4 avril 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
19/05103
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 04 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05103 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIJL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/04996
APPELANTS :
Monsieur [I] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Laurence BREUKER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
SAS LE SORIECH immatriculée au RCS de MONTPELLIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Laurence BREUKER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMEES :
SARL PRODINOX
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Aurélia PUECH DAUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
SA AXA FRANCE IARD
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Aurélia PUECH DAUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
CPAM DE L’HERAULT
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno LEYGUE de la SCP CAUVIN, LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Eléonore TROUILLARD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Bruno LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 25 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
[I] [Y] a confié des travaux de réparation de son voilier à la société Prodinox, consistant en la reprise du balcon avant accidenté.
Le 1er avril 2014, alors que le bateau se trouvait en cale sèche sur la zone technique de [Localité 11], [I] [Y] est monté dessus au moyen d’une échelle et a chuté de plusieurs mètres en voulant prendre appui sur les filières de sécurité.
Pris en charge pour un polytraumatisme avec perte de connaissance, il a été diagnostiqué une fracture fermée de la base du crâne, une hémorragie intracérébrale avec localisations multiples, une fracture fermée d’une vertèbre lombaire et une luxation de l’épaule. Il est resté hospitalisé jusqu’au 18 avril 2014.
Le 9 juillet 2015, le tribunal judiciaire de Montpellier a ordonné une expertise médicale au contradictoire de la société Prodinox et de son assureur, la société Axa, confiée au docteur [H] [A], qui s’est adjoint un sapiteur ophtalmologue, le docteur [K], et un sapiteur neuropsychologue, le docteur [G]. Il a déposé son rapport définitif le 12 octobre 2016.
Le 22 septembre 2017, [I] [Y] et la société civile immobilière Le Soriech ont fait assigner la société Prodinox et son assureur, la société Axa, devant le tribunal judiciaire de Montpellier.
Le jugement rendu le 18 juin 2019 par le tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :
Rabat l’ordonnance de clôture en date du 26 mars 2019 et fixe la clôture au 2 avril 2019 ;
Déclare recevable l’action de la société Le Soriech ;
Déclare la société Prodinox responsable de l’accident subi par [I] [Y] le 1er avril 2014 sur son bateau à voile, à hauteur de 80 %, la faute de la victime ayant contribué à 20 % de son préjudice ;
Dit que le préjudice subi par [I] [Y] s’établit comme suit :
déficit fonctionnel temporaire : 10 000 euros,
souffrances endurées : 3 000 euros,
préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros,
préjudice esthétique permanent : 1 200 euros,
déficit fonctionnel permanent : 65 100 euros,
préjudice d’agrément : 2 000 euros,
tierce personne avant consolidation : 1 224 euros,
frais divers : 2 327,50 euros ;
Condamne en conséquence in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, à payer à [I] [Y] les sommes suivantes :
au titre du déficit fonctionnel temporaire : 8 000 euros,
au titre des souffrances endurées : 2 400 euros,
au titre du préjudice esthétique temporaire : 800 euros,
au titre du préjudice esthétique permanent : 960 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent : 52 080 euros,
au titre du préjudice d’agrément : 1 600 euros,
au titre de la tierce personne avant consolidation : 1 979,20 euros
au titre des frais divers : 1 861,64 euros ;
Déboute [I] [Y] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
Déboute la société Le Soriech de ses demandes de dommages-intérêts ;
Condamne in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, à payer à la CPAM de l’Hérault la somme de 12 197,64 euros au titre de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l’indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l’ordonnance du 24 janvier 1996, avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2017 ;
Condamne in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, à payer à [I] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, à payer à la CPAM de l’Hérault la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire et les dépens du référé.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Prodinox, les premiers juges ont retenu qu’elle était fautive au motif que la nature de sa prestation et le lieu de réalisation lui imposaient de veiller à la sécurité de son cocontractant pendant le temps de son intervention dans la mesure où les deux premières étapes des réparations nécessitaient de porter atteinte aux éléments de sécurité du bateau, en détachant notamment les filières de sécurité, et qu’elle n’avait pris à ce moment aucune mesure de sécurité pour empêcher [I] [Y] de monter sur son bateau ou l’informer du danger à le faire pendant la durée des réparations, alors que se trouvaient sur la zone technique des escaliers mobiles accessibles.
