Affichage publicitaire : 8 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03596

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8 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/03596

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2023

N° 2023/ 112

N° RG 22/03596

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJAR7

S.A.R.L. SOCIETE D’ART [W]

C/

[H] [V] épouse [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe JANIOT

Me Michel GOUGOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 13 Mars 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/02314.

APPELANTE

SARL Société D’ART [W],

représentée par son gérant en exercice Monsieur [O] [W] et associé unique domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Philippe JANIOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [H] [V] épouse [X]

née le 07 Février 1959 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Michel GOUGOT, membre de la SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé en date du 26 novembre 1986 à AIX EN PROVENCE, Mme [H] [V] épouse [Z] a consenti un bail commercial à la SARL SOCIETE D’ART [W] sur un local commercial situé au rez-de-chaussée de l’immeuble [Adresse 3] et comprenant :

– une pièce de 30 m2, donnant sur la rue Cardinale, éclairée par deux fenêtres

-une pièce de 25 m2, donnant sur le jardin, éclairée par une baie

-un hall d’entrée avec porte à deux battants donnant sur le vestibule de 7m2 environ

-une pièce obscure de 5 m2 environ, un wc

-une cuisine formant construction indépendante, mais attenante, de 10m2 environ, éclairée d’une fenêtre donnant sur le jardin ( dans cette cuisine se trouve la chaudière du chauffage central)

-un jardin de 200m2 environ, avec bassin en pierre en son centre

-un sous-sol, la moitié indivise en commun avec le premier étage, d’un compartiment de cave et un autre compartiment de cave, n°2 du plan annexé au règlement de copropriété.

Ce bail a été consenti pour une durée de 9 années du 1er décembre 1986 au 30 novembre 1995, moyennant un loyer initial de 3000 F par mois payable mensuellement et d’avance révisable tous les trois ans en fonction de l’indice du coût de la construction. Le tout moyennant diverses conditions reprises dans le bail.

Par un deuxième acte sous seing privé à [Localité 5] du 9 avril 1989, ce bail a été reconduit à compter du 1er avril 1999 pour 9 années, soit jusqu’au 31 mars 2008, le loyer étant fixé annuellement à la somme de 48 000 F, une indexation annuelle étant prévue le 1er avril de chaque année en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction et pour la première fois le 1er avril 2000.

Ce bail a expiré le 31 mars 2008. Depuis cette échéance, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

En vertu des dispositions de l’article L145-34 du Code de Commerce, la règle du plafonnement n’étant plus applicable puisque le bail par l’effet de la tacite reconduction a excédé 12 années, par exploit du 29 septembre 2011 réitéré le 28 novembre 2013, Mme [H] [V] épouse [Z] a signifié à la SARL SOCIETE D’ART [W] un congé commercial avec offre de renouvellement du bail mais à l’exception du prix du loyer pour lequel il était réclamé:

-le nouveau montant du loyer déplafonné pour 19420 euros par an, payable dans les conditions du bail initial et de son avenant.

La SARL SOCIETE D’ART [W] n’a pas répondu à ce mémoire.

Par acte du 8 avril 2014, Mme [H] [V] épouse [Z] a assigné la SARL SOCIETE D’ART [W] pour:

-voir fixer le loyer annuel à la somme de 19420 euros hors taxes et hors charges à compter du 31 mars 2011

-A titre subsidiaire, voir ordonner une expertise

En tout état de cause voir condamner la SARL SOCIETE D’ART [W] à lui payer la somme de 3000 euros à titre d’indemnité pour frais de défense par application de l’article 700 du code de Procédure Civile

-voir ordonner l’exécution provisoire.

Par ordonnance en date du 6 juillet 2015, le juge des loyers a fixé au 30 juin 2014 la date de

renouvellement du bail et avant dire droit sur le montant du loyer et les autres demandes des parties, a ordonné une mesure d’expertise.

Mme [N], expert désigné, a déposé son rapport le 1er juin 2016.

