Skipper : 27 septembre 2012 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 06/05527

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Skipper : 27 septembre 2012 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 06/05527

27 septembre 2012
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
06/05527

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

6e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2012

N° 2012/738

Rôle N° 06/05527

[A] [M]

C/

[L] [G] [V] [W] épouse [M]

Grosse délivrée

le :

à :SCP MAGNAN

Me SARAGA BROSSAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 01 Février 2006 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 05/2096.

APPELANT

Monsieur [A] [M]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 4] (ITALIE) (99)

de nationalité Française,

demeurant Villa Lavigerie – [Adresse 12]

représenté par Me Joseph-paul MAGNAN, avocat postulant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Pascal KLEIN, avocat plaidant au barreau de NICE,

INTIMEE

Madame [L] [G] [V] [W] épouse [M]

née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 19]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat postulant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP PRIMOUT FAIVRE Avoués

assistée de Me Dorothée FEY, avocat plaidant au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Juillet 2012 en Chambre du Conseil. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Dominique KLOTZ, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Dominique KLOTZ, Conseiller

M. Jean-Jacques BAUDINO,

Madame Sylvie MOTTES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2012.

Signé par Madame Dominique KLOTZ, Conseiller et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 01/02/2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NICE sous le n°05/02096

Vu l’appel interjeté le 22/03/2006 par Mario RENUCCI

Vu les conclusions récapitulatives de l’appelant signifiées le 04/07/2012

Vu les conclusions récapitulatives de [L] [W] signifiées le 02/07/2012

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05/07/2012

EXPOSE DU LITIGE

[A] [M] (63 ans) et [L] [W] (67 ans) se sont mariés le [Date mariage 2]/1968 devant l’officier d’état civil de la ville d'[Localité 7], après avoir adopté le régime de la séparation des biens selon contrat reçu le 19/07/1968 par Maître [B], notaire à [Localité 11].

Cinq enfants, aujourd’hui majeurs et indépendants sont issus de cette union.

[L] [W] a présenté une requête en divorce le 22/02/2002. L’ordonnance de non conciliation a été rendue le 08/08/2002. Le magistrat conciliateur a attribué la jouissance de la résidence située [Adresse 5] à l’épouse, condamné [A] [M] à lui verser une pension alimentaire de 3 000 euros par mois au titre du devoir de secours entre époux et ordonné une enquête sur les ressources des parties.

[L] [W] a fait assigner son mari en divorce par acte du 02/02/2003 sur le fondement de l’article 242 du code civil.

Par ordonnance du 19/01/2004, le juge de la mise en état a porté le montant de la pension alimentaire à la somme de 4 000 euros par mois. Il a débouté Madame [W] de sa demande tendant à voir désigner un expert judiciaire. Par arrêt du 02/06/2005, la cour de ce siège a infirmé la décision sur le montant de la pension alimentaire qui a été maintenue à la somme de 3 000 euros par mois.

Le jugement entrepris prononce le divorce aux torts exclusifs du mari en retenant l’abandon du domicile conjugal au mois de juillet 1993 ainsi que l’adultère de [A] [M], et rejette la demande reconventionnelle de ce dernier fondée sur la jalousie de l’épouse. Le juge autorise celle-ci à faire usage du nom marital en l’accolant toutefois à son nom de jeune fille, au motif que [L] [W] est connue socialement et professionnellement depuis 37 ans sous le nom de [M]. Le premier juge estime que le droit à prestation compensatoire de l’épouse est acquis compte tenu de la durée du mariage, du temps passé à l’éducation des enfants, de la collaboration de l’épouse dans l’imprimerie La Toscane gérée par [A] [M], sans rémunération jusqu’en 1989, de la perte du train de vie de l’épouse, de l’opacité de la situation financière du mari et de l’inégalité des patrimoines. Il juge que cette prestation compensatoire d’un montant de 925 000 euros, sera constituée par l’abandon des droits du mari sur la propriété occupée par l’épouse, droits évalués à 575 000 euros, auxquels il faudra ajouter un capital de 350 000 euros versé par annuités de 70 000 euros. Le juge aux affaires familiales condamne enfin [A] [M] à payer à [L] [W] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil en réparation du préjudice moral subi « pour l’ensemble des vexations, pressions morales et psychologiques subies depuis la séparation de 1993 ».

