Affichage publicitaire : 5 mars 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/02144

·

·

Affichage publicitaire : 5 mars 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/02144
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

5 mars 2020
Cour d’appel de Douai
RG n°
18/02144

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 05/03/2020

****

N° de MINUTE :

N° RG 18/02144 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RPNU

Jugement (N° 14/00865) rendu le 28 août 2015

par le tribunal de grande instance de Dunkerque

APPELANTE

SARL E-Ophta prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social, [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Daniel Thienpoent, avocat au barreau de Dunkerque, membre de la SCP Thienpoent-Robert

assistée de Me Omar Yahia, avocat au barreau de Paris, membre de la SELARL Yahia

INTIMÉES

Le Syndicat National des Ophtalmologistes de France pris en la personne de son président le docteur [P] [X]

ayant son siège social, [Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Bruno Khayat, avocat au barreau de Dunkerque, membre de la SELARL Dhorne Carlier Khayat

assisté de Me Jérôme Cayol, avocat au barreau de Paris, membre de la SELAS Cayol Cahen & associes,

INTERVENANTE VOLONTAIRE

SELAS Centre Médical Ophtalmologique [6] prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Adresse 1]

ordonnance du 6 décembre 2018 constatant le désistement de son intervention volontaire

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, membre de la SELARL Lexavoué

ayant pour conseil, Me Gilles Bigot, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Bolteau-Serre, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez

DÉBATS à l’audience publique du 16 décembre 2019.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 mars 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 décembre 2019

****

Par acte signifié le 18 mars 2015, le syndicat national des ophtalmologistes de France a fait assigner la société E-Ophta devant le tribunal de grande instance de Dunkerque.

Aux termes de ses dernières conclusions, il a demandé au tribunal de :

– se déclarer compétent,

– dire et juger que la Sarl E-Ophta a commis une faute engageant sa responsabilité à 1’égard du syndicat,

– la condamner sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la décision à intervenir, à retirer de son site les mentions suivantes :

– prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact

– bénéficier d’un dépistage ophtalmologique approfondi

– je bénéficie d ‘un dépistage des maladies de l’oeil

– un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par téléophtalmologie,

– condamner la Sarl E-Ophta à cesser toute publicité indiquant « besoin d’un ophtalmo’

Rendez-vous sous 48 heures » et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,

– interdire à la Sarl E-Ophta de faire toute publicité, sur quelque support que ce soit, relative à la prescription de lunettes et au dépistage de toute maladie et ce, sous astreinte de l 000 euros par infraction constatée,

– condamner la Sarl E-Ophta à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

– condamner la Sarl E-Ophta à publier la décision à intervenir sur son site internet à l’adresse www.ophtacity59.fr ainsi que dans le journal de la VOIX DU NORD, aux frais de la SARL E-Ophta et dans la limite de 10 000 euros,

– la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la Sarl E-Ophta de sa demande reconventionnelle,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– condamner la Sarl E-Ophta aux entiers dépens.

Par jugement du 28 août 2015, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :

– rejeté l’exception d’incompétence ;

– condamné la société E-Ophta à payer au syndicat national des ophtalmologistes de France la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts ;

– fait injonction à la société E-Ophta de retirer de son site Internet http://www.ophtacity59.fr les mentions suivantes :

– prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact

– bénéficiez d’un dépistage ophtalmologique approfondi

– je bénéficie d’un dépistage des maladies de l”il

– un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par téléophtalmologie

dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issue de l’expiration de ce délai, et dans la limite de 90 jours ;

– fait injonction à la société E-Ophta de cesser toute publicité par affichage comportant la mention « besoin d’un ophtalmo ‘ Rendez-vous sous 48 heures » dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l’issue de ce délai ;

– débouté le syndicat national des ophtalmologistes de France de sa demande tendant à voir condamner la société E-Ophta a publié la présente décision ;

– débouté le syndicat national des ophtalmologistes de France de sa demande tendant à faire interdiction à la société E-Ophta de faire toute publicité sur quelque support que ce soit, relative à la prescription de lunettes et au dépistage de toute maladie ;

– débouté la société E-Ophta de sa demande de dommages-intérêts ;

– condamné la société E-Ophta à payer au syndicat national des ophtalmologistes de France la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société E-Ophta aux dépens recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

La société E-Ophta a formé appel de cette décision.

