Affichage publicitaire : 16 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00819

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16 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/00819

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00819 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H6W4

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

16 février 2021

RG :19/00083

[N]

C/

S.A.S. RETIF

Grosse délivrée le 09 MAI 2023 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 16 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 16 Février 2021, N°19/00083

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mai 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [I] [N]

né le 21 Septembre 1965 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 3]

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. RETIF

[Adresse 7],

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Ludovique CLAVREUL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Février 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 16 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [I] [N] a été engagé à compter du 13 avril 1989, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein, en qualité de magasinier par la S.A.R.L. Delmatag, reprise postérieurement par la SAS Retif.

La convention collective applicable est celle des commerces de gros.

Au dernier état de sa relation contractuelle, selon avenant en date du 14 juin 2017, M. [I] [N] occupait les fonctions de responsable du magasin, statut cadre, niveau VIII, échelon 2.

Par acte du 24 septembre 2018, une convention de rupture conventionnelle a été conclue entre M. [I] [N] et la SAS Retif dont le terme était fixé au 31 décembre 2018.

Le 3 décembre 2018, la convention a été homologuée par le DIRECCTE, M. [I] [N] étant par ses fonctions de délégué syndical, salarié protégé depuis le 13 janvier 2013.

Par requête du 14 février 2019, M. [I] [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de dire et juger qu’il doit bénéficier du niveau VIII – échelon 3 ; dire et juger nulle et sans effet la convention de forfait jours et de condamner la SAS Retif au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 16 février 2021, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– dit que M. [I] [N] ne peut prétendre à la réévaluation de sa classification professionnelle,

– dit que la convention de forfait jours de M. [I] [N] est parfaitement licite,

En conséquence,

– débouté M. [I] [N] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné M. [I] [N] au paiement de la somme de 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [I] [N] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 26 février 2021, M. [I] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 28 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 14 février 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 28 février 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 mars 2021, M. [I] [N] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon en date du 16

février 2021,

– dire et juger qu’il doit bénéficier du niveau VIII, échelon 3,

– dire et juger qu’il est dû au titre de rappel de salaire suite à requalification d’échelon la somme de 12.386 euros brut,

– condamner la SAS Retif, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

d’avoir à lui payer à titre de :

– rappels de salaires, brut : 12.386,00 euros,

– congés payés y afférents, brut : 1.238,60 euros,

– dire et juger nulle et sans effet la convention de forfait jours,

– dire et juger que la SAS Retif doit lui payer les heures supplémentaires par lui effectuées,

– condamner la SAS Retif, prise la personne de son représentant légal exercice, d’avoir à lui payer à titre de :

– heures supplémentaires, brut : 45.416,66 euros,

– congés payés y afférents, brut : 4.541,66 euros,

– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 20.400,00 euros.

– ordonner la délivrance sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard des bulletins de paie rectifiés conformes à la décision à intervenir,

– dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 3.400,00 euros,

– débouter la SAS Retif de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la SAS Retif, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler une somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles de première instance,

– y ajoutant, condamner la SAS Retif, prise en la personne de son représentant légal exercice, d’avoir à lui régler une somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d’appel,

– la condamner en tous les dépens.

M. [I] [N] soutient que :

– il justifie remplir les conditions pour bénéficier de la classification en niveau III échelon 3, un directeur de magasin de [Localité 8], dans une situation identique à la sienne a obtenu cette classification devant la Cour de cassation,

– tous les magasins du groupe Retif sont gérés de la même manière, et il était responsable comme son collègue de [Localité 8], d’une unité ou d’un service autonome, soit le concernant le magasin d'[Localité 5],

– contrairement à ce que soutient l’employeur, il sollicite l’échelon 3 de la convention collective et non pas celui prévu par l’accord d’entreprise du 15 mars 2006, et demande l’application de la décision de la Cour de cassation du 27 février 2013,

– son contrat de travail précise qu’il bénéficie d’une totale délégation de pouvoir s’agissant du fonctionnement général du magasin, et que sa rémunération est la contrepartie de l’autonomie dont il dispose, il gère le personnel et choisit ses collaborateurs en toute autonomie,

– il peut par suite de cette classification prétendre à un rappel de salaire pour les trois dernières années avant la rupture de son contrat de travail,

– la convention de forfait en jours prévue par la convention collective du commerce de gros a été censurée par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 septembre 2012,

– aucune garantie sur le contrôle de la charge de travail ne figure dans les accords d’entreprise et l’employeur ne rapporte pas la preuve de son contrôle effectif,

– aucun avenant au contrat de travail n’a été signé depuis l’annulation par la Cour de cassation, et aucun suivi n’a été mis en place par l’employeur, aucun entretien individuel n’a été mis en place depuis plus de 8 ans,

– la convention de forfait en jours doit être annulée et sa demande au titre des heures supplémentaires doit être accordée,

– les différents échanges de courriels qu’il produit, ainsi que les modalités de fonctionnement du magasin et les attestations qu’il produit, démontrent qu’il travaillait, sans adjoint, sur une base de 47 heures 30 par semaine,

