Contrat de pigiste : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00150

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Contrat de pigiste : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00150
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9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/00150 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RHNO

Société [5]

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Avril 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 10 Décembre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de BREST – Pôle Social

Références : 18/00057

****

APPELANTE :

La Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Françoise NGUYEN, avocat au barreau de BREST

(et Me Christophe LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES)

INTIMÉE :

L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Madame [I] [A] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires ‘AGS’, réalisé par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne (l’URSSAF) au sein de deux établissements de la société [5] (la société), sur les périodes respectives du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, celle-ci s’est vue notifier une lettre d’observations du 6 octobre 2016 d’un montant de 3 109 euros, portant sur les cinq chefs de redressement appliqués à l’établissement situé à [Localité 1], dont un chef de redressement pour dissimulation d’emploi salarié sans verbalisation : assiette réelle, concernant MM. [W] [K], [X] [P], [T] [Z] et [F] [B].

A la suite du contrôle comptable d’assiette réalisé par l’URSSAF au sein de l’établissement de [Localité 1] sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, la société s’est vue notifier une lettre d’observations du 27 juin 2017, d’un montant total de 34 382 euros, dont 29 807 euros de cotisations et 4 575 euros de majorations de redressement, portant sur les chefs de redressement suivants  :

– travail dissimulé avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié par absence de déclaration sociale : assiette réelle, concernant M. [Y] [S] ;

– annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé.

Un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié a été transmis au procureur de la république de Brest.

Par lettre du 17 juillet 2017, la société a fait valoir ses observations sur ce dernier redressement, contestant notamment la régularité de la procédure de contrôle, le bien-fondé du redressement opéré suite au constat de travail dissimulé s’agissant de M. [S] et soulevant l’existence d’un accord tacite de l’URSSAF suite à un précédent contrôle.

En réponse, par lettre du 4 septembre 2017, l’inspecteur a maintenu l’ensemble des redressements tels que notifiés dans la lettre d’observations du 27 juin 2017.

L’URSSAF a adressé une mise en demeure du 15 mai 2018 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations du 27 juin 2017 et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 39 741 euros.

Contestant la régularité de la procédure de contrôle et de la mise en demeure, ainsi que le bien-fondé du redressement opéré, la société a saisi, par lettre du 6 décembre 2017, la commission de recours amiable de l’organisme qui, par décision du 20 septembre 2018, a maintenu les redressements contestés.

La société a ensuite porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest le 21 novembre 2018.

Par jugement du 10 décembre 2020, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Brest a :

– débouté la société de l’intégralité de ses demandes ;

– confirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 septembre 2008 (sic) ;

– validé le redressement n°1 du chef de dissimulation d’emploi salarié avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié pour absence de déclaration sociale : assiette réelle à hauteur de 18 300 euros, auxquels s’ajoutent les majorations de redressement pour travail dissimulé à hauteur de 4 575 euros ;

– validé le redressement point n°2 relatif à l’annulation des réductions générales de cotisations, suite au constat de travail dissimulé à hauteur de 11 507 euros ;

– condamné la société aux dépens, ainsi qu’à payer à l’URSSAF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 7 janvier 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 décembre 2020.

Par ses écritures n°3 parvenues au greffe par le RPVA le 6 janvier 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :

– déclarer recevable son recours ;

– infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il l’a condamnée au redressement :

– n°1 du chef de dissimulation d’emploi salarié, à hauteur de 18 300 euros auxquels s’ajoutent la majoration de 4 575 euros ;

– n°2 relatif à l’annulation des réductions générales de cotisations, à hauteur de 11 507 euros ;

– annuler les redressements n°1 et n°2 relatifs aux chefs de dissimulation d’emploi salarié et de l’annulation des réductions générales de cotisations ;

– annuler les majorations et pénalités de retard calculées par l’URSSAF ;

– débouter l’URSSAF de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;

– condamner l’URSSAF au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures n°3 parvenues au greffe le 24 mars 2023 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Par conséquent,

– déclarer régulière la mise en demeure du 17 mai 2018 et valider la procédure de recouvrement ;

– déclarer régulière la procédure de contrôle au regard du respect du principe du contradictoire ;

