a présenté dès 2002 sa méridienne, et les appelants ne peuvent le contester en retenant que le nom de cette méridienne ne serait plus Néo mais Satin.
Pour autant, la société [H] [G] ne définit pas les caractères essentiels de l’oeuvre que comporterait sa méridienne, et qui auraient été repris par celle de la société [H] [T].
Par conséquent, elle ne permet pas à la cour d’apprécier la réalité de la contrefaçon qu’elle dénonce, et sera déboutée de sa demande reconventionnelle.
De la même façon, la société [H] [G] ne précisant pas les caractéristiques de sa méridienne qui seraient reprises par celle de la société [H] [T], le risque de confusion n’est pas démontré, et elle sera déboutée de sa demande au titre de la concurrence déloyale, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la suspension de madame [J]
Les appelants font valoir que l’originalité de la suspension Poutre découle d’une combinaison de l’élément horizontal de forme parallélépipédique formant un abat-jour, avec une ouverture sur toute sa face inférieure afin d’assurer l’éclairage en dessous, relié au plafond et maintenu en suspension au moyen de deux montants verticaux présentant une forme d’étriers particulière dans lesquels l’élément horizontal est inséré, cet élément étant, comme les montants, en métal.
Ils affirment que cette suspension présente un aspect esthétique ‘très particulier’ ressemblant à une poutre suspendue par deux cordages, avec un effet de contraste entre ces deux formes géométriques particulières. Ils contestent notamment l’existence d’une multitude de suspensions fonctionnant sur une base horizontale suspendue par des câbles, comme alléguée par l’intimée.
Ils affirment que la suspension querellée reproduit les éléments caractéristiques de la suspension Poutre de sorte qu’elle peut être perçue comme une déclinaison de celle-ci. Ils estiment que les différences de couleur ou de matière relevées par le tribunal sont des différences de détail et que le mode d’éclairage vers le bas est le même, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.
L’intimée ne conteste pas l’originalité de la suspension Poutre, mais avance que la sienne présente notamment des différences importantes par rapport à celle-ci, de sorte que l’effet donné ne correspond pas à une poutre. Elle fait état de la multitude des suspensions fonctionnant sur une base horizontale et suspendue par des câbles créant un effet d’étrier. Elle soutient que les éléments communs aux deux suspensions reposent sur la base d’une idée, laquelle n’est pas exécutée de la même manière, de sorte que tout grief de contrefaçon est écarté.
Sur ce
L’originalité de la suspension Poutre de madame [J] n’est pas contestée par l’intimée.
Les deux suspensions présentent un élément horizontal dont la partie inférieure est ouverte vers le bas, cet élément est suspendu au plafond par deux éléments verticaux présentant chacun en leur partie basse une forme pentagonale formant un étrier à l’intérieur desquels passe l’élément horizontal.
Pour autant, il n’est pas contesté que la suspension Poutre présente une dimension imposante, alors que la suspension querellée est de dimension plus habituelle.
Par ailleurs, les montants qui retiennent au plafond la suspension sont, pour le modèle Poutre, deux câbles de fort diamètre en métal, avec un aspect de surface brut ou évoquant un cordage, alors que les montants suspendant le modèle querellé sont fins et lisses. Les ‘étriers’ sont placés de façon symétrique s’agissant de la suspension querellée, alors qu’ils sont placés de façon dissymétrique dans la suspension ‘Poutre’.
Surtout, alors que la lumière n’est diffusée que vers le bas par la suspension Poutre, l’élément horizontal de la suspension en cause, étant translucide, diffuse aussi sur le côté et vers le haut, ce qui donne un effet visuel très différent de celui donné par la suspension Poutre.
Enfin, la suspension Poutre est de couleur sombre, alors que dans la suspension querellée l’élément horizontal est de couleur blanche ou très claire et les montants qui le retiennent sont en métal sombre, ce qui marque un contraste très présent visuellement, et dont est dépourvue la suspension de madame [J].
Il s’ensuit que les deux suspensions présentent une impression d’ensemble nettement distincte, ce qui exclut toute contrefaçon. Le jugement sera dès lors confirmé.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Les appelants soutiennent que la commercialisation de la console « Pure » constitue un acte de concurrence déloyale en ce que celle- ci serait la copie de la console « Dogue » commercialisée par la société [H] [T] puisqu’elles ont toutes les deux un plateau rectangulaire de très fine épaisseur, supporté par 4 lames rectangulaires de très fine épaisseur, formant les pieds positionnés légèrement en retrait des extrémités du plateau, et présentés verticalement en façade, dans leur largeur, le tout étant en bronze lisse.
Ils font valoir qu’il existe un ‘effet de gamme’ créé par la copie des cinq meubles commercialisés en exclusivité par la société [H] [T] et que la société [H] [G] présente ces meubles ensemble et les met en avant, s’appropriant ainsi l’univers [T].
Ils ajoutent que les boutiques des sociétés [H] [T] et [H] [G] sont proches géographiquement et que les prix pratiqués par cette dernière seraient inférieurs de sorte qu’il existe un détournement de clientèle. Ils reprochent au jugement de n’avoir pas appréhendé le caractère servile ou répétitif de la reproduction de cinq meubles par l’intimée, qui ne peut être l’effet du hasard.
Enfin, ils contestent le fait que le site de la société [H] [G] serait antérieur au site de la société [H] [T], et relèvent que l’intimé n’en justifie pas.