Par conclusions déposées au greffe le 04 mars 2016, la société Centre médical ophtalmologique [6] est intervenue en cause d’appel.

Par jugement du 27 février 2017, le tribunal correctionnel de Dunkerque a :

– rejeté les exceptions de nullité ;

– rejeté la demande de supplément d’information ;

– rectifié l’erreur matérielle contenue dans la citation, en ce qu’il a été omis de viser l’article L4161-6 du code de la santé publique ;

– déclaré la société E-Ophta coupable d’avoir à [Localité 4], entre le 1er mars 2012 et le 24 mars 2015, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sous l’enseigne Ophta city, exercé illégalement la profession de médecin, en l’espèce en fournissant à sa clientèle des prestations relevant de l’ophtalmologie sans être titulaire d’un diplôme en médecine, en ayant recours à des médecins ophtalmologues non-inscrits au conseil de l’ordre des médecins en France et en faisant utiliser par des opticiens des appareils nécessitant des compétences médicales, et ce au préjudice de l’union des opticiens et de la caisse primaire d’assurance-maladie des [Localité 5]

– condamné la société E-Ophta à 30 000 euros d’amende

– sur l’action civile notamment condamné la société E-Ophta à payer au syndicat des ophtalmologistes de France la somme de un euro à titre de dommages-intérêts et de 750 euros au titre de l’article 475-1.

Par ordonnance du 9 mai 2017, le conseiller de la mise en état, saisi par la société E-Ophta a ordonné qu’il soit sursis à statuer jusqu’au prononcé de l’arrêt par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Douai statuant sur appel du jugement du tribunal correctionnel de Dunkerque du 27 février 2017.

L’affaire a été radiée par ordonnance du 21 novembre 2017. Elle a été réinscrite le 9 août 2018.

Par arrêt du 15 mai 2018, la cour d’appel de Douai statuant en matière correctionnelle a :

– déclaré les appels recevables ;

– rejeté l’exception de nullité

– dit n’y avoir lieu à supplément d’information ;

– infirmé le jugement ;

– statuant à nouveau,

– renvoyé la société E-Ophta des fins de la poursuite ;

– déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’union des opticiens ;

– déclaré recevable les constitutions de partie civile de la caisse primaire d’assurance-maladie Flandre-Dunkerque-Armentières, du conseil national de l’ordre des médecins, du syndicat national des ophtalmologistes de France ;

– débouté la caisse primaire d’assurance-maladie Flandre-Dunkerque-Armentières, le conseil national de l’ordre des médecins le syndicat national des ophtalmologistes de France, de leurs demandes ;

– débouté la société E-Ophta de sa demande fondée sur l’article 800-2 du code de procédure pénale.

Le syndicat national des ophtalmologistes de France a formé un pourvoi contre cette décision

Par conclusions déposées le 4 septembre 2018, le syndicat national des ophtalmologistes de France a saisi le conseiller la mise en état d’une demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation

Aux termes de ses conclusions déposées le 20 septembre 2018, la société E-Ophta a demandé au conseiller la mise en état de rejeter la demande de sursis à statuer.

Aux termes de ses conclusions déposées le 14 septembre 2018, la société Centre médical ophtalmologique [6] a demandé au conseiller de la mise en état de :

– lui donner acte du désistement de son intervention volontaire à titre accessoire

– de constater, de ce chef, le dessaisissement de la Cour

– statuer ce que de droit sur les dépens de cette intervention.

Par ordonnance du 06 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a :

– constaté le désistement de la société Centre médical ophtalmologique [6] de son intervention volontaire en appel ;

– dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé par le syndicat national des ophtalmologistes de France à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 15 mai 2018 ;

– condamné la société Centre Médical Ophtalmologique [6] aux dépens causés par l’intervention volontaire

– dit que les dépens de la demande de sursis à statuer suivront ceux de l’instance principale.