– à titre principal, valider le redressement n°1 du chef ‘ dissimulation d’emploi salarié avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié par absence de déclaration sociale : assiette réelle’ à hauteur de 18 300 euros auxquels il s’ajoute la majoration de redressement pour travail dissimulé à hauteur de 4 575 euros ;

– à titre subsidiaire, si la cour venait à considérer la remontée en brut non applicable en matière de travail dissimulé, valider le redressement n°1 du chef ‘dissimulation d’emploi salarié avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié par absence de déclaration sociale : assiette réelle’ à hauteur de son montant révisé doit 14 335 euros auxquels il s’ajoute la majoration de redressement pour travail dissimulé à hauteur de son montant révisé soit 3 584 euros ;

– valider le redressement point n°2 relatif à l’annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé à hauteur de 11 507 euros ;

– condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société aux éventuels dépens ;

– débouter la société de toutes ses autres demandes ou prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 – Sur la régularité des opérations de contrôle et de recouvrement :

1.1 Sur la régularité de la mise en demeure :

La société fait valoir que l’URSSAF a à tort reconstitué en base brute certaines sommes redressées considérant qu’elles étaient versées en net ; que cette pratique n’avait pas lieu d’être en ce qu’elle induit une majoration injustifiée du montant des redressements et n’apparaît pas vérifiable ; que la Cour de cassation a invalidé cette pratique, laquelle ne se cantonne pas aux contrôles d’assiette ; que la mise en demeure doit préciser, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ; que l’URSSAF a adressé le 17 mai 2018 une mise en demeure portant le redressement à la somme de 39 741 euros, dont 29 805 euros de cotisations dont 11 507 euros au titre des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé, 4 575 euros de majorations de redressement pour travail dissimulé de 25 % et 5 361 euros de majorations de retard ; que ce document annule et remplace la précédente mise en demeure transmise le 6 octobre 2017 qui fait référence à la lettre d’observations du 6 octobre 2018 et non du 27 juin 2017 ; que la cour doit relever cette irrégularité aux dispositions légales et réglementaires en vigueur qui précisent le contenu de la mise en demeure et rend nul le contrôle ; qu’il en est de même de la nouvelle mise en demeure qui maintient la pratique de la réintégration dans l’assiette des cotisations du montant brut correspondant aux sommes versées, situation contraire à la récente jurisprudence rétroactive de la Cour de cassation ; que le contrôle opéré est nul.

L’URSSAF réplique que la première mise en demeure du 6 octobre 2017 faisait référence de manière erronée à la lettre d’observations du 6 octobre 2018 relative au contrôle comptable d’assiette ; que l’erreur a été rectifiée par l’envoi de la seconde mise en demeure du 17 mai 2018 ; qu’il s’agit d’une simple erreur matérielle sans conséquence sur la compréhension de la société quant à l’objet, la nature et le montant de ses obligations.

Sur ce :

Il est constant que l’URSSAF a délivré à la société une première mise en demeure du 6 octobre 2017 pour un montant total de 39 741 euros qui fait référence de manière erronée à la lettre d’observations du 6 octobre 2016 relative au contrôle comptable d’assiette.

L’URSSAF a adressé à la société une nouvelle mise en demeure le 17 mai 2018 renvoyant cette fois à la lettre d’observations du 28 juin 2017 intervenue dans le cadre de la recherche du délit de travail dissimulé, ce que l’URSSAF avait la possibilité de faire. Aucune irrégularité ne saurait être tirée de l’erreur initialement commise par l’URSSAF qui a été valablement rectifiée.

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

La mise en demeure du 17 mai 2018 mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées :

– la nature des cotisations : “employeurs de personnel salarié” ;

– les motifs de la mise en recouvrement et la période de référence : “contrôle, constat de délit de travail dissimulé (article L.8221-1 et suivants du code du travail) en date du 8 juillet 2016 au titre de la période d’infraction constatée, à savoir 01/01/2013 – 31/12/2015, et notifié par lettre d’observations en date du 28 juin 2017 sur le fondement de l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale et adressée en recommandé avec accusé de réception conformément à l’article R. 243-59 et suivants du code de la sécurité sociale, confirmée ou révisée par courrier du 6 septembre 2017″ ;

– le montant des sommes réclamées année par année en distinguant les cotisations et contributions, les majorations de retard et les majorations de redressement complémentaires pour l’infraction de travail dissimulé.

