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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 JUIN 2023
N° RG 21/01944 – N° Portalis DBV3-V-B7F-USUG
AFFAIRE :
[C] [S]
C/
Me [F] [K] -…..
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F20/00380
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe PACHALIS de
la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES
Me Sophie CORMARY de
la SCP HADENGUE & ASSOCIES
Me Aldjia BENKECHIDA
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [C] [S]
née le 30 Octobre 1984 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par : Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0148 – substitué par Ariane SOSTRAS avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
***************
Me [K] [F] (SELARL [F][K]) – Mandataire liquidateur de S.E.L.A.R.L. [F] [K] PRISE EN LA PERSONNE DE Me [F] [K]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par : Me Aldjia BENKECHIDA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556 avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, plaidant/constitué avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – substitué par Isabelle TOLEDANO avocat au barreau de VERSAILLES
S.E.L.A.R.L. [F] [K] PRISE EN LA PERSONNE DE ME [F] [K] Es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS JR TROUBAT
N° SIRET : 421 347 717
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par : Me Aldjia BENKECHIDA, plaidant/constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556 substitué par Me Chrystelle ROSSE avocate au barreau de VERSAILLES
INTIMEES
***************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
,Madame Véronique PITE conseiller
Madame Odile CRIQ conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 28 novembre 2011, Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire polyvalente par la société JR Troubat, qui avait une activité de conseil en stratégie de communication santé sous l’enseigne La Blouse Blanche et relevait de la convention collective nationale des cadres, techniciens et employés de la publicité française.
Suivant jugement en date du 29 octobre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société JR Troubat en redressement judiciaire et désigné la Selarl FHB, prise en la personne de Maître [Z] ès qualités d’administrateur judiciaire et Maître [K], ès qualités de mandataire judiciaire.
Le 22 décembre 2015, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour voir fixer au passif de la société plusieurs créances salariales (rappels de salaire conventionnel et prime d’ancienneté).
Mme [S], qui avait été désignée représentante des salariés dans le cadre de la procédure collective, a été licenciée pour motif économique par lettre du 15 mars 2016 après autorisation donnée par l’inspecteur du travail.
Mme [S] a saisi la juridiction administrative aux fins de solliciter l’annulation de la décision de l’inspection du travail ayant autorisé son licenciement. Par jugement, rendu le 17 janvier 2019, le Tribunal Administratif de Pontoise a rejeté le recours de la salariée.
Suivant jugement en date du 19 juillet 2016, la procédure de redressement de la Société JR Troubat a été convertie par le tribunal de commerce de Nanterre en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 26 juin 2020, le premier président de la cour d’appel de Versailles a transféré le dossier du conseil des prud’hommes de Nanterre vers le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye.
Mme [S] a fait évoluer ses demandes en sollicitant du conseil de prud’hommes la fixation de son salaire mensuel brut moyen à 1 852,20 euros et la fixation au passif de la procédure collective des créances suivantes :
– 5 416,21 euros brut à titre de rappel de salaires de décembre 2012 à décembre 2015 , outre 541,62 euros au titre des congés payés afférents,
– 130,53 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 5 559 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect des dispositions issues de la convention collective,
– 11 113,86 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 2 500 euros au titre de l’article 700 de code de procédure civile.
La Selarl [F] [K], ès qualités de mandataire judiciaire de la société JR Troubat, et l’ Unedic Ags se sont opposées aux demandes de la requérante.
Par jugement, rendu le 19 mai 2021, et notifié le 4 juin 2021, le conseil a statué comme suit :
Fixe la créance de Mme [S] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société JR Troubat à la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires ;
Déboute Mme [S] de ses autres demandes ;
Dit que le présent jugement est opposable à l’AGS pris en la personne du CGEA IDF Ouest dans la limite de ses garanties prévues aux articles L.3253-8 et suivants et D. 3253-5 du code du travail.
Invite la Selarl [F] [K] liquidateur judiciaire de la société JR Troubat à diligenter les procédures tendant au paiement de ces sommes.
Rappelle que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts légaux ;
Dit que les dépens de l’instance seront supportés en tant que de besoin par la liquidation judiciaire de la société JR Troubat.
Le 21 juin 2021, Mme [S] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 19 avril 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 mai 2023.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 25 janvier 2022, Mme [S] demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses demandes de rappel de salaires de décembre 2012 à mars 2016 à hauteur de 5 416,21 euros, de congés payés afférents à hauteur de 541,62 euros, de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 130,53 euros, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect des dispositions collectives à hauteur de 5 559 euros, d’indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 11 113 euros, en ce qu’il a limité les dommages et intérêts pour retard dans le paiement du salaire à la somme de 1 500 euros, et en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné la remise du bulletin de paie et d’une attestation Pôle Emploi, conformes au jugement à intervenir, le tout sous astreinte, sa demande d’article 700 à hauteur de 2 500 euros […] ainsi que sa demande de capitalisation des intérêts.