Aux termes de ses conclusions déposées le 28 novembre 2019, la société E-Ophta demande à la cour d’appel de :

– dire et juger la société E-Ophta recevable en son appel à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Dunkerque le 28 août 2015 ;

– dire et juger la société E-Ophta bien fondée en son appel à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Dunkerque le 28 août 2015 ;

– en conséquence,

– infirmer le jugement du 28 août 2015 dans toutes ses dispositions ;

– et statuant à nouveau,

– constater que le syndicat national des ophtalmologistes de France n’apporte pas la preuve d’un exercice illégal de la médecine par la société E-Ophta ;

– constater que le syndicat national des ophtalmologistes de France n’apporte pas la preuve d’une pratique commerciale trompeuse par la société E-Ophta ;

– dire et juger le syndicat national des ophtalmologistes de France mal fondé en ses demandes ;

– en conséquence,

– débouter le syndicat national des ophtalmologistes de France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner le syndicat national des ophtalmologistes de France à payer à la société E-Ophta la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le syndicat national des ophtalmologistes de France au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP Thienpoent – Robert, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 19 février 2019, le syndicat national des ophtalmologistes de France demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– rejeté l’exception d’incompétence ;

– condamné la Sarl E-Ophta à payer au Syndicat National de l’Ophtalmologie de France la somme de un euro à titre de dommages et intérêts ;

– fait injonction à la société E-Ophta de retirer de son site Internet http://www.ophtacity59.fr les mentions suivantes :

– prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact

– bénéficiez d’un dépistage ophtalmologique approfondi

– je bénéficie d’un dépistage des maladies de l”il

– un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par téléophtalmologie

dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issue de l’expiration de ce délai, et dans la limite de 90 jours ;

– fait injonction à la société E-Ophta de cesser toute publicité par affichage comportant la mention « besoin d’un ophtalmo ‘ Rendez-vous sous 48 heures » dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l’issue de ce délai ;

– dire et juger que la société E-Ophta a commis des fautes en exerçant des actes médicaux et en se livrant à de la publicité de nature à induire en erreur le public ;

– donner acte au Syndicat national des ophtalmologistes de France qu’il s’en rapporte sur l’intervention volontaire du Centre Médical Ophtalmologique [6] ;

– y ajoutant :

– interdire à la société E-Ophta de faire toute publicité, sur quelque support que ce soit, relative à la prescription de lunettes et au dépistage de toute maladie et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée.

– condamner la société E-Ophta à payer au Syndicat national des ophtalmologistes de France la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– condamner la société E-Ophta aux dépens.

Par arrêt du 19 novembre 2019, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Douai, en date du 15 mai 2018, mais en ses seules dispositions ayant débouté les parties civiles de leurs demandes indemnitaires, toutes autres dispositions, et notamment la relaxe, devenue définitive en l’absence de pourvoi du procureur général, étant expressément maintenues.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 décembre 2019.

EXPOSE DES MOTIFS

Le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société E-Ophta en première instance. La société E-Ophta a formé un appel total du jugement. Si dans le dispositif de ses conclusions, la société E-Ophta demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, elle ne demande pas à la cour d’appel de déclarer le tribunal de grande instance de Douai ou la cour d’appel de Douai incompétents. En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

Dans les motifs de ses conclusions, la société E-Ophta relève que, en tête du jugement, ne figure pas le nom du magistrat composant le tribunal accompagné de la mention suivante « vice-présidente, statuant en qualité de juge unique conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du code de procédure civile » et estime que le jugement doit dès lors être regardé comme ayant été irrégulièrement rendu.

Cependant, la société E-Ophta ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions de prononcer la nullité du jugement. En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour d’appel n’est pas saisie d’une demande en ce sens.

Sur le fond

La société E-Ophta est une société commerciale exerçant sous l’enseigne Ophta City. Son personnel est composé de salariés opticiens-lunettiers et optométristes. La spécificité des optométristes n’est pas reconnue pas le code de la santé publique.

L’arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Douai du 15 mai 2018 relève que le système mis en place par la société E-Ophta est le suivant :

– Lors d’un premier rendez-vous à 15 jours, le personnel du centre se charge d’effectuer divers examens (réfractions, vision binoculaire, actes techniques d’imagerie), pendant une durée annoncée de 1H30. Ces examens sont intégrés dans un logiciel transmis pour analyse à un médecin ophtalmologique partenaire (en l’espèce, le Docteur [C] résidant à Gérone en Espagne).