[A] [M] a interjeté appel de cette décision le 22/03/2006.

Par arrêt avant dire droit du 20/11/2008, la cour a désigné Monsieur [I], expert,aux fins de se rendre sur les lieux des biens possédés par [A] [M] et d’en déterminer la valeur.

Le rapport de l’expert a été déposé le 16/04/2012.

Dans ses dernières écritures, [A] [M] demande à la cour de :

– prononcer le divorce aux torts partagés des époux et en reporter les effets à l’année 1993, date de cessation de leur cohabitation,

-modifier le montant de la pension alimentaire allouée à l’épouse pendant la procédure et le réduire à la somme de 300 euros par mois à compter du 01/01/2009, avec restitution du trop versé,

-déclarer irrecevable Madame [W] en sa demande d’attribution des droits immobiliers indivis au visa du décret du 04/01/1955 et, en tout état de cause, de la débouter de sa demande d’attribution de droits indivis au titre de la prestation compensatoire,

-débouter [L] [W] de sa demande de prestation compensatoire,

-dire n’y avoir lieu à dommages intérêts,

-ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties et désigner le président de la chambre des notaires pour liquider le régime matrimonial.

Il ne s’oppose plus à l’usage de son nom par son épouse et réclame 12 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle avoir rencontré son épouse, plus âgée que lui de 5 ans, à l’âge de 17 ans. Il expose avoir créé son entreprise en 1970, [L] [W] s’occupant de l’éducation des enfants, mais la mésentente se serait installée puis serait survenue une rupture des relations en 1988. Des difficultés seraient apparues dans l’entreprise et il n’aurait pas été soutenu par [L] [W]. Il lui reproche sa jalousie, le refus de relations intimes, l’incompréhension face aux difficultés financières. Lors d’une dernière crise en 1993, les parties auraient fait le constat d’une nécessaire séparation.

Selon lui, le départ du domicile conjugal ne peut être fautif puisque son épouse l’a accepté sans réagir jusqu’en 2002. Il précise avoir contribué à l’entretien de sa famille pendant toute cette période. Il estime révélateur que son épouse n’ait pas voulu vendre la propriété indivise qu’elle occupait, alors que celle-ci avait été mise en garantie du plan de redressement de l’entreprise avec obligation de la réaliser dans les cinq ans.

Selon lui, il n’y aurait aucune disparité au regard de l’âge des époux, de son départ en retraite en 2012, des vingt ans de vie commune.

[L] [W] a conclu pour la dernière fois le 02/07/2012, alors qu’elle n’avait plus déposé aucune écriture depuis 2008.

Relevant appel incident, elle demande à la cour :

-de fixer la date des effets du divorce entre les époux, à la date de l’assignation soit le 03/02/2003, en application de l’article 262-1 ancien du code civil

-de fixer sa pension alimentaire à la somme de 5 000 euros par mois avec indexation à compter du 01/01/2011,

-de condamner [A] [M] à lui verser une prestation compensatoire constituée d’une part de l’abandon des droits de ce dernier sur la propriété qu’elle occupe [Adresse 5], qu’elle évalue à 2 417 500 euros ( les parts et portions attribuées étant vierges de toute inscription au profit de tiers quels qu’ils soient) et d’autre part d’un capital de 925 000 euros,

-de condamner l’appelant à prendre en charge tous les droits et frais de versements et attributions réalisés au titre de la prestation compensatoire,

-de condamner son mari à lui verser 80 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil.