Et, statuant de nouveau, de :
Fixer son salaire mensuel brut moyen à la somme de 1 852,20 euros,
Condamner en conséquence la société JR Troubat à lui verser les sommes suivantes :
– 5 416,21 euros brut à titre de rappel de salaires de décembre 2012 à mars 2016 et 541,62 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 130,53 à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 5 559 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du salaire,
– 5 559 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect des dispositions collectives,
– 11 113,86 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
Ordonner la remise du bulletin de paie et d’une attestation Pôle Emploi, conformes au jugement à intervenir, le tout sous astreinte de 15 euros par document et par jour de retard à compter d’un mois suivant la notification de la décision,
Fixer dans les termes des condamnations ci-dessus visées sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société JR Troubat,
Juger que le paiement de la créance ainsi fixée devra être garanti dans les conditions légales et réglementaires en vigueur par les Ags Cgea d’Idf Ouest,
Débouter les défendeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins, conclusions et prétentions.
‘ Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 10 avril 2023, la Selarl [F] [K], ès qualités de mandataire judiciaire de la société JR Troubat, demande à la cour de la juger recevable et bien fondée en son appel incident et de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [S] de ses demandes au titre d’un rappel de salaire conventionnel, de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés afférente, de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement, de sa demande de rappel de prime d’ancienneté, de sa demande indemnitaire au titre de l’exécution pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect des dispositions collectives, de sa demande indemnitaire au titre d’un travail dissimulé et de sa demande de remise de document sous astreinte
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé au passif de la société JR Troubat la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour retard dans le versement des salaires,
Statuant à nouveau,
A titre principal, juger Mme [S] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et condamner Mme [S] à lui verser, ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, fixer la créance au passif de la société JR Troubat, juger la créance opposable à l’ Ags Cgea Idf Ouest au titre de sa garantie, juger que l’AGS procédera au paiement de l’avance sur présentation du relevé de créance par le mandataire liquidateur et employer les dépens en frais privilégiés.
‘ Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 5 avril 2023, l’Unedic Délégation Ags Cgea Idf Ouest demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] de ses demandes,
Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a fixé au passif de la société JR Troubat la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour retards dans le versement du salaire,
Débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Juger que lui soient déclarées inopposables les demandes d’astreinte, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L.622-28 du code du commerce,
Fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
Juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 et suivants du code du travail, selon les plafonds légaux.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Sur le rappel de salaire au titre du coefficient conventionnel :
La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié, observations faites que la qualification se détermine relativement aux fonctions réellement exercées par celui-ci, leur appréciation s’effectuant par rapport à la grille de classification fixée par la convention collective.
Les annexes C et D de la grille de classification des qualifications professionnelles de la convention collective nationale des cadres, techniciens et employés de la publicité française décrivent comme suit les emplois de 1ère catégorie et les emplois repères invoqués par les parties :
– ‘l’agent d’accueil-hôtesse’, qui a pour ‘missions principales d’accueillir les visiteurs et d’avertir de leur arrivée, d’accueillir les coursiers vers les services concernés et de participer à la sécurité des locaux’ est classé au niveau :
‘ 1-2, correspondant aux ‘travaux sans technicité particulière’ impliquant des ‘tâches simples non nécessairement répétitives, souvent multiformes’,
‘ 1-3, correspondant aux ‘travaux divers nécessitant des connaissance, l’appréciation des situations et l’adaptation des instructions reçues’ et ‘la connaissance et l’utilisation de la technologie d’un métier’,
‘ voire 1-4 dans l’hypothèse où le poste requiert ‘une plus grande autonomie dans des tâches diversifiées’, ce niveau correspondant aux ‘travaux complexes nécessitant dans le cadre d’instructions reçues, l’organisation du travail, la maîtrise des techniques dans la spécialité et des initiatives’.
– le ‘secrétaire-assistant’, qui ‘assure le secrétariat et l’assistanat d’une ou plusieurs personnes, et établit le classement, photocopie, distribution du courrier et commande de fournitures, prise d’appels téléphoniques internes et externes, frappe de lettres, rapports et autres textes qui lui sont dictés ou pour lesquelles il reçoit des directives générales, constitution et mise à jour des dossiers, suivi des tâches administratives du service’, pour lequel le salarié doit ‘posséder une bonne maîtrise des techniques de secrétariat et des logiciels de traitement de textes courants, être ordonné, méthodique et avoir le sens de l’organisation, gérer le ou les agendas des personnes auxquelles elle est rattachée’, ne peut être positionné à un niveau inférieur au niveau 1-3.