Dès lors, cette mise en demeure comporte l’ensemble des mentions permettant à l’assuré de connaître précisément la nature, la cause et l’étendue de son obligation ; elle est par conséquent régulière.

Il ne peut être tiré aucune conséquence du moyen relatif à l’étendue de l’assiette des sommes soumises à cotisations, en net ou remontées en brut, sur la seule régularité de la mise en demeure comme le fait la société.

Ces moyens seront ainsi rejetés.

1.2 Sur le respect du principe du contradictoire :

Il sera rappelé en préalable qu’il n’appartient pas à la cour de ‘tirer les conséquences qui s’imposent’ d’éléments de fait que la société se contente de lister dans ses conclusions sans procéder à leur analyse.

La société soulève pour l’essentiel que le dirigeant de la société n’a pas été entendu par les inspecteurs dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à la lettre d’observations du 27 juin 2017 ; que le procès-verbal d’audition de M. [S] dressé le 12 juin 2017 n’a été produit aux débats que devant la cour; que le principe du contradictoire tel qu’énoncé dans la charte du cotisant contrôlé n’a pas été respecté.

L’URSSAF répond que la procédure de recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L. 8221-1 du code du travail intervient suite aux éléments constatés lors du contrôle comptable d’assiette ; que dans le cadre du contrôle initial, M. [V], responsable administratif du personnel et M. [N], responsable paie, ont été les principaux interlocuteurs de l’inspecteur ; que la situation de M. [S] a été traitée différemment des autres personnes pour lesquelles un redressement a été opéré dans des conditions analogues dans le cadre de la première lettre d’observations car celui-ci, contrairement à ces personnes, était travailleur indépendant ; que le fait de ne pas avoir procédé à l’audition du dirigeant de la société contrôlée ne peut entraîner la nullité de la procédure de contrôle; que la société a été mise en mesure de faire valoir ses observations, ce qu’elle a fait ; que lors du contrôle comptable d’assiette, l’inspecteur avait sur place à sa disposition toutes les informations nécessaires.

Sur ce :

Ne sont remises en cause ni les conditions dans lesquelles le travail dissimulé a été constaté, ni la procédure suivie par l’inspecteur qui a abouti à ce redressement, hormis sur la question du respect du principe du contradictoire.

Le contrôle comptable d’assiette a abouti au redressement de la société, aux termes de la lettre d’observations du 6 octobre 2016, notamment sur le chef ‘dissimulation d’emploi salarié sans verbalisation : assiette réelle’ pour quatre personnes qui lui avaient facturé des prestations sans être inscrites à l’INSEE au titre d’une activité de travailleur indépendant.

Il est indiqué ensuite dans la lettre d’observations : ‘Par ailleurs, nous vous informons que la situation de M. [Y] [S] fait l’objet d’une procédure distincte de travail dissimulé mentionnée aux articles L. 8221-1 et L. 8221-3 du code du travail’.

Ainsi, dans le cadre du comptable d’assiette, des éléments permettant de suspecter un travail dissimulé s’agissant de plusieurs personnes dont M.[S] ont été recueillis par l’inspecteur et la société en a été informée par la lettre d’observations du 6 octobre 2016.

Dans le cadre de la procédure parallèle relative au travail dissimulé pour la situation particulière de M. [S], ce dernier a été entendu par l’inspecteur dans les locaux de l’URSSAF ; ses déclarations sont retranscrites dans la lettre d’observations du 27 juin 2017, dans laquelle il est également précisé qu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi le 12 juin 2017 et transmis au procureur de la république.

La société a ensuite formulé des observations le 17 juillet 2017, soit dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre d’observations, auxquelles l’inspecteur a répondu le 4 septembre 2017.

Il est indifférent qu’un traitement distinct ait été opéré par l’URSSAF pour la situation de M. [S].

Si la charte du cotisant contrôlé opposable aux organismes effectuant le contrôle insiste particulièrement sur le caractère contradictoire du contrôle comme le souligne la société, elle ne renvoie qu’au contrôle comptable d’assiette et non au constat de travail dissimulé.

Il en découle que dans le cadre de cette procédure spécifique de travail dissimulé, l’URSSAF n’avait pas l’obligation d’entendre le dirigeant de la société sur ce point ; la société a par ailleurs été mise en mesure de présenter des observations sur l’irrégularité relevée.

L’URSSAF n’avait pas davantage l’obligation de joindre à la lettre d’observations le procès-verbal de travail dissimulé (2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-12.150).

Celui-ci a été communiqué en phase contentieuse ainsi que le procès-verbal d’audition de M. [S] ; du reste, la lettre d’observations du 27 juin 2017 reprend quasi-intégralement les termes de ces documents.

Il n’y a dès lors aucune atteinte au principe du contradictoire, ce moyen devant être écarté.

2 – Sur le bien-fondé du redressement opéré :

2.1 Sur l’existence d’un accord tacite :

La société se prévaut de l’existence d’un accord tacite en faveur de ses pratiques dès lors que lors du précédent contrôle sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, M. [S] avait assuré des travaux de rédaction dans les mêmes conditions que sur la période 2013-2015 et que l’URSSAF n’avait relevé aucune anomalie.

Or, comme l’indique à juste titre l’URSSAF, le cotisant ne peut se prévaloir de l’approbation tacite, lors d’un contrôle antérieur, de ses pratiques par l’organisme de recouvrement pour faire obstacle à un redressement consécutif à un constat de travail dissimulé (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-13.786).

Ce moyen sera rejeté.

2.2 – Sur l’existence d’un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié : assiette réelle :

L’article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable dispose :

‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ‘.

L’article L. 8221-6 du code du travail poursuit :

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

[…]

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie ».

Selon le dernier de ces textes, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail.

L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. (2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.493)

Le juge n’est pas lié par la qualification donnée par les parties et il lui appartient, saisi d’une contestation sur la nature de la relation de travail, de rechercher les éléments de fait permettant de caractériser ou non un lien de subordination par la méthode dite du faisceau d’indices.

Il appartient ainsi à l’URSSAF d’apporter des éléments de nature à renverser la présomption de non-salariat.

Aux termes de la lettre d’observations, les inspecteurs ont fait les constatations suivantes :

‘Lors du contrôle de la société [5] réalisé en 2016, l’examen des documents comptables a permis de constater que la société a payé à M. [Y] [S] des prestations pour la rédaction d’articles.

M. [S] est inscrit à l’INSEE depuis le 15 octobre 2012 sous le numéro SIRET [N° SIREN/SIRET 2] mentionné sur ses factures. M. [S] est également inscrit à l’URSSAF en qualité d’auto entrepreneur depuis cette même date.

Cependant, nous avons constaté que M. [S] ne satisfait pas à son obligation de déclaration de son chiffre d’affaires à compter du troisième trimestre 2013 alors même que la société [5] a continué à le rémunérer pour la rédaction d’articles de presse.

Compte tenu de ces constats nous avons été amenées à poursuivre nos investigations afin de vérifier le statut de M. [S] dans le cadre de ses relations contractuelles avec la société [5].

À cette fin nous avons convoqué, le 3 avril 2017, M. [S] afin qu’il s’explique sur sa situation.

À l’occasion de cet entretien, M. [S] a déclaré les faits suivants :

– il est titulaire de la carte de presse n°66112 depuis 1986 ;

– à la demande de [5], il s’est inscrit en qualité de travailleur indépendant afin de pouvoir présenter des factures pour obtenir ce travail de rédaction ;

– les directives lui étaient transmises par la société [5] qui lui adressaient le planning des courses à couvrir, le nombre d’articles à rédiger pour chacune des courses et les dates de remise des articles ;

– il devait ensuite adresser directement par mail cet article à la rédaction des sports du journal LE TELEGRAMME qu’il contactait pour s’assurer de la bonne réception des articles ;

– à la demande du service rédaction du journal, M. [S] pouvait être amené à modifier et/ou compléter ses articles (mise en page, ajout de lignes,” travail habituel de journaliste” selon ses propos) ;

– les frais de déplacement engagés par M. [S] à l’occasion de ce travail étaient remboursés par la société [5] sur la base du tarif imposé par la société à savoir 0,37 € du kilomètre (comparable au barème accordé par le journal LE TELEGRAMME) ;

– M. [S] était payé pour son travail de rédaction par la société [5] au barème habituel des pigistes : selon le nombre de signes à 20 €, 50 € ou 70 € la pige ;

– M. [S] adressait à la société [5] des factures établies par quinzaine ou par mois qui regroupaient plusieurs piges.