Dans le même temps, le patient est invité à commander ses verres correcteurs.

Ce premier rendez-vous est facturé 60 euros (25 euros d’honoraires et 35 euros pour les frais techniques, ces 35 euros étant remboursés si le client fait réaliser ses lunettes par le centre).

– Soit le médecin détecte un cas pathologique urgent, dans ce cas, le centre renvoie le patient vers son médecin traitant, soit les examens complémentaires non urgents sont nécessaires auquel cas, le centre renvoie également vers le médecin traitant, soit il n’y a pas de difficulté, auquel cas il délivre la prescription pour les verres.

– Lors d’un second rendez-vous, le client se voit remettre l’ordonnance du médecin ainsi que ses lunettes.

L’ensemble des examens sont réalisés par le personnel de la société E-Ophta. Ils sont adressés au médecin partenaire qui ne voit pas le patient, fusse par des moyens de télécommunication.

Il résulte du procès-verbal de constat établi le 19 décembre 2013 que le site internet de la société E-Ophta portait notamment les mentions suivantes :

– prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact

– bénéficier d’un dépistage ophtalmologique approfondi

– je bénéficie d ‘un dépistage des maladies de l ‘oeil

– un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par téléophtalmologie.

La société E-Ophta a également eu recours à de la publicité par affichage. Les panneaux publicitaires mentionnaient : « besoin d’un ophtalmo ‘ Rendez-vous sous 48 heures »

Par arrêt du 15 mai 2018, la cour d’appel de Douai statuant en matière correctionnelle a :

– déclaré les appels recevables ;

– rejeté l’exception de nullité

– dit n’y avoir lieu à supplément d’information ;

– infirmer le jugement ;

– statuant à nouveau,

– renvoyé la société E-Ophta des fins de la poursuite ;

– déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’union des opticiens ;

– déclaré recevable les constitutions de partie civile de la caisse primaire d’assurance-maladie Flandre-Dunkerque-Armentières, du conseil national de l’ordre des médecins, du syndicat national des ophtalmologistes de France, ;

– débouté la caisse primaire d’assurance-maladie Flandre-Dunkerque-Armentières, le conseil national de l’ordre des médecins, le syndicat national des ophtalmologistes de France, de leurs demandes ;

– débouté la société E-Ophta de sa demande fondée sur l’article 800-2 du code de procédure pénale.

Cette décision est définitive. L’arrêt de la cour d’appel de Douai ayant relaxé la société E-Ophta de l’infraction d’exercice illégal de la médecine pour la période du 1er mars 2012 et le 24 mars 2015 a autorité de la chose jugée au civil. Le fait que la Cour de cassation ait cassé l’arrêt en ses dispositions ayant débouté les parties civiles de leurs demandes indemnitaires, est indifférent à cet égard.

Cependant, la décision de relaxe de l’infraction d’exercice illégal de la médecine n’interdit pas au juge civil d’observer si la société E-Ophta a commis une faute en mentionnant sur son site internet : prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact ; bénéficier d’un dépistage ophtalmologique approfondi ; je bénéficie d’un dépistage des maladies de l’oeil ; un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par téléophtalmologie et en ayant recours à des panneaux publicitaires indiquant : « besoin d’un ophtalmo’ Rendez-vous sous 48 heures ».

La prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaires correctrices constituent des actes médicaux ne pouvant être réalisés que par des médecins. Le dépistage des maladies de l’oeil constitue également un acte médical. Ces actes ne peuvent-être réalisés par le personnel de la société E-Ophta.

S’agissant de la réalisation des examens nécessaires à la prescription de verres correcteurs et de lentilles de contact et au dépistage des maladies, le décret n°2007-1671 du code de la santé publique a habilité, article R. 4342-8 du code de la santé publique, les orthoptistes, sur prescription médicale et sous la responsabilité d’un médecin ophtalmologiste en mesure d’en contrôler l’exécution et d’intervenir immédiatement, à réaliser notamment les actes de tonométrie sans contact et de topographie cornéenne.