Le ‘secrétaire assistant’ se voit attribuer le niveau 1-4, dans l’hypothèse où il met en oeuvre une ‘part d’autonomie dans son travail nécessitant le choix des moyens à mettre en oeuvre. Organisation, conduite et contrôle d’un ensemble de travaux’.
En l’espèce, selon le contrat de travail, Mme [S] a été engagée en qualité de ‘secrétaire polyvalente, statut employé’, sans précision du niveau conventionnel, moyennant un salaire mensuel brut de 1 700 euros pour 169 heures mensuelles et ce afin d’exercer les fonctions suivantes, liste présentée comme non exhaustive :
Accueil téléphonique
Accueil physique
Classement
Pige
Tri et distribution des courriers
Gestion des coursiers
Gestions des fournitures
Gestion des imprimantes, photocopieuse et fax,
Commande de la documentation scientifique
Frappe sur Word, Excel, Power Point,
Secrétariat administratif et comptable
Affranchissement du courrier
gestion des mailings
photocopies et reliures,
ouverture de la grille le matin,
préparation de la machine à café,
les courses pour l’agence,
préparation des ‘pots’ à l’agence,
mesures nécessaires à l’hygiène de premier ordre
bon fonctionnement des équipements collectifs.
Les bulletins de paie, qui visent un emploi de ‘secrétaire – hôtesse’, font état d’un ‘indice 2 niveau 1 coefficient 215″ lequel ne correspond pas aux stipulations conventionnelles. Tout au plus, le coefficient 215 pourrait faire référence à l’indice 215 de l’ancienne grille conventionnelle, lequel équivaut, selon la grille de correspondances établies entre les ‘anciens coefficients et les niveaux de la (nouvelle) grille de classification’ au niveau 1-4 revendiqué par la salariée.
Il est constant que la salariée n’a connu aucune évolution salariale au cours de la relation contractuelle, hormis le versement de la prime d’ancienneté dont elle a obtenue le paiement après réclamation.
Mme [S] justifie que le 21 mai 2013, l’employeur a contracté avec l’organisme de formation Demos, afin qu’elle suive une formation ‘d’assistante commerciale’, pour un coût de 1 085 euros, formation ayant pour objectifs de ‘comprendre le fonctionnement de l’équipe commerciale, collecter, diffuser des informations utiles, organiser la relation client/commerciaux, […] organiser réunions et manifestations […]’, qu’elle a effectivement suivie en septembre 2013.
Par ailleurs, titulaire d’un bac professionnel et d’un brevet de technicien supérieur ‘assistante de direction’, la salariée justifie par la production des attestations concordantes établies par Mmes [R] et [L], qu’elle avait la responsabilité de coordonner l’organisation des réunions de formation dans toute la France, en lien avec le délégué médical du laboratoire, réserver le lieu de formation et le matériel nécessaire à son déroulement, confirmer la date et le lieu aux formateurs et aux participants, envoyer le support aux orateurs identifiés par le client. Elle, communique différents supports de nature à étayer le travail concret qu’elle menait à l’occasion de ces formations organisées par son employeur, le support de formation (guide interne) intitulé ‘star à l’attention des délégués médicaux hospitaliers immunologie MSD’, la présentant comme ‘assistante opérationnelle’.
Alors qu’au-delà des missions contractuelles – ci-avant reproduites – il ressort des éléments communiqués par la salariée que celle-ci exerçait concrètement pour l’essentiel des fonctions relevant du métier de ‘secrétaire-assistante’, et non de simple ‘hôtesse d’accueil’, la salariée ne pouvait être positionnée, selon la grille conventionnelle, au niveau I-2, mais a minima au niveau I-3 ou I-4.
Enfin, il peut être relevé qu’à 2 euros près, le salaire brut initialement convenu, à savoir 1700 euros pour 39 heures hebdomadaires, correspondait au jour de la signature du contrat de travail au salaire minimum conventionnel applicable pour les salariés de niveau 1-4 : 1 490 euros pour 35 heures, correspondant en juillet 2011 au minimum conventionnel du niveau 1-4, déterminant pour 39 heures hebdomadaires un salaire de 1 702 euros.