Elle conclut à la confirmation pour le surplus et réclame la condamnation de Monsieur [M] aux dépens ainsi qu’à la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

Elle reproche à son époux d’avoir violé son obligation de fidélité, avant et après la séparation, et de l’avoir abandonnée financièrement. Elle stigmatise la mauvaise foi de l’appelant, son caractère procédurier, son refus de lui régler les sommes auxquelles il a été condamné. Elle rappelle que le patrimoine immobilier de [A] [M] peut être évalué à la somme de 10,2 millions d’euros, que ses revenus mensuels sont considérables, alors qu’elle-même, qui a collaboré bénévolement à l’activité de son mari pendant plusieurs années, a été dans l’obligation de reprendre des études en 1993 et une activité professionnelle à l’âge de 52 ans. Depuis le 01/01/2011, elle serait placée en retraite, ce qui motive sa demande d’augmentation de la pension alimentaire. Elle estime détenir un patrimoine dix fois moins important que son mari et soutient que la disparité des patrimoines, des ressources et des conditions de vie des époux, s’est aggravée depuis la date du jugement soumis à la cour. Elle considère enfin que son préjudice a été sous évalué par le premier juge.

Le 09/07/2012 et le 17/09/2012, le conseil de l’intimée a fait parvenir à la cour deux notes comprenant des explications qui n’avaient pas été sollicitées. En application de l’article 445 du code de procédure civile, ces notes seront écartées, les débats étant clos.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée. Aucun élément n’est fourni à la cour, lui permettant de relever d’office la fin de non recevoir tirée de l’inobservation du délai de recours.

L’appel sera déclaré recevable.

Au fond

Il convient de rappeler à titre liminaire que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, entrée en vigueur le 01/01/2005, ne s’applique pas à l’espèce puisque l’assignation a été délivrée le 02/02/2003. Les demandes respectives doivent donc être jugées conformément à la loi ancienne.

Sur la pension alimentaire au titre du devoir de secours

Elle a été fixée à la somme de 3 000 euros par l’arrêt de la cour de ce siège en date du 02/06/2005. Par conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état du 21/10/2011, Monsieur [M] en a sollicité la diminution à compter du 01/01/2009, Madame [W] en a réclamé reconventionnellement l’augmentation à compter du 01/01/2011. L’incident a été joint au fond.

La modification du montant de la pension due au titre du devoir de secours entre époux ne peut intervenir que si la démonstration est faite d’un changement dans la situation des parties depuis la dernière décision qui en a fixé le montant.

Monsieur [M] prétend que ses difficultés financières sont devenues insurmontables. Il fait valoir une condamnation de sa société « Imprimerie LA TOSCANE », en date du 07/02/2011, à verser une somme de 409 362,47 euros à la société MANROLAND. Bien qu’ayant relevé appel du jugement du tribunal de commerce et sollicité l’arrêt de l’exécution provisoire, il estime que des aléas judiciaires subsistent. Il ajoute que l’EURL BATI’ R fait l’objet de poursuite de l’UCB et enfin que l’administration fiscale lui a délivré un avis à tiers détenteur le 12/08/2011 pour une somme de 933 080,94 euros. Ce faisant, étant rappelé qu’il a fait l’acquisition d’un bien immobilier en janvier 2011 et investi 500 000 euros dans cet achat, il ne justifie pas d’une diminution de ses revenus ni d’une augmentation de ses charges personnelles qui conduirait la cour à faire droit à sa demande. Celle-ci sera en conséquence rejetée.

[L] [W] fait pour sa part valoir sa mise à la retraite le 01/01/2011 et la perte de ressources en découlant. Les revenus de l’intéressée, alors infirmière libérale, retenus par la précédente décision étaient de 1 666 euros en moyenne, la pension servie à l’intimée est de 1 335,95 euros par mois. Il n’est pas établi que ses charges ont évolué. La pension alimentaire qu’elle doit percevoir reste suffisante pour lui permettre de les assumer.

La demande d’augmentation de la pension sera également rejetée.

