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22 septembre 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/01611
N° RG 21/01611 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IX3K
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2018J00838
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BERNAY du 25 Mars 2021
APPELANTES :
Madame [H] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
S.A.S. DELAMARE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
S.A.R.L. LV AUTOS 27
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentées par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistées par Me Delphine BOISANFRAY de la SELARL DELPHINE BOISANFRAY AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Claire BROUILLER de la SELARL CLB AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, plaidant
INTIMEE :
S.A.R.L. GARAGE NORMANDY [M]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Nathalie TIMOTEI de la SELARL TIMOTEI ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 Mai 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
M. MANHES, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 25 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 22 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Mme FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
La société Garage Normandie [M] a son siège social à [Localité 3] et y exerce une activité de garage et de négoce automobile.
Courant avril 2011, elle a signé avec la SAS Delamare, concessionnaire de la marque Peugeot, dont la dirigeante est Mme [G], un contrat lui conférant le statut « d’agent Peugeot ».
Souhaitant partir à la retraite, M. [M], dirigeant de la société Garage Normandy [M], a entamé des pourparlers courant 2016 avec Mme [G] afin de céder son fonds de commerce qui était évalué à 343 000 euros à l’époque.
Mme [G] a offert le prix de 80 000 euros à M. [M] pour son fonds le 30 mai 2016, ce qu’il a refusé.
Le 16 juin 2016, Mme [G] a complété son offre en proposant 380 000 euros pour l’immeuble, ce que M. [M] a refusé.
Le 6 juillet 2016, Mme [G] a offert 150 000 euros pour le fonds et 420 000 euros pour l’immeuble et cette offre a été acceptée le 16 septembre 2016.
Invoquant la caducité de cette offre, Mme [G] l’a retirée le 7 novembre 2016.
Le 30 novembre 2016, la SAS Delamare a notifié à la société Garage Normandy [M] la résiliation de ses deux contrats « d’agent Peugeot » et d’apporteur d’affaires pour le 30 novembre 2018.
Dans les mois suivants, la société Garage Normandy [M] a constaté la construction d’un immeuble sur un terrain voisin sur lequel était implanté un panneau d’affichage mentionnant « construction d’une agence Peugeot-Citroën » ainsi que l’implantation de plusieurs panneaux publicitaires à proximité de son commerce mentionnant l’ouverture prochaine d’une nouvelle agence Peugeot.
La société Garage Normandy [M] déclare que du fait de cette concurrence, elle a subi une désaffection de sa clientèle et a dû se résoudre à vendre à perte son fonds pour le prix de 50 000 euros.
M. [M] déclare avoir appris que cette nouvelle agence Peugeot était exploitée par la SARL LV Autos 27 dont la dirigeante est Mme [G], que cette dernière avait constitué le 27 octobre 2016 une société civile immobilière en vue de l’acquisition d’un terrain voisin et qu’elle avait inauguré son nouveau garage en invitant les clients de la société Garage Normandy [M] dont elle connaissait l’existence par l’exploitation d’un fichier client que M. [M] lui avait communiqué lors des négociations en vue de lui céder la société Garage Normandy [M].
Estimant que Mme [G] avait commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et que les offres d’achat n’avaient constitué qu’une mise en scène destinée à obtenir des informations confidentielles permettant de capter sa clientèle, la société Garage Normandy [M] a fait assigner Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 devant le tribunal de commerce de Bernay en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal de commerce de Bernay a :
-reçu la société Garage Normandy [M] en ses demandes, les a déclaré partiellement fondées,
-dit que Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 se sont rendues coupables d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l’encontre et au préjudice de la société Garage Normandy [M],
En conséquence,
-rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice moral,
-condamné solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à indemniser la société Garage Normandy [M] à hauteur de la somme de 100.000 euros au titre du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce,
-rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice d’image,
-ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
-débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
-condamné solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SELARL Timotei & Associés, ceux visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 63,36 euros et à payer sous la même solidarité à la société Garage Normandy [M] la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 avril 2021.
