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27 juin 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/03098
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54E
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2022
N° RG 21/03098
N° RG 21/03898
N° RG 21/03911
N° Portalis DBV3-V-B7F-UQDC
AFFAIRE :
S.A.S. ‘NOVALEX’ SAS
C/
S.C.I. SCI PARIS PIERRE [Localité 5] 1
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° RG : 16/06607
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie TERIITEHAU
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (3e chambre) du 04/03/2021 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 24/09/2018.
S.A.S. ‘NOVALEX’ société au capital de 180 000,00 €, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 333 204 295, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4].
Assistée de Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619, et de Me Philippe DORMEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS.
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
SCI PARIS PIERRE [Localité 5] 1 prise en la personne de ses Représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 517 40 4 7 45
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625, et de Me Sabrina GOZLAN-JANEL de la SELARL GOZLAN-JANEL, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2022, Monsieur Emmanuel ROBIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Valentine BUCK, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 a fait construire à [Localité 6] un immeuble d’habitation comprenant un rez-de-chaussée et six étages sur trois niveaux de sous-sols ; par acte d’engagement du 15 octobre 2010, elle a confié à la société Novalex les lots gros ‘uvre et terrassement au prix stipulé global et forfaitaire de 1 130 000 euros hors taxes. Le 3 août 2011, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 a résilié le marché conclu avec la société Novalex en reprochant à celle-ci des manquements à ses obligations contractuelles. Par ordonnance du 21 septembre 2011, le juge des référés a ordonné le départ de la société Novalex du chantier, a ordonné à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de fournir une garantie de paiement pour un montant de 1 351 481 euros et l’a condamnée à payer à la société Novalex une provision de 155 553,57 euros.
Le 3 août 2012, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 a fait assigner la société Novalex devant le tribunal de grande instance de Nanterre en demandant réparation de son préjudice ; le juge de la mise en état a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 15 avril 2014 ; puis, par jugement en date du 8 mars 2016, rectifié le 28 juin 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
‘ constaté la résiliation du marché de travaux liant la société Paris Pierre [Localité 5] 1 et la société Novalex en application de l’article 22.1.2.1 de la norme NF P.03-001,
‘ condamné la société Novalex à payer à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 la somme de 147 556,87 euros à titre de dommages et intérêts,
‘ débouté la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de sa demande d’indemnité au titre de l’excédent de frais financiers,
‘ ordonné à la société Novalex de donner mainlevée du cautionnement consenti à son profit,
‘ rejeté la demande d’astreinte,
‘ ordonné la capitalisation des intérêts,
‘ condamné la société Novalex aux dépens et au paiement d’une indemnité de 7 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour l’essentiel, le tribunal a considéré que la société Novalex avait fait intervenir un sous-traitant sur le chantier sans solliciter l’agrément du maître de l’ouvrage, qu’elle avait manqué à ses obligations en matière de sécurité en ne transmettant pas les documents réclamés par le coordonnateur SPS pour l’installation d’une grue et qu’elle n’avait pas satisfait à ses obligations concernant la clôture du chantier ; le tribunal a évalué le préjudice subi par la société Paris Pierre [Localité 5] 1 en suivant les préconisations de l’expert et a opéré une compensation entre l’indemnisation due au maître de l’ouvrage (484 668,20 euros) et le solde de prix dû par celui-ci à l’entreprise (337 111,33 euros).
Par arrêt du 4 mars 2021, la cour d’appel de Versailles, considérant notamment que la société Paris Pierre [Localité 5] 1 avait elle-même commis des manquements à ses obligations ‘ en s’abstenant de fournir une garantie de paiement, en pratiquant des retenues injustifiées sur les situations de travaux 4 à 6, et en refusant de payer les situations 7 à 9 ‘ et que seul le manquement lié au recours à un sous-traitant pouvait être retenu contre la société Novalex, a :
‘ infirmé partiellement le jugement ci-dessus,
‘ dit que la résiliation était prononcée aux torts respectifs des parties,
‘ condamné la société Novalex à payer à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 la somme de 3 167,03 euros à titre de dommages et intérêts,
‘ partagé les dépens par moitié entre les parties.
Par arrêt en date du 10 juin 2021, la Cour de cassation a cassé l’arrêt ci-dessus :
‘ en ce qu’il a dit que la résiliation intervenue le 3 août 2011 était prononcée aux torts respectifs des parties, au motif que la cour d’appel avait modifié l’objet du litige lequel portait seulement sur le bien-fondé des motifs invoqués par le maître de l’ouvrage à l’appui de la résiliation unilatérale,
‘ en ce qu’il a limité à la somme de 3 167,03 euros la condamnation de la société Novalex, au motif que, pour retenir une créance de la société Novalex d’un montant de 43 352 euros hors taxes, la cour s’était contentée de relever que l’expert avait retenu cette somme au titre de l’immobilisation du personnel et des travaux supplémentaires non prévus au marché forfaitaire sans répondre aux conclusions de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 qui soutenait, d’une part, que ce supplément de coût résultait exclusivement de la nature du sous-sol, de la présence de réseaux et d’un débord de fondations d’un immeuble voisin et, d’autre part, qu’elle n’avait signé aucun ordre de service ni accepté aucune augmentation de prix.