Par jugement rendu le 13 mars 2017, le Tribunal, considérant que la vétusté des locaux était la conséquence du manque d’entretien du preneur durant 30 ans, qu’une majoration de la valeur locative de 10% devait être retenue pour destination élargie du bail, qu’il convenait de retenir deux éléments de minoration (absence d’ouverture directe des locaux sur la voie publique, non rénovation des parties communes), a :

– Fixé à la somme annuelle de 19600 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2014 le montant du loyer dû par la SARL SOCIETE D’ART [W] à Mme [H] [V] épouse [Z] au titre du bail commercial du 26 novembre 1986 renouvelé le 30juin 2014 portant sur un local sis [Adresse 3] ;

– Dit sur la différence entre le loyer ainsi fixé et le loyer effectivement payé produira intérêts au taux légal à compter de la date de chaque échéance conformément à l’article 1155 du Code Civil ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Rejeté toute autre demande ;

– Fait masse des dépens de la présente procédure en ce compris le coût de l`expertise et dit que chaque partie en supportera la moitié.

Suite à appel de la SARL SOCIETE D’ART [W], la présente cour d’appel dans un arrêt du 22 octobre 2020, adoptant les motifs pertinents du premier juge, a:

EN LA FORME :

– DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de la SOCIETE D’ART [W] tendant à voir déclarer nul le jugement du 13 mars 2017 pour violation des dispositions de l’article R 145-3 1 du code de commerce étant précisé que s’agissant d’une irrégularité formelle cette prétention aurait dû être soulevée in limine litís devant le premier juge,

A U FOND :

– CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,

Y ajoutant,

– DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

– LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel.

En conséquence du pourvoi en cassation formé par la SARL SOCIETE D’ART [W], la cour de cassation dans un arrêt du 12 janvier 2022 a cassé et annulé, sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande de la société d’ART [W] tendant à voir déclarer nul le jugement du 13 mars 2017, l’arrêt rendu le 22 octobre 2020 entre les parties par la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE.

Elle a renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE autrement composée.

Elle considère qu’en se bornant à adopter les motifs du jugement sans examiner les nouveaux éléments de preuve qui lui étaient pour la première fois proposés, la cour d’appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile.

La société D’ART [W] a par déclaration en date du 10 mars 2022 saisi la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE désignée comme cour de renvoi.

Mme [H] [X] a par déclaration en date du 17 mars 2022 saisi la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE désignée comme cour de renvoi.

Une jonction des procédures a été ordonnée le 14 juin 2022 par le conseiller de la mise en état.

La société d’ART [W] sollicite:

INFIRMER le jugement rendu le 13 mars 2017 par le Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence en ce qu’il a :

– Fixé à la somme annuelle de 19600 euros Hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2014 le montant du loyer dû par la SARL SOCIETE D’ART [W] à Madame [H] [V] épouse [Z] au titre du bail commercial du 26 novembre 1986 renouvelé le 30 juin 2014 portant sur un local sis [Adresse 3].

– Dit sur la différence entre le loyer ainsi fixé et le loyer effectivement payé produira intérêts au taux légal à compter de la date de chaque échéance conformément à l’article 1155 du Code civil

ET STATUANT A NOUVEAU

FIXER à la somme de 9.143 €/an le montant du loyer du bail renouvelé, rétroactivement depuis le 1er juillet 2014.

Dès lors,

CONDAMNER Mme [H] [V], épouse [Z] à restituer les sommes correspondantes à la différence entre le loyer effectivement payé par la SOCIETE D’ART [W] depuis le 1 er juillet 2014, tel que fixé par le jugement querellé, et le montant du loyer qui sera fixé par la Cour d’appel dans son arrêt à intervenir.

En tout état,

CONDAMNER Mme [V], épouse [Z] à payer à la SOCIETE D’ART [W] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER Mme [V], épouse [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel

A l’appui de son recours, elle fait valoir :

-que si l’expert judiciaire comme le juge de première instance retiennent que la vétusté des locaux est la conséquence de son manquement à ses obligations, son propre expert M.[S] considère que l’entretien locatif ne peut intervenir que quand l’entretien foncier est réalisé, or ce dernier n’a pas été fait, sans opposition du preneur comme en attestent deux décisions de justice, qu’ainsi un minoration de 30% doit être appliquée,

-que si l’expert judiciaire comme le premier juge ont retenu une majoration de 10% en raison d’une destination tous commerce du bail, M.[S] est en désaccord du fait de l’absence de vitrine et le passage obligé par la cage d’escalier,

-qu’en ce qui concerne les termes de comparaison retenus par l’expert judiciaire ce dernier a commis deux erreurs:

-les termes retenus concernent des locaux avec une réelle commercialité alors que le

tronçon de la rue Cardinal où se situe le local n’en bénéficie pas,

-le terme de comparaison situé en face du local litigieux pourrait être judicieux mais l’expert judiciaire a commis une erreur sur la surface de ce local retenant une valeur de 140€/m²/an alors qu’il s’agit de 98€/m²/an,

-que le prix du loyer doit être de 12 742€/an, et avec minoration et majoration à 9 143€/an.

