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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 07 juin 2023
(n° /2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03643 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5DA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/03819
APPELANTE
Madame [C] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Thomas HOLLANDE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
PARTIE INTERVENANTE :
SYNDICAT SNRT CGT FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [C] [T], née le 6 juillet 1984 à [Localité 3] a travaillé selon des contrats de travail d’usage successifs en qualité de journaliste pigiste non permanent pour la société France Télévisions, du 21 avril 2015 au 23 juin 2017 pour la rédaction nationale au sein de l’émission ‘Télé matin’ sur France 2. Elle se serait proposée en vain pour assurer des remplacements de présentation pour cette émission en avril 2017. S’estimant victime de discrimination, elle est reçue le 14 septembre 2017 par le responsable de la rédaction nationale de France Télévision puis reçoit le 16 avril 2018 de la société France Télévisions un courrier lui confirmant qu’après examen, elle n’aurait subi aucune mesure discriminatoire.
Le 24 mai 2018, madame [T] a saisi en requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée et en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud’hommes de Paris lequel par jugement du 7 février 2019, n’a pas fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée de madame [T] en contrat à durée indéterminée, a débouté madame [T] de l’ensemble de ses demandes, a débouté le syndicat Snrt-Cgt France Télévisions de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société France Télévisions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné madame [T] aux dépens.
Madame [T] a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2020.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [T] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant de nouveau, de :
Requalifier les contrats de travail successifs de madame [T] en contrat à durée indéterminée
Condamner la société France Télévisions au paiement de la somme de 1 908,60 euros nets à titre d’indemnité de requalification
A titre principal :
Juger nulle la rupture du contrat de travail
Ordonner à France Télévisions de la réintégrer dans ses fonctions de journaliste au sein de l’équipe Télématin sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la notification de la décision à intervenir
Condamner la société France Télévision à lui verser les sommes suivantes :
Titre
Montant en euros
rappel de salaire pour la période du 15 juin au 30 juin 2017
Congés payés afférents
954,30
95,43
rappels de salaire pour la période du 1er juillet 2017 au 30 avril 2018
Congés payés afférents
19 086
1 909
Ordonner à France Télévisions de reprendre le paiement mensuel de ses salaires à compter du mois de mai 2018 et jusqu’à sa réintégration effective, soit 1 908,60 euros bruts mensuels, outre 191 euros bruts au titre des congés payés afférents
A titre subsidiaire :
Dire et juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamner la société France Télévisions à lui verser à madame [T] les sommes suivantes :
Titre
Montant en euros
indemnité de licenciement
13 360
indemnité compensatrice de préavis
Congés payés afférents
3 817,2
381,72
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
13 360
En tout état de cause :
Condamner la société France Télévisions aux dépens et à lui verser :
Titre
Montant en euros
dommages et intérêts pour préjudice moral
15 000
article 700 du code de procédure civile
2 500
Ordonner à France Télévisions de remettre à madame [T] des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard
Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des prud’hommes
Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société France Télévisions demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter madame [T] et le syndicat Snrt-Cgt France Télévisions de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions et de les condamner à lui payer respectivement la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, le syndicat Snrt-Cgt France Télévision demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau de juger que la violation des dispositions relatives à la conclusion de contrats à durée déterminée porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession de journaliste que le syndicat Snrt-Cgt France Télévisions représente, condamner la société France Télévisions aux dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession de journaliste outre celle de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la requalification des contrats d’usage en contrat à durée indéterminée
Principe de droit applicable :
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Son article L 1242-2 précise que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, en cas
d’emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
En cas de violation de ces règles, l’article L 1245-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est réputé à durée indéterminée et l’article L1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Selon l’article D 1242-1 du code du travail, en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont notamment les suivants :
6° Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ;
8° L’information, les activités d’enquête et de sondage.
Application en l’espèce
Madame [T] soutient, en premier lieu, que le recours aux contrats à durée déterminée n’a pas systématiquement été formalisé par écrit et indique qu’elle n’est pas en possession de l’ensemble des contrats de travail et que ce manquement entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée. La salariée affirme, en second lieu, que la société France Télévisions est demeurée son unique employeur durant toute la période litigieuse, qu’elle était rattachée au service JT nationaux.
Il n’est pas contesté que madame [T] travaillait comme journaliste pigiste, soit un emploi prévu par l’article D 1242-1 du code du travail permettant le recours au contrat à durée déterminée dit d’usage.