EXPOSE DES PRETENTIONS :
Vu les conclusions du 12 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de Mme [G], la SARL LV Autos 27 et la SAS Delamare qui demandent à la cour de :
-recevant Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 en leur appel,
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bernay du 25 mars 2021 en ce qu’il a :
-rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice moral,
-rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice d’image,
-en conséquence, débouter la société Garage Normandy [M] de son appel incident,
-réformer le jugement du tribunal de commerce de Bernay du 25 mars 2021 en ce qu’il a :
-condamné solidairement Mme [V], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à indemniser la société Garage Normandy [M] à hauteur de la somme de 100.000 euros au titre du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce,
-condamné solidairement Mme [V], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à régler à la société Garage Normandy [M] la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance,
Statuer à nouveau et :
-débouter la société Garage Normandy [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner la société Garage Normandy [M] au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Garage Normandy [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
-dire et juger que le préjudice subi par la société Garage Normandy [M] constitue une perte de chance de vendre son fonds de commerce à un prix supérieur,
-réformer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à indemniser la société Garage Normandy [M], à hauteur de la somme de 100 000 euros titre du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce,
Statuer à nouveau et :
-réduire le montant de l’indemnisation à une somme à déterminer par la cour d’un montant maximum de 25.000 euros,
-condamner la société Garage Normandy [M] au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Garage Normandy [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les appelantes soutiennent que :
– les deux offres initiales d’achat adressées à M. [M] ayant été refusées, Mme [G] a offert d’acquérir le fonds et l’immeuble aux prix de 150 000 et de 420 000 euros le 6 juillet 2016, l’acceptation de M. [M] devant intervenir avant le 27 juillet 2016, date au-delà de laquelle l’offre devait être considérée comme caduque ;
– c’est à la demande de la société Peugeot qui entendait révoquer tous les contrats « d’agent Peugeot » que le contrat liant la société Garage Normandy [M] a la société Peugeot a été révoqué ;
– Mme [G] étant intéressée par l’emplacement occupé par la société Garage Normandy [M] a entendu concurrencer cette dernière par des moyens loyaux alors que la société Garage Normandy [M] ne bénéficiait d’aucune exclusivité géographique ;
– elles contestent avoir jamais commis un quelconque acte de concurrence déloyale et avoir jamais commis aucune faute ;
– elles affirment que la société Garage Normandy [M] ne justifie pas des actes déloyaux qu’elle leur impute ;
– le fait que la SARL LV Autos 27 ait indiqué être un nouvel « agent Peugeot » alors que ce statut avait été supprimé par la société Peugeot pour être remplacé par celui de « réparateur agréé », statut auquel aurait pu prétendre la société Garage Normandy [M] si elle avait satisfait à ses critères, ne constitue pas une usurpation de titre ;
– les prétendus préjudices allégués par la société Garage Normandy [M] ne sont pas démontrés et certains font double emploi ;
– la société Garage Normandy [M] sollicite l’indemnisation d’une parte de chance qu’elle évalue à 100% ce qui est légalement impossible.
Vu les conclusions du 13 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SARL Garage Normandy [M] qui demande à la cour de :
-déclarer la société Garage Normandy [M] bien-fondée en son appel incident partiel,
Y faisant doit :
-réformer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté la société Garage Normandy [M] en ses demandes suivantes et, en conséquence :
-condamner solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à indemniser la société Garage Normandy [M] du préjudice subi de ce fit et, plus particulièrement, réformant le jugement du tribunal de commerce de Bernay, les condamner solidairement à payer à la société Garage Normandy [M] :
-la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d’image subi,
-la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral subi,
-confirmant le jugement de première instance :
-déclarer Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 solidairement coupables de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice de la société Garage Normandy [M],
-confirmant le jugement déféré :
-principalement : condamner solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à payer à la société Garage Normandy [M] la somme de 100 000 euros au titre de la dépréciation du fonds,
-subsidiairement : constater l’existence d’une perte de chance de 100% et condamner solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à payer à la société Garage Normandy [M] la somme de 100 000 euros au titre de la dépréciation du fonds,
-condamner solidairement Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 à payer à la société Garage Normandy [M] la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’affaire.
la société Garage Normandy [M] soutient que :
– Mme [G] et ses sociétés lui ont fait croire qu’elles étaient intéressées par l’achat de son fonds de commerce et ont obtenu des informations confidentielles ;
– dans le même temps alors que les négociations étaient en cours, Mme [G] a constitué une société civile immobilière qui a acquis un terrain situé au voisinage de la société Garage Normandy [M] ;
– elle a dénoncé son offre d’acquisition alors qu’elle avait été acceptée puis a dénoncé le contrat « d’agent Peugeot » dont bénéficiait la société Garage Normandy [M] ;
– elle a implanté un nouveau garage au voisinage de la société Garage Normandy [M] en se prévalant inexactement de sa qualité de nouvel « agent Peugeot » alors que ce statut n’existait plus ;
– elle a utilisé le fichier client de la société Garage Normandy [M] que cette dernière lui avait communiqué lors de la négociation sur l’achat du fonds de commerce et a procédé à l’invitation des clients de la société Garage Normandy [M] lors de l’inauguration du nouveau garage alors qu’elle avait signé un accord de confidentialité;
– l’affichage des informations relatives au permis de construire a été tronqué afin d’interdire à M. [M] d’exercer un quelconque recours ;
– Mme [G] a cherché à entretenir une confusion entre le nouveau garage et le garage de la société Garage Normandy [M] ;
– du fait de l’existence de faits de concurrence déloyale, lesquels sont nécessairement préjudiciables, elle est en droit d’obtenir l’indemnisation de son préjudice d’image, de son préjudice moral et de son préjudice financier portant sur la perte de la valeur du fonds de commerce ;
– si le préjudice portant sur cette perte de valeur devait être qualifié de perte de chance, celle-ci serait égale à 100%.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.