Mme [X] conclut:

DECLARER la SOCIETE D’ART [W] irrecevable en ses demandes en ce qui concerne la fixation du loyer en l’absence de mémoire notifié après dépôt de rapport d’expertise judiciaire,

DEBOUTER la SOCIETE D’ART [W] de son appel,

RECEVOIR Mme [H] [X], née [V], en son appel incident du jugement prononcé par le Juge délégué aux loyers commerciaux le 13 mars 2017.

REFORMER ce jugement en ce qui concerne le montant du loyer du bail renouvelé,

STATUANT A NOUVEAU :

FIXER le loyer du bail renouvelé, au profit de la société dénommée SOCIETE D’ART [W] est égal à 21.800 euros HT et hors charges à compter de la prise d’effet dudit bail, le 1er juillet 2014,

PAR CES MOTIFS DIRE que, compte tenu du prix proposé dans un mémoire avant jugement mixte, la société dénommée SOCIETE D’ART [W] est tenue au paiement d’un loyer sur le fondement d’une valeur annuelle de 20 002 euros du 1er juillet 2014 au 13 juillet 2016 et à compter de cette dernière date, qui correspond à la réception du mémoire après rapport d’expertise judiciaire, d’un loyer de 21 800 euros par an HT et hors charges,

CONFIRMER le jugement du 13 mars 2017 en ce qu’il a été décidé que la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer effectivement payé produira intérêts au taux légal à compter de la date de chaque échéance, conformément à l’article 1155 du Code civil,

STATUER ce que de droit sur les dépens de la procédure en première instance,

CONDAMNER la société dénommée SOCIETE D’ART [W] aux entiers dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3.000 euros au profit de Mme [H] [X] née [V] sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais non compris dans les dépens en cause d’appel.

Elle soutient:

-que la société d’ART [W] n’est pas recevable à émettre des prétentions au titre de la fixation du loyer du bail renouvelé à défaut d’avoir notifié un mémoire postérieurement au dépôt du rapport de l’expert judiciaire,

-que les prétentions des parties, en matière de fixation du loyer d’un bail commercial, sont nécessairement exprimées dans le cadre de mémoires régulièrement notifiés à l’autre partie et la poursuite de l’instance après l’exécution d’une mesure d’instruction ne se réalise que dans les conditions des mémoires échangés après cette mesure,

-que le défaut de mémoire de la société d’ART [W] fait obstacle à la formulation d’une quelconque prétention au titre du prix du loyer du bail renouvelé,

-que si ces prétentions étaient examinées elles devraient être écartées car reposant sur un document non signé sans identité du rédacteur,

-que le loyer ne saurait être minoré pour mauvais état d’entretien foncier du bien comme le suggère l’expert puisqu’il résulte des pièces versées aux débats qu’elle n’a pas eu accès au bien pour la réalisation de travaux fonciers du fait de la société d’ART [W],

-que le mauvais état d’entretien locatif est indiscutable,

-que l’absence d’ouverture directe sur la rue des locaux n’est pas déterminante compte tenu de l’activité exercée et d’autant que l’expert cite en termes de comparaison des biens sans cette même ouverture,

-que seul le hall d’entrée de l’immeuble nécessite des travaux de rénovation de peinture,

-que tous les locaux de comparaison de l’expertise sont pertinents,

-qu’il convient de retenir la valeur locative de secteur définie par l’expert et en fonction de la superficie pondérée des lieux non contestée soit un loyer de 21 800€ HT et hors charge à compter du 1er juillet 2014.