Le 14 mai 2021, la société Novalex a saisi la cour d’appel de Versailles ; le 18 et le 21 juin 2021, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 a également saisi cette cour ; l’affaire a été fixée à l’audience du 9 mai 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
*
Par conclusions déposées le 12 juillet 2021 (dossiers RG n°21/3098, 21/3898 et 21/3911), la société Novalex demande à la cour :
1) d’infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 mars 2016 en ce qui concerne la résiliation du marché de travaux et de dire que cette résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société Paris Pierre [Localité 5] 1,
2) de confirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la société Paris Pierre [Localité 5] 1 au paiement de la somme de 43 352 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des plus-values pour sujétions de chantier,
3) suivant l’analyse que la cour fera de l’étendue de sa saisine, de confirmer le cas échéant le jugement en ce qui concerne le prix dû par la société Paris Pierre [Localité 5] 1, de l’infirmer en ce qui concerne la somme payée par celle-ci pour la fixer à 474 668,20 euros et de l’infirmer en ce qui concerne les travaux supplémentaires pour canalisations enterrées et les frais de location d’installations pour lui allouer les sommes de 5 168 et de 10 336,75 euros, majorées de la taxe sur la valeur ajoutée,
4) de même, en fonction de l’étendue de la saisie de la cour, d’infirmer le jugement en ce qui concerne le parachèvement des ouvrages en sous-sol, les pénalités de retard et la reconstruction des installations de chantier, et de débouter la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de ses demandes de ces divers chefs,
5) de partager les dépens de première instance par moitié entre les parties et de condamner la société Paris Pierre [Localité 5] 1 aux dépens d’appel,
6) de lui allouer une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 16 août 2021 (dossiers RG n°21/3898 et 21/3911) et le 10 septembre 2021 (dossier RG n°21/3098), la société Paris Pierre [Localité 5] 1 demande à la cour :
1) de débouter la société Novalex de ses demandes,
2) d’infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les comptes entre les parties et de condamner la société Novalex à lui payer la somme globale de 304 004,67 euros,
3) de condamner la société Novalex aux dépens et au paiement d’une indemnité de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la procédure
La jonction
Il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les affaires enrôlées sous les numéros 21/3898 et 21/3911 avec celle précédemment enrôlée sous le numéro 21/3098.
La saisine de la cour
Conformément aux articles 623 et 624 du code de procédure civile, la cassation est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce et elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
En l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 24 septembre 2018 n’a pas été cassé en ce qu’il confirme partiellement le jugement frappé d’appel, ce qui concerne notamment la disposition de ce jugement ayant débouté la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de sa demande en paiement d’une indemnité pour excédent des frais financiers exposés au titre de la garantie de paiement.
Dès lors, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est irrecevable à solliciter de nouveau le paiement d’une indemnité en réparation du préjudice financier consécutif au maintien abusif de la garantie de paiement.
En revanche, ont été cassées :
1) la disposition de l’arrêt du 24 septembre 2018 ayant, après infirmation du jugement déféré en ce qu’il avait constaté la résiliation du contrat aux torts de la société Novalex, dit que la résiliation intervenue le 3 août 2011 est prononcée aux torts respectifs des parties,
2) la disposition ayant, après infirmation du jugement déféré en ce qu’il avait condamné la société Novalex à payer à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 la somme de 147 556,87 euros à titre de dommages et intérêts et débouté la société Novalex de ses demandes en paiement, condamné la société Novalex à payer à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 la somme de 3 167,03 euros à titre de dommages et intérêts.
Dès lors, sauf le débouté de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de la demande mentionnée ci-dessus, il ne reste rien des dispositions relatives aux demandes en paiement réciproques des parties ; aucun des motifs de droit ou de fait ayant justifié la disposition annulée ne subsiste et les parties peuvent reprendre les moyens précédemment développés devant la cour d’appel de Versailles ainsi que les demandes qui n’ont pas donné lieu à une décision maintenue par l’arrêt de cassation.
Enfin, conformément à l’article 639 du code de procédure civile, la cour statuera sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Sur la résiliation du contrat
Conformément à l’article 22.1.2.1 de la norme NF P.03-001, invoqué par la société Paris Pierre [Localité 5] 1 au soutien de la résiliation unilatérale du contrat, le marché peut être résilié de plein droit, sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire, aux torts de l’entrepreneur, soit après mise en demeure en cas d’abandon de chantier ou en cas de sous-traitance en infraction avec les dispositions du paragraphe 4.4 et 20.6, soit sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux.
Par lettre recommandée du 3 août 2011, reçue le lendemain, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 a résilié le contrat conclu avec la société Novalex en reprochant à celle-ci :
1) une cessation brutale de son activité en prétextant l’absence de fourniture d’une garantie bancaire, alors que sa décision résultait de l’incapacité de l’entreprise à fournir un effectif suffisant et d’une volonté de nuire aux intérêts du maître de l’ouvrage,
2) l’intervention d’un sous-traitant dépourvu d’agrément pour réaliser le cuvelage d’une partie du sous-sol et l’absence de remise d’un dossier d’agrément malgré une mise en demeure du 8 juillet 2011,
3) une tromperie grave résultant de l’affirmation par la société Novalex qu’elle avait réalisé personnellement les travaux de cuvelage,
4) l’absence de transmission au coordonnateur de sécurité des documents relatifs à l’installation de la grue, malgré une demande du 10 avril 2011,
5) le défaut de conformité des installations de chantier, qui ne respectent pas la législation sur le travail et portent atteinte à la sécurité des personnes,
6) un refus obstiné de prendre en considération les demandes du maître de l’ouvrage, du maître d”uvre et du coordonnateur sécurité, constitutif d’une tromperie grave sur la qualité d’exécution des travaux, caractérisé notamment par l’absence de suite donnée à un courrier du maître d”uvre du 3 juin 2011 demandant de clôturer le chantier et de mettre en place un portail piéton, malgré la mise en demeure d’y procéder faite le 8 juillet 2011, et par l’absence de suite donnée à une demande de la société Qualiconsult sécurité de limiter l’accès du chantier aux seules personnes autorisées et de recourir au port du badge.
Il convient de constater que, nonobstant le premier motif invoqué dans la lettre ci-dessus, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ne soutient pas que le marché a été résilié en raison d’un abandon illégitime du chantier le 1er août 2011, d’autant quelle n’avait pas mis la société Novalex en demeure de le reprendre.