– ses heures supplémentaires n’apparaissent pas sur son bulletin de paie, ce qui est un comportement volontaire de l’employeur qui n’a pas respecté les droits de son salarié et la décision de la Cour de cassation, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

En l’état de ses dernières écritures en date du 26 mai 2021, la SAS Retif demande à la cour de :

– déclarer l’appel formé par M. [I] [N] à l’encontre du jugement rendu le 16 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avignon mal fondé,

Sur les demandes de M. [I] [N] relative à sa classification professionnelle,

– confirmer le jugement rendu le 16 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a dit que M. [I] [N] ne peut prétendre à la réévaluation de sa classification professionnelle,

En conséquence,

– débouter M. [I] [N] de ses demandes au titre des rappels de salaires et des congés payés y afférents,

– en tout état de cause, si par extraordinaire la cour venait à considérer que M. [I] [N] est bien fondé à solliciter une réévaluation de sa classification professionnelle, limiter la demande de rappels de salaires à la somme de 6.200,49 euros bruts, outre 620,04 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

Sur les demandes de M. [I] [N] relatives à l’accomplissement d’heures supplémentaires,

A titre principal,

– confirmer le jugement rendu le 16 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a dit que la convention de forfait en jours de M. [I] [N] est parfaitement licite,

A titre subsidiaire, si la cour venait à considérer que la convention de forfait en jours était nulle,

– constater que M. [I] [N] n’a accompli aucune heure supplémentaire,

– en tout état de cause, si par extraordinaire la cour venait à considérer que M. [I] [N] avait accompli des heures supplémentaires, limiter ses demandes de paiement des heures supplémentaires à la somme de 28.571,50 euros bruts, outre 2.857,15 euros bruts à titre de congés payés y afférent,

En tout état de cause,

– débouter M. [I] [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

– condamner M. [I] [N] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

La SAS Retif fait valoir que :

– les fonctions exercées par M. [I] [N] ne lui permettent pas de prétendre à l’échelon 3 du niveau VIII de la convention collective, puisque sa délégation de pouvoir est cantonnée au magasin d'[Localité 5] et qu’il doit rendre compte de son fonctionnement à sa hiérarchie, ce qui correspond à la définition de l’échelon 2,

– la nouvelle qualification professionnelle obtenue par M. [I] [N] en 2017 dans le cadre de son congé individuel de formation n’implique pas une nouvelle classification sur son poste, ce qui explique le refus d’une classification en échelon 4 qui lui a été opposée suite à sa demande d’avril 2017,

– les fonctions exercées par M. [I] [N] ne répondent pas à l’exigence d’autonomie posée par la classification en échelon 3 dans la mesure où la gestion des comptes d’exploitation et l’établissement du budget relèvent uniquement du service finance du Groupe RETIF et non des responsables de magasin et les décisions stratégiques de l’entreprise sont prises au niveau des différentes directions centralisées au siège social,

– le siège social regroupe 120 personnes qui assurent les services supports de tous les magasins du groupe,

– contrairement à ce que soutient M. [I] [N], les autres directeurs de magasins ne bénéficient pas plus que lui d’une classification en échelon 3, plusieurs d’entre eux ont été déboutés de leur demande en ce sens devant les conseils de prud’hommes qu’ils avaient saisis et n’ont pas interjeté appel de ces décisions,

– la situation jugée par la Cour de cassation en 2013 est antérieure de plus de dix ans à celle de M. [I] [N] et n’est pas transposable,

– la convention de forfait en jours est licite, encadrée par la convention collective et les accords d’entreprise,

– l’avenant du 30 juin 2016 à la convention collective est venu réviser les dispositions de la convention collective suite à la censure de la Cour de cassation en 2012 et prévoit l’ensemble des garanties accordées au salarié en cas de convention de forfait en jours,

– le contrôle de la charge de travail de M. [I] [N] était assuré, mais M. [I] [N] ne renseignait pas systématiquement comme exigé par son contrat de travail le ‘récapitulatif mensuel’ qui lui était demandé,

– malgré ses fonctions de délégué syndical, M. [I] [N] n’a jamais dénoncé auprès de l’inspection ou de la médecine du travail une quelconque surcharge de travail,

– subsidiairement, la réalité des heures supplémentaires dont le paiement est sollicité n’est pas démontrée, et ce d’autant moins qu’il sollicite le paiement d’une somme globale, sans décompte et sans tenir compte de ses absences ou de ses congés,

– le document établi par le FONGECIF dans le cadre du congé individuel de formation n’engage que l’organisme, qui décompte le temps de travail en heures y compris pour les salariés au forfait en jours,

– la situation de sous-effectif invoquée pour démontrer l’accomplissement d’heures supplémentaires n’est pas établie, M. [I] [N] se référant à la période de janvier à mars 2015, lorsque deux salariés ont été placés en arrêt de travail pour maladie, qui a à sa demande donné lieu à un recrutement en contrat de travail à durée déterminée,