Depuis le décret n° 2016-1670 du 05 décembre 2016, article R. 4342-5 du code de la santé publique, l’orthoptiste est habilité sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole organisationnel à effectuer notamment une tonométrie sans contact. L’interprétation des résultats est de la compétence du médecin prescripteur ou d’un médecin ophtalmologiste signataire du protocole organisationnel.

Il est habilité, article R. 4342-6 du code de la santé publique, sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole organisationnel, à effectuer notamment une topographie cornéenne. L’interprétation des résultats est de la compétence d’un médecin ophtalmologiste.

Contrairement à l’orthoptiste, aucun texte n’habilite un opticien-lunetier à réaliser une tonométrie sans contact ou une topographie cornéenne, fusse sur prescription médicale.

Depuis la loi du 21 décembre 2006, les opticiens lunetiers peuvent, en application des dispositions de l’article L. 4362-10 du code de la santé publique, adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs dans des conditions fixées par décret, à l’exclusion de celles établies pour les personnes âgées de moins de seize ans et sauf opposition du médecin. Modifié par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, le même article permet désormais aux opticiens d’adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les corrections optiques des prescriptions médicales initiales de lentilles de contact oculaire, sauf opposition du médecin et réaliser, sur prescription médicale, les séances d’apprentissage à la manipulation et à la pose des lentilles.

L’article 4 du décret n°2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement disposait que l’opticien-lunetier s’interdit toute publicité et toute communication destinée au public sur sa capacité à déterminer la réfraction.

L’article D. 4362-19 du code de la santé publique créé par le décret n°2016-1481 du 13 octobre 2016 dispose désormais que « L’opticien-lunetier s’interdit, en dehors de son lieu d’exercice, toute publicité et toute communication destinée au public sur sa capacité à déterminer la réfraction. »

Il en résulte que l’examen de la réfraction par un opticien lunetier est destiné à l’adaptation de prescriptions médicales en cours de validité, ou à titre exceptionnel à la délivrance sans ordonnance en cas de bris de verres correcteurs, et non à l’établissement de nouvelles prescriptions médicales et qu’il lui est interdit de faire toute publicité et toute communication destinée au public sur cet examen.

La société E-Ophta se défend d’être soumise aux règles applicables à la télé-médecine au motif qu’aucun ophtalmologiste n’est salarié ou associé de la société E-Ophta.

Cependant, la société E-Ophta adresse les éléments recueillis lors de l’examen réalisé par ses salariés à un médecin ophtalmologiste établi en Espagne qui, soit délivre une ordonnance, soit renvoie le « patient » à se rapprocher de son ophtalmologiste traitant s’il détecte un cas pathologique ou estime que des examens complémentaires sont nécessaires. C’est cette pratique qui lui permet, selon elle, d’indiquer sur son site : prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact ; bénéficier d’un dépistage ophtalmologique approfondi ; je bénéficie d’un dépistage des maladies de l’oeil ; un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par télé-ophtalmologie ou à afficher des publicités indiquant « besoin d’un ophtalmo, Rendez-vous sous 48 heures »

Cette pratique ne correspond à aucun des actes de télé-médecine définis à l’article R. 6316-1 du code de la santé publique.

En effet, elle ne peut être qualifiée de télé-consultation dans la mesure où le patient n’a aucun contact avec l’ophtalmologiste. Elle ne peut-être qualifiée de télé-expertise dans la mesure où la société E-Ophta et aucun de ses salariés ne sont des professionnels médicaux. Elle ne peut pas plus être qualifiée de télésurveillance médicale dans la mesure où les données communiquées ne sont pas destinées à permettre le suivi médical du patient ou de télé-assistance médicale, l’ophtalmologiste n’assistant pas l’opticien lunetier dans la réalisation d’un acte.

Il en résulte que cette pratique n’est pas conforme à la législation française relative à la télé-médecine.