La tromperie grave permettant de résilier le contrat sans mise en demeure suppose de démontrer l’existence de man’uvres commises par l’entrepreneur et qui ont eu pour effet, ou auraient pu avoir pour effet, d’induire en erreur le maître de l’ouvrage ou les autres intervenants à l’opération de construction ; ainsi, le simple refus d’exécuter des instructions ou de répondre à des demandes ne peut, en l’absence d’actes de dissimulation tendant à faire croire faussement qu’il y aurait été satisfait, suffire à caractériser une telle tromperie ; de même, la simple dénégation d’un fait, même mensongère, lorsqu’elle n’est pas assortie de man’uvres, ne permet pas de caractériser une tromperie au sens des dispositions ci-dessus.
Dès lors, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 n’invoque aucun agissement de la société Novalex susceptible de constituer une tromperie grave et permettant de résilier le marché sans une mise en demeure préalable.
Au surplus, les faits allégués pour caractériser la tromperie ne concernent en rien la qualité des matériaux ou la qualité d’exécution des travaux, au sens de l’article 22.1.2.1 in fine de la norme NF P.03-001.
En conséquence, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ne peut se prévaloir d’un cas de résiliation de plein droit sans mise en demeure préalable.
La lettre recommandée envoyée par la société Paris Pierre [Localité 5] 1 à la société Novalex le 8 juillet 2011, reçue le 11 juillet 2011, reprochait à celle-ci d’une part d’avoir fait appel à un sous-traitant, sans le déclarer ni constituer un dossier de demande d’agrément et la mettait en demeure de « régulariser [sa] situation sous 24 heures » ; cette lettre « rappelle » également à l’entreprise que ses installations de chantier « ne sont toujours pas conformes au marché » et qu’elle refuse de retirer ses « panneaux publicitaires », mais ne formule aucune mise en demeure à ce titre et se contente de prendre acte que l’entreprise préfère s’« exposer à l’application de pénalités supplémentaires ». Ainsi, le grief susceptible de justifier la résiliation unilatérale aux torts de l’entrepreneur après mise en demeure ne concerne que le recours illicite à la sous-traitance.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 avait connaissance depuis le 15 juin 2011 au moins de l’intention de société Novalex d’avoir recours à un sous-traitant pour la réalisation de travaux de cuvelage puisqu’à cette date elle a répondu à une lettre de la société Etandex du 8 juin 2011 l’informant qu’elle allait intervenir et sollicitant son agrément. Si la société Paris Pierre [Localité 5] 1 a refusé de donner son agrément, en répondant qu’elle n’avait pas reçu de demande de la société Novalex, elle n’a cependant pas mis immédiatement celle-ci en demeure de satisfaire à ses obligations, mais a attendu trois semaines pour ce faire.
Si la société Novalex n’a pas transmis de demande d’agrément avant cette mise en demeure, il n’existe cependant aucune preuve d’une intervention effective de la société Etandex en qualité de sous-traitant avant la résiliation du marché ; le compte-rendu d’intervention établi le 11 juillet 2011 par la société Qualiconsult sécurité se contente d’indiquer que le cuvelage constaté au niveau de l’escalier et de la gaine d’ascenseur a, selon le chef de chantier, été réalisé par la société Etandex sur deux demi-journées, sans apporter aucun élément de fait, constaté par l’auteur du rapport, permettant d’affirmer que cette société a effectivement réalisé ces travaux, alors même que le représentant légal de la société Novalex soutenait qu’ils avaient été réalisés par son entreprise.
Au contraire, les explications de la société Novalex, selon lesquelles, d’une part, son sous-traitant devait réaliser les travaux de cuvelage plusieurs mois plus tard, après la mise en charge du bâtiment aux deux tiers, et, d’autre part, elle a réalisé elle-même des travaux de cristallisation limités au niveau de la trémie de l’escalier et de la cuvette d’ascenseur avec des produits fournis par la société Etandex et sur ses préconisations, sont corroborées par la commande datée du 3 juin 2011, produite par la société Paris Pierre [Localité 5] 1, dont il ressort que le délai contractuel fixé pour les travaux sous-traités était fixé au 30 décembre 2011, que l’intervention du sous-traitant était « prévue en une intervention et en complément avec la fourniture pour traitement préalable avant la pose des escaliers en sous-sol » et que la société Etandex devait seulement « assister » la société Novalex « pour le traitement de la cage d’escalier du 3e sous-sol pour la cuvette d’ascenseur à partir du 08 06 2011 pour achèvement le 10 06 2011 ».
Ainsi, aucune violation par la société Novalex de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance n’est démontrée et la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à se prévaloir d’un manquement aux obligations de l’article 4.4 de la norme NF P.03-001.
De surcroît, aucune violation de ces dispositions légales postérieure à la mise en demeure du 8 juillet 2011 n’est alléguée et aucune circonstance ne permet de considérer que la réalisation du cuvelage était imminente.
Au contraire, la date de la mise en demeure et son préambule démontrent que cette lettre n’avait pas pour but d’éviter le recours à un sous-traitant non-agréé mais de répondre à une réclamation de la société Novalex reprochant à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 d’appliquer des pénalités et des retenues injustifiées sur les sommes dues en raison de l’état d’avancement du chantier ; de même, la résiliation prononcée le 3 août 2011, avait pour seul but de sanctionner l’entreprise, qui avait cessé d’intervenir sur le chantier faute d’avoir obtenu du maître de l’ouvrage la garantie de paiement imposée par l’article 1799-1 du code civil.
Ainsi, il est démontré que le but poursuivi par le maître de l’ouvrage était étranger à des fautes graves que l’entreprise aurait commises et que tant la mise en demeure que la résiliation ultérieure du marché étaient uniquement motivées par la volonté de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de ne pas payer à l’échéance le prix dû à la société Novalex et de s’exonérer de l’obligation imposée par les dispositions d’ordre public de l’article 1799-1 du code civil.