L’ordonnance de clôture a été rendue à l’audience

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des prétentions de l’appelante en matière de fixation de loyer

Mme [H] [X] considère que si la société d’ART [W] est, sur le principe, recevable en son appel du jugement prononcé le 13 mars 2017, par le juge délégué aux loyers commerciaux et que si, sur le principe, elle est en droit de faire valoir son argumentation principale sur la validité du jugement, elle n’est en revanche pas recevable à émettre des prétentions au titre de la fixation du loyer du bail renouvelé, à défaut d’avoir notifié un mémoire postérieurement au dépôt du rapport de l’expert judiciaire, en première instance.

Or il résulte de l’article 561 du code de procédure civile que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel.

Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code.

Ainsi, cet effet dévolutif de l’appel qui transfère le litige de la juridiction de première instance à la cour d’appel, lui conférant l’entière et totale connaissance du litige avec les mêmes pouvoirs que le premier juge, rend recevable les prétentions de l’appelante en matière de fixation de loyer, quand bien même cette dernière n’aurait pas notifié de mémoire postérieurement à l’expertise judiciaire en première instance.

Sur la fixation du loyer du bail renouvelé

Il a été définitivement jugé par décision du 6 juillet 2015 du juge délégué aux loyers commerciaux du tribunal de grande instance d’AIX-EN-PROVENCE que c’est à la date d’effet du congé du 28 novembre 2013 soit le 30 juin 2014 que le renouvellement du bail a été effectivement réalisé et la fixation du loyer du bail renouvelé selon la valeur locative.

Sur l’état d’entretien des locaux et une éventuelle minoration pour vétusté

L’expert judiciaire a retenu :

– que les locaux présentent un caractère vétuste tant au niveau de l’état foncier que de l’entretien locatif,

-qu’il apparaît que l’entretien locatif et foncier n’a pas été assuré depuis de nombreuses années voire depuis l’entrée dans les lieux,

-que selon les termes du bail, il appartenait au preneur de rénover les locaux lors de leur prise de possession et de procéder à leur entretien tant locatif que relevant des réparations foncières autres que les traditionnelles ‘grosses réparations’ relevant, elles, de l’obligation du bailleur,

-que l’état de vétusté des locaux est la résultante d’une carence d’entretien locatif durant près de trente ans, les dégâts des eaux n’ayant apparemment pas été signalés à la bailleresse alors que contractuellement le preneur était tenu de la faire.

Pour autant, l’expert préconise une minoration de 10% à ce titre.

L’appelante conteste cette analyse de l’expert judiciaire et sollicite une minoration de 30%. Elle produit aux débats un document intitulé ‘dire et observation sur rapport’, certes non signé, mais à l’entête d’Aixpertise Consulting du 30 juin 2014, qui a pour but de faire toutes observations utiles sur le rapport d’expertise judiciaire. Il résulte de ce document, non contradictoire, mais qui a été discuté contradictoirement dans le cadre de la présente instance, que les travaux locatifs ne pouvaient valablement être entrepris à défaut de travaux fonciers réalisés.

Or Mme [X] établit tant par un commandement signifié le 10 juin 2014, que par des courriers de l’administrateur de biens des 19 novembre et 14 décembre 2012 ou encore par des attestations établies par le représentant de la société CREER et par un architecte, Mme [R] que le preneur lui a crée des difficultés d’accès pour la réalisation de travaux fonciers.

Cet état de fait ne peut valablement être contesté, comme le prétend la société d’ART [W], par la production du jugement du 30 mars 2017, qui se contente de dire que le comportement opposant du preneur à la réalisation de travaux n’est pas sanctionné sans équivoque par la résiliation de plein droit du bail, ce qui n’établit pas que ce comportement opposant n’a pas existé.

Par ailleurs, l’arrêt du 17 mars 2016 de la présente cour n’a trait qu’à une intervention déterminée, qui a pu se réaliser et n’est donc pas de nature à établir que le preneur n’est pas opposant aux réparations foncières de façon constante.

En conséquence de quoi c’est à juste titre que le premier juge a écarté toute minoration pour vétusté.

Sur la destination du bail et une éventuelle majoration

L’expert judiciaire retient en page 16 qu’aux termes du bail les lieux ont une destination autorisant pratiquement l’exercice de ‘tous commerces’ à l’exception des restrictions d’usage, permettant à l’exploitant du fond de commerce de se diversifier ou de modifier l’activité exercée.