– le relevé d’heures produit par M. [I] [N] ne mentionne pas d’horaires de travail et est erroné, il mentionne des heures de travail pendant la durée de son congé de formation ou sur des journées où il était en congés ou en arrêt de travail,

– les courriels produits comme preuve de ses horaires de travail concernent des dates différentes et ne correspondent pas aux horaires qu’il énonce, il ne lui a par ailleurs jamais été donné comme consigne de faire l’ouverture et la fermeture du magasin,

– aucun travail dissimulé ne peut lui être reproché, faute d’être caractérisé,

– subsidiairement, M. [I] [N] ayant perçu 63.000 euros dans le cadre de la rupture conventionnelle, soit 21.803,21 euros de plus que l’indemnité minimum, il doit être tenu compte de cette somme s’il était fait droit à ses demandes indemnitaires.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS

* rappel de salaire à raison de la classification conventionnelle

Selon l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

En application de l’article L 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Aux termes des articles L. 2254-1 et R.3243-1 et suivants du code du travail, tout salarié a droit à la rémunération minimale prévue par les clauses de la convention collective à laquelle est soumis son employeur, au regard du niveau ou du coefficient hiérarchique qui lui est attribué, sauf dispositions plus favorables.

La renonciation d’un salarié aux salaires minima prévus par une convention collective

est inopposable à l’employeur qui ne peut s’en prévaloir.

La détermination des éléments de rémunération composant le minimum conventionnel

dépend de ceux qui figurent dans la convention collective, selon l’intention des parties.

Sauf dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer au salaire minimum conventionnel, ce qui suppose d’exclure celles qui n’ont pas ce caractère.

En matière d’assiette de calcul des minima conventionnels, il y a donc lieu de distinguer, d’une part, le salaire de base et les accessoires du salaire, appelés compléments de salaire, qui entrent dans la catégorie juridique du salaire et dont le versement est obligatoire et, d’autre part, les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire, qui sont exclues de l’assiette de calcul.

Le salaire de base est composé d’une partie fixe et parfois d’une partie variable sous

forme de commissions ou de bonus, appelés primes d’objectif. Les accessoires du salaire sont octroyés sous forme de primes diverses, qui peuvent avoir une origine légale, conventionnelle, contractuelle ou résulter de la volonté de l’employeur (usage, accord atypique ou engagement unilatéral).

A l’opposé, se trouvent les libéralités appelées encore gratifications bénévoles, dont

le versement ne présente aucun caractère obligatoire puisque résultant d’une décision de l’employeur tant sur leur opportunité que sur leur montant.

Ainsi coexistent en droit positif la rémunération variable contractuelle sur objectifs déterminés, obligatoire pour l’employeur, même lorsqu’il fixe lui-même unilatéralement les objectifs, qui doivent être réalisables, fixés en début d’exercice et connus du salarié, et la rémunération variable à la discrétion de l’employeur, dénommée bonus, qui n’est acquise ni dans son principe ni dans son montant et est, de ce fait, dépourvue de caractère obligatoire.

Le fait qu’une prime soit qualifiée d’exceptionnelle ou d’objectif n’exclut pas forcément

sa nature salariale. Il faut vérifier les conditions concrètes d’attribution de cette prime. Sont ainsi

été considérés comme éléments de salaire :

– une gratification dite exceptionnelle, qui est en réalité attribuée périodiquement,

– un bonus exceptionnel qui vient remplacer un bonus généré par l’activité de vente du salarié et de son équipe initialement prévu au contrat de travail,

– les primes, de nature contractuelle, qui reposent sur des critères objectifs indépendants de la volonté de l’employeur,

– une prime de fin d’année dont le montant a été en progression constante pendant quinze ans, qui a toujours été calculée selon des règles arithmétiques précises, ne présente pas un caractère discrétionnaire,

– une prime présentant un caractère de fixité dès lors que son montant est en progression constante suit l’évolution des salaires et ne dépend pas des résultats de l’entreprise .

– si elles ne sont ni aléatoires ni dépendantes de la situation individuelle du salarié, par exemple – les primes de vacances et de fin d’année et les primes de treizième mois

A l’inverse, sont exclus les éléments de rémunération présentant un caractère aléatoire ou de libéralité :

– une prime de non accident, indépendante de l’activité professionnelle, dépendant de la survenance ou non d’accident,

– une prime de fin d’année qui était remise en cause chaque année, était décidé par le conseil d’administration de l’association en fonction des résultats financiers de celle-ci même si son montant était indépendant de ces résultats et que ces conditions d’attribution avaient été portées à la connaissance des délégués du personnel,

– un bonus exceptionnel, une gratification bénévole dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique ,

-un avantage octroyé à plusieurs reprises par décision du conseil d’administration, selon une procédure qui écartait tout automatisme, constitue une gratification dont le montant et l’attribution dépendent de l’employeur

– une prime liée à des considérations financières qui présente un caractère aléatoire.