En conséquence, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à se prévaloir d’une résiliation unilatérale prononcée en application des dispositions de l’article 22.1.2.1 de la norme NF P.03-001.
La société Novalex est en revanche fondée à demander que cette résiliation soit prononcée aux torts exclusifs de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ; en effet, elle démontre qu’elle avait sollicité à plusieurs reprises de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 une garantie de paiement et que, par lettre recommandée du 16 mars 2011, son avocat avait mis expressément cette société en demeure de fournir la garantie de paiement prévue par l’article 1799-1 du code civil ; cette mise en demeure étant restée sans effet et l’entreprise n’étant pas payée, en application du troisième alinéa de cet article, elle pouvait légitimement surseoir à l’exécution du contrat à compter du 1er août 2011, conformément à sa lettre recommandée du 29 juillet 2011.
Il convient donc de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Paris Pierre [Localité 5] 1.
Sur le solde de prix
Le prix du marché initial
Il résulte des constatations de l’expert judiciaire qu’à la date de la résiliation du contrat les trois sous-sols avaient été réalisés et qu’il restait à exécuter des travaux de finition, que la structure en béton du rez-de-chaussée avait été réalisée et que la structure en béton du premier étage avait été partiellement réalisée ; l’expert a évalué à 593 720 euros hors taxes le prix des travaux réalisés par la société Novalex à la date du 31 juillet 2011 et le tribunal a retenu cette somme.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 demande que le prix des travaux soit réduit à la somme de 589 720 euros hors taxes au motif qu’elle n’a pas donné d’ordre de service pour des travaux supplémentaires d’un montant de 4 000 euros hors taxes.
Cependant, le tribunal a considéré à juste titre qu’il convenait d’inclure dans le prix dû à la société Novalex la somme de 4 000 euros hors taxes qualifiée par l’expert de « sujétions pompage », qui avait été acceptée par la société Paris Pierre [Localité 5] 1 au vu d’un devis de la société Novalex ainsi que cela résulte d’un échange de courriels des 8 et 9 février 2011, le maître de l’ouvrage écrivant alors à l’entreprise « je vous confirme notre accord sur votre devis ramené à 4 000 € HT ».
La société Novalex sollicite également, conformément aux conclusions de l’expert, une somme de 43 352 euros hors taxes en invoquant des plus-values liées à la perturbation du chantier avec perte de rendement, à la location d’un cantonnement, à la location d’un équipement électrique, à l’entretien des abords, aux droits de voirie, à l’agrandissement de l’ouvrage et à la reprise des plans.
Conformément à l’acte d’engagement du 15 octobre 2010, la société Novalex, qui avait pris connaissance des plans du projet et des pièces contractuelles, s’était engagée à réaliser les travaux de terrassement ‘ gros ‘uvre « pour la somme globale, forfaitaire, ferme et non révisable » de 1 130 000 euros hors taxes.
Toutefois, le cahier des clauses techniques particulières prévoyait en son article 3.2.3 la possibilité pour le maître de l’ouvrage de « diminuer la masse des travaux », jusqu’à une proportion d’un quart de la valeur totale du marché, et de « demander aux différentes entreprises la suppression totale ou partielle d’un ou plusieurs articles pour les remplacer par des fournitures ou des travaux d’un procédé plus intéressant à des conditions plus avantageuses », sans possibilité pour l’entreprise de demander aucune indemnité pour manque à gagner ou autre cause, et en imposant par avance les modalités de calcul de la moins-value en fonction des « quantités portées au détail du prix global à rectifier ».
Dès lors, la société Novalex fait valoir à juste titre que, nonobstant les termes de l’acte d’engagement, le contrat n’était pas un marché à forfait au sens de l’article 1793 du code civil.
Elle est donc fondée à demander que le prix de sa prestation soit fixé judiciairement en fonction des contraintes particulières auxquelles elle a été exposée et qui ont généré des coûts supplémentaires, sans que la société Paris Pierre [Localité 5] 1 soit fondée à lui opposer les dispositions de l’article ci-dessus ou les stipulations contractuelles se référant au caractère forfaitaire du marché.
Il résulte des constatations de l’expert que, en raison d’une modification de l’emprise décidée en cours de chantier, le bâtiment a donné lieu à un « agrandissement de 25 cm en plan » ; cet agrandissement a été décidé par le maître de l’ouvrage sans conclusion d’un avenant ; il a imposé une reprise de ses plans par la société Novalex et a entraîné un surcoût par rapport à ses prévisions initiales ; elle est donc fondée à solliciter les sommes de 1 500 et 8 701 euros telles qu’évaluées par l’expert.
Les parties ne contestent pas que les travaux de terrassement et de gros ‘uvre se sont heurtés à des difficultés imprévues liées à la découverte de réseaux publics (électricité et gaz) passant dans l’emprise du chantier et d’un débordement des fondations d’un immeuble voisin ; l’expert a considéré que ces difficultés étaient à l’origine d’une perte de rendement de 20 % et a ainsi évalué à la somme de 30 705 euros le coût de l’immobilisation du personnel, et aux sommes respectives de 550 euros, 345 euros, 60 euros et 1 491 euros les frais supplémentaires exposés au titre de la location du cantonnement, de l’installation électrique, de l’entretien des abords et des droits de voirie. Il convient de retenir l’évaluation faite par l’expert de l’immobilisation du personnel ; en revanche, s’agissant des frais supplémentaires, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 soutient à juste titre que la société Novalex ne justifie pas de la réalité des frais qu’elle aurait ainsi engagés et, si l’expert a fait une juste évaluation de leur majoration éventuelle, en l’absence de preuve de l’effectivité de la dépense, il ne peut être fait droit à la demande sur ce point.
En conséquence, la société Novalex est fondée à réclamer le paiement d’une somme complémentaire de [8 701 + 1 500 + 30 705] 40 906 euros hors taxes.