L’intimée expose que l’originalité de la console ‘Dogue’, qui n’est plus invoquée par les appelants qu’au titre de la concurrence déloyale, n’est pas démontrée et que sa console ‘Pure’ s’en distingue nettement, notamment car ses lignes sont très épurées et qu’il n’existe pas de rabat aux extrémités du plateau. Elle soutient que la société [H] [T] aurait copié la console ‘Pure’ dans l’hôtel London Edition.
Elle expose que les prix qu’elle pratique ne constituent pas des prix inférieurs de nature à détourner la clientèle de la société [H] [T]. Elle souligne notamment que les appelants ont abandonné le moyen relatif à la copie de leur site internet.
Sur ce
La concurrence déloyale, comme le parasitisme, trouve son fondement dans l’article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Ces deux notions devant être appréciées à l’aune du principe de la liberté du commerce, ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de profiter, sans bourse délier, de ses efforts, de ses investissements et de son savoir-faire.
La console Dogue de monsieur [L], créée en 1998, n’est plus invoquée au titre de la contrefaçon, mais à celui de la concurrence déloyale, les appelants soutenant qu’elle a été imitée par la console Pure de la société intimée, à tel point qu’il existe un risque de confusion entre les deux consoles.
Si les appelants soulignent que les deux consoles présentent un plateau rectangulaire de très fine épaisseur, supportés par quatre lames rectangulaires de très fine épaisseur formant les pieds, lesquels sont légèrement en retrait des extrémités du plateau et sont représentés verticalement en façade dans leur largeur, l’intimée souligne notamment l’absence sur sa console Pure de rabats aux extrémités du plateau, alors que de tels rabats sont présents sur la console Dogue et ont une place importante dans son identité visuelle.
L’intimée souligne également le fait que sa console est en acier alors que la console Dogue est en bronze, et elle n’est pas contestée sur ce point par les appelants.
Le piètement des consoles se distingue également, tant par la largeur des lames rectangulaires formant pieds, nettement plus importante pour la console Dogue que pour la console Pure, que par leur positionnement, les pieds étant plus proches des extrémités du plateau sur la console Dogue que sur la console Pure ; la société intimée relève enfin que les pieds présentent, dans le plan de cette console constituant la pièce 14 des appelants, un socle dont sont dépourvus les pieds de la console Pure, ce qui contribue également à donner une impression visuelle de ces piètements respectifs nettement distincte.
Enfin, deux raidisseurs sont placés entre les pieds sous le plateau de la console Dogue, alors que la console Pure n’en a pas.
Il ressort de ce qui précède que les deux consoles disposent chacune d’une physionomie propre et sont nettement distinctes, de sorte qu’il n’existe pas de risque de confusion entre elles.
Par ailleurs, le jugement a justement retenu que le fait de créer et de proposer à la vente des objets communément proposés par les créateurs de mobiliers, tels une lampe, un canapé, une méridienne, une suspension ou une console, ne saurait révéler un comportement déloyal, alors que de tels meubles sont classiquement présentés par les créateurs de design contemporain dans la tendance duquel ils s’inscrivent, que les produits ne peuvent être confondus, et qu’il apparaît habituel pour un créateur de présenter ensemble, dans des photographies dont la publication est destinée à présenter avantageusement ses produits, plusieurs de ses créations censées révéler sa ‘pâte’ et l’ambiance ainsi créée, sans qu’il puisse être reproché à l’intimée d’avoir voulu créer un effet de gamme identique à celui de la société [H] [T].
Il en est de même sur les représentations des meubles sur le site de la société [H] [G].
Si la société [H] [G] propose certains produits à des prix inférieurs à ceux pratiqués pour les produits correspondant par la société [H] [T], il apparaît que l’intimée ne propose pas ces produits à vil prix et il ne peut être retenu que les prix qu’elle pratique sont systématiquement inférieurs à ceux de la société [H] [T], puisque notamment sa lampe Sevva est plus chère que la lampe Lanterne de la société [H] [T], et que son canapé Satin est dans la même gamme de prix que le canapé Augustin de la société [H] [T].
Dès lors, le fait que les boutiques situées à Paris des sociétés [H] [T] et [H] [G] se situent à proximité l’une de l’autre ne peut révéler l’intention par l’intimée de détourner la clientèle de la société [H] [T] à son profit.
Il sera en outre relevé que les appelants ne font plus grief à la société [H] [G] d’avoir repris le site internet de la société [H] [T], et que la société [H] [G] argue dans ses écritures que la société [H] [T] aurait copié son site internet, mais ne présente aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.
Au vu de ce qui précède, l’existence d’un risque de confusion entre les produits n’étant pas établie par les appelants, ni des faits révélant la volonté de la société intimée de se placer dans le sillage de la société [H] [T], les appelants seront déboutés de leur demande en concurrence déloyale et parasitaire. Le jugement sera dès lors confirmé.
Sur les autres demandes
Les appelants voyant leurs demandes principales rejetées, il ne sera pas fait droit aux demandes d’interdiction, de rappel des circuits commerciaux, de destruction et d’indemnisation qu’ils avaient présentées.
De même, l’intimée étant déboutée de sa demande reconventionnelle en contrefaçon, il ne sera pas fait droit aux demandes de dommages et intérêts qu’elle avait présentées à ce titre.
L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus. En l’espèce, la société [H] [G] ne démontre pas que l’appel interjeté par les appelants ait été abusif. Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Le jugement sera confirmé s’agissant de la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens de première instance.
Les appelants succombant au principal, ils seront également condamnés au paiement des dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au versement d’une somme de 15000 euros à l’intimée, au titre des frais irrépétibles.