Sur le divorce

L’article 242 ancien du code civil, applicable à l’espèce, dispose que le divorce peut être demandé par l’un des époux, pour des faits imputables à l’autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

[A] [M] qui sollicite le prononcé du divorce aux torts partagés des époux, en expliquant « qu’il y a une responsabilité conjointe des époux dans la dégradation de leur union, sans qu’il soit possible d’en faire grief exclusif à l’un ou à l’autre », reconnait par là même le bien fondé de la décision déférée en ce qui le concerne. Il est au demeurant établi qu’il a quitté le domicile conjugal et entretenu une liaison extra conjugale, ce qui constitue une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage.

Force est de constater d’autre part que les griefs qu’il fait valoir ne sont pas établis. En effet, l’appelant verse au soutien de sa demande une seule attestation en date du 30/07/2003, celle de Madame [E], sa secrétaire de l’époque, dont le premier juge a considéré qu’elle constituait un véritable réquisitoire contre l’épouse.

Madame [E] qualifie [L] [W] de femme jalouse, tandis que [A] [M] est décrit comme un homme acharné au travail, écrasé de fatigue, dépassé par les exigences et l’incompréhension des siens. Occupant le poste de secrétaire comptable, Madame [E] affirme n’avoir alors constaté aucun soutien et aucune compassion de la part de [L] [W] pendant les ennuis judiciaires de [A] [M]. Elle rapporte une discussion grave du couple, sans en préciser la teneur, l’arrivée au bureau du mari en possession de deux sacs de voyage, et prétend, sans toutefois l’avoir constaté elle-même, qu’il avait été mis à la porte de chez lui.

Si ce témoignage, émanant d’une salariée licenciée en 1994 à la suite du redressement judiciaire de la société LA TOSCANE, qui n’a donc plus aucun lien de subordination avec [A] [M], est parfaitement valable, il apparait cependant totalement partial et ne revêt en tout état de cause aucun caractère probant dans la mesure où, rapportant une impression purement personnelle, il n’est pas conforté par des attestations émanant de témoins plus proches de la vie familiale. Les attestations de Messieurs [P], [T] et [C], de Madame [F] et de Messieurs [N], [Z], [R] et [O] concernent en effet les qualités professionnelles et de père de l’appelant, ainsi que l’absence d’activité de l’épouse dans la société.

La décision entreprise qui prononce le divorce aux seuls torts de [A] [M] sera en conséquence confirmée.

Sur les dommages-intérêts

La demande est fondée sur l’article 266 du code civil qui dispose dans son ancienne rédaction que lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint.

Il est évident que la liaison de Monsieur [M] et son départ du domicile conjugal en 1993 après 25 ans de vie commune, ont causé à l’épouse un préjudice moral qui mérite indemnisation. Force est toutefois de constater que l’action en divorce n’a été introduite qu’en 2002, ce qui montre que Madame [W] a accepté une situation de fait qui lui était manifestement moins insupportable qu’elle le fait exposer. Il est d’autre part établi que la rupture l’a contrainte à entreprendre une formation professionnelle pour un métier d’infirmière qui ne pouvait lui procurer le même train de vie confortable dont elle bénéficiait jusqu’alors. Madame [W] a enfin été obligée de se défendre en justice et de mettre en place plusieurs procédures pour obtenir le paiement d’une pension que le mari s’est toujours refusé à honorer en totalité.

Compte tenu de ces éléments, la cour estime que la somme de 10 000 euros répare exactement le préjudice tant moral que matériel de l’épouse. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur le nom

Cette disposition du jugement entrepris n’est plus contestée par l’appelant.

Sur la date d’effet du divorce entre les époux

L’article 262-1 ancien du code civil prévoit que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l’assignation. Les époux peuvent demander s’il y a lieu, l’un ou l’autre, que l’effet du jugement soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Celui auquel incombent à titre principal les torts de la séparation ne peut toutefois obtenir ce report.

En l’espèce, le divorce des époux est prononcé aux torts exclusifs du mari dont la demande sera en conséquence rejetée. Le divorce prendra donc effet le 02/02/2003, date de l’assignation.

Sur la prestation compensatoire

La prestation compensatoire que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre, est destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties. Elle ne saurait cependant assurer une parité des fortunes en gommant les effets d’un régime matrimonial que les époux ont librement choisi.

Elle est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

Elle est versée en capital mais, à titre exceptionnel, le juge peut la fixer sous forme de rente viagère, si l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.

Pour en déterminer le montant, le juge prend en considération notamment :

-la durée du mariage,

-l’âge et l’état de santé des époux,

-leur qualification et leur situation professionnelles,

-les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la durée de la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière du conjoint au détriment de la sienne,

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu après la liquidation du régime matrimonial,

-leurs droits existants ou prévisibles,

-leur situation respective en matière de pension, de retraite.

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en raison du caractère général de l’appel, la cour doit se placer à la date du présent arrêt pour apprécier la situation des parties. Il est en effet de jurisprudence constante que le divorce n’acquiert force de chose jugée qu’à la date de l’arrêt confirmatif, la cour demeurant saisie de l’intégralité du litige jusqu’à cette date, nonobstant l’état des dernières conclusions (Cass.1ere civ. 05 mars 2008, Cass. 1ere civ. 06 octobre 2010).

[A] [M] est âgé de 63 ans, [L] [W] de 67 ans. Les époux ont adopté le régime de la séparation des biens. Lorsqu’ils se sont mariés, la femme, élève professeur, percevait un salaire supérieur à celui de son mari, typographe.

Leur vie commune a duré 25 ans, les époux sont séparés depuis 19 ans.

Il n’est pas contesté que [L] [W] s’est occupée des enfants pendant les premières années de vie commune, la première naissance étant intervenue le 16/01/1969 soit six mois après le mariage et la dernière le 18/12/1974. Elle prétend qu’entre 1977 et 1992, elle a travaillé comme secrétaire dans l’entreprise créée en 1969, qui avait une activité toujours croissante ; elle ajoute qu’elle a même effectué des travaux de façonnage et de photocomposition. Elle en rapporte la preuve en produisant de nombreuses attestations circonstanciées d’employés, de clients de l’imprimerie et d’amis. Elle a débuté son activité lorsque les derniers des enfants ont été scolarisés (en 1977 l’ainé était âgé de 8 ans et les derniers de 3 ans).

Les témoignages contraires versés aux débats par l’appelant ne sont pas probants puisqu’ils émanent de clients n’ayant à connaitre que du secteur commercial de l’imprimerie et qui ne pouvaient donc rencontrer Madame [W], ou d’associés comme Monsieur [N], dont l’impartialité peut être de ce fait mise en cause.

Il est constant que les époux avaient pendant la vie commune des revenus conséquents qui leur ont permis d’acquérir, un appartement à [Localité 11] en 1976, bien revendu en 1983, puis la villa Bonfils en 1978 ainsi qu’un bateau de collection de 33 mètres en 1982, avec skipper à plein temps. Monsieur [M] a créé l’EURL BATI’R en 1988, la SNC MEDIAPOLIS la même année et enfin la SARL EDITION TOSCANE en 1990.

Le 21/11/1990, l’EURL BATI’R a fait l’acquisition de ses locaux professionnels loués à l’imprimerie.

Le 01/09/1989, Madame [W] a été salariée de la société MEDIAPOLIS dans le seul but de souscrire un emprunt. Elle prétend que cet emprunt d’un montant de 1 800 000 francs, a servi à l’acquisition par le couple de terrains à [Localité 10] et d’un immeuble [Adresse 17] en 1990 et non pas, comme elle l’espérait, à l’entretien d’un bien qu’elle possédait en propre dans l'[Localité 8]. Elle a été licenciée de la société MEDIAPOLIS en 1993, la société ayant été mise en redressement judiciaire l’année suivante. Madame [W] a vendu son bien propre en 2000. Elle expose que la vente était rendue nécessaire par l’impossibilité de faire face aux importantes mensualités de l’emprunt.

Madame [W] a repris des études d’infirmière en 1993 au moment de la séparation, elle a obtenu son diplôme fin 1996, a d’abord été salariée puis a exercé à titre libéral à partir de novembre 2001.