S’il retient que l’absence d’ouverture directe des locaux sur rue présente des contraintes pouvant limiter les activités, il précise que l’absence de vitrines est compensée par la présence de grandes fenêtres sur rue aménagée avec panneaux publicitaires et que la présence d’un vaste jardin peut présenter un atout pour des prestations événementielles.

Il conclut à l’application d’un coefficient de majoration tous commerces de 10%.

Ainsi, l’expert judiciaire a bien pris en considération le passage obligé par la cage d’escalier de l’immeuble et l’absence de vitrine (à l’origine de la minoration ci-dessous retenue), arguments avancés par le preneur pour échapper à la majoration.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu une majoration de 10% pour destination élargie des locaux.

Sur les minorations de la valeur locative

La bailleresse ne développe aucun moyens de nature à faire opposition aux minorations proposées par l’expert et retenu par le premier juge à savoir :

-la prise en compte de l’absence d’ouverture directe des locaux considérés sur la voie publique, soit un coefficient de 15%,

-la prise en compte de la non rénovation des parties communes pour raisons budgétaires soit un coefficient de 5%, de sorte que le jugement est confirmé sur ce point également.

Sur les termes de comparaison

L’expert judiciaire a exclu les termes de comparaison suivants :

[Adresse 1],

-[Adresse 7] (local avec petite vitrine) allégués comme non comparables par le preneur.

En revanche, les termes de comparaison retenus par l’expert, qui pour certains sont, certes, dans une zone à plus forte commercialité ou présentent une porte d’accès directe sur rue, mais pour d’autres sont situés dans la même zone que les locaux objet des présentes (pour un, juste en face et en rez de chaussée) et sans porte d’accès sur rue, doivent être retenus.

En effet, l’expert explique que si la rue Cardinale où se trouvent les locaux est située dans une zone de faible commercialité, en bordure du coeur de centre ville où se concentre l’activité commerciale de première qualité, elle bénéficie de la proximité immédiate de secteurs d’attractivité culturelle, touristique et commerciale, pour être située dans le quartier des hôtels particuliers aixois, du musée [6] et de l’église [8], de la rue d’Italie devenue piétonne et des rues voisines drainant visiteurs, touristes, piétons etc…

Il ajoute que la clientèle du preneur, qui exerce une activité de galerie d’art, est une clientèle ciblée ne relevant pas particulièrement de la chalandise sectorielle, mais drainée par la présence de musées et monuments du patrimoine dans le secteur.

Les références produites par le preneur pour la première fois en cause d’appel (locaux sur le cours Mirabeau) non soumises à l’expert judiciaire, sur lesquelles aucun contrôle ne peut être exercé sur la superficie ou le prix et autres données, doivent être écartées.

Quant à la référence produite par le preneur lors de l’expertise, à savoir [Adresse 4] au prix au m² de 140€, elle est pertinente et valablement retenue par l’expert judiciaire comme se situant en face des locaux, objet des présentes, en rez de chaussée, avec accessibilité par la cage d’escalier de l’immeuble.

En appel, le preneur conteste ce terme de comparaison au motif que l’expert judiciaire aurait commis une faute, quant à sa surface, qui ne serait pas de 86m² mais de 122,65m², établissant son prix à 98€/m²/an.

Or, alors que le rapport d’Aixpertise Consulting du 30 juin 2014, sur lequel se base l’argumentaire du preneur, indique avoir mis en annexe les plans communiqués par le propriétaire, qui mettraient en évidence cette erreur de l’expert judiciaire sur la surface, ces plans ne sont ni en annexe du rapport ni versés aux débats, de sorte que cette erreur de surface ne saurait être retenue comme non établie, ainsi que le soulève justement la bailleresse.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu une valeur locative de marché corrigée en fonction des particularités des locaux et du bail par application d’un abattement de 10% (+10%- 20%) de 19 600€ .

Sur les autres demandes

La société d’ART [W] est condamnée à 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

DECLARE recevable la société d’ART [W] en ses demandes concernant la fixation du loyer,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 mars 2017 par le Tribunal de grande instance d’AIX-EN-PROVENCE,

Y ajoutant

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société d’ART [W] à régler à Mme [X] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNE la société d’ART [W] aux entiers dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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