MOTIVATION DE LA DECISION :
La chronologie des faits pertinents quant à la solution du litige telle qu’elle résulte des pièces versées aux débats est la suivante :
– par contrat « d’agent à durée déterminée » du 14 avril 2011, la SAS Delamare, concessionnaire Peugeot, a conféré à la société Garage Normandy [M] le droit non-exclusif d’assurer le service après-vente des véhicules Peugeot à [Localité 3] (pièce n° 9 de Mme [G]) ;
– par une première lettre d’intention du 30 mai 2016, Mme [G] a offert à la société Garage Normandy [M] et à son dirigeant, M. [M], d’acquérir le fonds de commerce exploité par la société Garage Normandy [M] au prix de 80 000 euros, Mme [G] ayant stipulé une clause de confidentialité dans cette même lettre; il n’est pas contesté que cette offre a été refusée ;
– par une deuxième lettre du 16 juin 2016, Mme [G] a offert en outre d’acquérir l’immeuble au prix de 380 000 euros ; il n’est pas contesté que cette offre a été refusée ;
– par une dernière lettre du 6 juillet 2016, Mme [G] a porté son offre à 150 000 euros pour le fonds de commerce et à 420 000 euros pour l’immeuble en précisant à l’article XVIII que la confirmation écrite d’acceptation devait lui être retournée avant le 27 juillet 2016 « date au-delà de laquelle les présentes seront considérées comme nulles et non avenues » (pièce n° 3 de Mme [G]) ;
– cette dernière offre a été acceptée par la société Garage Normandy [M] selon lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2016 (pièce n° 5 de Mme [G]) après que la société Garage Normandy [M] a sollicité le report de la date du 27 juillet pour cause de congés selon courrier du 27 juillet 2016 (pièce n° 17 de la société Garage Normandy [M]) ;
– selon acte du 27 octobre 2016, les statuts de la société civile immobilière Bosevilla ont été établis par Mme [G] et son fils mineur, ladite société ayant été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bernay le 10 novembre 2016 (pièces n° 23 et 24 de la société Garage Normandy [M]) ;
– la société civile immobilière Bosevilla est celle qui a fait construire à proximité des locaux de la société Garage Normandy [M] un nouveau garage Peugeot-Citroën selon permis de construire du 9 décembre 2016 (pièce n° 10 de Mme [G]) ;
– par courrier du 7 novembre 2016, Mme [G] s’est prévalue de la caducité de son offre du 6 juillet 2016 et a notifié à la société Garage Normandy [M] son intention de ne pas poursuivre le projet d’acquisition du fonds de commerce (pièce n° 6 de Mme [G]) ;
– par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2016, la société Peugeot a notifié à la SAS Delamare, son concessionnaire, qu’elle entendait réorganiser ses services en mettant fin au système des « agents Peugeot » remplacés par la catégorie unique des « réparateurs agréés » et qu’elle lui demandait de procéder à la résiliation, avec un préavis de deux ans, de tous les contrats « d’agents Peugeot » qu’elle avait pu conclure (pièce n° 7 de Mme [G]) ;
– par courrier du 30 novembre 2016 (pièce n° 21 de la société Garage Normandy [M]), la société Garage Normandy [M] a résilié le contrat « d’agent Peugeot » signé avec la société Garage Normandy [M] avec un préavis de deux ans ;
– le 20 décembre 2016, la SARL LV Autos 27 dont la dirigeante est Mme [G] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bernay et il n’est pas contesté que cette société exerce une activité similaire et directement concurrente de celle de la société Garage Normandy [M] en qualité d’ « Agence Peugeot Citroën » ;
– après avoir fait poser divers panneaux publicitaires mentionnant l’ouverture d’une nouvelle agence Peugeot Citroën dans le voisinage de la société Garage Normandy [M], la SARL LV Autos 27 a inauguré ses locaux le 24 novembre 2017 en invitant notamment l’un des clients de la société Garage Normandy [M] (pièces n° 10, 11, 28 de la société Garage Normandy [M]).