Lors du contrôle effectué dans l’entreprise nous avons en effet constaté, à l’analyse du compte 60540500 “ACHATS REDACTION”, le versement régulier de rémunérations pour la rédaction de piges : par exemple la facture n°051/2015 du 1er septembre 2015, regroupant la rédaction de 58 articles édités par le journal LE TELEGRAMME durant la période du 22 juillet 2015 au 31 août 2015.

Les conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée par M. [Y] [S] nous amènent à conclure à son assujettissement en qualité de salarié de la société [5] en application des dispositions de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale. En effet, M. [S] était placé sous l’autorité de la société [5], filiale du groupe LE TELEGRAMME, qui lui donnait des ordres et des directives, en contrôlait l’exécution et lui demandait, le cas échéant, des modifications avant parution.

En conséquence, nous réintégrons dans l’assiette des cotisations le montant brut correspondant aux sommes nettes versées dont vous trouverez le détail en annexe n°1″.

Il est constant que M. [S] dispose du statut d’auto-entrepreneur depuis le 15 octobre 2012 et bénéficie à ce titre de la présomption simple de non-salariat.

Il sera rappelé qu’une prestation de travail effectuée au titre d’une activité indépendante n’exclut pas qu’un certain nombre d’informations soient portées à la connaissance du prestataire pour le bon accomplissement de sa mission, ni que des délais de réalisation soient fixés.

Le fait en l’espèce que le planning des courses à couvrir, le nombre d’articles à rédiger pour chacune des courses et les dates de remise des articles étaient donnés par la société ne suffit pas établir que cette dernière déterminait unilatéralement les conditions d’exécution du travail, M. [S] ayant toute latitude pour s’organiser dans ce cadre. Il n’est pas soutenu que des horaires de travail lui étaient imposés.

Par ailleurs, la correction des articles par la rédaction du TELEGRAMME, qui relève du contrôle usuel de la prestation, ne suffit pas à caractériser le lien de subordination prétendu d’autant que ce n’est pas la société elle-même qui en était chargée.

La rémunération de M. [S] variait en fonction du travail effectué ; les montants facturés à la société n’étaient pas fixes (entre 270 et 2751 euros) (pièces n°19 de la société). Il n’est pas allégué que cette activité constituait la seule source de revenus de M. [S].

Le règlement de frais de déplacement en sus de la prestation n’est pas prohibé dans la relation donneur d’ordre/sous-traitant de sorte qu’il ne constitue pas un indice d’une relation salariée.

L’URSSAF ne caractérise pas davantage le pouvoir de sanction de la société.

Le fait que M. [S] n’ait pas satisfait à son obligation de déclaration de son chiffre d’affaires à compter du troisième trimestre 2013 en dépit de ce qu’il percevait des revenus issus de la rédaction d’articles de presse est sans emport sur la qualification de la relation de travail.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, l’URSSAF échoue à caractériser un lien de subordination juridique entre la société et M. [S] et partant à renverser la présomption de non-salariat.

Le redressement objet de la lettre d’observations du 27 juin 2017 sera en conséquence annulé dans son intégralité ainsi que la mise en demeure subséquente, le sort du chef n°2 relatif à l’annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé étant directement lié à celui du chef n°1.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

3 – Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.

L’URSSAF sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros.

S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s’ensuit que l’article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu’à la date du 31 décembre 2018 et qu’à partir du 1er janvier 2019 s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l’URSSAF qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

PRONONCE l’annulation du redressement objet de la lettre d’observations du 27 juin 2017 et de la mise en demeure subséquente ;

CONDAMNE l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne à verser à la société [5] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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