Les réseaux supplémentaires
La société Novalex sollicite le paiement d’une somme de 5 147 euros hors taxes au titre de travaux supplémentaires, au motif que le maître de l’ouvrage a modifié, en cours de chantier, la destination d’un local en sous-sol et sollicité la réalisation de réseaux enterrés pour de futurs aménagements sanitaires. Elle démontre avoir été informée, par lettre de la société Aretec du 23 mars 2011, que le maître d’ouvrage avait « demandé d’intégrer une fosse de relevage et ajouter les réseaux EU/EV complémentaires » et avoir été sollicitée pour l’établissement d’un devis concernant ces travaux supplémentaires. Son devis, d’un montant de 10 577,03 euros hors taxes, a été réduit à la somme de 5 147 euros hors taxes par la société Semo, maître d”uvre, qui l’a signé après y avoir apposé la formule « bon pour réalisation ».
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 reconnaît que ces réseaux ont été réalisés à sa demande, en précisant que la destination du local en sous-sol qu’ils devaient desservir était prévue dès l’origine ; elle s’oppose au paiement de la somme réclamée en invoquant le caractère forfaitaire du marché et l’absence d’avenant écrit.
Cependant, dans la mesure où le contrat n’était pas réellement un marché à forfait, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 1793 du code civil ; en outre, les documents mentionnés ci-dessus démontrent suffisamment que les plans fournis à l’entreprise ont été modifiés en cours de chantier afin de satisfaire la demande du maître de l’ouvrage ; l’accord préalable de celui-ci sur le prix des travaux complémentaires n’est pas une condition de validité du contrat ainsi conclu à sa demande et il résulte de l’intervention de la société Semo que le prix réclamé par la société Novalex n’est pas supérieur au coût effectif de la prestation supplémentaire qu’elle a réalisée.
Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de la société Novalex en paiement de la somme de 5 147 euros hors taxes.
Les reprises et finitions des ouvrages réalisés
Au vu d’un devis établi par la société SMTS, l’expert a évalué à un montant total de 185 890 euros hors taxes la déduction à opérer sur le prix dû à la société Novalex en raison du coût des travaux de reprise et de finition nécessaires sur les ouvrages qu’elle avait réalisés.
Cependant, l’expert a admis une objection de la société Novalex formulée par un dire du 14 mai 2013, selon laquelle l’inachèvement des murs du sas niveau -1, estimé à 9 040 euros, ne peut lui être imputé deux fois alors qu’il a été pris en compte dans le cadre de la vérification de ses situations de travaux ; la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ne conteste pas ce point, et il convient donc de déduire ce poste de la liste des travaux de reprise et de finition.
Par ailleurs, la société Novalex soutient à juste titre que la résiliation du marché ne lui est pas imputable et qu’il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir achevé ses travaux ; ainsi, la déduction à opérer au titre des travaux de finition inexécutés doit être évaluée en tenant compte du prix auquel la société Novalex s’était engagée et non au vu du devis d’une autre entreprise, le surcoût éventuel de l’intervention de celle-ci devant rester à la charge du maître de l’ouvrage qui a résilié le marché.
Sur ce point, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 fait valoir en vain que l’expert a déduit une somme totale de 37 972 euros seulement au titre des « travaux non réalisés et non facturés » alors qu’aucun élément ne permet d’imputer à l’entreprise un coût quelconque au titre des travaux qu’elle a été empêchée d’effectuer. La société Novalex est donc fondée à demander de déduire de l’évaluation faite par l’expert, au vu du devis de la société SMTS, la somme de 88 640 euros correspondant au surcoût lié à l’intervention d’un tiers après résiliation du marché initial.
En conséquence, il convient de fixer à [185 890 ‘ 9 040 ‘ 88 640] 88 210 euros hors taxes le coût des travaux de reprise et de finition nécessaires ; ce montant, qui correspond à une inexécution partielle des travaux et non à l’indemnisation d’un préjudice subi par la société Paris Pierre [Localité 5] 1, sera déduit du solde hors taxes du prix dû à la société Novalex ; à ce titre, celle-ci est mal fondée à soutenir que la société Paris Pierre [Localité 5] 1 peut seulement réclamer une indemnité correspondant à un coût hors taxes des travaux restant à exécuter.
Les frais du référé préventif
L’article 12.5.1 du cahier des clauses administratives particulières imposait à l’entreprise titulaire du lot gros ‘uvre de demander la désignation d’un expert judiciaire dans le cadre d’un référé préventif et « de prendre à sa charge tous les frais correspondants de procédure, d’avocats, de consignation, etc ».
Le tribunal a donc considéré à juste titre que la société Paris Pierre [Localité 5] 1 était fondée à réclamer à la société Novalex le remboursement de la somme totale de 20 306,61 euros correspondant aux frais exposés dans le cadre d’un référé préventif.
Les pénalités de retard
L’article 7.3 du cahier des clauses administratives particulières prévoit, si un retard dans l’exécution des travaux est constaté par le maître d”uvre, l’application d’une pénalité journalière égale à un millième du montant toutes taxes comprises du marché, soit, en l’espèce, 1 351,48 euros ; l’application de ces pénalités « est établie par le maître d”uvre auquel les entrepreneurs sont réputés s’en remettre sans réserve ».
Dans ses conclusions, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 soutient que « le maître d”uvre a retenu un retard de 91 jours » sans se référer à aucune pièce précise de son bordereau. Elle-même n’explicite pas ce retard et ne précise pas quand il aurait été constaté par le maître d”uvre ni comment celui-ci l’aurait évalué.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 produit, sous le n°98, un ensemble de lettres que la société Aretec aurait adressées à la société Novalex le 24 mars 2011, sans justifier cependant d’un envoi effectif, dont l’une mentionne que l’expéditeur aurait constaté « à ce jour un retard cumulé de plus de huit semaines dans l’avancement des travaux de Gros Oeuvre par rapport au planning contractuel » et informant le destinataire qu’il s’exposait à l’application des pénalités de retard stipulées dans son marché. Aucun élément ne vient corroborer ce document, lequel ne permet d’ailleurs pas de caractériser un retard de quatre-vingt-onze jours.