[L] [W] est aujourd’hui retraitée, elle perçoit une pension mensuelle d’un montant de 1 335, 95 euros. Elle occupe seule le bien indivis situé [Adresse 5], la villa Bonfils acquise par les époux le 05/04 /1978, financée par les deniers du mari. Selon l’expert [I] qui l’avait évaluée en 2010 dans le cadre d’une procédure de licitation partage, cette villa vaut 4 835 000 euros. Madame [W] conteste cette valeur car elle ne tiendrait pas compte des travaux importants nécessités par le défaut d’entretien de la villa pendant trente ans. Il convient d’observer qu’elle a fait donation à ses enfants de la nue propriété de sa part, le 26/11/2010.

Exploitant en nom propre depuis 1970 de l’entreprise d’imprimerie LA TOSCANE, qui compte actuellement 14 salariés, [A] [M] est aussi gérant de l’EURL BATI’R, société unipersonnelle ayant une activité de marchand de biens qui possède les locaux commerciaux dans lesquels est exploitée l’imprimerie la TOSCANE. Au 04/04/2011, ces sociétés se trouvaient in bonis. Les procédures collectives ouvertes depuis plusieurs années ont été clôturées. Il vit avec [X] [H] et le fils de celle-ci, adopté au Vietnam en 2006. Par jugement du 31/03/2010, le tribunal de NICE a déclaré irrecevable sa propre demande d’adoption faute pour lui d’être marié avec Madame [H]. Il estime ses droits à la retraite à 2 000 euros par mois, sans toutefois en justifier.

Les revenus de Monsieur [M] ont toujours été difficiles à évaluer, l’intéressé ne communiquant pas spontanément les pièces en justifiant. Le magistrat conciliateur a du ainsi organiser une enquête, confiée à Monsieur [S] . L’enquêteur a constaté que ses revenus moyens s’élevaient à 18 510 euros par mois en 2002, qu’entre 1997 et 2000 les revenus déclarés au fisc n’avaient cessé de progresser pour atteindre cette année là une moyenne de 94 224 euros par mois. Constatant que de nombreuses dépenses personnelles étaient prises en charge par l’imprimerie, Monsieur [S] avait pu chiffrer certaines dépenses mensuelles fixes à la somme de 6 180 euros hors pension alimentaire de l’épouse.

Monsieur [M] ne communique aucune pièce sur ses revenus personnels actuels.

Sa compagne qui travaille à l’imprimerie, partage manifestement ses charges. Le couple occupe une villa située à [Adresse 12]. [A] [M] ne verse au dossier aucun document relatif à ses charges, mais il fait état de dettes considérables : il fait ainsi l’objet d’une condamnation à payer la somme de 217 216 euros à la société MANROLAND en vertu d’un arrêt de la cour de ce siège du 27/06/2012. Le 30 juin 2011 le Trésor lui réclamait la somme de 933 080 euros au titre des impôts sur le revenu, des taxes foncières et d’habitation ainsi que de la taxe professionnelle impayés depuis 2008.

S’agissant du patrimoine de [A] [M], il résulte de l’expertise réalisée par Monsieur [I], expert désigné par arrêt de la cour de ce siège en date du 20/11/2008, que l’appelant possède les biens suivants :

-par l’intermédiaire de l’EURL BATIR, les murs de l’imprimerie sise [Adresse 18], estimés à 2 000 000 euros,

-une villa, La Vigerie, sise [Adresse 12], acquise en 1998 estimée à 2 600 000 euros, dans laquelle il réside avec sa compagne,

-des terrains à [Localité 10] dont la valeur vénale est de 30 00 euros,

-un appartement [Adresse 16], acquis en 2002 par la SCI PISA dans laquelle il est associé (80%) avec Madame [H] (20%), estimé 1 690 000 euros ; le prêt consenti par BPE est partiellement impayé une mise en demeure de payer la somme de 208 912 euros a été délivrée le 07/06/2012,

-des terrains agricoles à [Localité 4] en Italie d’une valeur de 112 008 euros,

-un bien immobilier situé à [Localité 4], estimé à 147 500 euros.