Contrairement à ce qu’allègue la salariée, la société France Télévisions produit les contrats formalisés par écrit et un tableau présentant les jours travaillés pour les années 2015, 2016 et 2016 pour le service des journaux télévisés, sachant que madame [T] travaillait essentiellement pour l’émission Télé Matin. Sa demande portant sur ce service et cette période, la société France Télévisions n’avait pas à produire les contrats qui ont pu être signés avec d’autres entités tel que France O.
En conséquence, aucune irrégularité de forme n’est établie.
Sur le fond, il résulte des pièces de la procédure et il n’est pas contesté que madame [T] a travaillé pour la société France Télévisions : 54 jours en 2015, 144 jours en 2016 et 48 jours en 2017.
Il ne peut en conséquence difficilement être soutenu qu’elle exerçait son activité de manière permanente et continue pour la société France Télévisions. La cour relève que madame [T] s’est abstenue de fournir ses avis d’imposition pour les années considérées ce qui aurait permis de justifier de la totalité de ses ressources pour celles-ci.
Il convient en conséquence de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes qui a rejeté cette demande de requalification et l’ensemble des demandes principales et subsidiaires aux titres de la rupture du contrat de travail, d’une réintégration, de rappels de salaire et congés payés afférents, ainsi que d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement.
Sur le préjudice moral
Madame [T] affirme avoir subi un préjudice moral du fait de la rupture de la relation de travail et prétend que le fait d’avoir été bloquée dans sa carrière sans doute en raison de sa couleur de peau et alors que ses compétences étaient reconnues lui aurait créé un sentiment de dévalorisation et d’humiliation. Elle soutient également que la cause de la rupture des relations aurait été le fait qu’elle aurait candidaté au mois d’avril 2017 pour assurer des remplacements présentation à Télématin pour France 2.
Sur ce point précis, madame [T] ne produit aucune pièce pour justifier de cette candidature mais seulement au projet de lettre de monsieur [U], membre du syndicat Dst Cgt France Télévision qui évoque cette candidature. Ainsi, aucun lien entre cette supposée demande en avril 2017 d’un poste ayant plus de ‘visibilité’ et la non-reconduction après le 23 juin 2017 de madame [T] au sein de l’émission ‘Télé matin’ ne peut être établi.
Par ailleurs, la société France Télévisions dans ses pièces fournit de nombreux études, plans d’action pour qu’une plus grande diversité soit visible dans ces émissions, ainsi que les tableaux des jours travaillés de salariés issus de ces origines diversifiées au sein de la rédaction nationale et justifie bien de la présence en son sein de journalistes d’origines diverses dont certains font de la présentation à l’antenne.
L’entreprise justifie également, d’une part, que madame [T] n’est pas la seule pigiste non-permanente pour laquelle la rédaction nationale n’a pas proposé de nouveaux contrats, à la suite d’une politique de réduction budgétaire et, d’autre part, que son absence de polyvalence et l’appréciation de ses qualités journalistiques ont conduit la direction de la rédaction à cesser cette collaboration.
Ainsi dans son attestation monsieur [R] explique que madame [T] avait une écriture très scolaire qui n’a jamais progressé, que son niveau n’avait pas la qualité requise pour l’édition, que son faible niveau journalistique et l’absence de progression de madame [T] ont amené à ne plus avoir recours à elle et que le retour qu’il a pu avoir avec les autres chefs de services où a travaillé madame [T] allaient dans le même sens : faible niveau de compétence, manque d’investissement.
Ainsi, il est démontré que la non reconduction de la relation de travail entre madame [T] et la société France Télévisions ne trouve pas son origine dans une faute de l’employeur ayant voulu écarté une journaliste souhaitant faire de la présentation en raison de sa couleur de peau mais pour des raisons budgétaires qui justifient de conserver des relations avec des journalistes non permanents ayant les qualités nécessaires pour s’adapter à tous les postes y compris dans l’édition.
En conséquence le rejet de la demande de l’indemnisation d’un préjudice moral subi par madame [T] prononcé par le Conseil des prud’hommes est confirmé.
Sur la demande du syndicat Snrt-Cgt France Télévision
Il résulte de ce qui précède que la demande du syndicat Snrt-Cgt France Télévision de l’allocation d’une somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession de journaliste est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE madame [T] à verser à la société France Télévisions la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE madame [T] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE