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26 novembre 1990
Cour de cassation
Pourvoi n°
89-87.080
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;
Statuant sur les pourvois formés par :
Y… Georges,
Y… Christophe,
en qualité de présidents successifs de l’Association sportive automobile du Ternois (ASAT),
contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, chambre correctionnelle, du 23 novembre 1989, qui, pour infractions à la législation fiscale sur les spectacles, les a solidairement condamnés pour les délits commis entre le 19 septembre 1982 et le 22 juillet 1984 à des d amendes et pénalités fiscales, et a prononcé la confiscation des recettes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, tant en demande qu’en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 1559 à 1566, 1791, 1804 B du Code général des impôts, 1 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que les agissements de Georges Y… engagent l’ASAT et a condamné cette dernière :
” à dix amendes de 1 000 francs chacune relatives à la revendication abusive de l’exonération,
” à une amende de 1 000 francs relative à la revendication abusive du demi-tarif,
” à une pénalité de 40 754 francs égale à une fois le montant des droits fraudés,
” au paiement des droits fraudés soit une somme de 40 754 francs,
” à la confiscation des recettes des manifestations litigieuses arbitrées à 440 000 francs ;
” aux motifs que ” si les associations et organismes sans but lucratif bénéficient d’avantages fiscaux en matière d’impôt sur les sociétés et d’impôts sur les spectacles, le droit est reconnu à l’Administration d’établir que, malgré leur forme juridique officielle, ou sous le couvert de celle-ci, sans égard à l’objet inscrit dans leurs statuts elles poursuivent dans les faits un but lucratif ; qu’il en résulte que l’Administration a le droit de contester les avantages fiscaux dont il s’agit dès lors qu’il est démontré, par la mise en relief de diverses particularités, que leur gestion n’est pas désintéressée ;
” ” qu’à cet égard, certaines modalités de gestion de l’Association sportive automobile du Ternois démontrent que la gestion de l’ASAT n’est pas d désintéressée ;
” ” que l’ASAT est étroitement liée à une société commerciale, la SARL Sports et Loisirs du Ternois qui, titulaire d’un bail commercial, exploite le circuit ;
” ” que les activités tant de l’Association que de la SARL se rattachent exclusivement à l’exploitation et à la valorisation de ce
circuit ; que la communauté d’intérêts existant entre ces deux personnes morales résulte de :
” ” la prise en charge par l’Association pendant la période de la prévention, de travaux de réfection de la piste du circuit,
” ” l’exploitation par la SARL, sans contrepartie financière pour l’Association, d’une buvette et d’un service de restauration, ainsi que de panneaux publicitaires à l’occasion des manifestations organisées par l’Association, la SARL profitant au surplus, pour la promotion et le développement de ses diverses activités commerciales, de la notoriété que ces manifestations donnent au circuit,
” ” l’exercice d’une activité salariée de directeur technique par le président de l’Association, Georges Y…, au sein de la SARL, le gérant en titre de cette société n’étant par contre pas rémunéré,
” ” la détention par l’épouse de Georges Y… d’un pourcentage important des parts de la SARL (30 %) le reste étant détenu par sa belle-soeur (Mme X…) qui occupait par ailleurs le poste de gérante,
” ” l’acquisition par l’Association pour un montant de 274 285, 72 francs, de 768 des 1 600 parts composant le capital social de la seconde (actes des 24 janvier 1985 et 25 février 1985 faisant suite à une délibération de l’ASAT en date du 15 décembre 1984), pendant la période de la prévention… ;
” ” que ces faits traduisent au total une véritable confusion d’intérêts entre les deux personnes morales qui, en raison du caractère commercial de la forme et de l’objet de la SARL Sports et Loisirs du Ternois, entachent fondamentalement la vocation non lucrative de l’ASAT ;
” ” que le fait, pour une association se réclamant d’un but non lucratif, d’acquérir et de posséder près de la moitié des parts ou actions d’une société commerciale, et de retirer ainsi à son profit les bénéfices de l’activité de cette société commerciale, par nature à but lucratif, dénature l’objet même de ladite association et lui confère un but manifestement lucratif duquel la société commerciale est devenue à la fois l’instrument et l’écran ;
” ” qu’une telle constatation suffit à elle seule à établir la matérialité des faits reprochés et l’intention coupable que l’on doit bien reconnaître en cette matière à la personne morale et à son ex-dirigeant coresponsables des infractions poursuivies ;
” ” que la constatation que quelques membres de l’association poursuivie tirent, (occasionnellement comme le trésorier de l’ASAT, assureur de celle-ci, ou M. X…, autre membre, comme loueur d’aires de stationnement, ou en permanence, comme le prévenu Georges Y…, président de l’ASAT rémunéré par la SARL possédée en partie par ladite ASAT), un profit personnel parfois important, constituent un élément complémentaire, mais second par rapport à cette aspiration par l’ASAT du but lucratif de sa ” filiale ” ;