Il appartient à la société Garage Normandy [M] qui allègue l’existence de faits de concurrence déloyale et de parasitisme de les démontrer.
La société Garage Normandy [M] affirme que Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 ont commis divers de ces faits et il convient de les examiner successivement.
1°) la connaissance par Mme [G] d’informations confidentielles :
La société Garage Normandy [M] soutient que les négociations en vue de l’achat de son fonds de commerce ont permis à Mme [G]’obtenir les informations confidentielles sur sa situation et que Mme [G] les a exploitées de façon déloyale et contrairement à l’engagement figurant dans ses lettres d’intention en :
– démarchant tous les clients figurant sur le fichier qui lui a été communiqué par la société Garage Normandy [M], clients qui ont été invités lors de l’inauguration des locaux de la SARL LV Autos 27 ;
– choisissant de bénéficier de l’image favorable de la société Garage Normandy [M] en s’installant à proximité ;
– usurpant son identité en s’appropriant faussement la qualité de « nouvel agent Peugeot » alors que seule la société Garage Normandy [M] bénéficiait de cette qualité dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres ;
– utilisant les données comptables lui permettant de se faire une idée précise du potentiel commercial de l’emplacement.
La cour constate toutefois qu’il n’est rapporté la preuve d’aucune liste des documents et fichiers informatiques qui auraient été transmis par la société Garage Normandy [M] à Mme [G] lors des négociations du rachat du fonds de commerce de l’intimée et qu’il n’est pas rapporté la preuve que la société Garage Normandy [M] a transmis son fichier client à Mme [G].
Par ailleurs, si la société Garage Normandy [M] affirme que l’ensemble de sa clientèle a été conviée à l’inauguration des nouveaux locaux de la SARL LV Autos 27, elle ne justifie pas de cette allégation, la cour constatant que parmi les six attestations versées aux débats par la société Garage Normandy [M] émanant de certains de ses clients, seul M. [O] (pièce n° 29) affirme avoir été invité à l’inauguration des locaux de la SARL LV Autos 27 tandis que les cinq autres (MM. [X], [T], [R], [B] et [Z]) ne le mentionnent pas.
Il s’ensuit que la société Garage Normandy [M] ne démontre pas que son fichier client ni aucune autre information confidentielle ont été transmis à Mme [G] et qu’ils ont été utilisés par cette dernière à son insu, l’invitation de M. [O] étant insuffisante pour démontrer ces points.
2°) la constitution par Mme [G] d’une société civile immobilière destinée à acquérir un terrain voisin de celui de la société Garage Normandy [M] alors que les négociations pour le rachat de son fonds de commerce étaient en cours.
Il résulte de la lecture de la lettre d’intention du 6 juillet 2016 émanant de Mme [G] que son offre devait être expressément acceptée par écrit avant le 27 juillet 2016 et qu’au-delà de cette date, l’offre était considérée comme nulle et non avenue.
Si la société Garage Normandy [M] a sollicité, par écrit du 27 juillet 2016 la prorogation de cette date limite, elle n’allègue pas avoir reçu une réponse positive de Mme [G] sur ce point.
Il s’ensuit que Mme [G] était en droit de ne tenir aucun compte de l’acceptation qui a été finalement donnée par la société Garage Normandy [M] le 16 septembre 2016, bien après l’expiration de la date limite et pouvait légitimement considérer qu’à compter du 28 juillet 2016, les négociations en vue du rachat étaient achevées.
Ayant retrouvé sa liberté et alors qu’elle pouvait légitimement chercher à concurrencer la société Garage Normandy [M] qui n’avait pas donné suite à son offre d’achat et qui ne bénéficiait d’aucune exclusivité territoriale, aucune faute ne peut être imputée à Mme [G] lorsque le 27 octobre 2016, elle a constitué avec son fils la société civile immobilière qui a acquis le terrain sur lequel la SARL LV Autos 27 a implanté son commerce.
A cet égard, il n’existe dans les dossiers remis par les parties aucune stipulation contractuelle interdisant à Mme [G], à la SAS Delamare et à la SARL LV Autos 27 de s’implanter à proximité de la société Garage Normandy [M], de la concurrencer directement, de chercher à s’emparer de la clientèle de cette dernière en lui proposant des services identiques et en implantant des panneaux publicitaires informant cette clientèle.