Sans même qu’il soit utile de relever que l’employeur lui a confié l’animation de deux ateliers de formation pour le client Takeda à l’été 2015, Mme [S] justifie ainsi qu’elle exerçait concrètement des fonctions la faisant relever du niveau 1-4, peu important qu’elle ait cherché à contester devant le tribunal administratif son licenciement en faisant valoir que le tribunal de commerce avait autorisé le licenciement d’une ‘secrétaire polyvalente’, définition de l’emploi figurant à son contrat de travail, et non celui de ‘secrétaire hôtesse’, mentionné sur ses bulletins de salaire.
Mme [S] est donc bien fondée à réclamer le paiement d’un rappel de salaire correspondant à la différence entre la rémunération minimum conventionnelle prévue pour le niveau 1-4 et les salaires perçus pendant la période travaillée, soit la somme brute de 5 416,21 euros à titre de rappel de salaires de décembre 2012 à mars 2016, ainsi qu’il ressort de son décompte détaillé non discuté par les intimés, outre celle de 541,62 euros au titre des congés payés afférents.
Ce rappel de salaire entraîne une incidence sur le salaire de référence, ainsi que le plaide à juste titre la salariée, lequel emporte une incidence sur l’indemnité légale de licenciement lui ouvrant droit à un rappel d’indemnité à hauteur de 130,53 euros qui lui sera accordé.
Sur les dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires :
Alors que le contrat de travail stipulait que la salariée serait rémunérée le dernier jour de chaque mois, Mme [S] établit avoir subi de manière réitérée des retards importants dans le paiement du salaire qui l’a conduite à adresser à l’employeur des réclamations puis des mises en demeure :
– Courrier du 11 septembre 2014 pour le salaire du mois d’août 2014 finalement payé le 18 septembre 2014 (pièce n°3),
– Mise en demeure du 13 octobre 2014 pour le salaire du mois de septembre 2014 finalement payé le 27 octobre 2014 (pièces n°4 et 5),
– Mise en demeure du 10 novembre 2014 pour le salaire du mois d’octobre 2014 finalement payé le 12 novembre 2014 (pièces n°6 et 7)
– Mise en demeure du 19 novembre 2015 pour le salaire du mois d’octobre 2015 finalement payé les 25 et 30 novembre 2015 (pièce n°9).
Elle obtiendra l’intervention de l’inspection du travail qui adressera le 18 novembre 2014 une lettre d’observations à l’employeur sur ce point. (pièce n° 8 de l’appelante)
Conformément aux dispositions de l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées sous l’article1231-6 du dit code, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal, le créancier auquel le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard pouvant obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance à charge de justifier de ce préjudice.
Une telle récurrence de manquements de l’employeur à l’une de ses deux obligations essentielles découlant du contrat de travail, à savoir celle de payer le salaire dû à bonne date, caractérise sa mauvaise foi. Mme [S] communique ses relevés bancaires sur la période litigieuse desquels il ressort qu’elle était régulièrement aidée par des proches pour équilibrer le solde de son compte, lequel enregistrait des rejets de prélèvements en lien avec le retard des paiements. En l’état de ces éléments caractérisant l’existence d’un préjudice financier indépendant du simple retard, et en réparation du préjudice moral en découlant, qu’elle invoque également, il lui sera alloué la somme de 750 euros de dommages-intérêts. Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
Il suit de ce qui précède que la salariée rapporte la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur qui ne lui a pas appliqué la grille conventionnelle et n’a pas respecté son obligation de verser la prime d’ancienneté à compter du 3ème anniversaire de l’embauche, contraignant la salariée à devoir formuler une réclamation en ce sens en novembre 2015, prime qu’elle aurait dû commencer à percevoir près d’une année auparavant.
Le préjudice en résultant sera indemnisé par l’allocation de la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le travail dissimulé :
Selon l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 du même code dispose notamment que, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur […] de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.
Le non paiement spontané de la prime d’ancienneté ne saurait caractériser l’intention de se soustraire à ses obligations légales. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef.
Il sera ordonné au mandataire liquidateur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n’est pas nécessaire à assurer l’exécution de cette injonction.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé et en ce qu’il a alloué à Mme [S] des dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires mais le réforme sur le quantum alloué,
Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] de ses demandes en paiement d’un rappel de salaire conventionnel, de l’incidence sur l’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe ainsi que suit la créance de Mme [S] au passif de la société Troubat :
– 5 416,21 euros brut à titre de rappel de salaires de décembre 2012 à mars 2016 et 541,62 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 130,53 à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 750 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du salaire,
– 750 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect des dispositions collectives,
Ordonne à la Selarl [F] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Troubat de remettre à la salariée un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi, conformes au jugement à intervenir,
Rejette la demande d’astreinte,
Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Donne acte à l’AGS – CGEA de son intervention et de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L. 3253-8 , L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,