Les premiers juges ont toutefois retenu qu’il ressortait d’un courrier envoyé à la société Prodinox le 10 juin 2015, que [I] [Y] reconnaissait être monté à plusieurs reprises sur le bateau pour compléter et observer les réparations effectuées par la société Prodinox, que, de ce fait, il ne pouvait donc ignorer au jour de l’accident que les réparations n’étaient pas achevées alors qu’il avait connaissance, puisqu’il avait été destinataire des devis et factures, que les travaux sur son bateau touchaient les éléments de sécurité puisque la remise en état du balcon nécessitait que les filières soient détachées.
Ainsi, s’il pouvait pénétrer sur son bateau pendant les réparations en l’absence d’interdiction imposée par la société Prodinox, il lui appartenait d’être prudent et de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre sécurité.
Les premiers juges ont ainsi considéré qu’en montant à bord de son bateau, [I] [Y] avait commis une faute qui avait contribué à son dommage, qui ne présentait toutefois pas les caractères de la force majeure et n’était donc pas de nature à exonérer totalement la société Prodinox de sa responsabilité, en ce que notamment, le fait qu’un usager emprunte l’un des escaliers mobiles présents sur le site et notamment le propriétaire du bateau en réparation, n’était pas imprévisible pour un professionnel travaillant habituellement sur cette zone technique.
En conséquence, le tribunal a considéré qu’au regard de ces éléments, la faute de [I] [Y] avait contribué à son dommage à hauteur de 20 %, ce qui exonérait donc la société Prodinox de sa responsabilité dans cette proportion.
Le tribunal a en conséquence liquidé les préjudices de [I] [Y] en considération des conclusions de l’expert judiciaire, des pièces versées au débat et de la jurisprudence habituelle.
Sur les prétentions indemnitaires formées par la société Le Soriech et au visa de l’article 1240 du code civil, c’est-à-dire sur la responsabilité extracontractuelle, les premiers juges ont relevé qu’aucun élément versé par [I] [Y] ne permettait de dater l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Rolland Beaux-Arts, cocontractant de la société Le Soriech, de sorte que le préjudice qui résultait de l’incapacité pour [I] [Y] de procéder à la résiliation du bail avant que celle-ci ne soit placée sous procédure collective n’était pas démontré avec certitude. De plus, les premiers juges ont retenu que si [I] [Y] était indisponible en raison de l’accident pour gérer les affaires de la société Le Soriech, [J] [Y], cogérant, avait le pouvoir de procéder lui-même à ces actes.
Le tribunal en a conclu que ni le préjudice de la société Le Soriech, ni le lien de causalité entre ce préjudice et la faute de la société Prodinox n’étaient prouvés pour rejeter ses prétentions indemnitaires.
Enfin, le tribunal a condamné la société Prodinox à indemniser la CPAM de l’Hérault à hauteur de 80 % de ses débours.
[I] [Y] et la société Le Soriech ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 18 juillet 2019.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 25 janvier 2023.
Les dernières écritures pour [I] [Y] et la société Le Soriech ont été déposées le 9 décembre 2022.
Les dernières écritures pour la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, ont été déposées le 9 juin 2022.
Les dernières écritures pour la CPAM de l’Hérault ont été déposées le 25 août 2021.