” ” que l’utilisation avérée de méthodes manifestement commerciales de publicité constitue un troisième élément de preuve ;
” ” qu’il échet de restituer aux éléments de fait leur véritable qualification quel que soit le montage juridique qui les habille ; que la réalité et le fond de l’affaire sont que la nébuleuse constituée par l’ASAT et par la SARL Sports Loisirs constituent une seule et unique entreprise familiale, assurant à titre principal une activité d’entrepreneur de spectacles à but lucratif, quelle que puisse être par ailleurs la passion des membres de l’une et l’autre des personnes morales impliquées pour le sport automobile ; que les infractions poursuivies sont établies ” ;
” alors, d’une part, qu’une association réinvestissant la totalité des revenus qu’elle tire tant de son activité propre que de sa participation au capital d’une société commerciale, exclusivement dans la poursuite de son objet social désintéressé, ne saurait être regardée comme poursuivant un but lucratif ; d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, sans tenir compte du fait que l’ASAT agissait ainsi qu’il a été dit d ci-dessus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” alors, d’autre part, que si la SARL organise des compétitions officielles auxquelles participent seulement des pilotes professionnels, en revanche, l’Association sportive n’organise que des courses d’amateurs, destinées à promouvoir le sport automobile, ce qui caractérise de plus fort son but non lucratif ; qu’en méconnaissant cette donnée constante, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ” ;
Attendu qu’en l’état des motifs de l’arrêt attaqué, la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer que la cour d’appel qui avait à examiner l’activité réelle de l’Association sportive automobile du Ternois, dite ” ASAT “, dirigée successivement par Georges et Christophe Y…, a établi, sans insuffisance ni contradiction, que cette association, qui avait, notamment entre le 19 septembre 1982 et le 22 juillet 1984, organisé diverses compétitions automobiles, et qui avait pu, grâce à son statut apparent de personne morale sans but lucratif, obtenir une exonération fiscale de 20 000 francs sur ses recettes, et le demi-tarif au titre de certaines de ses manifestations sportives, n’était en réalité qu’une entreprise commerciale n’ayant pas droit à abattement ni à tarif privilégié ;
Attendu que le moyen, qui se borne à contester les éléments de pur fait qui, après débats contradictoires, ont conduit les juges du second degré à dénier le caractère désintéressé à l’Association sportive susvisée, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation proposé pris de la violation des articles L. 176 du Livre des procédures fiscales, 1791 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a condamné ” en réparation l’Association sportive automobile du Ternois représentée par son président, Christophe Y…… à la confiscation des recettes des manifestations litigieuses arbitrées à 440 000 francs ” ;
” aux motifs que ” l’administration des Impôts précise elle-même dans ses conclusions additionnelles que le délai de prescription, en matière de d contributions indirectes, est de trois ans en application de l’article 8 du Code de procédure pénale et que seules peuvent donc être poursuivies pénalement les infractions commises par l’Association sportive automobile du Ternois dans les trois ans ayant précédé leur constatation, soit pendant la période comprise entre le 11 juin 1982 et le 11 juin 1985, date de l’intervention des agents de l’administration fiscale au siège de cette association ; qu’il échet de renvoyer l’ASAT et le prévenu Georges Y… des fins de la poursuite pour les faits antérieurs ;
” ” considérant qu’il convient de traduire concrètement cette limitation de l’action pénale comme suit sur le plan des réclamations et des pénalités encourues… la confiscation des recettes des manifestations litigieuses pouvait concerner une somme de 682 650 francs ;
” ” l’Administration n’a pas recalculé ce montant dans ses conclusions additionnelles et les dossiers des parties ni la procédure ne contiennent de propositions différentes ni les éléments suffisants pour recalculer au franc près le montant des recettes restant susceptibles de confiscation ; dès lors, la Cour, qui doit trancher les éléments de fait et de fond avec les moyens dont elle ne dispose, ne pourra si la suite de l’examen de l’affaire amène à entrer en voie de condamnation, qu’appliquer une réfaction forfaitaire à ce chef de demande dans une proportion comparable à celle de la réduction appliquée par l’Administration poursuivante à ses autres chefs de demande, soit un peu plus du tiers, et arrondir cette somme s’il échet ” ;
” alors que la cour d’appel ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard des textes susvisés et en particulier de l’article 1791 du Code général des impôts, prononcer la confiscation d’un montant de recettes déterminées forfaitairement et sans rechercher quel était le montant réel des recettes confiscables dans les trois années non couvertes par la prescription ” ;