L’article 7 de l’avenant I relatif aux cadres de la convention collective des commerces de gros définit la classification des cadres en niveau VIII sous forme de trois échelons :

NIVEAU VIII : Engage l’entreprise dans le cadre d’une délégation limitée et dans son domaine d’activité.

Gère sous le contrôle correspondant à cette délégation soit une activité bien identifiée relevant d’une spécialisation professionnelle précise, soit d’un ensemble d’activités diversifiées dont il assure la coordination et la liaison avec les autres fonctions.

Echelon 1 : les fonctions sont assurées à partir de directives précisant les moyens, les objectifs et les règles de gestion.

Echelon 2 : est amené, pour obtenir les résultats recherchés, à décider de solutions adaptées et à les mettre en oeuvre ainsi qu’à formuler des instructions d’application.

Echelon 3 : Responsable d’une unité ou d’un service autonome.

M. [I] [N] ayant saisi le conseil de prud’hommes d’une requête portant sur des rappels de salaire, la prescription triennale s’applique et seules les demandes portant sur les salaires concernant les 3 années précédant la rupture du contrat de travail sont recevables, soit les salaires du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.

L’avenant au contrat de travail de M. [I] [N] en date du 5 juillet 2007, le nommant aux fonctions de responsable de magasin niveau VIII échelon 2 précise au titre de ses fonctions notamment que:

– ‘ dans le strict respect de la politique et des orientations générales ou particulières définies par la direction, Monsieur [N] [I] sera responsable de la bonne gestion du point de vente, de la coordination des divers départements et rayons et des résultats d’exploitation de l’ensemble du point de vente’,

– ‘ bien évidemment dans l’exercice de sa mission, Monsieur [N] [I] devra rendre compte régulièrement à sa hiérarchie, au besoin sous forme de rapports écrits. Ce compte-rendu devra notamment contenir tous les éléments relatifs à la marge du magasin, l’évolution des résultats, les difficultés rencontrées et les solutions adoptées’,

– ‘en conséquence, il appartiendra à Monsieur [N] [I] en rendant compte simplement de façon régulière à sa hiérarchie de prendre personnellement toutes dispositions et décisions utiles afin d’assurer le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur, règles qu’il lui appartient de bien connaître, compte-tenu de sa qualification, de ses connaissances et de son expérience’.

M. [I] [N] soutient qu’il aurait dû bénéficier du classement en échelon 3 au motif que :

– la Cour de cassation dans sa décision du 27 février 2013 a reconnu au responsable du magasin Retif de [Localité 8] qui exerce dans des conditions identiques aux siennes le bénéfice de l’échelon 3, et il avait même un salarié supplémentaire sous sa responsabilité par rapport à son collègue lyonnais,

– il est bien responsable d’une unité ou d’un service autonome, son contrat de travail précisant qu’il bénéficie d’une totale délégation de pouvoir s’agissant du fonctionnement général du magasin,

– la définition même de ses fonctions dans le cadre de l’avenant à son contrat de travail démontre qu’il est responsable d’une unité ou d’un service autonome, et concrètement , ainsi qu’en attestent les pièces versées aux débats,il est établi que dans le cadre de son activité :

* il effectue le recrutement des personnels, sans signer les contrats de travail, et sollicite du personnel supplémentaire auprès du service RH, valide les plannings et atteste des heures effectuées par les salariés, valide les notes de frais des collaborateurs, gère les tickets restaurant, détermine et prend les sanctions,

* il effectue la gestion commerciale et gère 15 fournisseurs en totale autonomie; analyse le marché et le chiffre d’affaires, reçoit et valide les factures qu’il adresse au siège qui les paye, est responsable des encours et des encaissements,

* il intervient pour les panneaux publicitaires devant le magasin et facture les prestataires extérieurs, peut faire de sa propre initiative des remises aux clients,

* il décide au plan marketing des implantations de produits en magasin, gère sa surface de vente,

* il vérifie les devis, valide les factures importantes, donne les ordres de paiement à la comptabilité.

La SAS Retif conteste la classification revendiquée au motif que l’organisation du groupe repose sur des directions centralisées qui assurent les fonctions supports des points de vente et qui sont en relations quotidiennes avec les responsables de magasins. Elle ne remet pas en cause les éléments d’activité décrits par M. [I] [N] mais justifie par la production de courriels et sans être utilement contredite qu’il agissait sous l’autorité et selon les décisions des directions centralisées, lesquelles décidaient par exemple des gammes de produits vendus ou des tarifs et promotions pratiqués sur l’ensemble des structures de vente.

La SAS Retif observe que l’accord d’entreprise du 15 mars 2006 est venu préciser que les responsables de magasins étaient classés au niveau VIII échelon 2 dès lors que la délégation de pouvoir dont il dispose est limitée au fonctionnement du magasin et que s’il organise ses tâches en toute autonomie, il en rend compte à sa hiérarchie.