Le dispositif des écritures pour [I] [Y] et la société Le Soriech énonce, en ses seules prétentions :
Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 18 juin 2019 concernant l’indemnisation des souffrances endurées, de l’aide humaine avant consolidation, du préjudice d’agrément et du préjudice professionnel après consolidation, compris comme une incidence professionnelle ;
En conséquence,
Fixer comme suit l’indemnisation de [I] [Y] :
souffrances endurées : 6 000 euros,
tierce personne temporaire : 2 664 euros,
préjudice d’agrément : 15 000 euros,
incidence professionnelle : 30 000 euros ;
Condamner in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa, à indemniser les préjudices subis par [I] [Y] dans la limite de responsabilité reconnue par le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 18 juin 2019 ;
Statuer ce que de droit sur la créance de la CPAM ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a reconnu que la société Le Soriech était recevable à agir contre la société Prodinox sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
Réformer le jugement en ce qu’il a débouté sur le fond la société Le Soriech de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamner la société Prodinox au titre de sa responsabilité délictuelle pour le préjudice subi par la Société Le Soriech du fait de l’indisponibilité de son gérant, [I] [Y] ;
A titre principal,
Condamner in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa, à indemniser l’intégralité du préjudice financier subi par la société Le Soriech, préjudice constitué par le restant dû sur les loyers impayés d’un montant de 40 348,39 euros et le manque à gagner lié à l’indisponibilité du local pour un montant de 97 944 euros, soit la somme totale de 138 292,39 euros ;
A titre subsidiaire,
Condamner in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa, à indemniser le préjudice financier subi par la société Le Soriech, constitué par la dette locative non recouvrée, à hauteur d’une perte de chance de 90 %, soit à une somme de 36 313,55 euros ;
Condamner in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa, indemniser le préjudice financier subi par la société Le Soriech au titre de l’indisponibilité du local soumis à bail à hauteur d’une perte de chance de 95 %, soit à une somme de 93 046,80 euros ;
En tout état de cause,
Condamner in solidum la société Prodinox et son assureur, la société Axa, au versement d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner solidairement aux entiers dépens.
Sur l’indemnisation des préjudices de [I] [Y] et sur les souffrances endurées, celui-ci estime que l’expert judiciaire a sous-évalué ce poste de préjudice en proposant un taux de 2,5/7. Il lui fait reproche de ne pas avoir apporté de réponse motivée à son dire et qu’il s’est contenté de se référer au barème de la société de médecine légale et de criminologie, sans préciser les modalités d’application de ce barème au cas d’espèce, que le tribunal a omis de prendre en compte.
Selon lui, le taux qui doit être retenu ne peut être inférieur à 4/7, correspondant à « plusieurs interventions chirurgicales, immobilisation traînante (par extension continue, par fixateurs externes) ou intervention sur plusieurs segments de membres en plusieurs temps ; hospitalisation d’un ou deux mois, incapacité temporaire de six mois ou davantage. ».
Il produit au soutien le rapport d’assistance à expertise du docteur [C], son médecin conseil, lui-même expert judiciaire reconnu, qui fixe quant à lui les souffrances endurées à 4/7, pour demander la somme de 6 000 euros.
Sur le préjudice d’agrément, [I] [Y] indique qu’avant l’accident, résident sur la commune de [Localité 10], il pratiquait plusieurs activités sportives : le golf, l’aviron, la natation ou encore la voile, dont il entend justifier en versant plusieurs pièces à l’appui.
[I] [Y] soutient que, par erreur, l’expert judiciaire ne caractérise pas ce poste de préjudice dans son tableau final mais que le préjudice d’agrément est bien retenu dans le corps de ses conclusions. Il se fonde également sur le rapport d’assistance à expertise du docteur [C], qui retient expressément un préjudice d’agrément et relève qu’avant son accident, il pratiquait plusieurs activités sportives qui sollicitaient l’épaule droite, sans être limité.
Il demande à ce que soit tout particulièrement pris en compte que la pratique de la voile ne lui est plus possible, notamment parce qu’elle n’est pas compatible avec les limitations fonctionnelles sur le plan orthopédique, la perte visuelle et les troubles cognitifs qu’il présente.
Il demande en conséquence que son préjudice d’agrément soit fixé à la somme de 15 000 euros.
Sur la tierce personne avant consolidation, il estime que le tribunal, suivant l’évaluation retenue par 1’expert judiciaire, n’a pas correctement tenu compte de ses besoins en aide humaine.
Il se réfère à nouveau au rapport d’assistance à expertise du docteur [C], son médecin-conseil, et soutient qu’il est légitime de reconnaître une assistance par tierce personne de deux heures par semaine, du 19 avril 2014 au 14 juin 2014, puis de trois heures par semaine jusqu’au 15 septembre 2014, soit la somme totale de 2 664 euros.