De plus, antérieurement à l’abrogation des articles R. 6316-6 et suivants du code de la santé publique par le décret n°2018-788 du 13 septembre 2018, l’activité de télé-médecine et son organisation faisaient l’objet, soit d’un programme national défini par arrêté des ministres chargés de la santé, des personnes âgées, des personnes handicapées et de l’assurance maladie ; soit d’une inscription dans l’un des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ou l’un des contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins ; soit d’un contrat particulier signé par le directeur général de l’agence régionale de santé et le professionnel de santé libéral ou, le cas échéant, tout organisme concourant à cette activité. Il n’est pas contesté que les pratiques de la société E-Ophta et de son ophtalmologiste partenaire ne rentraient pas dans ce cadre.

La société E-Ophta a commis une faute en mentionnant sur son site internet : prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact ; bénéficier d’un dépistage ophtalmologique approfondi ; je bénéficie d’ un dépistage des maladies de l ‘oeil ; un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par télé-ophtalmologie, alors que les salariés de la société E-Ophta ne peuvent faire de prescriptions médicales ou procéder au dépistage de maladie de l’oeil ; que les salariés de la société E-Ophta ne sont pas habilités à réaliser certains des examens nécessaires à la prescription de verres correcteurs et de lentilles de contact et au dépistage des maladies de l’oeil et que la pratique consistant à adresser à un ophtalmologiste les résultats des examens pour qu’il établisse une prescription, sans qu’il n’ait aucun contact avec le patient, n’est pas conforme à la législation française relative à la télé-médecine.

La société E-Optha a également commis une faute en diffusant une publicité mentionnant « besoin d’un ophtalmo, rendez-vous sous 48H » alors qu’aucun de ses salariés n’est médecin et qu’elle n’a pas la capacité de permettre à une personne intéressée d’obtenir un rendez-vous pour une consultation avec un ophtalmologue sous 48H ou dans un autre délai que ce soit physiquement ou dans le cadre d’une télé-consultation.

Les fautes commises par la société E-Ophta portent atteinte aux intérêts de la profession des médecins ophtalmologistes, seuls compétents pour réaliser les actes médicaux de prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaires correctrices et de dépistage des maladies de l’oeil.

Les jugement sera confirmé en ce qu’il a :

-condamné la société E-Ophta à payer au syndicat national des ophtalmologistes de France la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts ;

-fait injonction à la société E-Ophta de retirer de son site Internet http://www.ophtacity59.fr les mentions suivantes :

-prescription médicale de lunettes et de lentilles de contact

-bénéficiez d’un dépistage ophtalmologique approfondi

-je bénéficie d’un dépistage des maladies de l”il

-un diagnostic plus précis et un suivi amélioré grâce à un procédé de dépistage par télé-ophtalmologie,

dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issue de l’expiration de ce délai, et dans la limite de 90 jours ;

-fait injonction à la société E-Ophta de cesser toute publicité par affichage comportant la mention « besoin d’un ophtalmo ‘ Rendez-vous sous 48 heures » dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l’issue de ce délai.

Il est nécessaire à la réparation du préjudice subi par la syndicat d’interdire à la société E-Opta de faire toute publicité, sur quelque support que ce soit, relative à la prescription médicale de verres correcteurs et au dépistage de maladies de l’oeil et ce sous astreinte de 500 euros euros par infraction constatée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Les interdictions énoncées ci-dessus suffisent à réparer le préjudice subi par le syndicat des ophtalmologistes de France. Il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la décision.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Succombant à l’appel, la société E-Ophta sera condamnée aux dépens d’appel et à payer au syndicat national des Ophtalmologistes de France la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté le syndicat national des ophtalmologistes de France de sa demande tendant interdire à la société E-Ophta de faire toute publicité, sur quelque support que ce soit, relative à la prescription de lunettes et au dépistage de toute maladie ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

– INTERDIT à la société E-Ophta de faire toute publicité, sur quelque support que ce soit, relative à la prescription médicale de verres correcteurs et au dépistage de maladies de l’oeil et ce sous astreinte de 500 euros euros par infraction constatée ;

– CONDAMNE la société E-Ophta à payer au syndicat national des ophtalmologistes de France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

– DÉBOUTE la société E-Ophta de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– CONDAMNE la société E-Ophta aux dépens d’appel.

Le greffier,Le président,

Delphine VerhaegheCatherine Bolteau-Serre

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x