Elle considère que la décision de la Cour de cassation de 2013 n’est pas transposable, puisqu’elle correspond à une situation ancienne, le salarié en question ayant été licencié en 2008 pour faute grave, et que l’appréciation de la classification se fait sur la base de l’examen des tâches effectivement accomplies par le salarié et verse en ce sens plusieurs décisions définitives de première instance qui ont validé la classification de responsables de magasin en niveau VIII échelon 3.

Il ressort des dispositions de la convention collective précédemment rappelées qu’il n’existe aucune progression des coefficients de rémunérations en fonction de l’ancienneté acquise dans un niveau, seuls les critères de contenu de l’activité, d’autonomie et d’initiative, de technicité et de formation, adaptation et expérience étant pris en considération.

La différence entre les échelons 2 et 3 concerne le niveau d’autonomie avec lequel le cadre assure la gestion de l’unité qui lui est confiée, en l’espèce le point de vente dont il a la responsabilité.

Force est de constater que M. [I] [N] ne verse aux débats aucun élément qui remette en cause le fait qu’il exerçait ses fonctions sous le contrôle et en fonction des directives qui lui étaient données par les directions centrales, lesquelles avaient en charge la gestion des ressources humaines, la politique commerciale et financière, les services clients et après-vente de l’ensemble des magasins du groupe.

Par suite, M. [I] [N] n’intervenait pas sur son unité en totale autonomie mais selon les directives et sous le contrôle des directions centralisées, son autonomie se limitant au fait de mettre en oeuvre à l’échelle de son point de vente les décisions prises pour l’ensemble des unités de vente et d’être consulté sur certaines décisions concernant son magasin.

A titre d’exemples, lorsqu’un recrutement de personnel est nécessaire sur le magasin d'[Localité 5] suite à la démission d’une salariée, les échanges de courriels versés aux débats, en date d’octobre 2017 établissent que M. [I] [N] informe la ‘ chargée des ressources humaines réseaux’ de son besoin en personnel, donne les éléments de profil recherché, puis l’interroge pour savoir ‘A-t-on avancé sur ce recrutement”, ce qui établit qu’il n’était pas en charge du recrutement, le fait qu’il rencontre ensuite la personne dont le recrutement est envisagé lui permettant de donner son avis sur le recrutement. De même, concernant la présence de personnel un samedi, il informe sa hiérarchie des effectifs présents et transmet les feuilles d’émargement, comme il transmet plus globalement après les avoir visés les récapitulatifs mensuels des salariés de son unité.

Ainsi, M. [I] [N] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions auraient dû lui permettre de bénéficier, compte-tenu des critères précédemment rappelés de la convention collective d’un classement dans une autre catégorie professionnelle que celle de niveau VIII échelon 2.

En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges l’ont débouté des demandes de rappel de salaires présentées en raison du non-respect de sa classification professionnelle et leur décision sera confirmée sur ce point.

* sur la régularité de la convention de forfait en jours

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Selon l’article L. 3121-43 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours sur l’année, dans la limite de la durée annuelle du travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article L. 3121-39 susvisé, les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduisent pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.

L’article L. 3121-46 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce prévoit l’organisation, par l’employeur, d’un entretien annuel individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, ledit entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La conclusion d’une convention individuelle de forfait, établie sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, requiert l’accord du salarié. La convention doit être établie par écrit.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Et il appartient au juge de le vérifier, même d’office.

Une convention qui fait peser sur le salarié seul l’obligation de veiller au respect de la réglementation relative au respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires et de s’assurer du caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail et une bonne répartition du travail dans le temps ne répond pas aux exigences de la jurisprudence.

L’article D 531-11 du code de la sécurité sociale précise que pour les catégories de cadres mentionnées à l’article L. 3121-58 du code du travail, [ salariés en convention de forfait en jours]: a) La prestation partagée d’éducation de l’enfant à taux partiel mentionnée au 1° du II de l’article D. 531-4 est versée lorsque le nombre de jours de travail fixé par le contrat de travail, rapporté au nombre de jours autorisé par l’accord collectif de branche ou d’entreprise ou à défaut au plafond de jours prévu à l’article L. 3121-58 du code du travail, est au plus égal à 50 % ;

b) La prestation partagée d’éducation de l’enfant à taux partiel mentionnée au 2° du II de l’article D. 531-4 est versée lorsque le nombre de jours de travail fixé par le contrat de travail, rapporté au nombre de jours autorisé par l’accord collectif de branche ou d’entreprise ou à défaut au plafond de jours prévu à l’article L. 3121-58 du code du travail, est supérieur à 50 % et au plus égal à 80 %.

En l’espèce, l’article 3.3.2 de la convention collective relatif à la convention de forfait annuelle en jours dispose que :

A Salariés concernés

Salariés cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du degré d’autonomie dont ils disposent dans l’organisation de leur emploi du temps. Ce sont les cadres dont le rythme de travail ne peut pas épouser, en raison de la mission générale qui leur est confiée, celui de l’horaire collectif applicable dans le service qu’ils dirigent ou auxquels ils sont affectés.

Un avenant au contrat de travail formalisera le dispositif.