Sur l’incidence professionnelle, reprenant les conclusions du rapport du docteur [C], [I] [Y] avance que ses altérations cognitives caractérisées par le bilan neuropsychologique ont nécessairement une incidence sur ses capacités de gestion et de direction de la société Le Soriech, soulignant qu’il gérait en direct la location des biens immobiliers, sans passer par un mandataire, soit plus de 6 000 mètres carrés de locaux commerciaux et de bureaux, deux salariés à temps complet et deux salariés à temps partiel.
Il demande en conséquence, en considération de son déficit fonctionnel permanent, de 42 %, et sur la base d’un SMIC sur cinq années, la somme totale de 30 000 euros.
Sur l’indemnisation de la société Le Soriech, il entend rappeler que l’expert judiciaire a pu retenir dans le corps de son rapport, au point 3.2 « descriptions des conséquences professionnelles ou secondaires temporaires », que [I] [Y] avait été gêné temporairement dans la gestion de la société.
Il estime pour l’essentiel que s’il n’avait pas été rendu indisponible du fait de l’accident, il aurait pu mettre en ‘uvre la procédure de résiliation et d’expulsion de la société Rolland Beaux Arts dès le mois d’avril 2014, soit bien avant l’état de cessation de paiement et le jugement de redressement judiciaire du 5 novembre 2014, et ainsi éviter que la dette locative ne s’aggrave et donc compromette d’autant plus son remboursement.
En l’état de la liquidation judiciaire de la société Rolland Beaux Arts, la société Le Soriech considère que le recouvrement de sa créance est impossible et, qu’en conséquence, le préjudice financier existe de façon certaine, d’autant que les locaux donnés à bail ont été indisponibles le temps de la procédure collective, soulignant que la période d’observation avait duré une année.
En réponse aux motifs des premiers juges, la société Le Soriech avance qu’au moment de l’accident, [I] [Y] était le seul membre de la société à avoir le pouvoir et les compétences de prendre les décisions concernant la gestion des baux et que l’autre co-gérant, [J] [Y], ne bénéficiait pas de la même compétence dans la gestion de la société et ne pouvait donc pas en conséquence donner d’ordres.
Le dispositif des écritures pour la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, énonce, en ses seules prétentions :
Débouter [I] [Y] et la société Le Soriech de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que [I] [Y] était responsable de son préjudice à hauteur de 20 % ;
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
fixé le préjudice de souffrances endurées à la somme de 3000 euros, soit 2400 euros à la charge des concluantes,
fixé le préjudice d’agrément à la somme de 2 000 euros, 1 600 euros à la charge des concluantes,
fixé l’indemnisation au titre de la tierce personne à la somme de 1 224 euros, soit 979.20 euros à la charge des concluantes,
débouté [I] [Y] de ses prétentions au titre du préjudice professionnel de pénibilité,
débouté la société Le Soriech au titre du préjudice économique,
débouté [I] [Y] du surplus de ses demandes indemnitaires,
débouté la société Le Soriech de ses demandes de dommages et intérêts ;
Condamner in solidum [I] [Y] et la société Le Soriech à verser aux concluantes la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Sur les souffrances endurées, la société Prodinox et son assureur entendent souligner que l’expert judiciaire, à l’appui de l’étude réalisée par le sapiteur neuropsychologue, a évalué ce poste à 2,5/7 après de longs développements, répondant minutieusement aux observations de [I] [Y] quant au chiffrage des souffrances endurées, en référence au barème de la société de médecine légale et de criminologie de France.
S’agissant du rapport du docteur [C], certes expert, la société Prodinox et son assureur entendent également souligner que celui-ci est intervenu non contradictoirement, à la seule demande de [I] [Y].
Ils demandent en conséquence la confirmation du jugement entrepris sur ce poste.
Sur le préjudice d’agrément, les intimés indiquent que l’expert judiciaire n’en a pas retenu, qu’il ne s’agit pas d’une omission mais de la constatation de l’inexistence de ce préjudice puisque celui-ci a indiqué que la pathologie du poignet n’était pas imputable de façon directe et certaine à l’accident, s’agissant de l’activité de skipper, après avoir relevé qu’il avait vendu son bateau, qu’il n’existait pas de contre-indication à la pratique de la voile mais seulement une gêne.
Ils demandent également la confirmation du jugement de ce chef.
