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15 mai 2023
Cour d’appel de Nouméa
RG n°
23/00065
N° de minute : 91/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 15 mai 2023
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 23/00065 – N° Portalis DBWF-V-B7H-TWQ
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :22/510)
Saisine de la cour : 6 mars 2023
APPELANT
S.A.R.L. HJNM, prise en la personne de son représentant légal en exercice
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Lionel CHEVALIER, membre de la SELARL LIONEL CHEVALIER, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
SYNDICAT SECONDAIRE DES PROPRIETAIRES DE LA ZONE 2, pris en la personne de son syndic, la société [Localité 4] IMMOBILIER
Siège Social : [Adresse 1]
Représenté par Me Caroline DEBRUYNE, membre de la SARL D’AVOCAT CAROLINE DEBRUYNE, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 6 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
15/05/2023 : Expéditions revêtue de la formule exécutoire : – Me CHEVALIER et Me DE BRUYNE
Expéditions : – Me DE BRUYNE – Dossier TPI – Dossier CA
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
Par acte sous seing privé en date du 18 octobre 2006, la SCI Sari a donné en location à la société Mixx industry un local commercial situé à [Localité 4], dans la galerie commerciale de [Adresse 3], formant le lot n° 22, destiné à l’exploitation d’un bar, pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2007.
Par acte sous seing privé en date du 11 avril 2007, la SCI Lemon beach a donné en location à la société No comment 988 un local commercial situé à [Localité 4], dans la galerie commerciale de [Adresse 3], formant le lot n° 21, destiné à l’exploitation d’un débit de boissons alcoolisées ou non alcoolisées, pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2007.
Le 28 avril 2009, la société No comment 988 a cédé le bail à la société Mixx industry, qui a ultérieurement été placé en liquidation judiciaire.
Dans le cadre de cette procédure collective, les deux fonds ont été cédés à la société 3 GTF. Deux avenants en date des 1er juillet 2010 et 19 novembre 2010 ont pris acte de la cession des droits au bail.
A la suite d’une transmission universel du patrimoine intervenue le 20 novembre 2020, les baux ont été transférés à la société HJNM.
Lors de l’assemblée générale ordinaire du 7 septembre 2022, les copropriétaires formant le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 ont décidé de « révoquer l’autorisation donnée à titre de simple tolérance du droit de jouissance privative des parties communes situées sur l’esplanade aux établissements Bohème, Burger Joe, Vertigo et Mojo et de procéder au retrait des aménagements ainsi qu’au démontage des installations des structures des terrasses afin que les lieux soient libres d’occupation » (résolution n° 13).
Par lettre du 29 septembre 2022, il a été demandé par le syndic à la SCI Lemon Beach de se « rapprocher de (son) exploitant afin qu’il libère les espaces cités ci-dessus sous un délai d’un mois à compter de la réception du (…) courrier ». La SCI Sari a été destinataire d’un courrier identique.
Le 14 octobre 2022, la société HJNM, qui exploite un établissement de nuit sous l’enseigne « Mojo », a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 devant le juge des référés de Nouméa en sollicitant la suspension des effets de la résolution n° 13 et des travaux de démantèlement des terrasses.
Le syndicat des copropriétaires a contesté la qualité à agir de la demanderesse.
Par ordonnance en date du 3 mars 2023, le juge des référés a :
– prononcé la mise hors de cause du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
– déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Star game,
– dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés HJNM et Star game,
– renvoyé celles-ci à se pourvoir au fond,
– condamné in solidum les sociétés HJNM et Star game à verser au syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 la somme de 150.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés HJNM et Star game aux dépens.
Le premier juge a principalement retenu :
– que si la société HJNM bénéficie d’un droit d’usage sur les parties communes au droit des lots n° 21 et 22, soit sur la terrasse, il existe une contestation sérieuse sur le point de savoir si elle bénéficiait d’un droit d’usage sur l’esplanade centrale concernée par la résolution litigieuse ;
– qu’un trouble manifestement illicite n’était pas démontré.
Selon requête déposée le 6 mars 2023, la société HJNM a interjeté appel de cette décision.
Le 20 mars 2023, la société HJNM a assigné, selon la procédure d’assignation à jour fixe, le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 devant la cour.
Aux termes de son assignation, elle demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance entreprise ;
– suspendre les effets de la résolution n° 13 adoptée le 7 septembre 2022 par l’assemblée des copropriétaires du syndicat des propriétaires secondaire de la zone II, et ce dans l’attente de la décision du juge du fond sur sa validité, et/ou sur la demande de la société HJNM tendant à se voir judiciairement autorisée à continuer à jouir du droit d’usage des terrasses sises au droit des lots dont elle est locataire, dans l’attente d’une décision définitive rendue dans le cadre de l’instance pendante au fond devant le tribunal de première instance de Nouméa sous le numéro de RG n° 22/03033 ;
– ordonner la suspension de tout travaux de démantèlement desdites terrasses, et le cas échéant, ordonner leur remise en état aux frais du syndicat des copropriétaires ;
– condamner le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 à régler à la société HJNM une provision d’un montant de 488.947 FCFP à valoir sur le montant du préjudice causé par la suppression de la structure métallique qui permettait de couvrir la terrasse sise au droit des lots dont elle est locataire ;
– condamner le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 à payer à la société HJNM une somme de 600.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens, dont le coût du procès-verbal de constat réalisé les 28 et 29 novembre 2022, dont distraction au profit de la selarl Lionel Chevalier.
Selon conclusions transmises le 31 mars 2023, le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 prie la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
en tout état de cause,
– juger n’y avoir lieu à référé des demandes formulées par l’appelante ;
– débouter la société HJNM de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société HJNM à payer au syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 une somme de 400.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société HJNM aux entiers dépens, dont distraction au profit de la sarl d’avocat Caroline Debruyne.