B Modalités

Ces cadres bénéficient d’une réduction effective du temps de travail selon les modalités spécifiques prévues par le présent article.

Leur temps de travail fait l’objet d’un décompte annuel en jours ou demi-journées de travail effectif.

Le nombre de jours travaillés pour ces cadres est fixé à 214 jours par an.

Ils bénéficient d’une rémunération forfaitaire en contrepartie de l’exercice de leur mission.

Une note d’information mettant en ‘uvre une convention de forfait en jours doit également préciser les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de son application, ainsi que les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés et de l’amplitude de leurs journées d’activité.

Les journées de repos libérées par la réduction du temps de travail peuvent être prises isolément ou regroupées dans les conditions suivantes :

-pour la moitié sur proposition du salarié ;

-pour l’autre moitié restante, à l’initiative du chef d’entreprise.

Le temps de travail peut être réparti sur certains ou sur tous les jours ouvrables de la semaine.

Le jour de repos hebdomadaire est le dimanche, sauf dérogations dans les conditions fixées par les dispositions législatives ou conventionnelles.

Le contrat de travail peut prévoir des périodes de présence nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise.

Le salarié doit bénéficier d’un temps de repos quotidien d’au moins 11 heures sauf dérogations dans les conditions fixées par les dispositions législatives ou conventionnelles.

Le salarié doit également bénéficier d’un temps de repos hebdomadaire de 24 heures, auquel s’ajoute le repos quotidien de 11 heures, sauf dérogations dans les conditions fixées par les dispositions législatives ou conventionnelles.

Le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur.

En outre le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité.

Deux avenants à l’accord collectif d’entreprise relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail du 19 juin 2000, signés le 18 janvier 2005 et le 25 avril 2007, prévoient ( article 2.3.1 ) que le temps de travail des cadres fait l’objet d’un décompte annuel en jours travaillés, le plafond maximum étant fixé à 215 jours par an.

L’avenant au contrat de travail de M. [I] [N] en date du 14 juin 2007, prévoit l’existence d’un « forfait annuel de 215 jours décomptés du 1er janvier au 31 décembre de chaque année », en contrepartie d’une rémunération forfaitaire.

Ceci étant, l’employeur ne justifie pas du respect de la tenue d’un entretien annuel de M. [I] [N] avec son supérieur hiérarchique au cours duquel ont été spécifiquement évoqués son organisation et sa charge de travail.

Le fait que M. [I] [N] n’ait pas renseigné régulièrement les décomptes mensuels de son temps de travail ne dispensait pas l’employeur de respecter l’obligation à sa charge d’organiser et de tenir cet entretien annuel.

Par suite, la convention de forfait en jours est irrégulière et M. [I] [N] doit être considéré comme étant rémunéré dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein, avec un décompte horaire de son temps de travail.

* sur la demande de rappel de salaire

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [I] [N] soutient que la SAS Retif lui est redevable d’une somme de 45.416,66 euros correspondant à 12,5 heures supplémentaires effectuées par semaine, soit 47,5 heures supplémentaires par mois sur 36 mois, outre 4.541,66 euros de congés payés y afférents et produit à l’appui de ses prétentions, outre ses bulletins de salaires :

– ses récapitulatifs horaires sur les années 2016 -2017 et 2018, sans précision de l’origine des tableaux présentés, lesquels font apparaître :

* pour l’année 2016 : un congé individuel de formation jusqu’au 31 mai 2016, des congés payés et des jours mentionnés ‘R’ ( récupération ‘ ) pour le mois de juin 2016, des journées décomptées systématiquement ‘ 9,5″ heures tous les jours de la semaine, en dehors des jours fériés comptés à 7 heures lorsqu’ils correspondent à un jour en semaine, et des congés payés : 5 jours du 25 au 29 juillet, 5 ,jours du 1er au 5 août, les 5-6 et 7 décembre mentionnés ‘EF’ décomptés pour 7 heures, les 8 et 9 décembre mentionnés ‘R’,

* pour l’année 2017 : des journées décomptées systématiquement ‘ 9,5″ heures tous les jours de la semaine, en dehors des jours fériés comptés à 7 heures lorsqu’ils correspondent à un jour en semaine, et des congés payés : du 13 au 17 février, du 18 au 21 avril, le 26 mai, du 24 au 28 juillet, du 1er au 11 août, 5 jours du 19 au 23 juin et du 17 au 21 juillet outre le 26 décembre mentionnés ‘R’,

* pour l’année 2018 : des journées décomptées systématiquement ‘ 9,5″ heures tous les jours de la semaine, en dehors des jours fériés comptés à 7 heures lorsqu’ils correspondent à un jour en semaine, et des congés payés : du 5 au 9 mars, du 30 avril au 7 mai, du 27 au 31 août, du 3 au 14 septembre, 5 jours du 23 au 27 juillet, 2 novembre et les 24, 26, 27 et 28 décembre mentionnés ‘R’