Sur la tierce personne avant consolidation, la société Prodinox et son assureur demandent la confirmation du jugement dont appel en considération de ce que [I] [Y] se fonde uniquement sur les conclusions du rapport de son médecin, le docteur [C], qui n’a pas poursuivi sa mission au contradictoire des parties.
Sur l’incidence professionnelle et de la même façon, la société Prodinox et son assureur entendent souligner que l’expert judiciaire n’a retenu aucune incidence professionnelle, qu’il ne s’agit pas d’une omission mais du constat de l’inexistence de ce poste dès lors que [I] [Y] est retraité et qu’il n’est pas anormal de ressentir une pénibilité au travail intellectuel compte tenu de son âge.
Sur les prétentions indemnitaires formées par la société Le Soriech, en lecture des pièces versées au débat, les intimés soulignent qu’elle savait depuis au moins le 25 novembre 2013, soit cinq mois avant l’accident, que la société Rolland Beaux Arts connaissait des difficultés financières et que rien ne démontre qu’elle a cessé de régler les loyers postérieurement à l’accident de [I] [Y] et qu’il aurait été plus à même que [J] [Y] d’assigner la locataire en résiliation de bail dès lors qu’il est établi qu’ils étaient tous deux co-gérants depuis le 5 décembre 2012, soit deux ans avant l’accident. Ils estiment en conséquence que le préjudice économique est inexistant et que les nouvelles pièces produites en cause d’appel ne rapportent toujours pas l’existence d’un tel préjudice, également d’une quelconque perte de chance.
Le dispositif des écritures pour la CPAM de l’Hérault énonce, en ses seules prétentions, les « donner acte » ou « dire que » n’étant pas des prétentions au sens de l’article 954 du code de procédure civile :
Autoriser la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault à prélever le montant de son recours, et ce poste par poste, tel qu’arrêté à la somme 15 247,05 euros ;
Allouer à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La CPAM de l’Hérault fait état de l’avance de prestations qu’elle a été amenée à faire du fait de l’accident dont a été victime [I] [Y], pour la somme totale de 15 247,05 euros, et demande à être autorisée à prélever le montant de son recours, poste par poste.
MOTIFS
1. Sur l’indemnisation des préjudices de [I] [Y]
Il est rappelé que l’expertise judiciaire est soumise au principe de la contradiction, aussi bien pendant son déroulement qu’au stade de la discussion de ses résultats, ceci afin que chaque partie soit en capacité, non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge du fond en vue d’influencer sa décision, précision apportée que celui-ci apprécie souverainement l’objectivité du rapport de l’expert ainsi que sa valeur probante et sa portée.
La cour relève en l’espèce et à titre liminaire que le conseil de [I] [Y], le docteur [L] [C], a pu produire des dires au cours des opérations d’expertise judiciaire, auxquels le docteur [H] [A] a apporté des réponses motivées, et que la façon dont il a poursuivi sa mission n’a fait l’objet d’aucune contestation devant le juge du contrôle des expertises.
Il est également rappelé que l’appel n’est pas général, ni l’effet dévolutif absolu, et tend non pas à une seconde instance mais à la critique argumentée en fait et en droit des motifs retenus par les premiers juges
S’agissant des souffrances endurées, la cour relève du rapport de l’expert judiciaire, assisté du sapiteur neuropsychologue, qu’il a minutieusement répondu aux observations de [I] [Y], assisté de son conseil, et que c’est en considération des éléments portés à sa connaissance, en référence au barème de médecine légale et de criminologie, qu’il a objectivement évalué les souffrances endurées à 2,5/7, ce que le tribunal a retenu.
En considération de ce qu’il n’est apporté aucune critique utile aux motifs des premiers juges, qui ont écarté le taux de 4/7 sollicité par [I] [Y], le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 2 400 euros.
S’agissant du préjudice d’agrément, [I] [Y] entend rappeler que le préjudice d’agrément se comprend de l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, ou de la limitation de la pratique antérieure.
Or, reprenant les termes du rapport de l’expert judiciaire, qui ne retenait aucun préjudice d’agrément, les premiers juges ont néanmoins relevé non pas une impossibilité mais une gêne dans la pratique de certaines activités de loisirs, et qu’il ressortait des réponses aux dires à expert que la pathologie du poignet dont [I] [Y] faisait état n’était pas imputable de façon directe et certaine à l’accident du 1er avril 2014, pour lui attribuer la somme de 1 600 euros.