Les pièces versées aux débats démontrent au contraire que, jusqu’au certificat de paiement de mars 2011, signé le 25 mars 2011 par la société Aretec en qualité de maître d”uvre, aucune pénalité n’avait été infligée à la société Novalex ; à cette date, le maître d”uvre n’avait donc pas constaté de retard imputable à cette entreprise et justifiant de lui imputer des pénalités. En revanche, de telles pénalités ont été appliquées dès le certificat de paiement n°6, correspondant au mois d’avril 2011 mais soumis au maître de l’ouvrage seulement le 7 juin 2011 ; ce certificat a été établi par la société Semo en qualité de maître d”uvre et celle-ci a appliqué, sans autre précision, des pénalités d’un montant de 67 574 euros correspondant au maximum prévu par la norme NF P.03-001 à laquelle renvoie expressément la clause prévoyant les pénalités de retard.
Il se déduit des pièces ci-dessus que le maître d”uvre n’a jamais comptabilisé un quelconque retard imputable à l’entreprise titulaire du lot terrassement ‘ gros ‘uvre, et que des pénalités ont été infligées à celle-ci tardivement, alors qu’un différend l’opposait au maître de l’ouvrage, et sans aucune justification concrète.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 est dès lors mal fondée à se prévaloir de ce certificat de paiement et de ceux établis postérieurement pour prétendre que la maîtrise d”uvre avait régulièrement appliqué des pénalités de retard à la société Novalex, et, en l’absence de tout élément permettant d’imputer à la société Novalex les retards constatés dans l’exécution globale du chantier, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de pénalités.
Les frais supplémentaires de rabattement de la nappe phréatique
Selon l’article 3 du cahier des clauses techniques particulières, le rabattement de la nappe phréatique était prévu pour une période de quarante-cinq jours de pompage, afin de permettre à l’entreprise titulaire du lot gros ‘uvre de réaliser l’ensemble des travaux de fondations et réalisations du troisième niveau de sous-sol ; il était précisé que « dans l’hypothèse où l’entreprise titulaire du lot G.O. enregistre un retard lors de cette période de réalisation qui nécessiterait le maintien des opérations de pompage au-delà de cette période, les coûts supplémentaires liés au maintien des opérations de pompage seront supportés par le titulaire du lot G.O. ».
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 affirme, sans se référer à aucun élément de preuve, qu’en raison de l’important retard pris par la société Novalex lors de l’exécution des travaux de terrassement et des voiles, les opérations de rabattement ont été réalisées durant une période excédant quarante-cinq jours.
Il résulte seulement de la facture établie le 10 mai 2011 par la société Unimat que le forfait convenu initialement visait une période de quarante-cinq jours devant se terminer au début du mois d’avril 2011 et que cette société a facturé des sommes supplémentaires pour la période du 4 avril au 31 mai 2011 ; le certificat de paiement n°7, établi pour le mois d’avril 2011, se contente d’appliquer une retenue de 22 840 euros pour frais de pompage sans expliciter la cause de cette retenue.
Aucun élément ne démontre que la société Novalex a effectivement bénéficié d’une période de quarante-cinq jours durant laquelle les opérations de pompage ont été suffisantes pour lui permettre d’effectuer ses travaux de gros ‘uvre ; au contraire, elle démontre, par la production des compte-rendus de chantier et des documents échangés entre les intervenants à l’opération de construction, que le dispositif de rabattement prévu à l’origine était insuffisant ; ainsi, lors d’une réunion du vendredi 11 mars 2011, il a été décidé de réaliser des pointes filtrantes complémentaires pour rabattre la nappe et la société Novalex a été, de ce fait, contrainte d’arrêter ses travaux durant trois à quatre jours.
La stipulation du cahier des clauses techniques particulières selon laquelle « les travaux de rabattement de nappe décrit dans le CCTP sont à la charge du groupement d’entreprises » est sans effet à l’égard de la société Novalex, qui n’était pas membre d’un tel groupement, et la circonstance qu’elle devait assurer « la coordination de ses travaux avec ceux de rabattement de nappe réalisés par l’entreprise Unimat » ne permet pas de lui imputer l’inefficacité de l’intervention de cette entreprise.
Dès lors, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à réclamer à la société Novalex la prise en charge des opérations de pompage supplémentaires, lesquelles ne sont pas la conséquence d’un retard d’exécution des travaux de gros ‘uvre, mais de l’insuffisance des moyens de rabattement de la nappe mis en ‘uvre initialement.
Le repli tardif de chantier
L’article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières prévoyait une pénalité journalière égale à un millième du montant total du marché toutes taxes comprises « en cas de retard sur le repli de chantier ».
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 a résilié le contrat conclu avec la société Novalex par lettre du 3 août 2011 et a sommé l’entreprise de quitter le chantier. Il appartenait ainsi à la société Novalex de libérer le chantier de toute occupation, peu important le motif de la résiliation ; en outre, elle n’était pas fondée à se maintenir dans les lieux jusqu’au prononcé de son expulsion par le juge des référés.
En revanche aucune disposition ne fixait le délai dans lequel l’entreprise devait effectuer le repli de chantier et à l’issue duquel un retard pouvait être caractérisé ; en outre, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 soutient à tort que ce délai était contractuellement laissé à l’appréciation du maître d”uvre alors que l’article 7.4 mentionné ci-dessus ne contient aucune stipulation en ce sens.
Compte tenu de l’importance du chantier et des moyens mis en ‘uvre par la société Novalex, ainsi que des circonstances dans lesquelles la rupture est intervenue, alors que l’entreprise avait suspendu légitimement l’exécution de ses travaux, il convient de fixer à la fin du mois d’août le délai dont disposait cette entreprise pour libérer les lieux.
