20 juin 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
14-80.543
N° R 16-82.165 F-D
N° M 14-80.543
N° 1400
CG10
20 JUIN 2018
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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M. Vladimir X…,
1°) contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 6 janvier 2014, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec libération volontaire avant le 7e jour accompli, infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande d’annulation de sa mise en examen ;
2°) contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 26 février 2016, qui, pour complicité d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec libération volontaire avant le 7e jour accompli, infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, l’a condamné à treize ans d’emprisonnement et à l’interdiction définitive du territoire français ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 9 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général SALOMON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, dirigé contre l’arrêt du 6 janvier 2014, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 224-1 du code pénal, préliminaire, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué (chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix en Provence du 6 janvier 2014) a rejeté la demande de nullité de la mise en examen de M. Vladimir X… ;
« aux motifs que, sur le mémoire de M. X…, sur l’absence affirmée d’indices sérieux et concordants permettant d’envisager la participation de M. X… à l’enlèvement, et à la séquestration de M. André Y… père ; que contrairement à ce qui est soutenu, des indices concordants rendent vraisemblable la participation du mis en examen, en qualité de complice, à l’infraction dont le juge d’instruction est saisi ; que ces indices sont les suivants ; qu’il convient de relever que partie des faits se seraient déroulés à […] sur le territoire national rendant compétente les juridictions françaises pour en connaître ; que M. André Y… fils mettait formellement en cause l’« organisation », dont M. X… était le chef, comme ayant recruté les quatre hommes pour enlever son père et faire pression sur lui pour qu’il rende la marchandise contenue dans le « SCUBA III » ; que ces faits sont par conséquent intimement liés aux faits relatifs aux stupéfiants ; que M. X… reconnaissait connaître M. André Y… fils, qu’il aurait rencontré en Espagne, début 2012, par l’intermédiaire d’un « Karim » ; qu’or ce prénom apparaît au moins à deux reprises : une première fois, lorsque M. André Y… fils affirme avoir rencontré « Karim » en août 2012 dans un appartement à Liège, en Belgique, dans lequel M. X… était également présent ; une seconde fois, lorsque Raida B… affirmait que lorsqu’il avait vu le « SCUBA III » dans le hangar, il avait téléphoné à un prénommé « D… » ; qu’au surplus M. Marc Z… et Gregorio A…, propriétaire du hangar où se trouvait le bateau, avaient communiqué avec le numéro de téléphone espagnol attribué à M. X…, même si ce dernier s’en défend, et conteste être titulaire de cette ligne ; que les autorités italiennes affirmaient que lors de son interpellation à Rome, le 26 avril 2013, M. X… avait un ordinateur portable dans lequel était retrouvé une documentation relative au Scuba III, et à son propriétaire M. Y… ;
« 1°) alors qu’en se fondant sur le prétendu déroulement des faits à […] pour justifier la mise en examen tandis que le lieu de commission de l’infraction ne peut être un indice à l’encontre du prévenu dont il n’est pas même établi qu’il y ait séjourné, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions susvisées ;
« 2°) alors qu’en se fondant sur la mise en cause par M. Y… fils d’une « organisation » prétendument dirigée par le prévenu quand ce témoignage subjectif et partial du fils de la victime ne pouvait justifier la mise en examen de M. X…, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;
« 3°) alors que ne constituent pas davantage des indices graves ou concordants ni le fait que le prévenu connaissait M. Y… fils par l’intermédiaire d’un dénommé Karim, dont le prénom apparaît à deux reprises, ni la présence de M. X… dans un appartement en Belgique ni la documentation trouvée dans l’ordinateur de M. X… concernant le Scuba III et son propriétaire ; qu’en retenant ces circonstances pour refuser d’annuler la mise en examen de M. X…, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés » ;
Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation de sa mise en examen présentée par M. X…, l’arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, la chambre de l’instruction, qui, après avoir analysé les éléments concrets du dossier, a souverainement apprécié l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de l’intéressé, en qualité d’auteur ou de complice, aux délits, relatifs à l’enlèvement et la séquestration de M. Y… père, pour lesquels il a été mis en examen, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, dirigé contre l’arrêt du 6 janvier 2014, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 113-2 du code pénal, préliminaire, 591, 593 et 689 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué (chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix en Provence, 6 janvier 2014) a rejeté la demande de nullité de la mise en examen de M. Vladimir X… ;
« aux motifs que, sur l’incompétence territoriale des juridictions françaises pour juger M. X… sur les faits d’importation, d’acquisition, de transport, offre et cession de résine de cannabis, et association de malfaiteurs, en vue de préparer ces infractions ; que le principe de territorialité permet d’appliquer la loi française, et donc de retenir la compétence des juridictions françaises, à des infractions, dont tous les éléments constitutifs auraient été commis à l’étranger, lorsque ces infractions présentent un lien d’indivisibilité avec une infraction commise en France ; qu’en l’espèce, le requérant est mis en examen pour avoir notamment à Port-Vendres, Perpignan, enlevé, détenu ou séquestré M. André Y… père, et dans les mêmes circonstances de lieu avoir participé à un groupement en vue de la préparation des faits d’enlèvement et de séquestration ; que ces faits commis en France apparaissent comme formant un tout indivisible avec ceux relatifs à un trafic de stupéfiants commis à l’étranger, par un ressortissant étranger, M. X…, puisque la raison de l’enlèvement et la séquestration était le détournement des stupéfiants se trouvant sur le « SCUBA III » ; qu’en conséquence la juridiction française est compétente pour connaître de ces infractions ; qu’au surplus, de manière factuelle, il convient de relever que les stupéfiants, qui selon M. André Y… fils, auraient été débarqués du bateau le « SCUBA III », qui se trouvait dans un hangar, près de la frontière française, et mis dans plusieurs véhicules, pour des destinations inconnues, sauf à considérer que ces stupéfiants sont restés en Espagne, ce qui paraît peu probable, compte tenu de la nationalité des commanditaires et de l’immatriculation en France et en Italie des véhicules qui auraient été utilisés, n’ont pu que transiter par la France, donnant ainsi compétence aux juridictions françaises ; qu’au surplus, si aucune drogue n’a été découverte dans le « SCUBA III », les douanes espagnoles de l’unité de Figueras, ont constaté dans le bateau, l’existence d’un double fond caché derrière les moteurs, sous la forme de trois tunnels dissimulés derrière un panneau (D3316) ;
« 1°) alors qu’il résulte de l’article 113-2 du code pénal que la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l’encontre d’une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l’un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République ; qu’il en est de même lorsque l’infraction est commise à l’étranger, dans le seul cas où il existe un lien d’indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu’ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres ; qu’en énoncant, pour retenir la compétence des juridictions françaises pour connaître des prétendues infractions à la législation sur les stupéfiants commises à l’étranger, que les faits d’enlèvement, de détention ou de séquestration commis en France « apparaissent comme formant un tout indivisible avec ceux relatifs à un trafic de stupéfiants commis à l’étranger, par un ressortissant étranger, M. X…, puisque la raison de l’enlèvement et la séquestration était le détournement des stupéfiants se trouvant sur le « SCUBA III » », sans préciser les éléments sur lesquels elle croyait pouvoir s’appuyer pour conclure à un tel lien entre les infractions, la chambre de l’instruction a méconnu les textes visés au moyen ;
« 2°) alors que, pour retenir la compétence des juridictions françaises pour connaître des infractions à la législation sur les stupéfiants, la chambre de l’instruction a retenu que « sauf à considérer que [l]es stupéfiants sont restés en Espagne, ce qui parait peu probable, compte tenu de la nationalité des commanditaires et de l’immatriculation en France et en Italie des véhicules qui auraient été utilisés, [les stupéfiants] n’ont pu que transiter par la France, donnant ainsi compétence aux juridictions françaises ; qu’en prononçant ainsi par des motifs insuffisants et hypothétiques qui n’établissent pas que les stupéfiants ont transité par la France, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;
« 3°) alors qu’en retenant, pour justifier la compétence des juridictions françaises, que les douanes espagnoles avaient constaté l’existence dans le bateau « d’un double fond caché derrière les moteurs, sous la forme de trois tunnels dissimulés derrière un panneau », la chambre de l’instruction s’est prononcée par un motif inopérant » ;