– un courriel de M. [D], directeur régional Sud-Est en date du 13 juillet 2018 qui indique en réponse à un message ayant pour objet ‘ remplacement [V] S29 et ODM’ ‘c’est toi le patron du magasin, tu fais au mieux concernant l’organisation du magasin; Je pense que des heures supplémentaires seront à prévoir pour pallier à tes vacances’, ce message répondant à une interrogation de M. [I] [N] : ‘ nous avons reçu l’ordre de mission de [T] ce matin concernant sa semaine sur [Localité 9]. Il va prendre en charge le magasain d'[Localité 5] pendant ma semaine de cp du 23 au 27 juillet. Dois-je prévoir qu’il effectue ouverture/fermeture soit cinq heures supplémentaires”

– une attestation FONGECIF en date du 19 mars 2015 qui mentionne un travail à temps plein pour M. [I] [N], soit 151,67 heures par mois,

– un courriel en date du 20 janvier 2014 adressé à son employeur dans lequel il indique notamment, ‘ j’effectue toujours des semaines à plus de 48h sans avoir d’autre solution’

– un courriel en date du 7 décembre 2017 adressé à son employeur dans lequel il indique notamment : ‘ tu connais mon amplitude horaire, 47 heures hebdomadaires en moyenne, je suis au magasin tous les jours, toute l’année à 8h00″

– un courriel en date du 9 mars 2015 adressé à son employeur dans lequel il indique notamment qu’il faut trouver un vendeur conseil pour son magasin, qu’ils ne peuvent à ‘2 CDI’ tenir tout le magasin, et que s’ajoutent des travaux sur la magasin

– un document intitulé ‘ organisation de la région – rôle du vendeur’ qui mentionne : en page 7 sous la rubrique ‘ les règles à respecter : 30 mn avant ouverture, arrivée RM pour préparation – 15 mn avant ouverture ( ou prise de poste ) arrivée équipe pour boire café – 5 mn avant ouverture : briefing debout et sur la surface de vente’

– une attestation de Mme [R] [X] qui se présente comme employée commerciale et indique avoir travaillé dans le magasin d'[Localité 5] entre avril et septembre 2015, septembre 2016 et janvier 2017, et d’avril à octobre 2017, et avoir constaté que M. [I] [N] faisait l’ouverture à 8h30 et la fermeture à 18h30 du magasin, avec une pause méridienne d’une heure de 12h à 13h ou de 13h à 14h,

– une attestation de M. [O] [L] qui indique avoir travaillé comme magasinier au magasin d'[Localité 5] entre mars et octobre 2015, et que M. [I] [N] était présent de 8h15 à 18h45, avec une coupure de une heure pour le déjeuner, soit hors période de demande de rappel de salaire,

– une attestation de Mme [B] [M] qui se présente comme agent de la Poste et indique que M. [I] [N] se présente tous les jours au bureau de Poste entre 8h15 et 8h45 pour retirer le courrier, les recommandés et les colis

– une attestation de M. [F] [W] qui se présente comme assistant achat et indique avoir été en contrat professionnel au sein du magasin d'[Localité 5] du 12 décembre 2016 au 30 août 2017 puis en intérim à l’été 2018 et avoir constaté que M. [I] [N] faisait les ouvertures et les fermetures du magasin, et que ses pauses méridiennes étaient courtes et souvent interrompues,

– une attestation de Mme [V] [E] [H] qui se présente comme ancienne salariée du magasin d'[Localité 5] et indique que M. [I] [N] faisait les ouvertures et les fermetures du magasin, et que ses pauses méridiennes étaient courtes et souvent interrompues; surtout depuis la suppression du poste d’adjoint en 2011,

– une attestation de M. [A] [Y] qui indique avoir travaillé en qualité d’intérimaire au magasin d'[Localité 5] d’octobre à décembre 2017 et avoir constaté que M. [I] [N] faisait des horaires de 8h15 à 18h45, assurant l’ouverture et la fermeture du magasin et que ses pauses déjeuner étaient souvent inférieures à une heure,

– une attestation de M. [G] [P] qui se présente comme intérimaire et indique avoir travaillé au magasin d'[Localité 5] comme intérimaire entre 2017 et 2018 puis en contrat de travail à durée indéterminée en 2019, et avoir constaté que M. [I] [N] faisait les ouvertures et les fermetures du magasin, soit une présence de 8h15 à 18h30, avec une pause déjeuner d’une durée maximale de une heure

– un document sollicitant un remboursement de frais de déplacement pour un passage au bureau de poste ou à la banque postale tous les jours ouvrés de novembre 2018 ( décompte daté de décembre 2018 )

– un échantillonnage de trois fois une trentaine de courriels présentés comme courriels du matin, courriels du midi et courriels du soir pour les années 2017 et 2018, avec des horaires d’envoi compris entre 8h13 et 9h33 pour les premiers, 12h19 et 14h37 pour les seconds, entre 17h17 et 18h27 pour les derniers, lesquels s’ils établissent une activité à l’horaire indiqué voire une amplitude horaire de travail, ne démontrent pas pour autant une durée effective de travail sur les journées concernées, la durée de la pause méridienne n’étant au surplus pas établie,