La société Novalex démontre par la production d’un procès-verbal de constat qu’à la date du 21 septembre 2011 elle avait retiré ses outils et son matériel et que les bungalows de chantier avaient été démontés ; elle justifie ainsi du repli de chantier effectué à cette date.
Le procès-verbal de constat établi le 23 septembre 2011 à la demande de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ne dément pas les constatations faites deux jours auparavant ; en effet, il ne mentionne la présence d’aucun matériel appartenant à la société Novalex et précise au contraire que « la totalité du cantonnement de chantier a été retirée » ; la circonstance que quatre personnes présentes sur le chantier ont déclaré à l’huissier qu’elles travaillaient pour la société Novalex, sans que ni leur identité ni leur activité ne soient précisées, ne permet pas de démentir utilement le fait que cette société avait libéré les lieux de toute occupation.
Le tribunal a donc alloué à juste titre des pénalités d’un montant de 28 381 euros à la société Paris Pierre [Localité 5] 1.
L’octroi de cette somme n’est pas subordonné à la démonstration d’un préjudice subi par la société Paris Pierre [Localité 5] 1 et la société Novalex, qui n’invoque aucun élément permettant d’affirmer que ce montant serait manifestement excessif, est mal fondée à en demander la réduction.
Les retards consécutifs à l’exécution des travaux de reprise et de finition
L’expert a estimé que les travaux de réfection et de finition des ouvrages avaient nécessité une période de trois mois ; il a cependant relevé que la société Novalex avait libéré le chantier le 21 septembre 2011 et que la date effective d’achèvement des travaux de gros ‘uvre, repris par la société SMTS, n’avait pas été portée à sa connaissance.
Contrairement à ce que soutient la société Paris Pierre [Localité 5] 1, l’expert n’a pas mis en évidence « d’importantes malfaçons » affectant les travaux réalisés par la société Novalex et n’a pas davantage caractérisé des fautes commises par celle-ci qui auraient nécessité des travaux de réfection importants ; outre les impacts des butons provisoires sur les murs périmétriques, les impacts des pointes filtrantes laissées en place dans ces murs, la présence de corbeaux en béton (supports des butons) contre les murs périmétriques et la nécessité de ragréer, qui relèvent d’un inachèvement du gros ‘uvre, l’expert a seulement relevé la présence divers éclats et défauts d’enrobage dans les angles au niveau -3, ainsi que des fissures en plancher haut du niveau -3 ; aucun élément ne permet de considérer que ces défauts mineurs ne pouvaient être repris dans le cadre des finitions normales du gros ‘uvre et sans augmentation du délai d’achèvement.
Dès lors aucune faute de la société Novalex à l’origine d’un retard d’achèvement du chantier n’est démontrée ; en outre, la société Paris Pierre [Localité 5] 1, qui a résilié le contrat sans juste motif, est mal fondée à réclamer une indemnisation au titre du délai qui a été nécessaire pour faire exécuter les reprises et les finitions par une autre entreprise.
Au surplus, l’existence d’un retard consécutif aux travaux de reprise n’est pas suffisamment démontrée par une simple estimation faite par l’expert, sans aucun élément objectif, faute pour la société Paris Pierre [Localité 5] 1 d’avoir fourni les éléments permettant d’évaluer de manière précise la durée de ces travaux et leur incidence sur le chantier.
Enfin, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à prétendre appliquer à la société Novalex, postérieurement à la résiliation du contrat, les pénalités prévues par le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans l’exécution des travaux.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 sera donc déboutée de sa demande d’indemnité au titre des retards consécutifs aux travaux de reprise et de finition.
Les paiements
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 soutient avoir payé à la société Novalex la somme de 484 668 euros alors que la société Novalex reconnaît avoir reçu seulement une somme de 474 668,20 euros.
Conformément à l’ancien article 1315 alinéa 2 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises par l’article 1353 alinéa 2 de ce code, il appartient à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de justifier du paiement qu’elle prétend avoir fait. Or elle ne démontre, ni même n’invoque, aucun autre règlement que ceux que la société Novalex reconnaît avoir reçus.
Il convient en conséquence de constater qu’elle s’est acquittée de la somme totale de 474 668,20 euros seulement.
Dès lors le compte entre les parties, au titre de l’exécution du contrat, s’établit comme suit.
Prix des travaux réalisés selon le marché initial : 589 720,00 euros
Sujétions pompage : 4 000,00 euros
Difficultés imprévues : 40 906,00 euros
Ajout de réseaux enterrés : 5 147,00 euros
Reprises et finitions des travaux réalisés : ‘ 88 210,00 euros
Prix total hors taxes : 551 563,00 euros
Taxe sur la valeur ajoutée : 108 106,35 euros
Prix toutes taxes comprises : 659 669,35 euros
Frais du référé préventif : ‘ 20 306,61 euros
Repli tardif de chantier : ‘ 28 381,00 euros
Paiements partiels : ‘ 474 668,20 euros
Total à déduire : ‘ 523 355,81 euros
Solde(659 669,35 ‘ 523 355,81) 136 313,54 euros
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 reste donc devoir à la société Novalex la somme de 136 313,54 euros toutes taxes comprises.
Sur les conséquences de la résiliation du contrat
La reconstruction des ouvrages démolis
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 réclame une somme de 14 475 euros correspondant au coût hors taxes de reconstruction d’une dalle de béton construite par la société Novalex pour la protection du trottoir et démolie lors de son départ du chantier.