L’évaluation de ces biens n’est pas contestée par l’appelant qui fait toutefois exposer que l’immeuble de la [Adresse 18] serait une « non valeur » puisqu’il doit la somme de 4 193 180,73 euros à l’UCB qui l’a assigné en liquidation judiciaire le 25/05/2011.

Il sera observé que la demande de l’UCB a été déclarée irrecevable par jugement du tribunal de commerce de NICE le 15/12/2011.

Madame [W] démontre que l’appelant a également fait l’acquisition le 16/05/2005 d’un bien immobilier avec un certain CHIUSOLE et le 05/01/2011, en dépit de ses « difficultés financières », d’une autre villa située [Adresse 15] pour le prix de 500 000 euros.

Monsieur [M] détient également les parts sociales majoritaires de la SCI TURBIE et de la SCI CONTEO.

Les procédures antérieures ont enfin révélé qu’il détenait des liquidités importantes (300 000 euros sur un compte bloqué au CIC en 2005)

Les importantes dettes dont se prévaut l’appelant (arriéré URSSAF 168 047,12 euros), arriéré RSI 60 663,18 euros, majorations de retard TVA 438 479 euros) reflètent en réalité des revenus proportionnels. Il dirige toujours l’imprimerie la Toscane, ainsi que l’EURL BATI’R marchand de biens.

De ces éléments il ressort que Madame [W] a travaillé sans être rémunérée pendant quinze ans dans l’imprimerie dirigée par son mari.. Il n’est en outre pas contesté que son absence d’activité pendant les premières années du mariage résulte d’un choix commun motivé par l’éducation des enfants. Ses droits à la retraite en sont diminués d’autant Il est encore établi que le couple avait un train de vie important dont l’épouse n’a plus bénéficié à partir de la séparation (il est démontré qu’entre 1991 et 1994 le mari versait mensuellement 40 000 francs à l’épouse pour assurer les dépenses du ménage.) Ce train de vie a été conservé par le mari qui a fait croitre son propre patrimoine. La situation actuelle des parties, révèle donc une disparité dans les conditions de vie respectives au détriment de Madame [W]. Le droit à prestation compensatoire est en conséquence acquis. La cour doit cependant tenir compte de ce que [L] [W] a été salariée de la société MEDIAPOLIS sans y avoir eu une réelle activité. Il est d’autre part incontestable que son mari a financé seul la villa BONFILS mais qu’il a pris soin de la titrer pour moitié. Madame [W] a enfin des récompenses à faire valoir dans la liquidation du régime matrimonial, puisqu’elle prétend avoir d’une part financé les terrains de la TURBIE, et d’autre part n’avoir pu bénéficier de sa part indivise dans un appartement vendu par le mari.

L’intimée ne peut cependant prétendre bénéficier de tous les fruits du travail de son mari étant rappelé que les époux sont séparés depuis 19 ans déjà.

Au vu de ces éléments, la cour infirmera le jugement entrepris sur le quantum de la prestation compensatoire qu’elle fixera à la somme de 550 000 euros en capital.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

[A] [M] succombe sur la presque totalité des demandes formées en appel. Les dépens, qui comprennent les frais d’expertise, resteront donc à sa charge.

L’équité commande en outre de le condamner à payer à [L] [W] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats non publics,

Déclare l’appel recevable,

Ecarte des débats les notes produites en délibéré par Madame [W],

Rejette les demandes de modification du montant de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours entre époux,

Confirme la décision entreprise sauf en ses dispositions relatives au quantum de la prestation compensatoire,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne [A] [M] à payer à [L] [W] la somme de 550 000 euros en capital à titre de prestation compensatoire,

Y ajoutant,

Rejette la demande de report des effets du divorce entre les époux,

Rappelle que le divorce prendra effet entre les époux au plan patrimonial, à la date de l’assignation soit le 02/02/2003,

Condamne [A] [M] aux entiers dépens d’appel,

Condamne [A] [M] à payer à [L] [W] la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

 


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