Sur ce, la cour,
1) Il résulte des explications fournies par les parties et des éléments produits que le litige a pour objet l’utilisation par la société HJNM, au droit des locaux loués, du deck en bois représenté sur le plan de masse versé par le syndicat intimé (annexe n° 10), qui a été posé sur l’esplanade perpendiculaire à la [Adresse 5] qui sépare les deux bâtiments du [Adresse 3].
Le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 conteste la qualité et l’intérêt à agir de la société HJNM.
2) Le règlement de copropriété de cet ensemble commercial prévoit en son chapitre IV que « les propriétaires des locaux situés au rez-de-chaussée, qu”ils soient commerciaux ou professionnels pourront utiliser les parties communes sises au droit de leur lot (terrasses) et y réaliser tous aménagements tels qu’installations de tables et de chaises, panneaux publicitaires, etc…, sous la condition expresse :
– que ces installations aient un caractère essentiellement amovible,
– qu’elles ne suscitent aucune entrave à la libre circulation dans les galeries et les espaces communs, l’installation de cloisons ou de barrières, même partielles, étant interdites. »
Ce document distingue les espaces communs des galeries.
Le bail commercial conclu par la société Mixx industry, aux droits de laquelle vient la société HJNM, précise, en ses stipulations relatives à la désignation des lieux loués, que « le preneur pourra utiliser les parties communes sises au droit de leur lot (terrasse) et y réaliser tous aménagements tels qu’installations de tables et de chaises, panneaux publicitaires, etc…, sous la condition expresse :
– que ces installations aient un caractère essentiellement amovible,
– qu’elles ne suscitent aucune entrave à la libre circulation dans les galeries et les espaces communs, l’installation de cloisons ou de barrières, même partielles, étant interdites. »
Ce bail a ainsi repris la clause insérée dans le règlement de copropriété.
Dès lors que le bail, en accord avec le règlement de copropriété, reconnaît à la société HJNM un droit d’usage sur les « espaces communs », la société HJNM a intérêt à contester une décision du syndicat des copropriétaires qui entend remettre en cause l’usage des terrasses exploitées sur le deck.
Certes, la société HJNM n’a pas la qualité de copropriétaires. Celle-ci a toutefois qualité à agir contre le syndicat des propriétaires, en exerçant l’action oblique prévue par l’article 1166 du code civil.
Sa demande sera déclarée recevable.
2) Ainsi que la cour l’a précédemment relevé, le règlement de copropriété distingue les « espaces communs » de la galerie couverte qui longe le bâtiment, à laquelle, selon le syndicat intimé, serait limité le droit d’usage.
Le procès-verbal de constat dressé par Me [E], huissier de justice à [Localité 4], montre que jusqu’au 28 novembre 2022, la société HJNM a exploité son activité sur le deck, sous une structure métallique bâchée qui prenait appui sur la galerie. Le lendemain, l’huissier de justice a constaté que cette structure avait été démontée.
Il résulte du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 7 septembre 2022 que la copropriété prend en charge l’entretien des toiles tendues qui abritent le deck (résolutions 3-5, 3-6). Cette prise en charge incline à penser que l’occupation des decks excède une simple tolérance.
Les photographies insérées dans le procès-verbal établissent :
– que le voisin immédiat de la société HJNM, qui exerce son activité sous l’enseigne « La guinche », continue d’exploiter son fonds sur le deck, sous une structure métallique bâchée identique à celle dont bénéficiait la société appelante ;
– que des structures similaires ont été implantées le long du bâtiment nord (A) qui donne sur l’esplanade et continuent d’être utilisées par divers commerces.
Il résulte de ce qui précède que la révocation du droit d’usage reconnu par le règlement de copropriété et, au minimum de la tolérance, dont bénéficiait la société HJNM et le démontage consécutif de la structure métallique ne concernent que certains commerces du bâtiment B, celui qui est situé au sud de l’esplanade.
Selon le procès-verbal de l’assemblée générale du 7 septembre 2022, la mesure litigieuse a été motivée par « les nuisances sonores et incivilités générées par la clientèle des établissements Bohème, Burger Joe, Vertigo et Mojo, (…) dénoncées par les avoisinants ».
Le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 ne démontre pas que la société HJNM aurait été sanctionnée par une fermeture administrative provisoire en raison de nuisances générées par son activité. La mesure unilatéralement prise à l’encontre de la société HJNM doit, dans ces conditions, être tenue pour discriminatoire.
Victime d’un trouble manifestement illicite en ce qu’il lui est interdit d’user de la terrasse au droit de son établissement, les lieux devant être « libres d’occupation », la société HJNM est fondée à obtenir la suspension des effets de la résolution litigieuse et la remise en état des lieux.
Par ailleurs, il sera alloué une provision de 488.947 FCFP en compensation des mesures conservatoires prises par la société HJNM à la suite du démontage de la bâche et de la structure métallique.
Par ces motifs
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Suspend les effets de la résolution n° 13 adoptée le 7 septembre 2022 par l’assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 3], dans l’attente d’une décision au fond dans le cadre de l’instance pendante devant le tribunal de première instance de Nouméa sous le numéro de RG n° 22/03033 ;
Enjoint au syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 de remettre les lieux dans leur état antérieur au 29 novembre 2022 ;
Condamne le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 à payer à la société HJNM une provision de 488.947 FCFP à valoir sur le préjudice occasionné par le démontage de la structure métallique bâchée ;
Condamne le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 à payer à la société HJNM une somme de 400.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat secondaire des propriétaires de la zone 2 aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président.