Critère de l’originalité : 6 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-14.205

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Critère de l’originalité : 6 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-14.205
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6 janvier 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-14.205

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 2 F-D

Pourvoi n° G 19-14.205

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2021

M. Q… J…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° G 19-14.205 contre l’arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. L… F…, domicilié […] ,

2°/ à la société Editions des catalogues raisonnés, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

3°/ à la société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. J…, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. F…, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société […], et l’avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-13.427), le peintre G… N… a, par convention du 6 juin 1962, autorisé JA… V… à reproduire certaines de ses oeuvres, en trois dimensions, dans les domaines de la joaillerie, de l’art lapidaire et de la sculpture, sous les conditions que, notamment, les oeuvres destinées à être reproduites soient reprises en maquette ou en dessin d’atelier par JA… V… et signées par le peintre, avec mention de son autorisation, et que chaque oeuvre soit “en principe” reproduite en un seul exemplaire. Une sculpture en bronze doré, intitulée “I… 1963”, a ainsi été réalisée à partir d’une gouache signée de G… N… et a fait l’objet de fontes posthumes, en huit exemplaires, entre 2001 et 2003.

2. M. J…, qui avait acquis, en indivision avec M. F…, l’exemplaire numéroté 5/8, lors d’une vente aux enchères publiques organisée le 19 novembre 2006 par la société […], a engagé une action en liquidation et partage de l’indivision et a sollicité, au vu du rapport d’expertise judiciaire qui attribuait la paternité de l’oeuvre “I… 1963” à JA… V…, l’annulation de la vente ainsi que celle, subséquente, des conventions qu’il avait conclues avec M. F… pour le financement de l’acquisition litigieuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. J… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de nullité de la vente du 19 novembre 2006 et de le condamner à payer à M. F… la somme de 33 465,26 euros augmentée du taux d’intérêt légal à compter du 8 février 2007, alors :

« 1°/ que ne constitue un original d’une oeuvre d’art plastique que l’objet qui peut être considéré comme émanant de la main de l’artiste ou qui a été réalisé selon ses instructions et sous son contrôle, de telle sorte que, dans son exécution même, ce support matériel de l’oeuvre porte la marque de la personnalité de son créateur ; qu’en se bornant à relever que G… N… avait consenti à la réalisation de sculptures par V… à partir des gouaches de ce dernier qui étaient inspirées de ses oeuvres ainsi qu’à la présentation de la sculpture d’I… qui servira par la suite, en 2002, à couler la sculpture litigieuse, lors de l’exposition organisée en 1963 au musée des arts et métiers, sans constater que l’artiste avait exercé un contrôle et donné des instructions lors la réalisation de cette sculpture d’I…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que, subsidiairement, ne constitue un original d’une oeuvre d’art plastique que l’objet qui peut être considéré comme émanant de la main de l’artiste ou qui a été réalisé selon ses instructions et sous son contrôle, de telle sorte que, dans son exécution même, ce support matériel de l’oeuvre porte la marque de la personnalité de son créateur ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la circonstance que G… N… s’était limité à valider la gouache et n’avait pas validé la pièce contrairement à ce qui était prévu lors de l’accord conclu le 6 juin 1962 avec V… n’impliquait pas une absence de contrôle de l’artiste sur la réalisation de l’oeuvre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que seules constituent des exemplaires originaux les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir d’un modèle réalisé par le sculpteur personnellement, de telle sorte que, dans leur exécution même, ces supports matériels de l’oeuvre portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur et se distinguent par là d’une simple reproduction ; qu’ayant constaté que la fonte posthume de la sculpture litigieuse avait été réalisée en 2002 à partir d’une première sculpture en laiton d’I… qui était elle-même un original réalisé par V… prétendument sur les instructions et sous le contrôle de l’artiste, ce dont il résultait que la sculpture litigieuse n’était que la reproduction d’un original, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que seules constituent des exemplaires originaux les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir d’un modèle réalisé par le sculpteur personnellement, de telle sorte que, dans leur exécution même, ces supports matériels de l’oeuvre portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur et se distinguent par là d’une simple reproduction ; qu’en omettant de répondre au moyen pris de ce que la sculpture de bronze litigieuse avait été réalisée par surmoulage, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la fonte posthume en bronze d’une sculpture originale n’est possible qu’avec l’accord des titulaires des droits patrimoniaux et moraux sur cette oeuvre ; qu’en se bornant à relever que M. F… bénéficiait en 2002, au moment de la fonte de la sculpture litigieuse, de la présomption de titularité des droits patrimoniaux d’auteur sur les « Bijoux de N… » et que ni M. Y… B…, titulaire du droit moral sur le reste de l’oeuvre de N…, ni quiconque n’apparaissait s’y être opposé, sans constater l’accord de l’ensemble des titulaires des droits patrimoniaux et moraux pour la fonte de la sculpture litigieuse à partir de la sculpture de laiton réalisée par de V…, la cour d’appel a violé les articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ que, pour pouvoir constituer un exemplaire original, la fonte en bronze d’une sculpture en laiton doit avoir été autorisée par les ayants droit de l’artiste ayant réalisé la sculpture en laiton ; qu’en ne recherchant pas, comme l’y invitait M. J…, quels étaient les ayants droit de N… et de V…, s’ils avaient été consultés et s’ils avaient donné leur accord à la fonte de la sculpture litigieuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle ;