– des attestations de présence suite à l’ouverture du magasin les samedis 23 septembre 2017, 29 septembre 2018 et 6 octobre 2018,

– les justificatifs de déplacement pour une réunion à [Localité 10] en février 2014, soit hors période de demande de rappel de salaire,

– la demande de paiement d’heures supplémentaires par la personne ayant assuré son remplacement

La SAS Retif conteste le décompte présenté et soutient que les effectifs du magasin d'[Localité 5] étaient suffisants, les demandes en ce sens de M. [I] [N] ayant pour objectif de justifier ses mauvais résultats en terme de chiffre d’affaires, et que les tableaux présentés par M. [I] [N] sont de fait erronés car ils ne tiennent pas compte de son temps de congé formation pendant lequel son contrat était suspendu, de ses absences des 9 et 10 mai 2017, ni de ses repos des 15 décembre e2017 et 22 juin 2018 ou de son absence pour maladie des 25 et 26 septembre 2018.

Elle soutient qu’elle n’a jamais exigé de M. [I] [N] qu’il fasse l’ouverture et la fermeture du magasin.

Elle observe que les courriels produits n’attestent d’aucun horaire de travail, et que le décompte est totalement arbitraire, pour en déduire que la demande n’est pas étayée et doit être rejetée.

Il est constant que le contrat de travail conclu entre les parties était un contrat à temps plein.

L’article 44 de la convention collective indique que la durée du travail est conforme aux dispositions légales et réglementaires , que la durée maximale quotidienne de travail effectif est de 10 heures et que le temps de travail peut faire l’objet d’une répartition égalitaire ou inégalitaire sur la semaine, sur des périodes comprises entre 4 et 6 jours, sous réserve des dispositions relatives au lissage et à la modulation du temps de travail.

De fait, M. [I] [N] ne présente aucun décompte précis des heures dont il sollicite le paiement, procédant de manière globale, sans indication du nombre d’heures par période hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, ni d’horaires de travail ou de valeur horaire des heures dont il sollicite le paiement. Il chiffre ses heures supplémentaires à 12h30 par semaine, alors que dans son message à son directeur régional, en juillet 2018 à propos de son remplacement pendant sa semaine de congés payés, indique ‘Dois-je prévoir qu’il effectue ouverture/fermeture soit cinq heures supplémentaires”

La confrontation entre le décompte produit par M. [I] [N] et ses bulletins de salaire établit, outre les contradictions relevées par l’employeur :

– en janvier 2016 une absence pour congés payés : 5 jours, pour maladie : du 7 au 13 janvier et en congés formation pour 15 jours, alors que son décompte mentionne uniquement une absence pour congé formation,

– en juin 2016, 18 jours de congés formation, non mentionnés sur le décompte.

Par ailleurs, les témoignages produits, s’ils établissent de manière globale la présence de M. [I] [N] pour les ouvertures et fermetures de magasin, sont rédigés en termes très généraux et ne tiennent pas compte par exemple pour celui de Mme [V] [E] [H] de l’absence de M. [I] [N] pendant plusieurs mois en 2016 dans le cadre de son congé individuel de formation ou pour celui de M. [F] [W] des absences pour congés de l’appelant pendant la période où il travaillait notamment en qualité d’intérimaire.

De même l’attestation de l’agent de la Poste rédigée de manière générale ne tient pas compte de ces différentes absences et omet de préciser que sur certaines périodes M. [I] [N] ne se présentait pas au bureau de poste ‘ tous les jours’, qu’il s’agisse des semaines de congés ou des quatre mois de congé formation.

M. [I] [N] n’établit ni qu’il lui a été demandé par l’employeur d’assurer une présence dans le magasin pour l’intégralité de ses horaires d’ouverture, et d’être présent pour la fermeture, ni la réalité de sa présence sur l’intégralité des horaires d’ouverture du magasin.

Ainsi, force est de constater que la demande présentée par M. [I] [N] étant globalisée, il n’est pas possible en la confrontant aux éléments ainsi détaillés d’établir la réalité des heures dont il sollicite le paiement.

Il sera en conséquence débouté de cette demande.

* dommages et intérêts pour travail dissimulé

Sur l’existence d’un travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que si l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Pour allouer au salarié cette indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

L’élément moral de l’infraction peut résulter de ce que l’employeur n’a pu ignorer l’amplitude du travail des salariés en raison des moyens de contrôle du temps de travail existant dans l’entreprise.

Il n’est pas caractérisé en l’espèce une intention de se soustraire au paiement des heures supplémentaires dont le salarié n’a pas sollicité le paiement pendant l’exécution de son contrat de travail.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 16 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avignon sauf en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours de M. [I] [N] est parfaitement licite,

Et statuant à nouveau sur ce point,

Annule la convention de forfait jours prévue au contrat de travail de M. [I] [N],

Déboute M. [I] [N] de sa demande de paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

Juge n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [I] [N] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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