En considération des éléments versés au débat et de ce qu’il n’est démontré aucune impossibilité mais seulement une limitation dans la pratique de certains sports ou loisirs, qui a été justement indemnisée par les premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
S’agissant de la tierce personne avant consolidation, la cour constate que les premiers juges ont déjà répondu aux moyens soutenus par [I] [Y], du nombre de jours à retenir et du nombre d’heures d’aide humaine quotidienne, et qu’il n’est pas apporté de critique utile aux motifs retenus par les premiers juges, l’argumentation se limitant une nouvelle fois au renvoi au rapport du docteur [L] [C], de sorte que le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.
S’agissant du préjudice professionnel après consolidation, la cour constate qu’il n’est apporté aucune critique utile aux motifs des premiers juges qui ont retenu que l’activité de gérant d’une société civile immobilière n’était pas assimilable à une activité commerciale ou professionnelle et que si [I] [Y] en tirait des revenus, ils ne dépendaient pas en soi de son activité de gérant mais de la location ou non des biens immeubles, propriété de la société civile, peu important le niveau du chiffre d’affaires tiré de cette activité.
En outre, [I] [Y] échoue à démontrer qu’il éprouve une pénibilité accrue à la poursuite de cette activité qui soit en lien direct avec l’accident du 1er avril 2014, le seul fait d’affirmer qu’elle résulterait de l’altération des facultés cognitives consécutives à l’accident et non de son âge étant insuffisant à en faire la démonstration, étant souligné que les conclusions de l’expert judiciaire, qui n’a pas retenu d’incidence professionnelle, ne sont pas utilement critiquées.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté [I] [Y] de ce chef.
2. Sur la demande d’indemnisation de la société Le Soriech
La société Le Soriech fonde sa demande sur l’article 1240 du code civil.
Il lui appartient donc de démontrer une faute de la société Prodinox, un préjudice distinct de celui de [I] [Y] et un lien de causalité entre la faute et le préjudice, le fait générateur de responsabilité devant être la cause du dommage.
Ce lien de causalité doit être prouvé par la société Le Soriech.
Pour ce faire, elle soutient qu’au moment de l’accident, [I] [Y] était le seul membre de la société qui détenait le pouvoir et les compétences de prendre les décisions concernant la gestion des baux, notamment pour engager la procédure de résiliation d’un bail.
Or, comme l’ont justement retenu les premiers juges, outre le fait que [J] [Y] était co-gérant au moment de l’accident et qu’il avait ainsi, en cette qualité, le pouvoir d’engager la procédure de résiliation d’un bail, il n’est nullement démontré qu’il n’en avait pas les compétences, étant rappelé que la mise en ‘uvre d’une telle procédure exige que le bailleur ait préalablement notifié au preneur un commandement, ce qui se fait obligatoirement par acte d’huissier, et relevé que la société Le Soriech et [I] [Y] justifient de ce qu’ils disposaient à ce moment des conseils d’un cabinet d’expertise comptable et d’un avocat, de sorte qu’elle échoue à justifier que l’indisponibilité de [I] [Y] l’aurait conduite de façon certaine à connaître le préjudice financier allégué.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de la société Le Soriech.
3. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
[I] [Y] et la société Le Soriech seront condamnés solidairement aux dépens de l’appel.
[I] [Y] et la société Le Soriech, qui échouent en leur appel, en toutes leurs prétentions, seront en outre condamnés solidairement à payer à la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, la somme de 3 000 euros, et à la CPAM de l’Hérault la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 18 juin 2019 par le tribunal judiciaire de Montpellier ;
CONDAMNE solidairement [I] [Y] et la société Le Soriech à payer à la société Prodinox et son assureur, la société Axa France Iard, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;
CONDAMNE solidairement [I] [Y] et la société Le Soriech à payer à la CPAM de l’Hérault la somme de 800 euros sur le même fondement ;
CONDAMNE solidairement [I] [Y] et la société Le Soriech aux dépens de l’appel.
Le Greffier Le Président