7°/ que, dans ses écritures devant la cour d’appel, M. J… soutenait qu’il avait été induit en erreur, car la description de la sculpture litigieuse figurant dans le catalogue de vente mentionnait une sculpture de 1963, ce qui rejoignait toutes les informations qui lui avaient été données avant la vente, et qu’il n’avait été informé qu’après la vente du fait que cette sculpture n’avait été fondue qu’en 2002, soit trente-neuf ans après la mort de l’artiste ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que constitue un dol le fait de vendre une sculpture portant une fausse signature de l’artiste ; qu’en se bornant à retenir que, s’agissant de la signature de N…, les dispositions du contrat du 6 juin 1962 ont expressément prévu que les oeuvres issues des Métamorphoses réalisées en trois dimensions porteraient la signature de G… N…, pour en conclure que cette signature ne pouvait être qualifiée de simple imitation, sans rechercher si la signature de N… apposée sur la sculpture d’I… en laiton ayant servi à la fonte de la sculpture litigieuse vendue à M. J… avait été apposée par N… lui-même ou était une imitation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 devenu 1132, et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble les articles 1er, 6 et 42 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique devenus les articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-8 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

4. La cour d’appel a, d’abord, énoncé à bon droit que la constatation de l’absence de participation matérielle de G… N… à la réalisation de la sculpture intitulée “I… 1963”, qui avait servi de modèle à la sculpture litigieuse, n’excluait pas que la paternité puisse lui en être attribuée, dès lors que l’oeuvre avait été exécutée selon ses instructions et sous son contrôle.

5. Elle a ensuite estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve versés aux débats et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, après avoir relevé que l’artiste avait apposé sa signature sous la gouache réalisée par JA… V… et porté la mention manuscrite suivante : “j’autorise H.M. JA… V… à reproduire l’oeuvre ci-dessus. Le 6 août 1962. G… N…”, que JA… V… avait déclaré à son curateur que, pour la préparation de l’exposition intitulée “Bijoux de N…” tenue au musée des arts décoratifs à Paris en mars-avril 1963, il avait dû travailler jour et nuit à la fabrication des pièces exposées, parmi lesquelles figurait la sculpture I…, et obtenir l’aval de G… N…, et que la présence de celle-ci était confirmée par M. RP… qui avait participé à l’organisation de l’exposition, de sorte qu’un faisceau d’éléments établissait que l’oeuvre I… 1963 avait été réalisée dans le respect des dispositions prévues par le contrat du 6 juin 1962 et exposée en 1963, du vivant de G… N… et avec son consentement, justifiant ainsi qu’il en avait contrôlé la réalisation.

6. Enfin, constatant que la sculpture acquise par M. J…, était conforme à la présentation faite par le catalogue de la vente aux enchères, lequel précisait qu’il s’agissait d’une fonte posthume, et que l’apposition de la signature de G… N… respectait les dispositions de la convention du 6 juin 1962 et ne pouvait être qualifiée de simple imitation, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que M. J… ne justifiait pas avoir été trompé ni avoir commis une erreur de nature à vicier son consentement sur une qualité substantielle entrant dans le champ contractuel et ainsi répondu au moyen et procédé à la recherche prétendument omise.

7. Il s’ensuit que, nouveau et mélangé de fait et de droit et partant irrecevable, en ses troisième à sixième branches, M. J… n’ayant pas soutenu que l’oeuvre litigieuse n’était pas authentique faute d’être issue de la fonte coulée à partir d’un moule réalisé par l’artiste lui même, ni que l’accord des ayants droit de G… N… devait être recueilli, le moyen n’est pas fondé pour le surplus.

 


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