Si la société Paris Pierre [Localité 5] 1 fait valoir à juste titre que cette partie des travaux avait été intégralement payée à la société Novalex, elle soutient à tort que les ouvrages démolis étaient sa « propriété » alors qu’il s’agissait seulement d’une occupation provisoire du domaine public en vertu d’une autorisation donnée à l’entreprise titulaire des lots terrassements et gros ‘uvre. En outre, elle ne justifie pas d’une quelconque autorisation d’occuper le domaine public qui aurait été délivrée à elle-même ou à une entreprise choisie pour poursuivre les travaux commencés par la société Novalex ; ainsi, celle-ci est fondée à soutenir qu’elle était tenue de mettre fin à l’occupation du domaine public, pour laquelle la commune lui avait délivré une autorisation qui avait été révoquée à compter du 29 septembre 2011, et la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à lui reprocher de n’avoir pas poursuivi illicitement une telle occupation.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1 sera donc déboutée de sa demande d’indemnisation au titre de la remise en état du domaine public par la société Novalex.
Le retard pour remise en état des installations de chantier
Ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, il résulte du rapport d’expertise que le retard pris par la société SMTS dans l’installation de chantier à la suite du départ de la société Novalex n’est pas la conséquence de faits commis par celle-ci mais d’un manque de planification par la nouvelle entreprise.
Par ailleurs, à compter de la résiliation de son contrat, la société Novalex n’avait aucune obligation de conserver un contrat de fourniture d’électricité pour les besoins du chantier et la société Paris Pierre [Localité 5] 1 lui reproche donc à tort d’avoir résilié le contrat souscrit précédemment, alors qu’il appartenait à la nouvelle entreprise d’accomplir les démarches nécessaires à la poursuite des travaux. En outre, il résulte des propres explications de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 que, dès la résiliation du marché de travaux, la société Novalex l’a informée qu’elle résilierait le contrat de fourniture d’électricité ; le maître de l’ouvrage était donc informé bien avant le 27 septembre 2011 de la nécessité de souscrire un nouveau contrat avec le fournisseur d’électricité et la circonstance que ce contrat a pris effet le 25 octobre suivant est sans lien avec une faute de l’entreprise dont le marché avait été résilié, qui n’était tenue d’aucune autre obligation particulière que celle de quitter le chantier dans les plus brefs délais, et à laquelle la société Paris Pierre [Localité 5] 1 reproche à tort d’avoir « démonté les installations en ôtant le raccordement ERDF », alors même qu’elle l’avait sommée de quitter les lieux en exigeant qu’elle fasse « place nette », à la seule exception de la grue,
Enfin, la société Paris Pierre [Localité 5] 1 est mal fondée à invoquer le retard résultant de la démolition de la dalle de protection du trottoir, alors que cette démolition était dépourvue de caractère fautif, et que le retard invoqué est en réalité la conséquence d’une carence dans la planification de la reprise du chantier, faute d’obtention en temps utile d’une nouvelle autorisation d’occupation du domaine public.
Le coût du maintien des installations
Sauf la grue, au démontage de laquelle la société Paris Pierre [Localité 5] 1 s’est opposée, la société Novalex ne rapporte aucune preuve d’une opposition de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 à l’enlèvement des installations de chantier ; au contraire, le maître de l’ouvrage a sollicité en référé l’expulsion de l’entreprise de gros ‘uvre.
Dès lors, il n’y a pas lieu d’allouer à la société Novalex une somme supérieure aux frais de location de la grue dont elle justifie, soit la somme de 6 410,56 euros qu’elle démontre avoir payée en pure perte pour les mois d’août et septembre 2011.
Les dernières conclusions de la société Novalex ne saisissent pas la cour d’autres demandes au titre des préjudices consécutifs à la résiliation du marché, et la société Paris Pierre [Localité 5] 1 fait donc valoir à juste titre que la cour n’est pas saisie d’une demande relative à la perte de marge de l’entreprise.
Sur les dépens et les autres frais
Conformément à la demande de la société Novalex, il convient de partager les dépens de première instance et les frais d’expertise par moitié entre les parties.
La société Paris Pierre [Localité 5] 1, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code.
Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l’espèce justifient de condamner la société Paris Pierre [Localité 5] 1 à payer à la société Novalex une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l’occasion de la présente instance ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre, tant pour la première instance que pour l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
Vu l’arrêt rendu par cette cour le 24 septembre 2018 ;
Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 4 mars 2021 ayant cassé partiellement l’arrêt ci-dessus ;
ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/3898 et 21/3911 avec celle précédemment enrôlée sous le numéro 21/3098 ;
DÉCLARE irrecevable la demande de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 tendant au paiement d’une indemnité en réparation du préjudice financier consécutif au maintien abusif de la garantie de paiement ;
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
1) constaté la résiliation du marché de travaux liant la société Paris Pierre [Localité 5] 1 et la société Novalex sur le fondement des dispositions de l’article 22.1.2.1 de la norme NF P.03-001,
2) condamné la société Novalex à payer à la société Paris Pierre [Localité 5] 1 la somme de 147 556,87 euros à titre de dommages et intérêts,
3) débouté la société Novalex de ses demandes en paiement,
4) condamné la société Novalex aux dépens et au paiement d’une indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau,
DÉBOUTE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de sa demande tendant à faire constater la résiliation du marché aux torts de la société Novalex en application de l’article 22.1.2.1 de la norme NF P.03-001 ;
DIT que la résiliation est intervenue aux torts de la société Paris Pierre [Localité 5] 1 ;
CONDAMNE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 à payer à la société Novalex la somme de 136 313,54 euros au titre du solde du prix du marché ;
CONDAMNE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 à payer à la société Novalex la somme de 6 410,56 euros au titre des frais de location de la grue durant deux mois ;
DÉBOUTE la société Novalex du surplus de ses demandes au titre des frais de maintien des installations ;
DÉBOUTE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la remise en état des installations de chantier et du retard dans la reprise du chantier ;
PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de première instance ainsi que les frais d’expertise ;
DÉBOUTE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 de sa demande d’indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance ;
Ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE la société Paris Pierre [Localité 5] 1 aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société Novalex une indemnité de 3 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,