3°) la dénonciation à la dernière minute l’offre d’achat du 16 septembre 2016 :
Il vient d’être dit que l’offre faite par Mme [G] étant limitée dans le temps et l’acceptation de cette offre étant intervenue postérieurement à la date limite, Mme [G] était en droit de n’en tenir aucun compte.
4°) la dénonciation du contrat « d’agent Peugeot » du Garage Normandy [M] par la SAS Delamare :
La SAS Delamare ayant versé aux débats le courrier que lui a adressé son concédant, la société Peugeot, lui intimant l’ordre de procéder à cette dénonciation, celle-ci ne peut lui être imputée à faute.
5°) l’agressivité de la campagne d’affichage au voisinage immédiat de la société Garage Normandy [M] :
Le fait d’implanter des panneaux publicitaires à proximité de la société Garage Normandy [M] ne constitue pas un acte de déloyauté à l’égard de cette dernière rendant illégitime l’acte de concurrence considéré.
Dès lors que la société Garage Normandy [M] ne bénéficiait d’aucune exclusivité géographique, la SARL LV Autos 27 était en droit de s’implanter à proximité de ses locaux et d’aviser la clientèle par toute publicité adéquate.
6°) le fait de s’être prévalue de la qualité de « Futur agent Peugeot » ou de « Nouvel agent Peugeot » alors que cette qualité avait été supprimée par la société Peugeot et qu’elle laissait à penser que la société Garage Normandy [M] avait perdu cette qualité:
La cour constate que la société Garage Normandy [M] a versé aux débats une copie d’écran du site internet « https://Concessions.peugeot.fr » (pièce n° 22) et que ce site renvoie expressément, s’agissant de la commune de [Localité 3], à la SARL LV Autos 27 qualifiée « d’agent » de la marque.
Il s’ensuit que la société Peugeot, manifestement éditrice de ce site, a bien considéré que la SARL LV Autos 27 faisait partie de son réseau.
Il importe peu que dans les rapports entre la société Peugeot et la SARL LV Autos 27, la qualité « d’agent Peugeot » n’existe plus dès lors que l’expression « agent Peugeot », dans le langage courant, signifie que le garage concerné fait bien partie du réseau du constructeur et qu’il est lié d’une façon quelconque avec lui.
En se prévalant de cette qualité future, qui a manifestement été obtenue, alors que la société Garage Normandy [M] en bénéficiait également jusqu’à fin novembre 2018, ce qui n’a jamais été contesté par la SARL LV Autos 27 dans ses publicités, la SARL LV Autos 27 n’a pas commis un acte de concurrence déloyale à son égard.
7°) le fait d’avoir entretenu durant la construction de l’immeuble immédiatement voisin de celui de la société Garage Normandy [M] une confusion d’identité entre les deux garages :
Il a déjà été dit que la société Garage Normandy [M] ne bénéficiant d’aucune exclusivité géographique, la SARL LV Autos 27 était en droit de s’implanter à proximité de ses locaux et d’aviser la clientèle par toute publicité adéquate.
8°) la dissimulation par la SARL LV Autos 27 de son identité pendant les travaux de construction ayant interdit à la société Garage Normandy [M] de contester le permis de construire faute d’affichage suffisant :
La SARL LV Autos 27 a versé aux débats un constat d’huissier établi le 1er mars 2017 par Me [Y] aux termes duquel le chantier considéré comportait l’affichage d’un panneau indiquant que le permis de construire correspondant avait été délivré le 9 décembre 2016 à la SCI Bosevilla et qu’il avait pour objet la construction d’une agence automobile Peugeot-Citroën.
Les indications étant conformes aux dispositions des articles 424-15 et suivants du code de l’urbanisme, le moyen soulevé par la société Garage Normandy [M] manque en fait.
La société Garage Normandy [M] échouant à démontrer que la concurrence que lui ont menée Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 a procédé de moyens déloyaux, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice moral et rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice d’image.
Il sera infirmé pour le surplus et les demandes formées par la société Garage Normandy [M] contre Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bernay en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice moral et rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société Garage Normandy [M] au titre du préjudice d’image ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute la société Garage Normandy [M] de toutes ses demandes formées contre Mme [G], la SAS Delamare et la SARL LV Autos 27 ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Garage Normandy [M] aux dépens de la procédure de première instance et de ceux d’appel avec droit de recouvrement direct accordé à la SELARL Gray Scolan ;
Condamne la société Garage Normandy [M] à payer à Mme [G], à la SAS Delamare et à la SARL LV Autos 27 solidairement la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE